symptôme et sinthome // désir et jouissance

2 mai 2006 | mai 2006 | jacques-alain miller, psychanalyse | , , , , , , , |

je suis payée pour lire :

« Cette différence, propre à Lacan, du symptôme et du sinthome, nous montre bien pourquoi nous avons aussi besoin de deux termes comme ceux de désir et de pulsion. Le désir a ses intermittences tandis que la pulsion a sa constance. Il y a du côté du désir tout un jeu de masques et il est incessamment travaillé par une négativité interne, si je puis m’exprimer ainsi, alors que, du côté de la pulsion, nous avons une positivité plus ou moins grande.

Du côté symptôme et vérité, tout repose sur le manque. Du côté sinthome et jouissance, il n’y a pas de manque.

Du côté du symptôme, c’est la répétition de la rencontre manquée, une répétition de l’évitement, tandis que du côté du sinthome, c’est la répétition de ce qui soutient le sujet dans l’être, et pourquoi tout lui est bon. Ce n’est qu’en termes économiques qu’on pourra ici parler de plus et de moins. »

Conclusion des Leçons du sinthome, Journées ECF 2005, Jacques-Alain Miller

symptôme
désir
négativité interne
manque

sinthome
pulsion
positivité
pas de manque

Et sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons

6 janvier 2009 | janvier 2009 | jacques-alain miller | |

même l’ignorance ne peut rien contre cela qui nous environne. tu pleurais hier soir. petit. viens encore. pleure. petit. dis. la maladie aussi nous attend. il faudra du courage, encore dire oui. nous ne sommes responsables que de nous-mêmes, c’est ce que je crois. la lumière est dedans. la lumière est dehors.

 vouloir ce qui est proche, vouloir ce qui vous arrive, même qui vous arrive à l’improviste, et vous fait mal

« La joie est l’affect spinoziste du rapport au réel, l’affect auquel on peut atteindre lorsqu’on ne croit plus aux caprices du sort, mais lorsqu’on s’égale à lui, que l’on s’accorde avec lui, sur un mode qui est proche de l’éternel retour de Nietzsche : vouloir ce qui est proche, vouloir ce qui vous arrive, même qui vous arrive à l’improviste, et vous fait mal.» Jacques-Alain Miller, « Les us du laps », 26 janvier 2000.

(où il est question de l’abjection)

7 juillet 2009 | juillet 2009 | jacques-alain miller | , , , , |

la journée d’hier s’est extrêmement bien terminée (une fois que j’ai eu fini d’écrire ici, et que je sois allée à mon rendez-vous psy).

réveillée ce matin en sursaut à quatre heures et demi en pensant à « l’abject ».  à « l’abjection » dont parle miller   dans son dernier cours de cette année, comme d’un concept auquel lacan tenait particulièrement. à cette lecture je m’étais demandée où se se situerait l’abject dans ma vie, où je situerais l’abject dans ma vie…

 » […] et ne me fit qu’une seule recommandation (à propos de l’index des Écrits) : ‘Ça doit commencer par le mot abjection’. […] et Lacan voulait que ce soit l’alpha sinon l’oméga de son enseignement. […] D’une façon générale, la jouissance a ses racines, plonge dans l’abjection. Quels sont les antonymes de ce mot ? La dignité. L’honneur. […] Dans l’expérience analytique, ce qui concerne le plus intime de la jouissance prend toujours la forme de l’aveu de ce qui mérite d’attirer mépris, opprobre, comme l’indique le dictionnaire, l’abjection étant l’extrême degré de l’abaissement. Le sujet du signifiant, celui de la parole, n’y touche, ne consent à s’avouer son rapport avec qu’en témoignant que la répulsion accompagne, est inséparable de l’attirance invincible qu’il éprouve dans ce rapport. » Jacques-Alain Miller, cours du 10 juin 2009

Que nul n’entre dans le XXIe siècle s’il n’est hypomane…

6 octobre 2009 | octobre 2009 | jacques-alain miller, psychanalyse | , , , |
Are Mokkelbost (b-o-r-g.org), Entity 12

La communication immédiate caractérise l’époque, pour le meilleur et pour le pire. Elle a du bon : augmentation de notre puissance d’agir, liberté croissante, agilité, faculté permanente de faire salon, mise en commun des ressources intellectuelles, la vie quotidienne vécue à plusieurs… enfer ou paradis… […]

Le pire ? Pas de doute, c’est une tyrannie. La contemplation, la méditation, la mélancolie, l’acédie, la dépression, l’otium, le loisir, la lenteur, les langueurs, le flâner, le musarder, le baguenauder, le glander, non pas seulement le dimanche de la vie de la triade sacrée Hegel-Kojève-Queneau, mais même le sacro-saint Week-end franchouillard, et, par dessus le marché, « les sanglots longs des violons de l’automne… » – toutes ces institutions augustes de la pensée, et de la sensibilité fléchissent sous les assauts incessants du signifiant toujours dispo. Que nul n’entre dans le XXIe siècle s’il n’est hypomane…

L’appareil dit nomade, ou portable, si serviable, corvéable à merci, jamais un mot plus haut que l’autre, a fait son nid dans notre cervelle, il y a pondu ses oeufs, il y est désormais accroché comme une tique à la peau d’un chien. Alléluia ! un nouvel organe nous est poussé, Notre cher et vieux In-der-Welt-sein s’en trouve chaviré de façon irréversible. Quelque chose du rapport du Dasein à l’espace et au temps, resté intouché depuis l’origine, a été pollué, qu’aucune écologie ne nous rendra pur. Des constantes anthropologiques parmi les plus assurées, ont désormais la danse de Saint-Guy.

Le monde de la longue durée n’a pas disparu, non. Il n’est pas englouti comme l’Atlantide, non. Il est toujours là, oui. Il survit, il vivote, il papote, il tremblote, il est passé au rang de patrimoine. Il fait l’objet de tendres nostalgies, il est le ressort de résistances féroces, mais tout le monde sent bien que c’est une cause perdue, comme la monarchie héréditaire et l’Algérie française. Tout doucement, il sort de l’actualité, il s’efface, fade away… Bientôt, demain, tout à l’heure, il sera hors service, honoré, muséifié. Tel le Roi d’Egypte, c’est « Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui » qui triomphe au son des trompettes d’Aîda.

Rien à voir avec l’éternel présent du « Sonntag des Lebens », où l’on se prélassait aux frais de la princesse. Quelle princesse ? Prinzessin Geschichte, la princesse Histoire, venue à bout de course, et retirée des affaires du monde. La vieille coquette entretenait dans sa thébaïde un gigolo fourbu, Herr Geistes, qui passait son temps à siroter des apéros dans un petit caboulot, en racontant les bobards de ses hauts faits. Enfin Georg Wilhelm Friedrich Hegel vint. Il prit au sérieux le vieux cabot, et se fit son amanuensis, comme le furent pour Socrate, Samuel Johnson et Napoléon, Platon, Boswell et Las Cases. Sur une île déserte, qu’emporterais-je plus volontiers ? La Phénoménologie de l’Esprit, ou Casanova, l’Histoire de ma vie ? Plus de concepts d’un côté, de femmes de l’autre. Au fond, avec la Bible, on a les deux. Voilà pourquoi ce bouquin a tant de fans.

Notre présent à nous est parcouru des secousses instantanées. Valéry disait déjà de Bossuet : « il spécule sur l’attente qu’il crée, tandis que les modernes spéculent sur la surprise ». L’instant impensable, impalpable, et informe, ne règne, ni ne triomphe, car, pour ça, il faudrait encore qu’il durât. Il fulgure. Il n’a pas plus de réalité dans le temps que le point dans l’espace. L’instant est dématérialisé, et, nous qui vivons au rythme du signal instantanée, il nous dématérialise à sa suite. La séance avec Lacan, telle que je l’imagine, n’était pas « courte », elle était instantanée, dématérialisante.

Ah ! mais… voilà pourquoi ce grand appétit de « Journées », de raouts, de fêtes – de rencontres, dit Z* : apporter son corps, trouver des corps…

Jacques-Alain MillerExtrait du Journal des Journées n°32 du mardi 6 octobre

Jacques-Alain Miller, Lire

3 août 2011 | août 2011 | Cut&Paste, jacques-alain miller, psychanalyse | , , , |

« … Et donc, tout bien pesé, j’ai choisi le titre suivant : lire un symptôme, to read a symptom. Ceux qui lisent Lacan ont sans doute ici reconnu un écho de son propos dans son écrit ‘Radiophonie’ que vous trouvez dans le recueil des Autres Écrits, page 428. Il souligne là que le juif est celui qui sait lire. C’est ce savoir lire qu’il s’agira d’interroger en Israël, le savoir lire dans la pratique de la psychanalyse. Je dirais tout de suite que le savoir lire, comme je l’entends, complète le bien dire, qui est devenu parmi nous un slogan. Je soutiendrais volontiers que le bien dire dans la psychanalyse n’est rien sans le savoir lire, que le bien dire propre à la psychanalyse se fonde sur le savoir lire. Si l’on s’en tient au bien dire, on n’atteint que la moitié de ce dont il s’agit. Bien dire et savoir lire sont du côté de l’analyste, c’est son apanage, mais au cours de l’expérience il s’agit que bien dire et savoir lire se transfèrent à l’analysant. En quelque sorte qu’il apprenne, hors de toute pédagogie, à bien dire et aussi à savoir lire. L’art de bien dire, c’est la définition de cette discipline traditionnelle qui s’appelle la rhétorique. Certainement la psychanalyse participe de la rhétorique, mais elle ne s’y réduit pas. Il me semble que c’est le savoir lire qui fait la différence. La psychanalyse n’est pas seulement affaire d’écoute, listening, elle est aussi affaire de lecture, reading. Dans le champ du langage sans doute la psychanalyse prend-elle son départ de la fonction de la parole mais elle la réfère à l’écriture. Il y a un écart entre parler et écrire, speaking and writing. C’est dans cet écart que la psychanalyse opère, c’est cette différence que la psychanalyse exploite.

[…]

Lire un symptôme […] consiste à sevrer le symptôme de sens. C’est pourquoi d’ailleurs à l’appareil à interpréter de Freud – que Lacan lui-même avait formalisé, avait clarifié, c’est-à-dire le ternaire œdipien – Lacan a substitué un ternaire qui ne fait pas sens, celui du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. Mais à déplacer l’interprétation du cadre œdipien vers le cadre borroméen, c’est le fonctionnement même de l’interprétation qui change et qui passe de l’écoute du sens à la lecture du hors-sens.

Quand on dit que la psychanalyse est une affaire d’écoute, faut s’entendre, c’est le cas de le dire. Ce qu’on écoute en fait c’est toujours le sens, et le sens appelle le sens. Toute psychothérapie se tient à ce niveau-là. Ça débouche toujours en définitive sur ceci que c’est le patient qui doit écouter, écouter le thérapeute. Il s’agit au contraire d’explorer ce qu’est la psychanalyse et ce qu’elle peut au niveau proprement dit de la lecture, quand on prend de la distance avec la sémantique – là je vous renvoie aux indications précieuses qu’il y a sur cette lecture dans l’écrit de Lacan qui s’appelle « l’Etourdit » et que vous trouvez dans les Autres Ecrits page 491 et suivantes, sur les trois points de l’homophonie, de la grammaire et de la logique.

La lecture, le savoir lire, consiste à mettre à distance la parole et le sens qu’elle véhicule à partir de l’écriture comme hors-sens, comme Anzeichen, comme lettre, à partir de sa matérialité. Alors que la parole est toujours spirituelle si je puis dire et que l’interprétation qui se tient purement au niveau de la parole ne fait que gonfler le sens, la discipline de la lecture vise la matérialité de l’écriture, c’est-à-dire la lettre en tant qu’elle produit l’événement de jouissance déterminant la formation des symptômes. Le savoir lire vise ce choc initial, qui est comme un clinamen de la jouissance – clinamen est un terme de la philosophie des stoïciens.

L’interprétation comme savoir lire vise à réduire le symptôme à sa formule initiale, c’est-à-dire à la rencontre matérielle d’un signifiant et du corps, c’est-à-dire au choc pur du langage sur le corps. Alors certes pour traiter le symptôme il faut bien en passer par la dialectique mouvante du désir, mais il faut aussi se déprendre des mirages de la vérité que ce déchiffrage vous apporte et viser au-delà la fixité de la jouissance, l’opacité du réel. Si je voulais le faire parler, ce réel, je lui imputerais ce que dit le dieu d’Israël dans le buisson ardent, avant d’émettre les commandements qui sont l’habillage de son réel : « je suis ce que je suis ». »

→ lire l’intervention de jacques-alain miller au congrès de la NLS en avril 2011 sur le site de l’AMP

La pudeur est la forme royale de ce qui se monnaie dans les symptômes en honte et en dégoût.

26 avril 2013 | avril 2013 | Cut&Paste, jacques-alain miller, psychanalyse | , , , , , , , , , , , , |

« Le désir n’a rien à voir avec l’instinct, guide de vie infaillible, qui va droit au but, qui conduit le sujet vers l’objet dont il a besoin, celui qui convient à sa vie et à la survie de l’espèce. Même si l’on cherche son partenaire dans la réalité commune, l’objet du désir se situe dans le fantasme de chacun. Le Séminaire1 ,  cherche à expliciter la dimension du fantasme : à ce niveau-là, il y a entre le sujet et l’objet un ou bien – ou bien.
Au niveau de ce que l’on a appelé la connaissance, les deux, sujet et objet, sont adaptés l’un à l’autre, il y a coaptation, coïncidence, voire fusion intuitive des deux. Dans le fantasme, en revanche, il n’y a pas cet accord, mais une défaillance spécifique du sujet devant l’objet de sa fascination, un certain couper le souffle. Lacan parle de fading du sujet, du moment où celui-ci ne peut pas se nommer. C’est représenté dans le roman par le fait que les personnes ne sont pas nommées, restent anonymes, et que la qualité de père et celle de fille ne sont exprimées que de la façon la plus fugitive. Il y a seulement la fameuse « différence des sexes».
Il y a dans le Séminaire une phrase qui dit : « La pudeur est la forme royale de ce qui se monnaie dans les symptômes en honte et en dégoût». Entendons que la pudeur est la barrière qui nous arrête quand nous sommes sur le chemin du réel.
Une semaine de vacances va au-delà de la barrière de la pudeur, et s’avance dans la zone où c’est habituellement le symptôme qui opère, par la honte et par le dégoût.
Là, on rencontre un père, le Il du roman, qui hait le désir : ce qui l’occupe, c’est la jouissance. On le mesure à ce qui provoque son éclipse à la fin : Elle lui raconte un rêve, soit un message de désir à décrypter, et aussitôt l’humeur de Il change : il est outré, vexé, furieux, il se tait, il boude. Le désir, sous la forme du rêve, vient gâcher la fixité de sa jouissance. Fixité que supporte la répétition, dont Camille Laurens explore par ailleurs les pouvoirs. Ici, la jouissance revient comme une mélopée insistante. Le clivage entre désir et jouissance est rendu palpable, la jouissance étant une boussole infaillible, à la différence du désir. »
Jacques-Alain Miller, « Nous n’en pouvons plus du père », Lacan Quotidien n° 317, http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2013/04/LQ317.pdf

Notes:
  1. Il s’agit du séminaire à paraître en juin 2013, Le désir et son interprétation, texte établi par Miller J.-A., La Martinière & Le Champ freudien []

les bonnes intentions que Lacan n’avait pas

30 janvier 2015 | janvier 2015 | Cut&Paste, jacques-alain miller, psychanalyse |

Tandis que Lacan, lui, il étend son « je suis méchant » à la position du sujet, je ne dirais pas de l’inconscient, mais à proprement parler il l’étend au sujet de la pulsion.

Cette « inversion de la paranoïa », si on l’isole ainsi, permet de mettre en série nombre d’énoncés de Lacan avec lesquels il jouait à surprendre, scandaliser, émouvoir son auditoire. Par exemple, quand il lui arrive de dire « Je n’ai pas de bonnes intentions » et même « à la différence de tout le monde », il parade en être méchant. N’oublions pas que les bonnes intentions, on dit que l’enfer en est pavé, on n’a pas attendu Lacan pour s’en méfier de la bonne intention. La bonne intention s’établit sur la supposition que je connais ton bien. C’est en raison de cette supposition gratuite, hasardeuse, cette supposition qui nie l’absolue altérité, c’est en fonction de cette supposition que je peux imaginer que mon intention est bonne, et par-là déployer à l’endroit de cet Autre que je crois connaître comme ma poche, tous les ménagements voire m’offrir à me sacrifier ou du moins au moins à me contraindre. À cet égard, ne pas avoir de bonnes intentions est de l’ordre de la salubrité. Ça veut dire : je ne préjuge pas de ce qu’est ton bien. Et pour l’analyste, il faut bien dire que c’est de tous les instants qu’il a à se méfier de ses bonnes intentions puisqu’on vient lui demander son aide et qu’il est par fonction préposé à faire le bien de l’Autre, il est requis dans cette fonction. C’est le fruit d’une discipline que de ne pas s’autoriser de cette présomption pour commencer par s’abstenir du savoir du sens commun.

C’est d’autant plus essentiel quand ce qui est en question, c’est le choix d’objet du patient, quand l’affaire concerne le lien que le patient a noué avec un partenaire : mari, épouse, concubin, compagne, et qu’il vient s’en plaindre, ou même s’il ne s’en plaint pas que l’analyste est conduit comme invinciblement à désapprouver, à considérer que, de toute évidence, il y a là un lien nocif ou pathologique et que, d’une façon ou d’une autre, il s’emploierait à le dénouer, à l’aider à se dénouer. Or c’est là que s’impose le précepte « Tu ne jugeras point » où il importe que l’analyste ne fasse pas confiance à ses préjugés de sens commun, et que si deux se sont retrouvés il vaut mieux partir de l’idée qu’il y a un niveau où ces deux-là se conviennent. Là, c’est toujours dans ce registre que la bonne intention de l’analyste s’expose à des retours qui surprennent, que de voir que débarrassé du partenaire, le sujet se trouve réduit ou à l’errance ou à un malaise, un malheur encore plus intense.

Le bonheur pour un analyste, ça n’a rien à voir avec se sentir bien, être heureux. Il y a un niveau où le sujet est heureux et qui n’a rien à voir avec aucun bien-être. Le bonheur se trouve au niveau de la pulsion et au niveau d’une expérience dont on doit supposer qu’elle satisfait puisque tout est bon pour qu’elle se répète et rien n’implique que cette expérience s’éprouve comme bien-être. Le bonheur repose sur l’égoïsme de la pulsion, qui trouve sa satisfaction en elle-même sur le modèle d’une boucle. C’est ainsi que Lacan avait donné comme paradigme de la pulsion le propos de Freud sur la pulsion orale dont la satisfaction évoquait la bouche qui s’embrasse elle-même. La subversion freudienne du sujet conduit à poser la solitude du sujet au niveau de sa jouissance. Et cette solitude du sujet au niveau de sa jouissance est corrélative de sa méchanceté foncière. La pulsion n’est pas humaniste, si je puis dire.

Vie de Lacan, Jacques-Alain Miller

(en réponse à ça )

«Un répartitoire sexuel» par Jacques-Alain Miller – I

8 mars 2015 | mars 2015 | Cut&Paste, jacques-alain miller, psychanalyse | |

J’ai terminé le cours de la dernière fois par un dialogue que m’apportait l’actualité. Une dame dit – Je suis prête à tout. Et le monsieur répond, en manière d’objection – Plutôt à pas tout.

L’apologue de la dame au volant

Cela m’a été illustré il y a un instant, au moment où je me précipitais vers ce lieu, conduit par une dame. J’arrive un tout petit peu plus tard que je n’arrive en retard d’habitude. C’est que nous avons été arrêtés par la police.

Je suis encore sous le coup de la surprise de l’énumération qui est sortie de la bouche du Pandore de service, qui, sautant au bas de sa petite camionnette, dans un bel uniforme, a énuméré à ma compagne une liste impressionnante des infractions qu’elle venait de commettre depuis un kilomètre – d’avoir doublé à gauche, coupé la route de la camionnette policière, changé de file continûment, jusqu’à ce que, finalement, ils réussissent à la rattraper, et à signaler que le retrait de permis de conduire s’imposait. Ce qui n’a rencontré aucune objection, que sourire, que désolation, que soumission. Et, à ma stupéfaction, après le savon qui a été là passé – moi, je me faisais tout petit, me réservant, si nous étions emmenés, d’alléguer la désolation qui se serait répandue dans cette salle, et la mauvaise image qui en serait résultée pour les forces de l’ordre –, on s’en est tiré.

C’est sans doute que j’étais conduit par une dame presque prête à tout pour me livrer à vous, qui s’était fort heureusement, tout de même, arrêtée avant de passer un feu rouge. Délit qui, évidemment, n’aurait permis aucune indulgence de la part des puissances supérieures.

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