Hélène Parker,
Je pensais à diverses choses, en me réveillant.
Je n’ai jamais compris l’imaginaire de Lacan. Je n’ai jamais compris ce que pouvait être une relation dite imaginaire. Quand un ami intéressé aux choses de la psychanalyse me disait C’est imaginaire ! Je ne comprenais pas. Autant j’ai le sentiment d’avoir perçu ce que c’était le symbolique ou le réel, autant l’imaginaire me paraissait flou.
Lorsque j’ai appelé, en séance, F du nom de F..réronic, quelque chose de ma colère contre lui est tombé. J’ai pensé : Si me fâcher sur lui, c’est me fâcher sur moi… ça n’en vaut même plus la peine. S’il est le représentant de ce que je déteste en moi…
Je le lui ai rapporté, ce lapsus. Il m’a remerciée.
Quelque chose se révélait de ma relation à lui. Est-ce que c’est cela la relation imaginaire? La relation en double. A laquelle manque le manque, où 2 = 1.
Or, me réveillant ce matin je pensais aux hommes que j’ai connus. Ceux qui m’ont le plus touchée, affolée, il a toujours fallu qu’il soient me soient perdus. Ca se passait dans la séparation où j’étais d’eux, dans la coupure. Je ne sais plus comment je suis arrivée à penser ça.
Concernant F, j’ai pensé au moment où l’un d’entre nous tomberait malade, mourrait.
Comme s’il fallait qu’une coupure réelle vienne à suppléer au manque de coupure de la relation imaginaire, en double. Cette coupure (cette séparation, cette perte), et la fête lorsque les peaux se touchent, comme si la peau même devenait le lieu de de cette perte, le gouffre, pendant des années ça m’a interrogée.
Je ne dis pas que j’en aie trouvé le fin mot ce matin.
Cette séparation encore se célèbre dans les lettres.
Je ne dis pas que j’en aie trouvé le fin mot ce matin.
Cette séparation encore se célèbre dans les lettres.
Mais, ça se conjugue aussi, et j’en suis triste, un peu, avec ce que je vous disais de l’extraction. Qu’il aurait fallu, qu’il faudrait, pour que je fasse un livre, que je puisse, du corpus de ce que j’ai écrit, extraire quelques pages. Que cela m’avait toujours paru impossible.
De même, lorsque j’écrivais le blog, qui a été au plus proche de ce que je pourrais produire, comme œuvre d’art, je me disais : Il ne faut pas coucher sur le temps. Car c’est dont ce qu’il s’agissait pour moi, avec le blog, de « se coucher sur le temps », de faire bloc, blog avec lui. Faire corps. Et ça me paraissait d’une nature contraire à celle de l’œuvre d’art. (L’oeuvre d’art est un objet séparé pas un objet qu’on tient au fond de sa poche, pas un chapelet sur les granins duquel court la main.) Si j’avais pu alors, au temps du blog, au début, supporter la reconnaissance, si j’avais pu le faire en mon nom, peut-être serais-je devenue artiste.
F a acheté deux belles gerbes de fleurs pour sa mère.
La jeune femme des Pompes funèbres a demandé ce que nous voulions écrire dessus. J’ai parlé de sa « gentillesse infinie » et de remerciements. F a bredouillé Oui, mais non, ce n’est pas ce que… J’ai compris qu’il voudrait inscrire quelque chose de lui… La jeune femme a dit, vous pouvez vous partager les couronnes. On a dit Oui.
F a décidé d’écrire sur la grande gerbe rouge À ma mère. Et nous a demandé, par WhatsApp, ce qu’on voulait sur la petite (gerbe jaune). Et Stan a dit : À notre grand-mère ? Et F a dit OK.
Rêve Il y a deux nuits, j’ai rêvé que j’avais la maladie de ma belle mère et que j’allais mourir, rapidement. Je demandais à ma mère d’appeler les urgences mais elle me disait qu’elle ne pourrait pas. J’essayais d’appeler moi-même, mais lorsque je les ai eus en ligne, ma voix sortait très bizarrement, sortait de moi, j’entendais les mots que je m’arrachais péniblement (des mots de papier chiffonné, je crois que j’ai dû tenter de les dire dans mon sommeil, les dire réellement, et entendre cette voix de rien du tout), et je n’arrivais pas à dire ce qui m’arrivait, qui justifiait l’urgence. Je me suis réveillée.
La professeur de français de J nous dit qu’il extraordinairement talentueux dans le maniement de la langue. J’ai dit à F que c’était sans doute nous qui ne le reconnaissions pas suffisamment, là. Il a dit que oui probablement.
Enterrement demain matin.
VM
NB : J’aimais ma belle-mère et elle-même m’aimait vraiment beaucoup. Je le sais bien.
Envoyé depuis mon téléphone