Paris, 25 juillet

Publié le Catégorisé comme Hélène Parker Étiqueté

Madame, 

Hélène Parker, 

J’ai peu joui dans ma vie, cela se compte sur les doigts d’une main et encore trois peuvent-ils y manquer. Je parle de la jouissance sexuelle, physique, je pourrais dire la prescrite, l’idéale, celle qu’il faut (à l’inverse de toutes les autres, celles-là je les ai connues). 

Figurez-vous que je réalise à quel point c’est ce qui a fait que je ne me sois jamais autorisée à être analyste. 

Les deux fois donc, il y avait eu ceci : n’avoir eu plus rien à perdre. Être surprise dans ce moment-là. Un désespoir aussi. Avoir  quitté les zones de l’espoir. Été, par les circonstances, amenée là.

Nathan : nous avons cru, et je le ressens encore, parfois, abondamment, être liés, physiquement, dans la distance même, étendus par elle, l’un vers l’autre, l’un en l’autre. Je parle ici de quelque chose de tout à fait différent de ce dont je vous parlais d’abord. Son absence m’est palpable, son absence m’est douceur. Et la folie, c’est ce sentiment qu’il y est, là, dans cet espace de notre séparation, que nous y soyons ensemble. Ce dont mon corps répond, et son effervescence, sa transe. 

Cette jouissance-là, est à ma disposition, pour peu que je m’y laisse aller, pour peu que je l’écrive, pour peu que je la lui écrive, et qu’il en réponde (à quoi il ne manque jamais). De son presque rien, sa douceur infinie et si particulière. 

La raison (laquelle ? la vôtre ? celle de Édouard ? la mienne ? celle à laquelle vous m’avez ramenée ?) m’a amenée à combattre ces certitudes qui me comblaient (de joie, littéralement). 

Vous m’avez invitée à vous écrire. Et j’ai une responsabilité par rapport à quelque chose que je ne suis pas loin de savoir maintenant, que je m’efforce d’oublier et de retenir.  

La raison : celle d’un autre amour, d’un amour parié. Celle d’un homme qui se veut mon mari, empêtré de sa présence, de son amour, peu enclin à se laisser prendre la place, décidé farouchement. D’un enfant, d’une famille. De la longueur du temps et d’un appartement en désordre. Où je n’ai cessé de chercher mon absence. 

Il existe une voix, celle que j’entends quand j’écris, parfois, qui a trouvé sa vérité, une, avec Nathan, le réel sans prix (excusez-moi du peu), qui est mon seul espoir, auquel peut-être, il faudrait renoncer. Cette voix, ma solitude, je ne lui trouve pas d’abri. Je lui suis pourtant due, tue. 

Et j’ai pu espérer, sans oser y croire, la terrer en Auvergne, à Saint-Donat, à Pallut, à l’abri des montagnes et d’un homme au sexe long et doux (et qui communique avec la lune; croyez que ce détail n’a pas été pour rien dans mon enchantement). 

Alors, donc. Paris. Paris DIX. Paris d’ici. Macron, les réfugiés, les ponts.

À Paris, dans ma famille, « ce que j’ai construit », il y a ce rôle de ma mère, la jouissance de son sacrifice, il y a ce rôle de mon père, qui d’elle exigea ce sacrifice, dont je ne veux ré-endosser l’habit (qui me colle aux fesses). Y eut-il ce sacrifice? Elle, voulait être sous son regard. 

Et moi ? 

Littérature : À Pallut tout explose (et ma mère s’appelle Lut). ( Il y a l’air, la roche, lui qui me baise, moi qui m’écoule, les cieux qu’il nomme, les terres dont il me raconte l’histoire, nos marches sacrées, nos danses, l’eau glaciale des lacs où je risque mes pieds, où je le vois s’enfoncer. Tiens, figurez-vous cela: cela me touche, son courage physique, Narcisse, la peau juste sur les muscles. ) 

Or cette voix je n’arrive (plus) à la sortir de la correspondance. Cette correspondance maintenant avec lui. Un destin.

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