Sans titre

15 mai 2012 | mai 2012 | brouillonne de vie, correspondance |

dominique, dear, je vais bien, j’essaie de m’organiser, depuis si longtemps j’essaie encore de m’organiser. j’ai une carte maintenant pour aller au cinéma, j’en ai plein d’envies, mais je ne sais comment m’arranger, je ne trouve pas les moments. je me suis mise à cuisiner, voilà, c’est fait ; je n’y arrivais pas, ça m’angoissait, je m’y suis mise. parfois, je fume des vraies cigarettes, j’ai froid aussi, plus souvent cependant, surtout ces jours-ci. je me suis acheté une montre, mais elle n’a pas de pile. chester le chat s’est installé devant l’imprimante, guette le moment où un papier en sortira. jules a un meilleur sens des priorités que moi: s’amuser. je n’aimerais pas qu’il perde ça, c’est précieux. lui épargner le devoir du devoir. je ne suis plus trop escapades, il ne s’y passe plus grand-chose, du point de vue de l’écriture, je veux dire, les gens n’écrivent plus. mes cheveux frisotent. je veux écrire, mais pour ça il faut que je le mérite. il faut que je m’occupe du ménage, des courses, de la cuisine, du rangement. je veux lire aussi. inviter des gens à dîner. voir l’exposition crumb avec jules et fred. je n’ai pratiquement lu que ça pendant les vacances : le livre qu’ils ont écrit/dessiné ensemble, sa femme et lui. « Parle-moi d’amour », ça s’appelle. Frédéric a laissé jules le lire. bon. il n’aura pas eu la même éducation que moi… Mais peut-être que l’expo, non, il ne devrait pas voir. on verra. il y avait quelques livres de Crumb hier à la librairie que  nous n’avons pas, j’ai vraiment eu envie de les acheter. au lieu de quoi j’ai craqué pour un livre sur l’évolution de la voix… je t’écris tous ces petits trucs dominique, pour m’excuser de ne t’avoir pas écrit plus tôt et t’exprimer, essayer, comment, d’une façon presque visuelle, ce gros bloc de texte plein de mots et de signes de ponctuation, il m’est simplement compliqué de trouver quoi te répondre, en ce moment, et surtout quand te voir (rendez-vous). il ne s’agit pas d’un manque d’envie, bien sûr, mais d’une façon diffuse de me sentir débordée, légèrement embarrassée… j’ai ajouté le film que tu m’as dit (« Avé ») à la liste que je tiens des films que je voudrais voir (par contre pas « l’enfant d’en haut », à cause de la modération de la recommandation de malik). je t’embrasse aussi tendrement que possible, à très bientôt, véronique

chère meda, chère géraldine, chère dominique, chère catherine,

15 août 2012 | août 2012 | brouillonne de vie, correspondance | |

sommes à paris depuis hier, repartons demain à bruxelles. mère a eu un accident au genou, s’est fait opérée, allons la voir donc. en aura pour 3 mois de revalidation dans un centre qu’il reste encore à trouver. elle était tombée pendant l’entracte du concert que mon frère jean pierre avait organisé à edinburgh. il a fallu la rapatrier à bruxelles où elle a été opérée en urgence (rotule en trois morceaux). cela m’a bien sûr beaucoup troublée, mais l’opération s’est bien passée et sommes restées en contact téléphonique elle et moi tous les jours depuis son réveil. (cet événement, couplé à une aggravation de l’état de mon oncle Robbe, son frère, a renforcé un moment ma sauvagerie.)

je vais bien. sommes restés plus longtemps que prévu à donnery où j’ai beaucoup « jardiné » – c’est-à-dire débroussaillé, taillé, coupé, arraché, etc. essaye de retrouver tracé original des chemins du jardin de 3 hectares 5, or de nombreuses plantes ont poussé, des « mauvaises » herbes, du lierre, des mûres, des arbres. la plante de mûre peut prendre une taille inimaginable. j’ai donc beaucoup manié toutes sortes d’instruments jardiniers, dont je ne connais le nom que d’un seul : le râteau. ah ! et le coupe-branche aussi. et puis une charrette empruntée à un voisin, monsieur Labbé. je regrette de ne pas avoir eu de scie ni de faux ni de sécateur ni de gants. il m’est arrivé de découvrir des roses sous un fouillis de branches. ça m’a bien plu, je n’ai pas vu le temps passer. chester, ça lui a plu aussi, c’est un bon chat.  il n’a pas tout le temps fait beau, ce qui était bien. j’ai grossi d’un kilo parce que je me suis autorisée des desserts, mais je l’ai déjà reperdu.

j’ai  été obligée d’acheter un pantalon et un pull des soldes orléanaises. étions partis jour de grande chaleur qui ne s’est pas prolongée.

jules va bien. il a pataugé un moment dans une piscine en plastique où il m’est arrivé de le rejoindre. il a trouvé une Xbox 360 dans la maison, à laquelle il a pu jouer une journée entière un jour de paresse chez moi où frédéric était allé travailler à paris. frédéric a pu travailler un peu à son nouveau disque, peut-être pas suffisamment à son goût.

des rêves toutes les nuits, et récemment d’étranges migraines. lis le « traité du vide parfait ».

plus tard, nous partirons pour la canicule napolitaine,

je vous embrasse bien fort,

aujourd’hui c’est lessive, repassage, réservation de billets et valises,

véronique

A l’attention de la gestionnaire du dossier 12T27333

16 août 2012 | août 2012 | brouillonne de vie, correspondance | |

Chère Madame,

Je vous écris suite à la conversation que nous avons eue en début de semaine par téléphone.

Vous m’aviez parlé d’une clause sur un document émanant de la Société « Chauffage Dufour » au verso duquel il aurait été mentionné que la protection des meubles et objets (ici en l’occurrence des toiles de mon père, l’œuvre de toute une vie) devait être assurée en cas de ramonage – je crois.

Pourriez-vous me donner plus de précision sur ce document et cette clause, voire m’envoyer un scan ? Je ne suis pas arrivée à mettre la main dessus.

J’essaie de comprendre cette affaire et suis assez inquiète.

Ma mère, que j’ai appelée à l’hôpital aujourd’hui pour l’interroger encore là-dessus, n’arrive pas à situer de quel document il peut s’agir, elle pense à une éventuelle « confirmation d’achat » du convecteur.

Elle a pu me re-préciser les circonstances de l’accident.

Il n’avait jamais été prévu, au départ, de faire un ramonage. Il s’agissait d’installer le nouveau convecteur.  C’est au moment où le chauffagiste a introduit la buse du nouveau convecteur dans le conduit de la cheminée qu’un nuage de suie à envahi la pièce (au point qu’elle est devenue irrespirable et que ma mère s’est empressée d’aérer). Il s’agirait donc d’une « émanation imprévue et soudaine de suie ».  Le chauffagiste a alors appelé son patron par GSM et a ensuite demandé à ma mère s’il pouvait procéder à un ramonage de la cheminée, à quoi elle a acquiescé.  Le ramonage a été effectué, le convecteur installé et l’homme est parti.

Du fait de son devoir de conseil, le chauffagiste n’aurait-il pas dû s’assurer avant l’installation de la nécessité d’un ramonage ou pas ?

Comme je ne me souviens plus de la teneur de la fameuse clause en petits caractères que derrière laquelle il cherche à abriter sa responsabilité, je préférais vous le faire savoir. J’espère que vous voudrez bien m’éclairer là-dessus.

Je vous rappelle que dans les jours qui ont suivi, ma mère a nettoyé elle-même les toiles les plus touchées, alors grises de suie, ne supportant pas de les voir dans cet état. Elle les a nettoyées une à une dans la cour, et déplacées dans le bâtiment avant de la maison. Elle a ensuite appelé Monsieur Etienne Van Vijve, restaurateur d’œuvre d’art qui lui a appris que la suie pourrait, à plus ou moins brève échéance, détruire les toiles.

Le fait que ma mère soit à l’hôpital n’est peut-être pas sans lien avec cette affaire. Je ne veux pas ici dramatiser et il est vrai que cela me permet de prendre en main cette affaire. Elle était devenue très angoissée, et particulièrement le jour de l’accident, au point qu’elle n’est jamais arrivée à m’envoyer le dossier afin que je l’examine moi-même et fasse le nécessaire. Aujourd’hui que je l’ai visitée, que j’ai séjourné dans sa maison et ai pu retrouver certains documents, dont son dossier d’assurances, j’essaie simplement de reconstituer les faits et d’agir en sorte que ces toiles soient sauvées, d’une manière ou d’une autre.

Mais, j’ai besoin d’y voir clair.

En m’excusant pour ce long mail, dans l’attente de votre réponse, et du RV auquel vous me convierez pour l’expertise contradictoire, je vous prie de croire, Chère Madame, à l’expression de mes sentiments distingués,

Véronique Müller
fille de Jacques Muller et Lutgarde Delbaere

 

Dossier 12T 27 333

17 août 2012 | août 2012 | brouillonne de vie, correspondance | |

Chère Madame,

Sans nouvelle encore de votre part mais disposant de nouveaux éléments, je me permets de revenir vers vous.

Mon frère Jean-François a pu retrouver chez ma mère deux copies de documents émanant de la Société Dufour. Il y a la facture (du 17/02) et le bon de commande (du 15/02).  Malheureusement, il ne s’agissait que de copies recto, je ne connais donc toujours pas la teneur exacte de la clause où il aurait été mentionné que ma mère aurait eu à prendre  « toutes les mesures conservatoires possibles ».

Un ramonage a bien été effectué, mais ceci après que la suie aie envahi la pièce, contrairement à ce qu’indique la teneur du courrier reçu par vous de la Société Dufour :

« Lors du démontage de l’ancien convecteur, la buse était pleine de suie, avec l’accord du client, notre technicien avait réalisé un ramonage. Le tiers avait été prévenu qu’un dépôt de suie était possible et était invité à prendre les mesures conservatoires utiles. »

Le ramonage est mentionné sur la facture, mais pas sur le bon de commande. Le ramonage venant donc « justifier » la différence de prix (1212 euros sur le bon de commande contre  1312 euros sur la facture),  prouvant que ce ramonage n’a pas été commandé et que les clauses d’une commande ne peuvent s’y appliquer.

Et tout ceci confirme  le récit de ma maman : le ramonage a eu lieu après l’incident et n’était pas prévu. C’est au moment de l’installation du nouveau convecteur que la suie s’est répandue, après que l’ancien convecteur aie été retiré, et non pas au moment du  « démontage de l’ancien convecteur »  ou au cours du ramonage – qui s’est lui passé très proprement -,  quand le  technicien a introduit la buse du nouveau convecteur.

J’espère que tout ceci jouera en notre faveur.

Dans l’attente de vos nouvelles, je vous prie d’agréer, Chère Madame, l’expression de mes sentiments distingués,

Véronique Müller

RE: We Buy White Albums

20 février 2013 | février 2013 | art, correspondance | |

http://www.dustandgrooves.com/rutherford-chang-we-buy-white-albums/

13h46

Je trouve ça très bien moi. 

Et, réflexion faite,  très intéressant sur le devenir possible d’un symptôme. 

S’agissant d’un symptôme obsessionnel  (hypothèse que je pose pour pouvoir en examiner les conséquences), il serait même réjouissant qu’il en vienne à découvrir l’envers de son postulat de départ : là où tout était le même, où tout se valait, tirer au jour la petit différence, et même faire en sorte que cette différence vous saute à la figure. 

Si le collectionneur est celui qui espère au travers de sa collection atteindre à un tout qui soit sans faille, s’il s’agit de l’exercice d’un comblement de ce qui serait sinon  insupportablement manquant,  troué,  de sorte que l’un (ou l’une) en plus ne soit jamais que l’un (ou l’une) en plus dont l’addition participe de la construction de l’inatteignable tout,  alors ce misérable un, quand bien même marqué du chiffre de la sériation (son numéro de série, marque (infâme) de l’objet industriel), prend une jolie revanche. Ici le tout rend les armes face au narcissisme de la petite différence dont la grandeur éclate. Le mysticisme à l’oeuvre au départ de la démarche de Roman Opalka se récupère du bout des doigts dans les gestes de manipulation des disques dont aucun n’est semblable à l’autre et où ce sont les flétrissures, les défauts, les marques de l’usage, les marques de leurs propriétaires, de leurs appropriations qui font le prix.  C’est,  à mon sens, un très joli détournement, retournement. 
Si je retourne maintenant au symptôme obsessionnel, symptôme contemporain s’il en est, d’un désir maintenu secret afin d’échapper à l’interdiction venue d’un Autre dont il s’agit de préserver l’existence (quand l’annonce de sa mort est chroniquée de toutes parts) et d’une jouissance consommatrice et destructrice d’objets faciles, conformant une ironie de mise,  alors cette exposition dans un magasin où les objets ne sont pas à vendre me renforce dans l’idée que le symptôme n’est pas à combattre mais au contraire à déployer. Déploiement en l’occurrence rendu possible par la décision de l’artiste d’en faire une œuvre d’art, de lui donner ce statut. De l’extraire de sa souffrance quotidienne – sans déconner, parlant de symptôme, c’est le plus souvent de passion (au sens de pâtir de) qu’il est question –  et d’en révéler la face drôle, légère, jouissive. 

je ne dis tout cela que partant de mon symptôme à moi, qui est terrible, qui s’appelle la psychanalyse.

chère madame,

22 octobre 2013 | octobre 2013 | brouillonne de vie, correspondance |
j’ai 50 ans aujourd’hui et ne peux rien faire par moi même. suis ultra dépendante, ne gagne pas d’argent,  suis donc entretenue. ai un enfant de huit ans et demi. ne pense qu’à mourir, ne voudrais que fuir. en me réveillant ce matin, j’ai pensé que c’était une forme de ravage et que je pourrais vous l’écrire. mais je ne sais déjà plus ce qui m’a permis de penser ça. je crains surtout pour mon fils. je crains ce que je lui lègue. c’est la psychanalyse, je dirais, mon partenaire symptôme: je suis malade de la psychanalyse. pourquoi alors me tourner vers vous? c’est que c’est ça, ma maladie, je n’ai rien d’autre vers quoi me tourner quand ça n’a cessé de me tuer et transformée en quelqu’un que je n’aime pas, qui ne s’aime pas. je suis devenue un légume. je n’ai plus la moindre séduction. je voudrais juste guérir. je voudrais gagner de l’argent. je voudrais pouvoir m’accrocher à un travail. je voudrais retrouver, ré-entamer un travail qui m’accroche.  je voudrais me réconcilier avec la psychanalyse ou la quitter en paix, tourner la page sans que ça soit une déchirure. je voudrais faire des choses. être joyeuse. je voudrais avoir confiance en vous. je ne sais pas ce qui cloche, ce qui continue de clocher, je voudrais vous le dire, vous mettre l’eau à la bouche comme ça, mais je ne sais pas, ce qui cloche, je ne sais pas. je n’ai plus le goût à rien, plus la moindre confiance. c’est pitoyable. véronique m.

non terminée, non envoyée

29 octobre 2013 | octobre 2013 | brouillonne de vie, correspondance, Non envoyé | |
chère maman, 
je réfléchissais à ton inquiétude à propos du fait que tu oublies beaucoup de choses, et de plus en plus. 
peut-être est-ce un phénomène que tu pourrais admettre et accueillir. 
je  ne 
peut-être que le nom des choses n’est-il pas tout ce qu’il y a à connaître. 

Je te parlais de Flamme éternelle, l’exposition de Thomas Hirschhorn auPalais de Tokyo

13 mai 2014 | mai 2014 | art, brouillonne de vie, correspondance | |

Je te parlais de Flamme éternelle, l’exposition gratuite au Palais de Tokyo,
http://flamme-eternelle.com,  de Thomas Hirschhorn.  Jules ça l’a rendu fou. Il disait que c’était le paradis. Il disait  « On aurait dit qu’il n’y avait pas de loi
C’était le chaos.
J’ai  de nouveau eu le sentiment très fort que tout était possible.
J’ai pensé que maman allait le sentir aussi,  qu’elle allait sentir que j’avais raison, que tout était possible. » Il disait ça à son père, dans la voiture,  au retour. « Qu’il y aurait pu y avoir la révolution. »

Il y avait du papier, de grands panneaux, où on pouvait écrire, dessiner – mais aussi sur les fauteuils, sur les tables. C’est la première chose que Jules a voulu faire, écrire, dès le premier pas dans l’exposition. J’avais un feutre. Il a écrit tu sais, ces trucs classiques, « Jules a écrit ici, pour l’éternité ».  Mon feutre n’était pas très bon. Jules a alors dit que la prochaine fois il faudrait apporter du bon matériel. Puis, plus loin, il y a eu le polystyrène. En quantité gigantesque. Dont les gens pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Des scies et du gros scotch marron étaient mis à disposition. De même d’ailleurs que des feutres. Jules disait « je suis amoureux du polystyrène. Je ne m’imaginais pas qu’on pouvait faire de telles choses avec du polystyrène. Est-ce que j’ai du polystyrène à la maison… »

La seule chose qui a assombri son bonheur son espoir son exaltation, c’est d’apprendre que cette exposition n’aurait qu’un temps. Que ça allait s’arrêter.
Il voulait y retourner le plus vite possible. L’annoncer à tous ses amis. Prévenir le Conseil d’école (il est délégué de sa classe) qu’il fallait faire une sortie là.

Passablement bouleversé donc. Son père aussi. Alors tu vois, si tu pouvais venir avec Ramona, ce serait bien. Si nous pouvions y retourner ensemble, ce serait bien.

Love

Véronique

 

 

nb : l’expo didi-hub : bien, mais,
c’est dommage qu’il n’ait pas obtenu de pouvoir passer l’entièreté de son choix de films en boucle sur le lieu de l’expo, ainsi qu’il l’avait demandé, et aussi que le Palais de Tokyo n’aie pas autorisé qu’on  puisse marcher sur les films (alors que lui voulait qu’on puisse le faire!)
et à côté de thomas hirsh., ça tient plus vraiment la route

——– Message d’origine ——–

Top