29 janvier 2021 7h48

Publié le Catégorisé comme Hélène Parker
Hélène Parker, 
Je pensais à diverses choses, en me réveillant. 
Je n’a jamais compris l’imaginaire de Lacan. Je n’ai jamais compris ce que pouvait être une relation dite imaginaire. Quand un ami intéressé aux choses de la psychanalyse me disait C’est imaginaire ! Je ne comprenais pas. Autant j’ai le sentiment d’avoir perçu ce que c’était le symbolique ou le réel, autant l’imaginaire me paraissait flou. 
Lorsque j’ai appelé, chez vous, Édouard du nom de Fvréronic, quelque chose de ma colère contre lui est tombé. J’ai pensé : Si me fâcher sur lui, c’est me fâcher sur moi… ça n’ en vaut même plus la peine. S’il est le représentant de ce que je déteste en moi, … 
Je le lui ai rapporté, ce lapsus. Il m’a remerciée. 
Mais, ce matin, je pensais aux hommes que j’avais connus. Et à ce qui m’avait jouir. Aux rares fois où j’avais joui, aux fois mémorables. Il a toujours fallu qu’il soient perdus. Je ne sais plus comment je suis arrivée à penser ça. 
Il fallait qu’on soit dans la séparation, dans la perte. 
Et j’ai pensé que je désirerais, jouirais de Édouard lorsque l’un d’entre nous tomberait malade, mourrait. 
Ce que je vous dis maintenant, pensant sans doute relation imaginaire et… coupure réelle, la révélation matinale, pendant des années ça m’a interrogée. 
Je ne dis pas que j’en aie trouvé le fin mot ce matin. 
Mais, ça se conjugue aussi, et j’en suis triste, un peu, avec ce que je vous disais de l’extraction. Qu’il aurait fallu, qu’il faudrait, pour que je fasse un livre, que je puisse, du corpus de ce que j’ai écrit, en extraire les quelques pages. Que cela m’avait toujours paru impossible. 
De même, lorsque j’écrivais le blog, qui a été au plus proche de ce que je pourrais produire, comme œuvre d’art, je me disais : Il ne faut pas coucher sur le temps. Il s’agissait pour moi, avec le blog de « se coucher sur le temps », faire bloc, blog avec lui. Faire corps. Et ça me paraissait d’une nature contraire à celle de l’œuvre d’art. Si j’avais alors ou supporter la reconnaissance, si j’avais pu le faire en mon nom, peut-être serais-je devenue artiste. 
Édouard a acheté deux belles gerbes de fleurs pour sa mère. 
La jeune femme des Pompes funèbres a demandé ce que nous voulions écrire dessus. J’ai parlé de sa « gentillesse infinie » et de remerciement. Édouard a bredouillé Oui, mais non, ce n’est pas ce que… J’ai compris qu’il voudrait inscrire quelque chose de lui… La jeune femme a dit, vous pouvez vous partager les couronnes. On a dit Oui. 
Édouard a décidé d’écrire sur la grande gerbe rouge À ma mère. Et nous a demandé, par WhatsApp, ce qu’on voulait sur la petite (gerbe jaune). Et Stan a dit : À notre grand-mère ? Et Édouard a dit OK. 
Il y a deux nuits, j’ai rêvé que j’avais la maladie de ma belle mère et que j’allais mourir, rapidement. Je demandais à ma mère d’appeler les urgences mais elle me disait qu’elle ne pourrait pas. J’essayais d’appeler moi-même, mais lorsque je les ai eus en ligne, ma voix sortait très bizarrement, sortait de moi, j’entendais les mots que je m’arrachais péniblement (des mots de papier chiffonné, je crois que j’ai dû tenter de les dire dans mon sommeil, les dire réellement, et entendre cette voix de rien du tout), et je n’arrivais pas à dire ce qui m’arrivait, qui justifiait l’urgence. Je me suis réveillée.
La professeur de français de Anton nous dit qu’il extraordinairement talentueux dans le maniement de la langue. J’ai dit à Édouard que c’était sans doute nous qui ne le reconnaissions pas suffisamment, là. Il a dit que oui probablement. 
Enterrement demain matin. 
Jeanne Janssens 
NB : J’aimais ma belle-mère et elle-même m’aimait vraiment beaucoup. Je le sais bien.

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