[e t Frédéric Lordon1 de sous-titrer son exposé : »Analytique du dégrisement » — Or ça, je ne lui trouve rien de dégrisant à son analyse : que du contraire : pour ma part ça m’a bien COMPLÈTEMENT grisée…]
j’ai trouvé là, http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-revolution-n-est-pas-un-pique-153918 , le texte complet.
Notes :
penser la révolution sans se raconter des histoires, partir d’une étroite ligne de crête, la ligne du réalisme anthropologique :
« prendre les hommes tels qu’ils sont et non tels qu’on voudrait qu’il fussent »
(spinoza)
toute présupposition en excès de cet énoncé prend les risques du désastre, notamment présupposition de vertu ou d’altruisme
depuis cette ligne de crête ⇒ esquisser un chantier problématique, signaler là où il y a des problèmes, méditer les enseignements de l’histoire, la longue série des désastres révolutionnaires
– URSS, bilan fait et bien fait (même par anticipation, proudhon, bakounine)
– révolution chinoise, révolution culturelle / excellence des intentions de départ / profonde méditation de la révolution soviétique / abomination du résultat
« Dans la mesure où les Hommes sont sujets aux passions, on ne peut pas dire qu’ils conviennent en nature »
Ethique 4, prop. 32
l’homme est un être de désir et de passion / conséquence : dans la mesure où ils sont sujets aux passions, on ne peut pas dire qu’ils « conviennent en nature »
1 => s’il est « impossible de convenir et s’accorder en tout en nature », ça ne veut pas dire qu’on ne peut s’accorder en rien
2 => on ne lutte contre les disconvenances passionnelles qu’avec des moyens passionnels mais d’un certain type, qu’on appelle des institutions, ça couvre gamme d’objets sociaux extrêmement large : de l’état aux mœurs, en passant par habitudes et coutumes
3 => violence est l’horizon de possibilité permanente de toute collectivité humaine
le déni de la violence est le point de faiblesse insigne de la pensée anarchiste
ce déni résulte d’une logique inversée :
comme on perçoit que l’État pour le meilleur et pour le pire est l’un des seuls remparts contre la violence de tous, mais qu’on ne veut pas de l’État par a priori, on va poser qu’on n’a pas de problème de violence, ou, plus subtil, on va poser qu’il n’y a de violence que produite par l’état
on m’objectera : il y a des communautés qui se passent très bien de police
or, voulons-nous tous vivre dans des communautés?
dans une communauté, la répression de la violence procède du doublet :
contrôle social de proximité / opprobre.
sous d’autres morphologies sociales, la ville (anonymat), la régulation de la violence est forcément autre, elle est probablement dans le doublet loi / police
la flicaille intimement partie liée avec la ville
que l’état soit un concentré de violence, nul doute
même capable d’une ultra violence quasi hystérisée (traitement des détenus hautement politiques, AD, RAF)
pourtant : pas d’extérieur à l’économie générale de la violence
il reste une violence inéliminable contre laquelle on lutte par une violence contraire mais institutionnalisée
réarmement de l’état, armée qui va mettre un terme au chaos
point aveugle du marxisme léninisme
pas de fin à la conflictualité intrinsèque du social
que faire de l’État dans un processus révolutionnaire quand c’est en puissance la pire des saloperies
il n’y a pas de régulation de la violence à l’échelle macroscopique
il faut commencer par se donner un concept tout à fait général de l’État ; ce que le mouvement zappatiste a expérimenté dans les chiapas : pourrait bien être un État
renverser l’ordre capitaliste pas pic nique / caractère de guerre civile
le Capital opposera l’intensité de résistance qu’on réserve aux enjeux vitaux
Capital, puissance macroscopique / ne peut être défait que par puissance opposée du même ordre de grandeur, comme celle de l’État
même la puissance de la multitude devrait s’organiser en armée
et l’armée c’est tout ce qu’on veut sauf l’horizontalité
concept d’État : il faut penser la diversité de ses formes, l’assumer, penser sa diversité, faire face à sa nécessité pour la rendre la moins pénible possible
rien n’est possible dans les structures de l’état bourgeois, il faut le fuir ou le détruire
mais ce qui émergera aura encore caractère d’un État
il y a la solution de l’EXIT (Irchmann)
on se taille, on va vivre ailleurs
mais comment parvenir à défection généralisée
il existe bien des isolats de défection
mais comment leur faire faire tache d’huile
convaincre les gens de la défection, c’est les prendre par le désir
où en est le désir des gens ?
prendre le grand nombre par le désir
c’est refaire un régime de désir autre
et plus fort que celui du capitalisme
il faut mesurer exactement la puissance de régime du désir capitaliste. d’autant plus grande quand il nous prend en tant que consommateurs / par les objets, par la sensibilité, par le corps
// frontière de l’utile et de l’inutile = frontière du désir : frontière mouvante (c’est un horizon qui recule)
c’est le problème des besoins – besoin cherche une norme objective de ce qu’il y aurait à désirer « légitimement », après quoi satisfaits, contentés, nous pourrions nous arrêter
erreur : de prêter au désir le pouvoir de s’arrêter //
colonisations mentales perverses – capitalisme produit une sensibilité et une esthétique : le design
objets du capitalisme beaux pas laids
bien sûr il y a une toute autre expérience esthétique possible
mais la question est celle de l’expérience esthétique majoritaire
capitalisme produit notre regard sur ces objets
capitalisme produit des objets et une esthétique
et produit le saisissement moelleux des corps
des conforts matériels, puissantes affections du corps
capitalisme = corps dorlotés
aussi il faut compter avec les affects tristes liés au renoncement matériel renoncement confort corporel (ce sera l’angoisse)
qu’est-ce que le processus révolutionnaires peut mettre en face? quels affects joyeux pour faire pencher la balance ?
=>
1 affranchissement de la servitude hiérarchique
2 réappropriation de la vie
3 soulagement de la terreur salariale
ce soulagement et la restauration d’un temps pour soi
clause privative du temps pour soi
car il ne faut pas non plus s’abuser sur le désir de temps pour la collectivité
des siècles de dépossession laissent plis et habitudes
participation à la souveraineté collective, devoir contributif et en nature qui viendrait à la place de l’impôt / impôt = évasion d’un devoir de participation collective directe aux affaires de la collectivité
un processus révolutionnaire est une dynamique passionnelle collective
lutte à mort de deux formes de vie
il est au moins un devoir intellectuel auquel on est tenu : de ne pas se raconter des histoires / la pire c’est qu’il y aurait une sorte d’aspiration native à la liberté frugale et communautaire qui n’attendrait que la première occasion pour s’exprimer
lutter contre le capitalisme c’est d’abord compter avec tous les faux-plis affectifs et désirants qu’il a fait prendre au plus grand nombre
sortir du capitalisme c’est refaire un régime de désir et un imaginaire à l’échelle de la société toute entière
une forme de vie c’est une habitude, le problème de la révolution c’est de produire un chemin, de construire quelque chose qu’elle ne peut pas supposer entièrement déjà là, une habitude du commun et de la liberté
Notes:
- Frédéric Lordon est Directeur de recherche au CNRS, économiste passé chez les philosophes. Développe un programme de recherche spinoziste en économie politique et en sciences sociales. A récemment publié Capitalisme, désir et servitude (La Fabrique, 2010), D’un retournement l’autre, comédie sérieuse sur la crise financière (Seuil, 2011) et La société des affects (Seuil, 2013) [↩]