Dépêche-toi lentement

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie

J’ai dit que mon blog c’était l’écriture de l’inhibition et, à considérer tout ce qui est publié ici, on voit combien, à trouver son support, cette inhibition peut être « productrice » (dis-je sans bien sûr juger de la qualité).

Rien, je pense, de ce qui n’est écrit ici, ne l’aurait été s’il n’y avait eu le blog.

Le blog a rendu possible une écriture qui ne l’aurait jamais été autrement.

J’ai souligné qu’il s’agissait avec le blog d’autopublication. Cet « auto » devant largement indiquer pour moi qu’il ne pourrait d’abord s’y agir… excusez-moi du peu, que de jouissance, laquelle n’est d’abord qu’auto, solitaire, autiste, si l’on en suit Lacan ou Miller (et j’en suis).

« Auto » impliquant également qu’elle n’avait trouvé d’Autre qui la sanctionne. Et que de cette sanction elle se passait. Un certain ton, un petit air de honte, laissant à entendre que cette sanction, qui paradoxalement autorise, manque. Cette sanction manquante étant presque ce qui oblige à donner son tour de jouissance à cette écriture. Quand l’Autre ne sanctionne pas, c’est a priori que c’est « interdit ». D’emblée le blog se présente, ou peut se présenter, à celui qui en emprunte le mode, comme suspect. En quoi, il est un apprentissage de la liberté.

Que le blog se soit passé de l’Autre pour démarrer ne veut pas dire qu’il veuille continuer de s’en passer. Mais, pour peu qu’on s’y laisse prendre, cette liberté  peut enivrer et sa possible perte n’apparaît pas forcément des plus désirables.

Pourtant, à chaque publication, c’est : « –  Est-ce que ça, ça va ? – Est-ce que ça, ça ne serait pas bien ? » D’où l’urgence, et souvent, le trop vite, le beaucoup trop vite publié. La trop grande hâte. Celle aussi des enfants inquiets qui font des choses dont ils ne sont pas sûrs qu’elles soient permises. Position désagréablement enfantine.

Bien sûr, je parle pour moi.

Le blog est interdit et transgression de cet interdit. Parce qu’il ne s’autorise que de lui-même.

Par ailleurs, s’il est publié trop et trop vite, dans une urgence perpétuelle, le blog permet à son auteur de revenir en arrière. Et cela, je ne me suis pas privée de le faire. Rien de ce qui n’est publié ici n’est finalement sorti de l’état de brouillon. L’objet est toujours mouvant. C’est un work in progress permanent et ce qui est marrant, c’est que ça progresse.

Ça progresse extrêmement lentement. Et le blog permet cette lenteur. Le blog qui ne juge pas, qui publie tout, n’oublie rien. Et je peux aujourd’hui m’acharner encore à donner un tour plus plus lisible à des notes prises en 2006, comme j’ai pu le faire récemment, comme j’ai dû le faire récemment parce qu’il y avait des choses qui n’étaient pas passées et qui insistaient.

C’est en quoi je dis qu’il s’agit d’inhibition. C’est que, dans ce qui est publié ici, j’ai toujours été au plus loin de ce qu’il m’était possible d’écrire. Il m’est si difficile d’écrire que cela a toujours été un arrachement, que cela aurait toujours dû être mieux, mais que cela ne l’aurait jamais pu, parce que je n’aurais pas pu. J’ai eu tendance à m’extasier de la moindre crotte. Mieux était possible, mais moi je ne pouvais pas. Je n’ai donc publié que des choses très imparfaites, auxquelles je me suis trop attachée de ce que leur seule existence, leur seule venue au monde devait me paraître, dirais-je, aujourd’hui que je m’en aperçois, « miraculeuse ».

Aussi, m’arrive-t-il régulièrement de reprendre de vieilles choses et de les traiter avec moins de respect et de précaution qu’au moment de leur apparition et, me semble-t-il,  d’enfin en tirer quelque chose.

Cela le blog le permet. Il y a dans le blog un Dépêche-toi lentement.

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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