le devoir de suicide
Je crois que nous sommes devant la mer. J’ai déjà, en cachette, peut-être dans l’autocar, avalé, à moins que je ne les tienne encore en main, les 5 cachets avec lesquels je compte me suicider. Je ne sais pas si je commence mon suicide, si ce sont les premiers cachets de mon suicide, ou si ce sont les premiers et derniers, les seuls. Je ne sais pas si je commence alors à mourir. Toujours est-il que les cachets que je prends et que je ne vais cesser de reprendre à partir de là vont commencer à faire leur effet.
Il y a une chose que nous allons faire deux fois, devoir faire deux fois. C’est une épreuve, un exercice difficile – c’est lié au devoir de suicide ou au fait que nous postposons le suicide, à la situation dans laquelle nous sommes. La première fois, ça se passe sans trop de difficultés, nous arrivons à le faire. La deuxième fois, ça va devenir si difficile, l’épreuve, que, moi qui suis partie devant, qui mène les autres, vais finir par abandonner, ce qui entraînera mon réveil.. J’avalerai au cours de cette épreuve plusieurs fois des cachets. A la fin, les autres s’en apercevront, le « chef » aussi. Qui se demande également s’il va le faire, si c’est le moment de le faire, qui ne sait pas quoi me dire. Personne ne sait quoi me dire par rapport à mon suicide.
Je ne sais plus exactement en quoi consiste l’épreuve. Je crois qu’il y a des armoires dans la mer. Nous devons grimper sur ces armoires, au dessus desquelles il y a des chaussures, chaussures que nous enfiler les unes après les autres. L’épreuve consiste à avancer d’une armoire à l’autre en ayant successivement passé son pied dans chacune des chaussures. Les chaussures sont toutes différentes, ce sont, je crois des chaussures de femmes, à talon, des escarpins. Elles deviennent de plus en plus nombreuses. Elles sont en fait assez petites. On ne peut, en fait, à peine y glisser un orteil. Il ne s’agit pas de les mettre, il s’agit d’y glisser l’orteil ou le bout du pied et puis de passer à la suivante, mais de les faire toutes, sans exception. Les armoires deviennent de plus en plus difficiles à escalader et de plus en plus encombrées de chaussures. C’est parce que la dernière est vraiment trop haute, que je pleure et renonce à en sauter, comme je le devrais. Je me retrouve sur la terre ferme, je suis très triste, le désarroi est complet, je veux prendre les derniers médicaments, les autres s’en aperçoivent. Tout le monde a abandonné, en fait, ils ne savent pas quoi dire. Je me réveille.
Ce qui a poussé au suicide. Quelqu’un, que j’appelle le chef, mais qui est en fait une personne très forte, tue tout le monde. Cette personne en a plusieurs à son service. Des gens qui l’aiment et veulent tout faire pour elle, tout faire pour son service. L’une de ces personnes est un jeune homme blond, a l’air doux, avec des lunettes. Que rien ne prédestine à devenir un assassin. Il va pourtant aller jusqu’à tuer deux personnes. Ces personnes qu’il tue sont des connaissances à lui, qu’il aime peut être, mais cela n’importe pas pour lui, à cause du chef. Ses crimes accomplis, ses devoirs accomplis, il revient auprès du chef et le chef, qui a déjà tué beaucoup de monde, après un moment d’hésitation, et parce qu’il a déjà tué tellement de monde et que rien n’a plus vraiment de sens, le tue également, d’un coup de révolver, lui et une autre personne qui se trouve plus loin. Je crois qu’il y a du sang, c’est très violent. L’ensemble du rêve est très violent, réaliste. C’est à la suite de ces meurtres que le chef, et puis moi-même, se demande s’il ne doit pas se suicider. Le décide. Puis, il y a les armoires dans la mer, avec les chaussures.
carla et la souplesse
comment le dire, ce rêve, et que je ne m’en sois pas étonnée plus tôt ( non, je m’en suis étonnée plus tôt, mais je ne me suis pas encore formulé cet étonnement)…
je revenais de voir ma mère hospitalisée, il y avait eu ce drame des toiles aussi. il me devenait, il est devenu, de plus en plus impératif que je règle ce problème d’angoisse quand je suis avec elle, ce trou où je bascule et cette rage qui me prend, cette rage, colère, haine.
à quoi l’attribuais-je cette angoisse? mais bien plus à un trop grand amour de moi pour ma mère, quelque chose que je voulais rapprocher de ce que lacan avance de l‘angoisse qui surgit quand l’objet cause du désir se rapproche trop, l’objet réel. faut-il que je vérifie les termes de cela, dans le séminaire sur l’angoisse? et je voyais la mère bien plutôt comme le premier objet d’amour, remplacé ensuite par le père (à un moment de « déception »? à quel moment Freud lui situe-t-il cela? ) et donc que mon père réapparaisse et que reviennent des termes (phalliques, de pouvoir) de mon amour pour lui, de mon identification à lui, m’étonnaient et m’intriguaient. comme si cela n’avait pas été analysé de fond en comble. et si cela revenait, les termes de ce retour pouvaient-ils différer?
ce qui s’était auparavant avancé dans le rêve du fil de fer, c’était la part que j’aurais pu prendre dans le fait que mon père m’aie préférée, que je l’aie imaginé ou fantasmé, ou que cela aie été réel – à certains endroits. je l’ai haïe pour ce fil de fer (qui faisait tenir du faux là où ça manquait, des fausses dents, révélant et cachant ce manque, y palliant) que j’ai pourtant désiré dans ma bouche.
[quelle bouche ai-je eue, ai-je pour ma part eue. ]
ce dont j’étais déjà assez convaincue, c’est que fondamentalement, ce qui m’angoissait, en sa présence, n’était rien que je puisse lui imputer, en dehors de ce fait, « naturel », qu’elle était une femme. et c’est bien pour cela que je voulais que cela cesse. cela n’était pas juste. elle m’effrayait et n’y était pour rien, je devais pouvoir cesser de lui reprocher son être de femme, sa « baillance ».
or, à chaque fois que je la revoyais, cela revenait, ce désespoir et cette rage, et cela se reportait sur cette façon qui lui est propre, et je l’espère pas à toutes les mères, autrement je deviendrais à mon fils, moi-même, un jour, insupportable, de vouloir tout donner, donner tout, de me réduire à néant à force de vouloir prévenir mes désirs, comme si elle ne supportait pas mon propre manque et toujours venait à s’offrir pour le combler. et que cela, je le veuille.
je pensais que cela était effectivement un « défaut » chez elle, un péché, une tare, qu’elle ait ainsi sacrifié son désir à celui de l’autre. et que l’angoisse que je ressentais était le sien en présence de mon propre manque qu’elle s’offrait à combler, qu’elle ne supportait pas. qu’elle ait sacrifié son désir à celui de mon père, sacrifié son désir pour servir le désir de l’autre.
sa haine d’elle -même est immense, il faut que je le dise ici. et cette haine lui vient-elle de faillir à cela, faillir à combler. ou lui vient-il de ce que « l’amour c’est donner ce qu’on n’a pas à celui qui n’en veut pas » – et que non vouloir lui soit trop triste?
nous avions en quelque sorte convenu elle et moi qu’elle ne changerait pas, qu’il fallait que je l’accepte, qu’elle ne cesserait de vouloir s’occuper de l’autre – car j’ai bien souvent essayé de parler avec elle de tout ça, pour justement, que cela change.
et aujourd’hui que ce n’est plus elle qui peut tout nous apporter, mais elle qui est manquante, et nous qui pouvons aller vers elle, lui faire quelque offrande, la situation est devenue supportable.
(mais je ne pourrai ici développer tout ce que j’ai sur le cœur à propos de ma mère.)
bien sûr elle est seule, bien sûr elle a besoin de notre amour, bien sûr, ou moins sûr, est-elle soulagée, maintenant, de n’avoir plus à être l’épouse de son artiste de mari, et à porter cette responsabilité à laquelle elle craint/craindrait d’avoir failli (le spectre éloigné de la perte des toiles).
elle, est la faiblesse même.
qu’est-ce qui donc dans ma lecture du livre sur le vide m’a frappée au point de provoquer ce rêve, et qu’est-ce qui de neuf, d’inédit s’y révèle, viendrait s’avancer?
cette faiblesse de ma mère, faiblesse dite dans ce texte comme « méthode » du pouvoir. faiblesse et souplesse. faiblesse, à laquelle j’ai eu tôt fait moi-même de m’identifier – cela je l’ai reconnu à cette carla transformée en « femme de ménage » penchée sur le sol, elle que je suis devenue, à quoi je me suis condamnée pour avoir cru ou voulu que mon père me préfère à elle. et alors, hier, me rappelant et complétant le récit de mon rêve de ce terme de « glaneuses« , du nom du tableau auquel je pensais et de son auteur : « Les glaneuses », de Millet, quelque chose d’autre s’est mis à me titiller.
Millet, Miller, cela va presque sans dire, donc Millet aussi du côté du psychanalyste. et les glaneuses et les restes. les glaneuses se contentant des restes, se contentant, c’est-à-dire, en jouissant. aux autres tout, à elles les restes, le meilleur.
et les restes sont également mon objet. ce n’est que des restes que je m’occupe. et les restes sont bien ce qui occupe l’analyste, ce qui l’intéresse.
la faiblesse est là la force, et la souplesse, le corps plié en deux.
Je vois que je suis seule au milieu du grenier et que n’ai pas de culotte.
« Je monte, je monte, je monte, et finalement j’arrive dans un grenier. Là, je me rends compte que Vincent ne m’a pas suivie, que je suis seule, qu’il m’a abandonnée une fois de plus. Qu’il est resté dans les étages en dessous, qu’il est resté plus bas, qu’il ne m’a pas suivie jusque-là.
Je vois que je suis seule au milieu du grenier et que n’ai pas de culotte.
Une longue barre traverse horizontalement le grenier, à deux mètres du sol environ. Le grenier n’a pas de limites, pas de murs, ou du moins, je ne les vois pas, la barre également est infinie. »
à quelqu’un
je voudrais dire que je suis très fatiguée. juste le dire.
la jeune femme du rêve
la jeune femme du rêve, de quel rêve, ben de cuilà, Parodontologie à l’agence yves…
bon, ça serait moi. avec ma mentalité de serve, servante, secrétaire… elle est malade. ben oui, bien fait pour elle, moi aussi moi non plus plus pour longtemps. on pensait que c’était ma copine. tu parles d’une copine (une conne oui). il va y avoir une explosion auprès d’elle (ben oui, c’est ma couronne, chuis au château avec ma couronne explosée, danger dans g, dent j’ai. ( frédéric va venir me chercher. sortir de g. )
mon corps d’allemande. la brune et la blonde.
quelle mère suis-je, vais-je devenir, pour mon fils ? insupportable ? est-il possible d’y échapper, faut-il, à l’avance, l’accepter ?
quel amour ?
c’est pourquoi je dois cultiver le désir, et l’érotisme – car l’érotisme n’est qu’à son père et à moi.
et puis quel corps d’allemande ? et ma mère oiseau.
est-il, allemand, mon corps ? que cela veut-il dire ?
( j’étais blonde / comme mon père
elle était brune
mes yeux clairs, ses yeux marrons,
nul d’entre-nous, les enfants, ses enfants, n’avons
hérité de ses
caractéristiques
physiques /
sinon, peut-être, mes frères maigres.
alors son corps étrange, et sa langue,

Notes:
(Oui, j’ai rêvé. D’un homme qui me demandait ma voix.
(Oui, j’ai rêvé. D’un homme qui me demandait ma voix. Oui, j’ai rêvé encore. Ou plutôt non, une voix, la nuit, est venue m’a expliqué cette lettre que je m’étais adressée et que mon père m’avait donnée, m’a expliqué comment cette lettre tournait autour de mon père, ou plutôt comment mon père était venu se placer là, par hasard, au lieu du retour de cette lettre vers moi. Mais je n’ai pas bien retenu et ça n’a pas beaucoup d’importance. C’est juste un peu drôle (ces explications théoriques qui me viennent la nuit, poursuivent mes élucubrations). Il y a deux nuits, je n’ai pas du tout dormi trop inquiète à propos de tout ce travail que j’ai. La nuit passé, j’ai pris un somnifère. Entre les deux, il y a eu nous, je veux dire lui et moi. Tout autour des hormones inquiètes qui voletaient. Il y a trois jours, je me suis dit, non, je ne me plaindrai pas auprès d’eux, il faudra qu’à l’avenir que je fasse en sorte de n’avoir plus à me plaindre. A d’autres moments, je pense que voilà, maintenant, c’est comme ça, il faut que je fasse, tête baissée tous ces boulots, que je les termine, et un jour, ce sera fini. Dans un avenir probablement pas proche, mais, on n’y peut plus rien. )