A ces motivations générales s’ajoute dans notre cas un facteur particulier : c’est que les thèmes d’Athènes et de l’Acropole contiennent en eux-mêmes une allusion à la supériorité des fils. Notre père avait été négociant, il n’avait pas fait d’études secondaires, Athènes ne signifiait pas grand-chose pour lui. Ainsi, ce qui nous empêchait de jouir de notre voyage était un sentiment de piété. Maintenant vous ne vous étonnerez plus que le souvenir de cet incident sur l’Acropole revienne si souvent me hanter depuis que je suis vieux moi-même, que j’ai besoin d’indulgence et que je ne puis plus voyager. |
Étiquette : oubli
cette absence de nom et la mienne
« Se trouver dans un trou, au fond d’un trou, dans une solitude quasi totale, et découvrir que seule l’écriture vous sauvera. Être sans sujet aucun de livre, sans aucune idée de livre, c’est se trouver, se retrouver devant un livre. Un immense vide. Un livre éventuel. Devant rien. Devant comme une écriture vivante et nue, comme terrible, terrible à surmonter.(…) Si je n’avais pas écrit, je serais devenue incurable de l’alcool. C’est un état pratique d’être perdu sans plus pouvoir écrire… (…) Je ne sais pas comment je me suis tirée de ce que l’on peut appeler une crise, comme on dirait crise de nerfs ou crise de lenteur, de dégradation. (…) Quand on sort de soi, tout un livre, on est forcément dans l’état particulier d’une certaine solitude qu’on ne peut partager avec personne. On ne peut rien faire partager. On doit lire seul le livre qu’on a écrit. (…) Écrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait. »
Duras, Écrire, Gall., p.24-27-42-65
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sortir d’une nuit légèrement insomniaque ou j’ai finalement pris un anxiolytique pour m’arrêter de penser et m’endormir, ce qui était peut-être une lâcheté morale.
sur l’oubli du nom, moi, là : https://disparates.org/escapades/apres-coup-descapades-freund-et-benjamin/
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d. : tu fais de cet oubli un symptôme, tu construis un symptôme.
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jusqu’à ce qu’il me soit apparu que je n’ai pas de nom, que le nom est cela que j’attends encore qu’on me donne, qui toujours doit m’être donné, ultimement, comme ces noms de femmes dans les livres de duras leur sont donnés, tantôt par duras même, qui ne cesse de les écrire, et réécrire, prononcer et reprononcer, tant il est vrai que l’écriture de duras est une voix, de les mettre dans la bouche de leur amant qui alors le leur donne, à elles. et comment de ce don-là j’ai rêvé comme s’il pourrait alors atteindre le centre de mon être, de mon corps, comme une flèche. sont-ils, les autres, à ce point séparés de leur nom que je le suis. que faire de ce nom qui ne tient à rien que je n’aime pas que j’avouais autrefois volontiers échanger contre celui d’un homme d’un amour que je rencontrerais, un nouveau nom reçu alors dans le mariage d’un homme et par moi adopté. le nom contient-il une sagesse, ou le lien que je trouverais à nouer avec lui? ou peut-on simplement y renoncer ? quel est donc ce nom perdu comme je pensais hier cette perdue solitude. qu’il n’y a rien entre mon nom et moi, rien, une distance, un désamour, j’essaie seulement, maintenant qu’on est le matin, d’écrire ce qui m’envahissait cette nuit, qui m’apparait me revient maintenant sous des airs artificiels, la certitude, cette nuit était grande. le texte long. le texte dans ma tête pour tenter de dire cette absence de nom et la mienne.
Bruxelles
Mardi 29 octobre
Revenons de Bruxelles où passé excellent séjour. Vu JF, Ak et enfin JP. Al aussi bien sûr, qui vit maintenant chez ma mère. Et ma mère. Douce, brutale et angoissée, souvent mécontente.
Moi-même, pas eu d’angoisses, même si me réveillais la nuit. Et le matin, ce sentiment que l’Anafranil faisait son effet, que j’étais moins fatiguée. Mais, peut-être juste heureuse d’être là, peut-être juste passé de bonnes soirées.
Pris des photos de vieilles photos de la famille de ma mère. Lu quelques pages d’un journal de mon père.
Je songe à écrire à ma mère pour la soulager de ce qu’il lui semble perdre, la mémoire, les mots. Bien sûr des lumières qui s’éteignent, mais celles qui restent allumées n’en sont-elles pas d’autant plus chères, chéries, à chérir. Ces lumières qui restent, maintenant mises en lumière, ayant à faire des choses qu’elles n’ont jamais eu à faire auparavant, devant inventer. Je parle de la vieillesse, du vieillissement, de l’oubli qui l’accompagne. Pas que de la vieillesse, de la difficulté aussi, de l’angoisse.
Comment lui communiquer ce que je découvre en ce moment. La vérité qu’il y a à chérir ce qui échappe au symbolique – qu’une part de sa cause, inconnue, est là, qu’elle n’est pas méprisable, noble au contraire. Malgré qu’elle doive lui donner ce désagréable sentiment de perte constant. Comment lui apprendre à aimer – consciemment – ce désêtre. Qu’elle à inventer, à trouver, à formaliser ce qui lui permette de l’appréhender, de l’aimer, en ne lui trouvant, inventant seulement que quelques coordonnées symboliques et imaginaires.
Mais si elle te le dit, tu l’entends encore, « Ah, ce n’est pas drôle ce qui m’arrive, je t’assure… », pourquoi ne pas l’écouter, la croire, ce n’est pas drôle, te dit-elle, alors? C’est qu’il te semble que tu pourrais la soulager, c’est que tu cherches à la soulager, c’est que tu aimerais. C’est que tu aimerais utiliser faire usage de ce qu’il te semble avoir récemment appris : d’avoir connaissance des choses où elles n’ont pas de mots n’est pas sans valeur, peut-être par soi-même accepté,
A la condition peut-être d’avoir saisi en soi ce double mouvement : l’attachement à ce qui manque de mot aussi bien que le désir de l’univers où les choses ont un sens, trouvent discours.
non terminée, non envoyée
je réfléchissais à ton inquiétude à propos du fait que tu oublies beaucoup de choses, et de plus en plus.
peut-être est-ce un phénomène que tu pourrais admettre et accueillir.
je ne
peut-être que le nom des choses n’est-il pas tout ce qu’il y a à connaître.
l’oublié
Rêve
« Sur une scène.
Une scène de l’école – pas celle avec un grand E, la petite, celle des Dames; non, la plus petite, celle des Filles (de la Sagesse). Je faisais des spectacles là quand j’étais petite, de la danse. Mais dans le rêve, il s’agit de théâtre. Je suis la « principale » (comme en danse).
Je suis sur scène, je dois commencer. Mais je ne me souviens de rien.
Tandis que tout nous relie à Israël/Palestine.
04/08/2014
Partie remise
Hier, comme je m’avance entre les rayonnages et les présentoirs de livres chez Gibert, soudainement cette évidence, ce sentiment d’évidence, j’écrirai moi aussi une livre et il viendra s’ajouter à tous ceux-là. Du coup, voilà deux heures que je me propose de le commencer et que sur l’écran blanc de mon MacBook Air, il n’apparaît rien. Je ferais donc mieux d’y renoncer, du moins pour l’instant. Partie remise. Partie remise, c’est une bon titre de livre, ça, non? En ce moment, je voudrais écrire un livre qui ait la qualité des Mots de Jean-Paul Sartre que j’ai lu le mois dernier et prêté ensuite à ma mère qui s’était émue de ce que je lui en avais raconté (« Mais, c’est terrible! mais, c’est mon histoire!« ) et dont j’achetais un commentaire hier.
bordure protectrice
Voilà maintenant plusieurs jours que je ne fais plus rien d’autre que m’intéresser à ce qui se passe en ce moment en Israël, l’opération de « bordure protectrice » , le massacre de Gaza. Je n’en donnerai pas ici un énième commentaire. Si ce n’est que je n’arrive pas à me départir du sentiment que je la consomme, cette guerre, que je ne fais rien de plus que la consommer quand je la traque et la lis, en silence, sur Twitter et sur Facebook.
Pourquoi Gaza et pas Grozny ? Henri Goldman, 8.02.2009 http://t.co/iQUyecR3vO
— véronique m. (@eoik) 31 Juillet 2014
Et pourtant, cette réponse semble évidente, et elle n’a rien à voir avoir la comptabilité des victimes. Rien ne nous relie à la Tchétchénie, au Darfour ou à Timor. Les crimes qui s’y déroulent sont hors de portée de notre émotion sollicitée jusqu’à saturation par les soubresauts de l’humanité, émotion qui n’est pas assez large pour réagir équitablement à tous les stimuli. Tandis que tout nous relie à Israël/Palestine. Faut-il détailler ? La destinée juive est centrale dans la construction d’une conscience européenne qui n’arrive toujours pas à considérer le « peuple juif » comme un groupe humain parmi d’autres. La Palestine est le berceau des trois monothéismes et un lieu surinvesti de charge symbolique par toutes les cultures qui s’en réclament. L’Europe est « innocente » du Darfour et de la Tchétchénie, alors qu’elle est actrice à de multiples titres du conflit israélo-palestinien. Enfin, Israël est une démocratie selon les normes occidentales, labellisée comme telle, avec laquelle nous n’avons aucun mal à nous identifier – ce qui n’est pas le cas avec Poutine-le-boucher et Omar el-Béchir l’islamiste –, et c’est cette démocratie « qui nous ressemble », cet autre nous-même qui bafoue depuis des décennies et en toute impunité le droit international en faisant le malheur du peuple voisin.
Et je suis bien d’accord, nous sommes bien plus proches d’Israël et des juifs que nous ne le sommes de ce qui passe ailleurs au Proche Orient ou dans le reste du monde. Nous, enfants de la seconde guerre mondiale (quand on ne cesse, en ce moment, de nous bassiner avec la première) et de son crime génocidaire. Crime dont la responsabilité taraude encore et dont les victimes d’hier sont les coupables d’aujourd’hui. Comment cela se peut-il? Quelle affreuse ironie. Et pourquoi faudrait-il que je sois taxée aujourd’hui d’antisémitisme quand il me semble que rien ne m’est plus étranger, bizarre, lointain que l’antisémitisme. Pourquoi faut-il cela quand j’ai été élevée dans l’effroi des torts faits aux juifs. Non, que m’en suis vue accusée, mais c’est ce que je crains lorsque je diffuse des liens sur des articles qui accusent Israël et qui croisent, silencieusement, des liens qui la défendent et accusent le Hamas. Alors, l’idée m’effleure que je dois cesser de m’intéresser à tout cela, cesser de m’intéresser à l’actualité et m’occuper de ce qui se passe ici, aujourd’hui. Car à ce qui se passe là-bas, et dont regorgent les tuyaux d’internet, je n’y peux rien.
Gaza avant le Congo? La Palestine avant la Syrie?, par @alaingresh http://t.co/tS0pgJWOuE
— Mona Chollet (@monachollet) 31 Juillet 2014
On peut alors, avant de revenir sur la question de l’antisémitisme, reformuler l’interrogation de Serraf et se demander plutôt pourquoi, après une si longue période de discrétion, la Palestine est devenue, comme l’énonçait le philosophe Etienne Balibar, une « cause universelle » ; pourquoi, en janvier 2009, des paysans latino-américains, mais aussi de jeunes Français et des vétérans de la lutte anti-apartheid sud-africains, sont descendus dans la rue pour dénoncer l’agression israélienne contre Gaza. Pour quelle raison une cause mobilise-t-elle, à un moment donné, les opinions de tous les continents ?
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On peut alors, avant de revenir sur la question de l’antisémitisme, reformuler l’interrogation de Serraf et se demander plutôt pourquoi, après une si longue période de discrétion, la Palestine est devenue, comme l’énonçait le philosophe Etienne Balibar, une « cause universelle » ; pourquoi, en janvier 2009, des paysans latino-américains, mais aussi de jeunes Français et des vétérans de la lutte anti-apartheid sud-africains, sont descendus dans la rue pour dénoncer l’agression israélienne contre Gaza. Pour quelle raison une cause mobilise-t-elle, à un moment donné, les opinions de tous les continents ?
l’oubli
Sinon, je n’ai fondamentalement d’autre raison d’écrire, de vouloir écrire, de m’attacher à écrire, que ce sentiment, qui me poursuit, de perdre, à force de solitude, la faculté de parler, dont le premier symptôme est-ce celui de l’oubli, de la perte de mémoire.
Re: comédies américaines
Ah, c’est très intéressant tout ça. C’est marrant, on (dulce + jujujuman) a vu tous1 ces films récemment, et je ne me souviens de rien du tout, ou presque. Je crois que je devrais les revoir. Je vous parle de ma mémoire ici, pas des films. Je perds totalement la mémoire, c’est ça qui m’occupe le plus pour le moment.
Curb your enthousiasm, y a eu des moments où c’est devenu super grinçant, limite insupportable. On n’était plus très sûr d’avoir envie de le voir. Puis, ça s’est rétabli (même si moi, j’ai continué à me méfier), c’est ressorti du désespoir, je crois, réémergé.
Pour ce qui est de la mémoire, y a l’âge bien sûr, y a un symptôme, de je sais pas encore dire de quoi, puis y a aussi que c’est pas du tout ma culture. J’ai beau vivre avec D. depuis 10 ans, c’est toujours pas ma culture. Et chaque fois qu’il me propose ce genre de truc, je me dis OK, bon, voyons voir ce qu’il a encore à me proposer. Et je regarde, je ris, je trouve ça bien ou pas, mais ça reste très vague, je crois que je n’ai pas encore intégré ça comme étant à retenir, ça glisse. Je rigole et ça glisse. Ça s’en va.
Je demande peut être des œuvres qu’elles me bouleversent. Et rire ne fait pas partie, n’est pas programmé chez moi comme étant bouleversant. Tout de moins ce rire là, un peu gras. J’attends probablement plus classiquement d’être dramatiquement bouleversée. Il faudrait que je trouve le moyen de re-programmer ça. Et la drôlerie a quelque chose qui va ou qui vient d’au-delà du bouleversement.
J’ai dit aussi que je perdais la mémoire parce que je ne parlais pas assez. Je n’ai jamais beaucoup parlé – sauf avec certaines femmes, et là j’étais devenue vraiment bavarde, pipelette -, parce que je suis seule. Je ne me plains pas. Je constate. Solitude entraîne perte de l’usage de la parole, perte des mots. Je ne me plains pas : tout ça m’est beaucoup trop proche pour que je m’en plaigne. J’ai un attachement à moi.
Je perds les mots et je dois trouver comment les retenir. Ou comment les laisser partir. Qu’est-ce qui dans les mots qui partent ne me retient pas ? Et qu’est-ce qui reste ? Qu’est-ce qui me retient dans ce qui reste ? Que faire de ce reste ? J’ai parfois eu le pressentiment que c’était de cet ordre là. Quelque chose de cet ordre-là. Que je tenais au manque des mots (hystérie). Mais ce manque qui s’impose à moi, que je défends par devers moi, que restera-t-il de lui. Qu’est-ce qui reste quand ce qui reste n’est pas des mots. Et. Comment ce reste fait-il lien avec le reste du monde, et avec ce qui reste du monde au monde qui n’est pas des mots.
C’est la question du lien qui est importante. Pour moi, la seule. Et comment abandonner ou au contraire prendre très au sérieux la question de ce qui reste après (la deuxième seule, importante question), après la vie.
Mais là, je suis encore pleinement en vie. Et je peux très bien rigoler à un film qui n’est au départ « pas de ma culture » et l’intégrer à ma culture. En modifier le fonctionnement. Parce que le rire, finalement, comme le disait déjà Freud, le rire fonctionne avec au départ de ce qui manque aux mots. Bon, enough.
Des chercheurs ont réussi une expérience de télépathie, via ordinateur
Notes:
- Step Brothers, You Don’t Mess with the Zohan, Fun, Zoolander, Anchorman 1 et 2, Very Bad Trip, Bruno, Borat, Ron Burgundy, Pineapple Express. [↩]