« Revenir à la racine du corps »

Publié le Catégorisé comme brouillonne de vie, psychanalyse

la semaine dernière, j’écrivais :

A certains égards, il me semble, et un peu rapidement dit, que la psychanalyse vous laisse en fin de parcours, seul(e) avec votre corps, sans avoir la moindre idée finalement d’un quoi faire (même si Lacan dit avoir rêver qu’elle puisse déboucher sur une nouvelle érotique) avec lui. Bien sûr, il s’agit d’une ouverture. Bien sûr, il ne s’agit plus que de liberté et d’invention. Comme un nouvel amour.

qui me paraît résonner avec ce que je lis ici :

« Revenir à la racine du corps »1 est en effet l’enjeu princeps de l’expérience d’une psychanalyse, nous explique Yves-Claude Stavy : une convocation à cerner non pas le réel, mais un réel pris dans la singularité d’une cure. Ce réel relève de l’existence d’une marque : bout de langue dès longtemps isolé, sans pourquoi, hors discours, – et qu’emporte le symptôme avec lui, malgré l’interprétation la plus rigoureuse permise par la structure que suppose l’hypothèse inconscient.

La marque est un incurable, un précipité qui marque le corps – vivant d’un corps « qu’on a, mais qu’on n’est pas », impossible à confondre avec la supposition d’être inhérente au seul fait qu’on parle (parl-être, dira Lacan) :

  • Il y a ce qui relève de l’existence d’une marque de jouissance dans le corps, que répercute le symptôme, («  le mystère du corps parlant », dira Lacan dans son séminaire Encore)
  • et il y a ce qui relève de la supposition d’être, inhérente à la structure du discours que suppose l’hypothèse inconscient.

Invention sinthomatique

L’expérience d’une psychanalyse poussée jusqu’à son terme isole ce versant réel du symptôme témoignant d’une jouissance opaque, dans le corps, à rebours du versant organisé du symptôme qu’offre la structure discursive.

Il y a une jouissance autiste du corps : non pas du sujet, mais d’un corps qui se jouit d’une marque, et dont la rencontre « tout ce qu’il y a de plus hétéro », nous rend dès lors non pas différents des autres, mais « Autre-à-soi-même ».

L’enjeu du tout dernier enseignement de Lacan relève d’une exigence éthique, débouchant sur une responsabilité intransposable d’un cas à un autre cas : tenir compte d’un « il y a » d’existence, dont ne rend pas compte la structure des discours.

Pour Lacan, le racisme est haine de cette ex-sistence hors discours, sans Autre, sans être. D’où la référence de Lacan, en guise de conclusion de son SéminaireOu pire, à l’enjeu de « revenir à la racine du corps ». On peut aller, à l’extrême, jusqu’à parler de fraternité de sujet en tant que chaque sujet dépend d’un discours. Mais il n’y a pas de fraternité de corps.

« Revenir à la racine du corps » convoque chacun à la responsabilité d’une sinthomatisation à nulle autre pareille, d’un réel incurable, dont on a la charge. C’est un savoir-y-faire avec la jouissance non plus seulement mentale, mais d’un corps : jouissance qui excède la jouissance phallique, – elle, hors corps. C’est un savoir-y-faire à renouveler sans cesse, afin qu’ainsi, il ne cesse pas de résonner avec l’existence d’un bout de réel ayant dès longtemps marqué l’énigme du vivant du corps qu’on a, le temps d’une vie.

Notes:
  1. Jacques Lacan,  Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, Seuil, p. 236., « Quand nous revenons à la racine du corps, si nous revalorisons le mot de frère, […] sachez que ce qui monte, qu’on n’a pas encore vu jusqu’à ses dernières conséquences, et qui, lui, s’enracine dans le corps, dans la fraternité du corps, c’est le racisme». []

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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