Notes sur la consigne
Long monologue du fauteuil à oreilles, tiré de Des arbres à abattre de Thomas Bernhard. Réception dans grand appartement viennois. Narrateur assis dans un fauteuil à oreilles – des « oreilles comme des antennes, comme un appareil auditif ». Long monologue de 40 minutes. Le narrateur ressasse. Bribes de conversations qu’on entend mêlées à des souvenirs – 20 ans plus tôt le narrateur fréquentait ces gens.
Publié après-coup sur Facebook
Je pourrais dire que je regrette de n’avoir pas lu le monologue du fauteuil aux oreilles avant d’écrire ma 12, mais ce serait faux, je crois que le lire m’aurait rendu d’autant plus impossible d’écrire ce que j’ai finalement écrit et que je n’ai écrit que pour cesser d’avoir cessé d’écrire. Je l’ai écrit comme je peux, prise dans tout ce qui m’empêche en ce moment d’écrire, de continuer, toute la poix, et dans le souvenir du genre de monologue que je serais tout à fait capable de tenir à part moi, préférablement au fond de mon lit, enfin si je remonte le passé, également au milieu d’une foule, même si jamais au grand jamais je ne m’y montrerais, je ne m’y serais montrée aussi persifleuse que TB. Je dois dire que je suis en ce moment dans de telles difficultés par rapport à l’atelier que je suis tentée par l’idée de me contenter d’écrire cet échec, l’échec de l’écriture d’un roman, écrire atelier par atelier ce que je rencontre comme point d’impossible qu’il ne m’aurait jamais autrement été donné de rencontrer, et le moyen que je trouve, ou pas, de le contourner, à ma façon. Écrire cet échec serait évidemment une réussite à quoi je devrais donc échouer étant de façon certainement définitive abonnée à l’échec, ce qu’il m’arrive heureusement d’oublier et qui m’amène à me lancer dans des entreprises dont j’oublie la promesse d’échec, ainsi cet atelier d’été. Caramba encore raté, rater, rater mieux encore.
« D’abord le corps. Non. D’abord le lieu. Non. D’abord les deux. Tantôt l’un ou l’autre. Tantôt l’autre ou l’un. Dégoûté de l’un essayer l’autre. Dégoûté de l’autre retour au dégoût de l’un. Encore et encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’au dégoût des deux. Vomir et partir. Là où ni l’un ni l’autre. Jusqu’au dégoût de là. Vomir et revenir. Le corps encore. Où nul. Le lieu encore. Où nul. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. Jusqu’à être dégoûté pour de bon. Vomir pour de bon. Partir pour de bon. Là où ni l’un ni l’autre pour de bon. Une bonne fois pour toutes pour de bon. »
Samuel Beckett, Cap au pire
Réponse à un commentaire / il avait fallu mettre un mot, ça a été celui-là
Ah MT non, non ce n’est certainement pas un concours pour moi. et c’est beaucoup plus léger que l’écho que j’en trouve ici… je crois que c’est drôle même un peu. c’est de l’écriture quand même… une écriture qui m’est chère… et c’est une façon de dépasser la difficulté rencontrée. c’est vrai, j’ai poussé le mot d’échec, mais il ne correspondait pas tout à fait à ce que je ressentais, les difficultés. il fallait mettre un mot, ça a été celui-là, avec lequel j’ai déjà une histoire, ça m’a permis de rebondir. un mot comme marchepied.
alors oui, j’aurais aimé que ça s’écrive, un roman, j’ai voulu croire à la magie (c’était à un moment par ailleurs très difficile que je me suis inscrite), ça allait m’aider, ça m’a aidée, ça m’a même amusée… bon, le roman, lui, résiste… or, c’est intéressant, ces points de résistance, ce que je rencontre de mes impossibles… mes solutions de contournement.. je n’en fais pas une maladie non plus (même s’il y a eu un petit covid)… et c’est vrai que je me suis sentie débordée par l’afflux de propositions mais c’était : débordée d’envies et le temps manquant… là encore, j’ai trouvé la solution : non pas tout plaquer, mais juste ne pas le faire, pas faire tout ce qu’on a envie. (et d’ailleurs, c’est à t’écrire que je m’en uis persuadée).
chaque proposition, ça a été un travail incroyable. une difficulté incroyable. le livre ! l’auteur ! le lieu ! les personnages !! le temps ! la répétition ! le corps ! mais c’est aussi parce que je me confronte à ce que je découvre comme impossible que je suis obligée d’inventer, d’inventer avec l’écriture. il n’y a que les personnages, jusqu’à présent et à mon avis pour toujours et à jamais, qui sont véritablement manquants. eh bien ce n’est pas une mince affaire que d’être confrontée à ça. je veux dire que le travail ça s’est passé là. réaliser, digérer, ce que cela révèle sur soi.
et alors, écrire encore.
quant au ratage… I mean, this is the story of my life.. The intimate story of my life. The story or the cement. d’autres l’ont dit bien mieux que moi. J’ai d’extraordinaires prédécesseurs. mais ça s’ouvre aussi comme enjeu : le ratage, le dire bien.
Deuxième réponse / « c’est raté »
je voudrais écrire pour alléger (je crois) et des petits pas de petits rats, ma foi… de jolis petits pas, je ne détesterais pas. des petits pas pas ratés, des petits pas trébuchés, j’aimerais. des petits pas de rats cabriolés. leiris – n’ai lu que Biffures et une correspondance avec bacon, je crois – autant son ‘reusement fut déterminant quant à son devenir d’écrivain, autant peut-être le fut pour moi le fait que jour après jour repas après repas ma mère gentiment nous servait à manger nous disant c’est raté. ça n’est pas l’histoire de tout le monde. non, c’est l’histoire d’une petite fille dont la mère n’a jamais rien fait sans être persuadée que c’était raté, toute confondue de haine pour elle-même, et s’en excusant. après, on se débrouille. moi-même fort attachée à ma mère je ne la trahis pas et je tiens fort souvent je l’avoue à mon cœur défendant à ne pas réussir, or très attachée aussi à mon fils, c’est une donnée nouvelle même s’il a 18 ans, et je voudrais maintenant de ce ratage dire la face sublime, la face clownesque aussi, cependant il se trouve que le mot de ratage même est fort affecté par le manque de considération qu’il trouve dans nos civilisations, du ratage on entend d’abord le drame, il faut donc que je soigne mieux mes préliminaires afin que d’en révéler la face cachée, jusqu’à un certain point totalement jouissive, et n’en vienne à trahir personne surtout pas moi, qui entre-temps, à force d’en être usée, m’y suis attachée. car le ratage détient une vérité ultime indépassable dont on peut venir à vouloir s’en faire le hérault, la héraulte. (ce qui m’embête, c’est d’être toujours aussi longue et sérieuse, et puis, je vois bien, MT, que nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde ; or, le faut-il ? ne suffit-il de simplement résonner ?)
Alors, quel point d’échec
L’idée, je crois, d’avoir à écrire un monologue intérieur au milieu d’une foule, de devoir évoquer la présence de monde, je sais, ça n’était pas obligatoire, ça n’est jamais obligatoire, mais c’est ce que je ressentais comme impossible pour moi. L’exercice du monologue intérieur de 40 minutes, en soi, me paraissait facile. Enfin, surtout, je peinais beaucoup parce que je ne savais pas s’il fallait que je fasse ce #12 ou plutôt que je poursuive l’avancée des ateliers depuis le début, ou encore que je reprenne l’un ou l’autre atelier foiré. Mon esprit passait d’un atelier à l’autre sans parvenir à s’arrêter, se décider. Il y avait aussi les « Notes sur le confinement » et les mots du Livre d’un mot.