Atelier François Bon – Été 2023 : Un cycle sur les outils d’invention et d’élaboration du roman
Je participe en ce moment à l’atelier d’été de François Bon consacré cette année roman. C’est la première fois que je participe à un tel atelier, et j’espère que je tiendrai jusqu’au bout. Je l’ai pris en cours de route, démarré au #07, au septième atelier, un atelier sur la « préparation du corps » que j’avais entendu sur YouTube et qui poussa en moi, dans un creux de la nuit qui suivit, un texte dont il m’avait semblé qu’il demandait une suite, un développement, ce qui m’avait poussée à m’inscrire à l’atelier. C’était le 24 juillet, l’atelier avait commencé le 11 juin. J’ai fait l’atelier #07 et dans la foulée le #07bis qui le complète, et suis ensuite passée au début, aux premiers ateliers. Depuis lors, j’essaye de rattraper mon retard. Ces essais sont publiés sur le site des ateliers du Tiers Livre, avec tous les autres contributeurs. Je les publie également ici.
(Là, on trouvera le texte complet, sans les scholies.)
Si ce n’est qu’ici, ils sont augmentés de ce que j’ai fini par appeler, de façon un peu prétentieuse, les Scholies1. J’y tiens quelques notes de ce que ça me fait, d’essayer de remplir le cahier des charges de cet atelier, des difficultés que je rencontre. J’en profite pour mentionner que très vite il m’avait semblé que si ce travail aboutissait2, je pourrais difficilement m’en dire l’auteur, la seule auteure, tant la part de François Bon dans l’écriture, la part de son invention, de son apport, me paraissait importante. Aujourd’hui, par ailleurs, je ne suis plus sûre de pouvoir faire vivre le texte de l’atelier proprement dit, les réponses aux propositions, indépendamment de ces réflexions, indépendamment de la prise dans l’atelier, indépendamment du dispositif de l’atelier, indépendamment de la rencontre avec les propositions de François Bon. Je suis tentée donc d’en faire l’objet principal de mon écrit.
Scholies
L’atelier Roman
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#00 | le livre oublié
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j’essaie de me souvenir d’un livre auquel je tiens beaucoup, et rien ne vient, rien ne revient, et cela me stupéfie. je ne me souviens ni du titre ni du nom de l’auteur. si, du visage, je me souviens, de son très beau visage, ses cheveux noirs, lisses, sa bouche qui malgré le noir et blanc de la couverture paraissait fardée. je n’ose rien dire de plus de ce visage. elle n’ose rien dire de plus, un petit quelque chose qui la retient, de ce visage dont je m’étais étonnée, à le découvrir, qu’il ne ressemblât pas davantage… Lire la suite…
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#01 | l’invention de l’auteur
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Donc, elle oublie les noms propres, les chiffres aussi, les dates. Quand elle les lit dans les romans, elle les saute, surtout les noms trop compliqués. Elle reconnaît la graphie, la forme des noms. C’est enfant à la lecture de Dostoïevski qu’elle s’en rend compte : de nombre de personnages les lettres du nom s’entrechoquent, s’emboutissent, s’intervertissent, font un petit tas imprononçable. C’est un léger obstacle rencontré dans le fil sinon continu de la lecture, une petite pierre sur la route. Elle saute les noms propres, qu’il s’agisse de noms de personne ou de lieux, elle saute les… Lire la suite…
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#01bis | le bloc brouillon
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Avant cela. Réfléchir peut-être à la façon dont ça a commencé. Dont ça aurait commencé, écrire. Il y eut les devoirs d’école, les rédactions les dissertations. Et déjà, il est vrai la surprise de ce que ça s’écrive et qu’il n’y ait pratiquement rien à rajouter, jamais à corriger, tout d’un coup le point final et puis les félicitations des professeurs. Il dut y avoir quelques lettres. Des journaux quelquefois entamés, rapidement détruits. Et l’accident, elle a 18 ou 19 ans. Elle se rend à une répétition de théâtre et une voiture lui cogne le genoux comme elle avance… Lire la suite…
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#02 | de la préparation du lieu (chosette dans l’avalyse)
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Il me semble que le lieu sera toujours celui de la présence et de la sensation. (Il y aurait le lieu aussi de l’image, pris d’ailleurs dans celui de la présence, y dressant ses écrans impalpables.) Il y a la possibilité de mettre des mots, il y a l’inanité. D’un côté il y a la possibilité de mettre des mots, de l’autre, il y a l’inanité de toute chose. Il y a pourtant le goût des mots. Tout comme il y a la maladie des mots. (Tu sais ce que tu ne sais pas, c’est que tu ne sais… Lire la suite…
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#02bis | La disparition inaperçue
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On essaiera d’être ailleurs que nulle part. Ailleurs qu’à l’heure de nulle part. On séparera le dehors et le dedans, on dressera la porte battante. On le fera artificiellement, par jeu. On se fiera une fois de plus au hasard, sachant qu’il n’y a pas de hasard personnel. Le hasard personnel est reprise, toujours. On quittera cet insupportable ton emphatique. On y ira, on recréera le passé. On partira dans l’inconnu. On utilisera des lignes, des passages à la ligne, des paragraphes, des phrases. On écoutera la voix, on entendra son rythme, le rythme de ses syllabes, on… Lire la suite…
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#03 | Blanche
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Une autre nuit, une autre nuit parisienne, en trombes la pluie tombe à 1 mètre de celle qui écrit fenêtres d’été ouvertes et au bout de la rue, elle entend, battements sourds et répétitifs d’une fête. Écrire dans la perte de la langue. Écrire dans son bégaiement. Écrire depuis ce qu’il y a, non de ce qu’il devrait y avoir. Voir alors ce qu’il y a. Écrire depuis les rives de la perte de ma langue, depuis mon bégaiement. Dire la langue même comme symptôme. L’exposer. La langue d’avant le polissage, la mise au pas. Est-ce que toute… Lire la suite…
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#03bis | crème à la vanille
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Son père avait pourtant été le dernier arrivé à table. Et ce n’est jamais qu’un court moment qu’ils avaient été là tous les 4 à l’attendre. Chacun se ressemblant. Sa mère n’avait simplement pas osé dire qu’elle ne l’avait pas trouvée, se taisait, perdue dans le silence de cette disparition. Elle était montée dans les chambres, le dîner prêt, chercher les frères, puis descendue au sous-sol, la chercher, elle Blanche, où elle ne l’avait pas trouvée. Etait remontée, n’avait rien dit. Cette fatigue. Les garçons déjà à table, avait rallumé les plats, puis éteints, ne savait pas quoi faire,… Lire la suite…
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#03ter | semblant de mer
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Le lendemain, rêve de Blanche : Je suis au château (Noirtier). Il y beaucoup de monde. Nous devons partir, prendre un train, rentrer à Bruxelles. Je rencontre Nathalie Fièvre qui me demande de rester quelques jours encore, qu’on puisse étudier, réviser ensemble pour l’examen. Je pense que je n’ai aucune envie d’étudier, que je ne me sens pas du tout en état d’étudier, mais que je resterais volontiers là quelques jours encore. Elle me dit de l’accompagner pour le petit-déjeuner qui va se prendre au village, avant le départ. Je la suis et descendant la route, nous fumons un joint. C’est… Lire la suite…
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#04-00 | le train vers Noirtier
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Je voudrais qu’on la voie, je voudrais vraiment qu’on la voie dans un train, et qu’on voie d’elle l’image qu’elle ne voit pas d’elle-même, cette image que l’auteur, Sonia, n’a pas plus les moyens que moi de décrire. Je voudrais qu’on la voie, Blanche dans son compartiment de train, elle dont à vrai dire l’auteure ne possède pas grand chose de plus que le nom. Qui pourtant aimerait l’écrire ce personnage de Blanche, mais qui ne peut le faire qu’en creux. Qui a cette faiblesse de vouloir écrire le creux et qui en fait trop. On arriverait seulement à… Lire la suite…
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#04bis-00 | l’auteure participe à un atelier d’écriture
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l’auteure ma foi ne s’en sort pas. elle participe à un atelier d’écriture et les consignes qu’elle se coltine… cette fois, n’en pouvant plus, elle décide d’en inventer une nouvelle, plutôt elle décide d’adapter l’existante, d’adapter la consigne existante. on n’attend rien d’autre de toi. rien, personne, dit Sonia, n’attend rien de moi, qu’on n’essaye pas de me faire croire. elle est seule à attendre quelque chose d’elle, elle dit. cela dit, la galère de c’t’atelier. en fait, c’est une débutante. « dans la nuit de samedi à dimanche » sera votre guide, votre mantra, et par sept fois, vous l’écrirez, et par… Lire la suite…
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#04bis-01 | dans la nuit de samedi à dimanche
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Brouillon, les tentatives de Sonia pour répondre aux consignes. de sam à dim, les nuits de Blanche On ne dit rien ici des inquiétudes de Sonia quant à, pense-t-elle, la multiplication des instances d’énonciation, là où, pense-t-elle, elle n’en voudrait qu’une et une seule. A la limite 2. L’auteur et le personnage. Qu’il n’y en ait qu’une, d’instance, n’empêcherait pas qu’elle ait plusieurs voix, que du contraire. Une à voix multiples. Comment alors les nommer ces voix. On constatera cependant déjà qu’il y a chez Sonia une grande attirance pour l’un et l’un seul, l’un tout seul, c’est… Lire la suite…
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#05 – 00 | ce qui échappe (compressions du temps) / lamento absent
— Non publié sur le site du Tiers Livre–
#ateliers #été2023 #05 | ce qui échappe (compressions du temps) – atelier du 9 juillet Première tentative, je ne l’ai écrite que parce que j’en ai eu l’idée. Je voulais vérifier à quoi ça pouvait éventuellement mener. Ça mène trop loin et je ne l’ai pas publié sur le site de l’atelier. De quoi s’agissait-il ? De plusieurs voix qui commentent un même événement. « Se saisir d’un point d’intensité du réel, et en démultiplier le récit par témoins interposés » et aussi : « développer le récit en relation inverse à la durée dont il traite, faire récit d’une compression du temps. » Sont… Lire la suite…
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#07 | de la préparation du corps – le cheval
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Longtemps il y a eu un corps Longtemps il y a eu l’image Et c’était séparé C’était comme un cheval à la tête arrachée et qui continue d’avancer Un demi-trait Je me tenais principalement parmi les déchirures Dans le cercle des peaux déchiquetées Au bord du noir de l’horreur, entre les deux épaules Mais je me tenais aussi dans les jambes, 4, l’échine souple, la croupe, le fouet de la longue queue Je n’étais pas dans la tête et le cou absents Dans la merveille des yeux noirs, de la bouche douce, des oreilles soyeuses et intelligentes, je… Lire la suite…
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#07bis | Je me rends compte que je n’ai pas assez parlé de l’odeur
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Le corps est moite et étalé. La nuit est longue sans l’être jamais vraiment assez. Est-ce qu’il ne faudrait pas que tout s’arrête. Est-ce ce que tout ne s’arrête jamais assez. Est-ce que la nuit ne manque pas toujours d’être noire. Le corps est moite dense et étalé. Je me rends compte que je n’ai pas assez parlé de l’odeur. De cette odeur, comme ce cœur, comme ce corps perdu. Je n’ai pas assez parlé du corps comme odeur. Pas assez. De ce qui s’en perd, et sans que je sache finalement si c’est de mon fait ou… Lire la suite…
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#11 | Portrait de l’auteure en lectrice
— en cours d'écriture —–
« Ce qu’elle nous présente comme forme: un écart, une reconstruction fictionnelle, une mise à distance. Ce qui est reconstruit fictionnellement, c’est comment elle l’auteur est séparée d’elle-même par cette reconstruction d’elle qui lui arrive. » François Bon, à propos de Gertrude Stein dans Autobiographie d’Alice B Toklas donn, nuit elle marche tout à fait dans le vide maintenant. c’est encore une autre nuit. il n’y aurait presque rien d’autre à dire. la tête dans l’oreiller. elle marche tout à fait dans le vide maintenant. les consignes se multiplient, ne se ressemblent pas. de la tête elle ne sait plus… Lire la suite…
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#12 | oreillers de l’auteure
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encore une autre nuit, encore le noir et la chaleur agréable des draps les fenêtres ouvertes malgré la mi-septembre des disputes dans la rue et qu’est-ce qui dans ce moment est extraordinaire tout en ne l’étant absolument pas qu’y a t il qu’elle voudrait retenir encore empêcher la nuit d’avancer de passer de s’en aller la vie de reprendre quelle vie le monde et son travail alors que dans sa tête rien qui ne trouve à s’élaborer rien elle le sait qui ne trouvera à s’écrire jusqu’à satisfaction à s’écrire jusqu’à avoir apporté satisfaction. l’auteure ne s’en sort… Lire la suite…
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#12bis | retour sur la fiction
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un peu n’imp. premier essai de vidéo, de lecture. je relis mon texte. 2 x d’ailleurs. en corrigeant… je le referai… elle disait qu’elle s’était récemment rendue compte qu’il lui était de plus en plus difficile de croire à la fiction, comme si tout devenait réel. idem, ajoutait-elle, au cinéma : de l’impossibilité de voir un film violent : sur sa chaise c’est elle qui encaisse les coups, qui gémit, qui se projette sur le côté tentant d’y échapper. ou encore : sortir épuisée d’un spectacle de danse. c’est-à-dire : toujours faire corps avec ce qu’il y a,… Lire la suite…