avant-dernière (4.I.2007)

il aura également été question du bavardage. là que j’ai pu/dû dire qu’il me fallait rappeler le psychiatre (j’aurais pu/dû l’écrire tout de suite, cette séance, je n’en avais pas envie, je ne sais pas pourquoi. )

j’aurai dû vouloir dire mon sérieux, mon trop de sérieux quand il s’agit de parler. que la parole ne puisse être le lieu que de sujets graves. de sujets auxquels je tienne. auxquels il soit très difficile de toucher. et comment, depuis que je connais f., ce trait s’est atténué. l’exemple alors que j’ai voulu donner. de sujet grave. le mot que je n’arrivais même pas à dire. je pensais « shoah ». le dire, impossible – je pensais à f., qui ne supporte pas qu’on utilise ce terme dont il dit qu’il fut apporté, qu’il s’est imposé, dans le discours courant, par un film, celui de lanzmann.

Shoah est aussi le titre d’un film documentaire de neuf heures trente réalisé en 1985 par Claude Lanzmann et portant sur la Shoah. Composé de témoignages, ce film est exempt de tout document d’archives. Il évoque les événements avec une précision verbale implacable et montre aussi l’actualité toujours vivace du danger antisémite. C’est ce film qui a imposé en français l’usage du nom Shoah après le choix du réalisateur pour le mot hébreu qu’on trouvait déjà par exemple dans le texte hébreu de la Déclaration d’Indépendance de l’État d’Israël de 1948.
Voir la page de Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Shoah#_note-0

et aussi vrai que je ne comprends pas les raisons qu’il m’a mille fois données, f., que je soupçonne de simplement recouvrir, chez lui comme chez moi, une difficulté à nommer ces « événements-là », je ne suis pas moi-même, au cours de cette séance, arrivée à prononcer ce mot. j’ai tourné autour – j’aurai cité « les camps », mais qu’est-ce que ça veut dire, j’aurai dit, peut-être, « la guerre », ou « les juifs ».

hm. continuerai ça plus tard.

ou est-ce que j’essaie encore de noter en vitesse : je n’ai pas manqué de m’étonner un peu de ce que voulant parler de ma difficulté de à parler (dit-on « difficulté de parler », dit-on « difficulté à parler « ? c’est le genre de doute qui me prend ces derniers-temps et qui pourrait m’empêcher de dire une phrase à laquelle je pense, faute de / à l’anlayste je dis que les mots qui me manquent sont les « mots de transition » / peut-on les appeler ainsi ? et quand ce genre de doute vous atteint, vous allez chercher où, la réponse? grammaire? / décidément, je pense qu’on dit plutôt « difficulté à »)… je disais donc que je me suis étonnée de ce que voulant parler de ma difficulté à parler je prenne comme exemple du sérieux pour moi de la parole un événement qui pour moi fut majeur, dans l’histoire, et à propos duquel il m’est même difficile d’écrire.

toutes les fois qu’il a été question de ce sujet, mon coeur s’est emporté, mon âme. c’est une souffrance, ou ça l’était, ça le serait devenu moins, j’aurais pris de la distance, mais ça a été une souffrance réelle, un emportement, quelque chose qui me fait sortir de moi-même, qui me poursuit des jours durant, qui m’a poursuivie des jours durant. si d’aventure, quand d’aventure je me trouvais conforntée à des paroles qui d’une façon ou d’une autre « attaquaient » ce sujet-là, voulaient le prendre autrement qu’avec les pincettes, la componction d’usage (mais là, c’est moi qui). (tu dis que tu es « ironique », que tu te reconnais dans la définition du dictionnaire). ainsi quand s. a remis en cause l’existence même des camps. (l’arrachement à l’intérieur, cette sorte de cri, ça a duré des jours, des semaines, de tourmentes.)

enfin tout ça pour dire qu’on n’a peut-être pas à s’étonner d’avoir des difficultés à parler, si parler signifie parler de cette chose pour laquelle on n’a soi-même pas de mot.

comment trouver la bonne distance?

(plus tard, y revenir, à l’ironie.)

névrosé de guerre

séance. invitée à parler de mon père. en sortant je pense à ce fait, qu’il ne serait jamais arrivé qu’il ne parle pas de la guerre. quelle qu’était la personne qu’il rencontre, il fallait toujours qu’il lui parle de la guerre. (le jour où il lut un bouquin de freud et m’annonça gravement : je suis un névrosé de guerre.)

mon père, lui, parlait de la guerre.
mon père parlait sans difficulté.
il pouvait parler avec n’importe qui.
il parlait de l’histoire, il parlait des actualités, il parlait de l’art, il parlait de la guerre.
il était d’un commerce agréable, ne manquait pas d’humour, et avait toujours qq chose à vous apprendre à propos de la guerre.
c’est une chose presque étrange, pas désagréable, de se retrouver à dire de son père qu’il était un homme sympathique.
mon père était un homme vraiment sympathique. il faut bien le dire.

du trauma d’une conversion à l’envers

depuis donc que l’homme qui me sert d’analyste m’a dit une certaine chose, que j’ai très rapidement oubliée, je n’ai plus cessé d’être malade, en dehors du séjour à donnery où il me semble que j’ai surtout pénétré plus avant un désir de tout quitter rien emporter dont j’ai du mal à revenir.

que m’a dit cet homme? m’a-t-il seulement découragé (interdit!) de demander à être membre de l’acf? ou m’a-t-il également interdit d’être analyste? quels ont été ses mots, sur quoi portaient-ils? – vous avez fait cette démarche malgré mon interdiction? – ah, bon, oui, quoi, vous me l’avez interdit? dites-moi? – mais, je ne vous l’ai pas spécifiquement interdit, enfin cela fait 6 mois (6?) que j’essaie de vous prévenir de (…) – ah, bien, j’aime autant que ça soit plus clair… – il y a d’autres moyens de faire partie de la grande famille… -mais, ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit?

s’agissait-il du terme d’interdiction? bon, c’était au moins aussi fort.

comment ai-je alors réagi? sur quoi ai-je sur le moment même cru que portait cette interdiction? pourquoi ai-je accepté sans frémir ce qu’il me disait? souriante? pourquoi souriais-je?

je lui ai dit que c’était très important pour moi ce qu’il me disait et que je ne souhaitais pas l’empêcher de parler, parce que ça m’intéressait et qu’il me semblait que ça avait pu m’arriver, dans des moments « cruciaux » comme ça d’avoir empêché un analyste de me parler. il essaie de me dire que ce n’est pas important ce qu’il à me dire, que ce qui compte c’est ce que j’ai à dire. nos paroles se chevauchent, tout en lui disant de parler, je parle. car, immédiatement dans la foulée de ce qu’il vient de me dire, disons,  « j’entame un nouveau chapitre ». je pars sur autre chose. quelque chose me soulage dans ce qu’il me dit, et je dis « oui, peut-être que tout cela, toutes ces complications, c’est peut-être encore pour m’empêcher de faire autre chose, c’est pour camoufler un autre désir encore. -lequel? – eh bien, celui d’écrire. fin de séance.

au retour j’envoie un texto à f., que je dois retrouver, de cette façon j’aurai les paroles exactes, je lui dit (selon donc mon souvenir) : X m’interdit de devenir membre de l’acf ou X m’interdit d’être analyste. ce qui est sensiblement différent. mais je ne dispose plus de ce texto, je viens de le vérifier.

le soir, quelque chose comme de l’angoisse et de la fureur rampe vers moi, en moi. la fureur d’abord contre mon précédent analyste. et puis le désespoir. la nuit-même, je suis malade. le lendemain, je suis malade. un sorte de grippe gastro avec de la fièvre. je ne peux pas conduire ju. à l’école, je reste au lit. j’envoie des mails désespérés à l’analyste, dont je ne dispose plus parce que je les envoie depuis mon téléphone qui ne garde pas les mails au-delà de 3 jours. ces mails restent sans réponse. mon désespoir s’accroit. il me semble que tout ce que j’ai entrepris récemment est réduit à néant. je sais que je dois résister au fantasme de m’être vue interdite dans mon désir, mais c’est difficile. une image stupide me vient à l’esprit : celle de saint paul rejeté à bas de son cheval sur la route de damas. je sens que c’est idiot, que cette image-là me vienne à l’esprit.

  quelques jours plus  tard cependant je garde cette image en omettant de préciser qu’il s’agit de saint paul, je ne garde que celle de la chute, du rejet en bas de ma monture, pour annuler le rendez vous pris avec le responsable de l’acf. je lui parle de mon désir qui ne serait pas si décidé que cela puisqu’il suffit d’une intervention venant de presque n’importe qui pour m’abattre. 

je suis sur pied pendant un jour. je retombe malade. une grippe avec fièvre. je me rétablis. je fais une crise d’eczéma puis je me choppe une orgelet à l’oeil gauche. nous partons à donnery où je ne suis pas malade. au retour il me semble être très déprimée. et l’angoisse monte comme approche le moment des résultats d’analyse du méningiome de ma mère. c’était hier. c’était une bonne nouvelle, celle à laquelle je ne croyais pas, même si j’avais rejeté toute spéculation. elle ne devra pas se faire opérer. la situation est stationnaire et donc bonne. malgré cela, je constate que l’intense sentiment de dépression ne me quitte pas. ma gorge et mes oreilles s’enflamment. j’en suis donc à soigner ça ainsi qu’un tour de rein que je viens de me faire.

cette nuit je fais un rêve. au réveil, je ne sais ce que je dois écrire, ni à qui. j’écris ceci, ici. dans, oserais-je dire, un sentiment absolu d’incrédulité. l’idiotie de cette image: c’est qu’il me semble plutôt avoir fait une conversion à l’envers.

Sans titre

Il m’est difficile de l’affirmer, mais la nécessité d’écrire m’apparaît de plus en plus clairement. Je ne vois plus ce qu’il me reste d’autre à faire. D’autant que je renonce à la psychanalyse, à être analyste, ainsi qu’à insérer mon travail, d’une façon où d’une autre, à celui de l’École de la Cause freudienne. Ce détachement de l’École, résultat d’une suite de circonstances, voire de déboires que j’ai eus avec elles, ainsi que de ma dernière, et ultime, séance d’analyse, se renforce du sentiment de la liberté que ce détachement pourrait me procurer et d’une valeur nouvelle que j’accorde à cette liberté. Parce que leur rencontre est encore très proche, j’ajoute que ma récente découverte de l’oeuvre de Walter Benjamin et celle de l’artiste chinois Ai Weiwei n’ont pas été sans incidences. Ni l’un ni l’autre n’ont opposé de résistance à la nécessité d’écrire.

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