du rien de la belle bouchère à l’huître de la belle mondaine

Publié le Catégorisé comme Cut&Paste, psychanalyse Étiqueté , , , , , Un commentaire sur du rien de la belle bouchère à l’huître de la belle mondaine

Eric Laurent, « De Radiophonie de J. Lacan », Conférence à Bruxelles le 15 octobre 2016

Écouter sur Radio Lacan : http://www.radiolacan.com/fr/topic/867/3# (épisode 3)

Extrait  (transcription rapide) :

[…] 6:45 Et l’articulation au phallus, cette nouvelle articulation, dans Radiophonie, je voudrais prendre l’exemple que Lacan donne de la nouvelle reformulation du désir, de la métonymie du désir, en tant qu’articulée à la jouissance.

Dans la première partie de son enseignement, Lacan avait fait de la métonymie du désir le fait que dans le désir, au cœur du désir, il y a un objet qui glisse, qui fait que finalement rien ne peut se fixer comme objet dernier du désir. Ça glisse toujours. D’objet en objet, le désir, l’objet court sous la barre du signifiant et la barre du sens, et donc l’objet métonymique c’était la fuite du désir. Et ça met en valeur le rien.

A partir de là, Lacan a voulu, commenter « Le rêve de la belle bouchère », la spirituelle bouchère, en mettant en avant le rien. L’accomplissement du désir dans le rêve de la belle bouchère, vous vous rappelez que c’était de « ne pas donner de déjeuner » – et Freud commentait : comment peut-on parler d’accomplissement de désir quand justement on ne le fait pas. Freud apporte une certaine réponse, Lacan en donne une autre, articulée autour du rien que conserve l’hystérique qui se fait valoir comme objet précieux, détentrice d’un rien qu’elle ne cède pas et qu’elle fait exister comme objet en ne le donnant pas. Ça c’était La belle bouchère.

« La métonymie, ce n’est pas du sens d’avant le sujet qu’elle joue (soit de la barrière du non-sens), c’est de la jouissance où le sujet se produit comme coupure : qui lui fait donc étoffe, mais à le réduire pour ça à une surface liée à ce corps, déjà le fait du signifiant. »

Et puis, Lacan surprend tout le monde dans Radiophonie où il note ceci : « la métonymie, ce n’est pas du sens d’avant le sujet qu’elle joue, c’est de la jouissance où le sujet se produit comme coupure. » La surprise c’est qu’alors que la métonymie normalement c’est de la coupure qui se promène vers le rien, maintenant c’est la jouissance qui fait coupure. 

Là (?), il donne l’exemple d’un « objet défini comme un reste irréductible à la symbolisation de l’Autre » qui « dépend néanmoins de cet Autre »1,  qui nous fait comprendre sa déclaration « faire passer la jouissance à la comptabilité » – chose qui est polysémique, qui peut s’entendre de différentes façons.

Mais là, dans Radiophonie, l’exemple clinique c’est un passage de Bel Ami. Je vous lis ce passage, p. 419 :

“J’ai montré en son temps que l’huître à gober qui s’évoque de l’oreille que Bel-Ami s’exerce à charmer, livre le secret de sa jouissance de maquereau. Sous la métonymie qui fait muqueuse de cette conque, plus personne de son côté pour payer l’écot que l’hystérique exige, à savoir qu’il soit la cause de son désir à elle par cette jouissance même.” 11:23 …

Bon, c’est difficile à suivre à l’audition. Mais bon, voyons ce qui est dit, quelle est la situation de Bel Ami. Bel Ami n’est pas exactement un maquereau, il ne met pas une femme sur le trottoir, mais c’est un sujet qui monte l’échelle sociale par les femmes. Il séduit les femmes, il est bel homme, il sait leur parler et une fois qu’il les a attrapées par l’oreille, elles font tout pour lui, et elles le présentent, etc. Bref, l’ascension sociale du séducteur, racontée par Maupassant dans le Paris très voyoucratique du second Empire, et dans lequel il y avait énormément d’ascensions sociales de ce genre. 12:32 [Le prototype étant … affairisme sensationnel…] Donc, le séducteur, il parle aux dames.

Alors, on fait un petit dîner, un petit souper fin dans lequel il y a le couple, Monsieur Madame, et on sert les huitres. 12:49  Pendant ce temps-là, lui ce qu’il fait Bel Ami, ce qu’il veut, c’est capturer l’oreille de la dame, donc tranquillement par la … des sous-entendus, du charme de cette dame qui comprend très bien qu’il veut obtenir d’elle ses dernières faveurs. Et donc, dit  Lacan, l’idée c’est   «  que lui soit la cause de son désir à elle par cette jouissance même« . Donc, c’est le contraire de La belle bouchère qui met en avant le rien. Là, il faut que le type veuille jouir d’elle et qu’il le montre et que justement en gobant l’huitre il montre très bien que ce qu’il veut gober c’est elle, qui est là, à qui il s’adresse. Et donc, métonymie de sa jouissance à lui. Sa jouissance est je veux coucher avec toi. Et la dame est ravie, elle a besoin de ce témoignage pour que, comme le dit Lacan, il soit la cause de son désir à elle par la jouissance même qu’il manifeste. Que justement dans le dîner, il est clair qu’il n’est pas question de sublimation, on n’est pas là pour parler d’histoire de l’art, avec des trucs chiqués utilisant des effets rhétoriques. Ou, il faut que dans les effets rhétoriques, il soit clair que la dame est visée. Là, ça l’enchante. Donc, position qui est l’envers de la position de la belle bouchère. Là, la belle mondaine de Bel Ami au contraire s’est appuyée sur un point de solidité : il faut que le désir de l’homme soit décidé et articulé à un objet, articulé là à un objet oral de façon claire. Et donc la définition qui est définie par Lacan, c’est une seconde théorie de la métonymie. Ça n’est plus le signifié qui court sous le sens comme sorte de moins qui toujours est là et permet de faire passer le désir qui ne se fixera point 15:23 Là au contraire il faut une fixation de jouissance, et à partir de là ça cause le désir d’elle comme désir hystérique, d’accord, c’est-à-dire comme objet précieux qui veut se dérober, mais qui veut être rejoint tout autant. Et d’ailleurs, c’est pour ça qu’elle donnera tout à Bel Ami pour assurer son succès. A condition qu’il l’ait faite cause de son désir.

Donc, cette seconde théorie de la métonymie fait que l’effet de sens métonymique est articulé à la jouissance 16:02 et non plus simplement à l’effet de signification. D’où la position ensuite que Lacan va développer, qui est cette position d’attaquer ce qu’il appelle la linguistique universitaire, c’est-à-dire les professeurs d’université qui lui reprochaient de faire un usage de la métaphore et de la métonymie qui ne soit pas conforme aux tropes du désir, aux tropes des figures de rhétoriques telles que Jakobson les avaient amenées dans … Métaphores et métonymies, justement comme effets de signification. Avec le + du côté de la métaphore et le – du côté de la métonymie. Là, au contraire Lacan attaque ce point-là en disant effet lui il utilise métaphore/métonymie de façon toute autre, parce qu’il s’agit de faire valoir à chaque fois ce qui échappe aux effets de signification universitaires, c’est-à-dire la façon dont le sujet parle de sa jouissance. Le sujet parle avec l’Autre, mais de sa jouissance. 18:04 Et la phrase « L’homme parle avec son corps » du Séminaire XXIII, là c’est « L’homme parle avec l’Autre, le corps comme Autre, de sa jouissance à lui, par lequel il veut poursuivre son partenaire fantasmatique féminin ». Avec l’articulation de la femme, une femme, en position d’objet du fantasme, par rapport au moins phi qui est en jeu dans (leur rapport). Alors pour faire valoir cette position du sujet articulé il note la façon dont Saussure ca n’est pas simplement pour lui l’articulation […]

Notes:
  1. « L’objet, défini comme un reste irréductible à la symbolisation au lieu de l’Autre, dépend néanmoins de cet Autre car, sinon, comment s’y articulerait-il ? » Jacques Lacan, Séminaire X, L’angoisse, p. 382. []
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MONIN
MONIN
7 années il y a

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