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Brouillon auto

lundi 4 décembre, 9h26 

cauchemar cette nuit, qui commence à s’effacer. 

lisais Michel Butor hier soir en m’endormant, sur les rêves, sur le moment un peu déçue de n’y lire qu’une lecture par le désir, même si épatée par ses constructions sur le fonctionnement du rêve, sur ce qu’il entrevoit de la possibilité d’en tirer une forme d’enseignement, et la beauté de sa langue. je ne pouvais m’empêcher de songer à la somme de rêves que j’avais moi-même retranscrits, et dont la clé finalement n’avait pas été le désir. sans doute, étais-je trop fatiguée, mais je ne m’y retrouvais pas dans ce que je lisais et je me suis endormie, songeant que probablement je rêverais cette nuit-là, un rêve qui viendrait contredire sa vision. moi qui me trouve assez désenchantée de l’inconscient ces derniers temps. qui ne crois plus vraiment à la possibilité de le lire et de s’en sortir. à la possibilité de faire copain copain avec lui.

je lisais un extrait de Répertoire V, extrait qui accompagnait l’un des derniers envois de  François Bon, et dont le premier texte, « D’où ça vous vient », m’avait paru tout à fait formidable. Là, je commençais le chapitre suivant, intitulé « La littérature et la nuit ».

j’ai fait un cauchemar. 

au début, reçois, me procure sorte de grande carte, plan (65x40cm,je dirais), qui peut être utilisé quotidiennement, qui sert à dessiner/peindre, soit une œuvre originale, soit un simple coloriage, mais qui sert aussi à faire des massages de tout le corps, ce que je fais. 

le plan  est parcouru de fines lignes qui évoquent les démarcation d’un puzzle. 

croise, mais ça s’est peut-être passé avant, X qui me dit qu’on doit faire un concert ensemble, avec mes deux frères. je ne sais plus comment il s’appelle, il y a quelque chose d’un peu amoureux. concert : je ne veux pas accepter, je ne sais pas chanter, mes frères non plus. mais, il semblerait que ça va avoir lieu. X est artiste. je dois le retrouver plus tard. 

on est dans l’élément de désir dont parle Butor, à la suite de Freud, qui serait toujours présent dans le rêve.  

tout le rêve découle ensuite de ça, est dans la suite. je me prépare pour le moment du concert. je suis plus jeune, mes frères aussi. j’ai une impression de mes frères enfants. 

je vais dans un autre espace (qui n’est plus le mien, n’est plus mon appartement). il y a une dame, la quarantaine, qui est un peu perdue, folle, il faut la conduire vers la sortie. elle est venue me parler. en sortant, elle me dit que je suis très jolie, là, très belle. je me dis que c’est à cause du massage. on la pousse dehors. 

je retourne à mon appartement, très grand, un peu futuriste, assez en hauteur. 

je crois que j’ai alors les cheveux très courts, blancs, comme ceux de la folle de quarante ans,  qui me font comme une auréole.  

il y a des enfants à la fenêtre, des petites filles. l’une d’entre-elles a introduit  sa main dans l’appartement, farfouille, fait des gribouillis. je la chasse, il y a quelque chose d’agressif dans son attitude, d’intrusif. tandis que j’essaie de refermer la fenêtre, elle me demande  si je connais Depelsenaire, mon premier analyste. je ne réponds pas. je me demande si c’est sa fille. j’ai pu fermer la fenêtre, je m’éloigne. elle reste sur l’appui de fenêtre. je me demande à quel étage je suis. je crains un peu pour elle.  

comme autant d’états, d’âges de moi qui tentent de pénétrer dans le rêve. 

la dame folle, je dis la quarantaine, mais c’est plutôt la cinquantaine, mince, très, fragile. (m’évoque une dame très folle, voisine, lorsque j’avais trente ans, qui parvenait parfois à s’introduire chez moi.) 

je suis dans l’état où je m’apprête pour le RV. 

je vais ailleurs. comme un arrêt de bus. au sol, d’étranges bestioles. des vers, qui grossissent. comme des chenilles, poilues. mais elles sont très grosses. dix centimètres de diamètre, certainement, sur 20, 25 cm. quelqu’un me dit, un vieil africain, habillé comme dans la brousse, que ce sont des animaux très dangereux, mortels. il me donne leur nom, que j’ai maintenant oublié. ils sont rouges foncé. il faut les esquiver. 

je me dis, heureusement ils restent au sol. je crois que je suis assise à l’arrière du bus, sous un monceau de couverture. c’est le soir. la lumière est orangée (ville, Paris). je sens que les chenilles me grimpent dessus. je gigote, j’en sens une à l’arrière, au niveau du cou. je ne vois pas comment je peux m’en sortir, je vais être piquée. c’est le soir. de peur, je me réveille.

voilà pour le désir. 

je vais reprendre la lecture de Butor.  

Le plus intéressant dans ce rêve, c’est la carte puzzle, qui sert à dessiner (soit une oeuvre originale, soit un coloriage) mais qui sert aussi à faire des massages. je choisis le massage.

enfances #06 | voix

– Je suis exaspérée
– Ce n’est alors pas le jour
– Non, en effet, mais c’est le dernier
– Dernière minute

Je veux me souvenir de la voix de mon père, je me souviens, je le vois. Est-ce que je me souviens, de sa voix? Quelque chose de sa voix est là, fragile, nécessitant une attention extrême, une tension. (Qui ouvre un point particulier de l’espace de l’espace de l’attention, un point où quelque chose de sa voix revient, revient à l’existence, qui s’entend à peine, une évocation s’élève dans l’espace de la pensée. Qui se juxtapose à une image de lui qui s’impose, vive et forte.) Etrangement, je le voix vois, penché sur le tiroir d’une commode de son atelier*, cheveux blonds, blancs, barbe blanche, sa peau, la peau de son visage, un peu épaisse, les pores un peu dilatées, le nez, un peu rouge, ce genre de choses que tu vois, que je vois, que tous voient, ainsi qu’il est fait, sa peau claire, la peau claire, oui, rose, j’entends alors quelque chose de sa voix, je ne sais quoi. Et son rire. Tu t’en souviens, tu l’entends? Oui, son corps qui se plie, les bras qui se tiennent le buste, les yeux qui se frisent. Je le souviens. Ses lunettes argentées. Je superpose tous les âges. Peut-être ce qui est resté grâce aux photos. Et de sa voix, que je convoque pour l’exercice, je ne sais que dire. Que je fais exister en moi, qui vient se confondre avec la mienne. Je l’entends, là, qui inarticule. Papa, j’entends pas. Parle plus fort. Visage clair, franc, ouvert. D’une chose qu’il aurait dite, j’aimerais me souvenir, rien. Tu vois, rien ne vient. 2023 – 1996. Bientôt 30 ans. Et ma mère. Sa voix. Peut-être encore moins. Tu ne la confondrais pas avec la tienne? Je ne la confondrais. Évidemment, reconnaissable entre toutes. Tu ne la confondrais ? Je ne sais finalement si. Penses-tu que je puisse distinguer ma voix de la sienne? Mais oui. Mais oui. Ecoute, ce qui ne résonne nulle part, dans ta tête, ce qui n’est même pas moignon de voix, un moignon, trognon, de voix, une trogne de voix, ce qu’il reste, c’est la sienne, entre toutes, bien la sienne, de la tienne, bien séparée. Une instant, je l’entends. Nos voix séparées. La sienne, claire. Elle, entendue. Evocation du cristal. Licence poétique. Est-ce que je vois son visage, les yeux baissés, ses cheveux foncés, ses cheveux plaqués, attachés bas sur sa nuque, ses longs cheveux noirs que nous ne voyions jamais détachés. Son beau nez, sa beauté. Sa voix? Que dit-elle? Quels mots as-tu retenus d’elle? Les mots, ça n’est pas la voix. Non, non, je ne confonds pas. Il y a. Un certain reste de voix. Vidé de mots, mais pris du mouvement de ses phrases, les volutes, un reste en nuage où subsiste précieux quelque chose de ses résonances, les résonances de sa voix, son timbre clair. Les mots, c’est autre chose. Elle dit « C’est raté ». Ce qu’elle dit. Son angoisse. Oui. La tienne. Oui, oui. Rien de plus à dire? Rien. Ta mère dit : « C’est ma faute ».

Te manque ? Cet impalpable de leur corps? Ni plus, ni moins. Que. Et puis qui le sait, ce qui manque. Ou pas. Ce qui pleure à l’intérieur. Ou pas. Ce qui s’accommode de ces manques. Ce qui se construit. Qui sait ce qui reste, où ça se retient, comment. C’est inscrit. En toi, c’est inscrit, la voix. Qui le sait. Dans quelles séparations intimes, quels corps existés?

Tu sais, je cherche.

La voix de ma tante. Est la première des voix qui te soit revenue, en fait. A l’énoncé de l’exercice. Oui. Sa voix joyeuse, vive, grave, rapide. Sa bouche, marquée par les rides, ses lèvres, qui bougent, s’ouvrent, ferment, mastiquent soft les mots qui lui sortent, sa voix qui dans les airs envoie ses sons joyeux, rauques, dans la rocaille de son accent et de la cigarette. De sa gourmandise. Oui. La finesse de ses lèvres, tu t’en souviens. Oui. Par où se projette le filet doux de sa forte voix. De l’intérieur du corps vers le dehors, dans le dehors. C’est elle qui a gagné le plus d’adjectifs. Sa voix? Ben oui. Son rire, ses petits yeux bleus, son petit nez. Autour de ses lèvres, qui viennent y mourir, des milliers de petites rides verticales, sur tout son visage, les rides. Parsemés de rires rides. Chaleureuse. La voix? Oui. Oui. La peau un peu bronzée, bonne mine. Les cheveux courts et blonds, platine. Les cheveux platines, oui. Une voix qui s’élève sans peur, une voix rassemble, qui organise, qui entraîne. Une voix nombreuse et qui prend l’espace, une voix, tu le sais, qui donnes la voix. Une voix qui t’a manqué. Que tu veux faire entendre à ton tour. Que d’autres la prenne.

De ma mère la voix aurait été première. C’est ce qu’on dit. Je l’imagine. Et je m’imagine attachée à elle par le secret de sa voix. Ce qui un temps nous aurait liées. Sa voix venue, m’envelopper. Venue nue t’envelopper. T’habiller. M’habiller. Dans les plis de sa voix. Une voix secrète? Une voix de secrets, de murmures. Un voix pour consoler aussi.

Ta mère, c’est la voix qui manque. Aussi. Ca se laisse dire. Aussi, ta voix, la tienne, se confond avec son silence, à elle. Voix silencieuse. Il y eut un temps, le vôtre, un temps à vous deux, à vous avant tous les autres, toi et elle. A vous toutes les deux. Lorsque vous étiez elle et toi seules. Les tissus de sa voix. Tu as grandi.

*

Quelle voix as-tu donnée. Tes parents. Vos voix. Pendant un temps, vos voix à trois. Ce trio. Deux ans (de babil). Ensuite, tes frères.

On ne parle pas des voix que tu continues d’entendre? Il s’agit de l’enfance. Les voix à l’origine de la formation du surmoi. Les voix qui interdisent, grondent. Ton père te gronde? Et ma mère se réfère à mon père, renvoie. De la mère sa voix renvoie à la voix, à l’aboi du père. Grave, le père gronde. Souvent, il ordonne le silence.

Mère ne moufte. Laisse dire.

Mère aime, Père aime. Ils aiment. Nous aimons. Nous nous aimons. Souvent, j’haime. Un peu beaucoup à la folie pas dut.

Peu souvent considère-t-on les voix détachées de ce qu’elles articulent. Aujourd’hui, c’est ce qu’il me reste. Tu as pourtant encore le sens de l’interdit. Tu l’as dit. Et quel sens. Aucun autre, même. Tu fais à toi seule la voix qui interdit. Je fais toutes les voix, à moi seule. A soi seule, les voix. Il continue d’y avoir les voix violentes. Les voix insensées. Tu crois qu’il y un lien? De quoi à quoi? De la loi à la voix? De la loi à la violence ? La loi vient dans la voix. Qui ne veut pas la loi? De la voix? Plutôt que du texte de la loi ? C’est par la voix que la loi ne cesse de s’articuler.

La voix qui échappe à la loi, comme tout ce qui est du corps. L’excès de la voix.

Retour à l’enfance. Retourne à l’enfance, à l’objet de l’enfance, de ce qu’il subsiste des voix de l’enfance. Tu voudrais radoucir l’image de ton père. Qui avait un grand sens de l’interdit. Dis-moi, comment se dégage-t-on de ça? De quoi? Du goût de ce qui est bien et de ce qui est mal, de ce savoir-là, moral, de ce débat. Ce débat de voix? Tu voudrais radoucir l’image de ton père. Tu l’as dit grondant. Ajoute : débattant. Un père fortement débattant, porté au débat. Ajoute : intéressant. Voilà. Tu as dit sa peau, la clarté de sa prunelle, le goût tendre de sa voix. Tu l’as dit. Dit un mot sur son angoisse. L’angoisse dans sa voix.

La voix parle de celui qui dit les mots, renseigne, donne corps. Tu sais, le corps, celui qui n’a pas voix au chapitre. La voix échappe à celui qui parle. Dit au-delà ou en deçà.

La voix incarne et excède. A la loi aussi bien qu’au corps qu’elle étend aux airs, aux airs, et à tous les airs.

Tu voudrais dire quelque chose de clair, net et définitif sur la vois voix et tu ne trouves pas? Non je ne trouve pas. Sur le petit grain de la voix. Je voudrais, oui, dire, et tout calmer. Tu entends une voix quand tu écris. Oui, souvent j’écris pour entendre une certaine voix.

Qu’as-tu manqué de dire? La voix en retrait de ta mère. La façon qu’elle eut de prendre sur elle le péché du monde, le poids de la voix, de ce qui contrevient à la loi. Par son manque incarner ce que la loi ne peut prendre en charge.

Tu sais chérie, une fois de plus, on n’a rien dit.

* Le tiroir au fond duquel était caché les lettres de leur rencontre, à ton père et à ta mère, ainsi que tu l’as écrit, qu’il a été écrit dans le chapitre sur les meubles. Les lettres que tu as extraites, dont tu as dénoué le noeud qui les ceignait, et que tu as lues. Qu’elle a lues.

#enfances #03 #01 | cheveux (rien gravi)

la perte. dis d’elle la perte
c’est impossible c’est impossible
la perte inaperçue
alors désigne, fais advenir  

alors prie 

quels cheveux
  quelle est la couleur de ces cheveux
    est-ce que c’est ça blond vénitien
quels cheveux mais quels cheveux
  et cette peau
    et le bleu de ces yeux

cela pleut sur elle, cette enfant, cela pleut, glisse

ne dit-on les compliments pleuvent, c’est ce qu’on dit, c’est bien ce qu’on dit

les compliments pleuvent et glissent sur les baleines ouvertes et cassées du  parapluie qui redescend sur elle la couvre de son incompréhension  elle oiselle à deux pattes

elle ne se dit rien à l’audition de ces commentaires

contiennent-ils la moindre malveillance ? oh ! ils n’en contiennent aucune 

les a-t-elle jamais reçus comme compliments ? jamais, non, certes, aucun

il faudrait pouvoir dire, après coup, l’épaisseur vide qui la sépare de ces compliments, jusqu’à quel point cela ne lui parle pas, ne la parle pas, jusqu’au point peut-être où elle est expulsée de ce qui se parle ­– moins elle que son corps ; elle, elle, elle  aurait voulu être comme tout le monde elle bien plutôt aurait voulu qu’on lui dise combien elle était extraordinairement comme tout le monde 

que perd-elle à être distinguée ? distinguée n’est pas nécessaire
elle aurait eu besoin de se reconnaître dans les autres, elle aurait eu besoin de se retrouver, elle aurait eu besoin de leur appartenir 

la vois-tu elle vois-tu tous les autres

ex-sister. est ce qu’il n’y a pas là étymologiquement quelque chose d’un en dehors. emprunté du latin exsistere, « sortir de, s’élever, se manifester, se montrer » ­– quand elle aurait voulu se fondre

elle existe elle est existée elle est positionnée en dehors 

je
ne m’en
n’aperçus car
je n’avais pas / perdu la tête
nul (ne s’aperçut)

je ne perdis

tu n’as pas assez prié

#11 | Portrait de l’auteure en lectrice
— en cours d'écriture —

« Ce qu’elle nous présente comme forme: un écart, une reconstruction fictionnelle, une mise à distance. Ce qui est reconstruit fictionnellement, c’est comment elle l’auteur est séparée d’elle-même par cette reconstruction d’elle qui lui arrive. » François Bon, à propos de Gertrude Stein dans Autobiographie d’Alice B Toklas

donn, nuit

elle marche tout à fait dans le vide maintenant. c’est encore une autre nuit. il n’y aurait presque rien d’autre à dire.  

la tête dans l’oreiller. elle marche tout à fait dans le vide maintenant. les consignes se multiplient, ne se ressemblent pas. de la tête elle ne sait plus où. y a la 11bis qui attend. il semble que j’avais déjà parlé de ça, de l’auteure en lectrice.1  or qu’ai-je déjà dit, c’est ce que je ne sais plus et le brouillard de ce que je ne sais plus s’étend à la terre, s’étend à la nuit. or oui tu l’as dit, tu as dit la bonne lectrice que tu as été, t’es abstenue de dire la mauvaise lectrice devenue. car c’est une très mauvaise lectrice l’auteure qu’elle est devenue, très mauvaise. tu dis cela à cause de la nuit. je dis cela à cause de l’exaspération. parce que j’en ai déjà parlé et qu’il faut remettre ça.  porctrait de l’auteur en lectrice. commençons comme ceci: elle lut. l’auctrice lut. et ne lit plus ? non, ne lit plus. imagine un personnage rincé de la lecture.

se lever, repousser les couvertures, le chat suit. ce bonheur de descendre les escaliers pieds nus, ces escaliers-là en particulier, est-ce leur hauteur, chaque fois elle se demande. la nuit. elle s’éclaire à presser un doigt sur son téléphone, en maintenir la veille.

elle lut/lut-elle?elle lut/et de l’impossibité de dire comment elle ne lit plus/comment le dire/faut-il le dire/qu’est-ce à dire/elle écrit les mots qu ilui sont venus plus tôt, dans le lit, la tête sur l’oreiller ,elle tente de rattraper les mots pensés, les mots en allés.

des années aurait lu, comme passe-temps. à quelques auteurs près, ça n’aura jamais été que comme passe-temps.  tu es dans la nuit de la destruction. je suis dans la nuit. tu es dans la destruction. comme passe-temps. quoi encore ? ça fait bien dans les dîners, où tu ne vas pas. les dîners ? quoi encore ? les événements mondains. quoi encore ? la culture. destruction à tout petit niveau. of course, venant d’elle. qu’est-ce qui viendrait à un haut niveau. of course. je disais donc. elle disait. il y a encore un autre pousse-à-lire. oui, quelque chose de l’ordre d’une croyance. oui. écoute, laissons la croyance en place. tu as raison. laissons. je crois que tu as bien raison.

et pourtant dans les dîners. elle y brille pas l’autrice. sinon par sa beauté ? sinon par son absence. car comme je l’ai déjà dit, l’auteurice, et comme j’ai pas tellement envie de le répéter, l’auteurice oublie les noms d’auteurs ce qui l’empêche de prendre part aux conversations. non mais de cinéaste aussi, etc. de personnages. c’est une tare. c’est une tache. non mais tais-toi, c’est désagréable. 

débaptisation de l’autrice

on en est là. on se voit devenir désagréable. qu’est-ce qui de ça s’écrit. est-ce obligé de devenir désagréable. j’ai l’idée depuis quelques jours, qui me trotte, de débaptiser l’auteur. tu ne penses pas qu’il faudrait la débaptiser ?  oui je le pense, oui. elle ne s’en sort pas. laissons-lui une chance. ce serait pour son bien. oui, son bien. pensons ensemble à son bien.

il y a des hauts / il y a des bas / jamais de très hauts / jamais de très bas. plus jamais de très hauts, plus jamais de très bas. il y eu. et quand les bas arrivent arrivent (la vérité chère autrice, arriverait alors tout ce qui te motive comme auctrice, arriverait à reculons, a massive train of thoughts aveugle qui revient vers toi prêt à t’écraser),

je vais débaptiser l’auteure et je vais la baptiser du nom de son personnage. bonne idée. oui, c’est pas mal comme idée, c’est vrai. ou on la garderait sans nom. tu sais, je crois que finalement, ça serait encore ce qu’il y a de mieux. oui, moi aussi. ce que je préférerais. tout compte fait. l’auteure, qu’elle n’ait pas de nom, ça ne l’empêche pas d’exister. ni d’écrire. exactement, ni d’écrire, de pianoter. ce qui est dommage ça serait qu’on supprime la scène du baptême. on supprime pas. on a essayé, on laisse. qu’on vienne pas nous dire qu’on n’a pas essayé. exactement. 

on y va. 
Sonia  
au nom de je ne sais quoi et de je ne sais quoi 
de la mère ?  
ha ha
why not 
au nom de la mère et de l’autre mère et de l’arrière-terre,  
(au nom du non de la mère)
je te dépabtise
ouf, voilà c’est c’est fait, exit Sonia Delarue. 
et exit Sonia Rue.
et exit Sonia Ruhe.
tranquille

exit ce nom. 

elle, identique à la nuit qui noircit. exactement.  
on garde ça comme titre de chapitre : exactement. 

ok.  
on retourne à ses lectures ? et ses dîners ? 
à ses qualités de lectrice. elle en a cependant quelques qualités ? oui.  

une voiture passe dans la nuit. 

tu n’as pas donné le nom de ta mère. le nom de sa mère…

la triche elle est que quand même : tu dis l’auteure, ou l’autrice, tu l’as débaptisée mais t’as toujours les moyens de parler d’elle. car parler d’elle, je te dis, je le vois : c’est parler du lien de nuage qui la lie à son nom. tu aurais mieux fait de dire : nom de lauteur.trice : trou. tu aurais encore mieux faite de dire : Sonia Ruhe DelaRue : trou. tu vois que ça tient pas. fais de la poésie, si tu veux dire pour du vrai. c’est pas le point, le point c’est : brode. point brodé pour dire le nom de cette autrisse. ce qu’il faut cerner c’est c’est c’est – c’est quoi ce nom qu’elle a qui est sien qu’elle n’aime pas c’est quoi ce qui la lie à ça comment ça se nomme dit son lien à son nom, unique. et comment ce nom la sépare du monde. c’est beau ce que tu dis. oui. ce nom la sépare du monde. le monde est sans son nom. c’est ça. c’est dans le monde que ce nom est trou. tu sais qu’elle guérira pas. je sais. et tu sais pas d’où ça vient, je sais pas.

alors, parler d’elle en lectrice, c’est aussi parler d’elle et des noms qui pour elle tinrent. tu vois, reviens un peu par là chérie, grimpe un peu les rochers, reviens sur du dur, les noms qui ne s’écoulèrent pas dans la grande nuit de l’oubli. les noms qui furent les piliers de ses cathédrales. de sa cathédrale. une toute petite cathédrale alors. parfois immense. oui. parfois nombreuses.

certains noms tinrent. un certain temps, certains noms d’auteur tinrent. puis quelque chose se défit. faux. puis autre chose commença. elle changea de cathédrale. il va bien falloir finir par le dire.

comment lut-elle. dis le nom de sa mère. comment lut-elle. sa mère, à l’auctrice, s’appelle Lut. sa mère lut aussi. il n’est pas encore temps de parler de sa mère. si tu lui dis joyce, elle est dans joyce. duras ? dans duras. dostoievski ? dans dostoiev. et cætera. elle est dans la matière, elle est dans le livre. 

tout ça pas sérieux t’as raison, comment c’est mal vu mal dit mal écrit. pas sérieux.  

l’autrice est vraiment perturbée, ça fait des jours que ça dure, alors elle jette les mots qui veulent bien venir sans distinction.

quand elle lit, elle est dans la matière de ce qu’elle lit. tu crois pas qu’on l’est un peu tous. hm. elle croyait qu’il y avait un on. mais c’est de moins en moins certain. au plus ça va, au moins c’est certain, qu’il y ait le moindre on au monde, au plus elle accuse la différence. la différence de quoi. de jouissance. hm. efface

la vérité, c’est qu’on a déjà écrit le portrait de l’autrice comme lectrice et qu’on doit reporter le lecteur trice au chapitre 0, on a commencé par ça. 

de là, on ajoute. donc, comme je l’ai déjà dit, il fut un temps où l’auteur.e retenait les noms d’auteurs et puis un jour fini, elle retient plus. c’est cela. et on attribuerait ça a quoi. 

on ne peut pas tout savoir. 

une meilleure activité serait de retourner marcher dans le vide. 
indeed. 
non sans avoir préalablement un peu mâchonné. 
et se réjouir un peu de la nuit et des airs d’éternité qu’elle se donne. 
exactement. 

tu sais de quoi t’as pas parlé ? t’as oublié de dire qu’on était à l’heure où même les moucherons dorment. ça peut pas parler au lecteur. who knows ? il faudrait vérifier cela dans la littérature scientifique (Google), si les moucherons dorment. 

tu disais qu’elle ne lit plus. oui c’est mal. depuis quand ? depuis l’internet et les séries. ah ouais. et Blanche ? sa personnage ? si elle ne lit pas, ça sera autre chose. ça sera qu’on cherchera à dire autre chose d’elle. on voudrait qu’elle soit écrite indépendamment de cela. on ne sait très bien ce qu’on veut pour elle. on voudrait qu’elle soit aimée.  

inutile de consulter la littérature : les moucherons ne dorment pas.  

dormir.

lundi 2 octobre 2023 07:59

paris, nautre nuit, netit matin.

Nous savons tous comment les personnes sont faites, nous le savons. Nous sommes sans ignorance. Connaissance de la labilité, transparence complète sur les fonctionnements, géographies internes, aucun progrès encore à attendre, tout su, tout donné, reçu.  

Et donc nous pensons tous nous le pensons que tout sera toujours possible nous le pensons. Nous tous ainsi fûmes enseignés tous.  

Or, hélas, moi, Sonia-Blanche D. pourtant doit vous dire que non. Tout, non,  n’est pas possible, non. S’agissant de la Honte, avec h, tenez, que nous avons pour habitude, tous, d’écrire avec une majuscule, moi, Sonia-Blanche, D et alors que la Honte, sa localisation dans le cerveau, nous la connaissons, la Honte sa multi-localisation dans le corps, nous la connaissons, non ? Blanche-Sonia vous parlera de sa masse à elle de Honte. Sa masse Honte à elle est localisée de façon immuable dans une impasse de son cerveau,  au fond du creux d’un lobe, d’où elle ne se délogera plus, jamais, où, de jour en jour d’année en année, elle durcit davantage s’endurcit et comme elle est prise dans une poche dans un recoin à l’arrière d’un goulot d’étranglement, vous l’avez compris, elle n’en sortira plus. Je voudrais surtout que vous considériez que c’est jamais que cela n’arrivera plus jamais, que cette Honte ne la lâchera pas ne se ramollira pas, ne se diluera pas, ne s’évaporera pas, c’est une chose dont il convient absolument de se convaincre du réel de ça. Elle est née avec cette Honte là là et nul ne l’en délogera. M’opposerez-vous qu’elle n’est pas grosse, sa Honte, je vous répondrai que sa puissance est infinie. Et c’est de l’ombre de sa poche qu’elle dirige le monde de Sonia D Blanche.  

nlu tard

quoiqu’il en soit il y aura toujours la honte de Sonia blanche D dont elle ne se départira pas il n’y a  là dessus pas d’illusion à se faire 
et donc il n’arrivera pas qu’elle vienne vers vous au grand jour qu’elle sorte de son terrier qu’elle s’expose au grand j 
et s’il y avait un portrait d’elle à faire en lectrice ça serait vite fait elle ne lit plus il n’arrive plus qu’elle lise son temps de lecture aujourd’hui entièrement dépensé sur internet 

elle lut. 
lut-elle.  
elle lut (comme je l’ai déjà dit, elle lut) 
de la littérature, elle en lut.  
ne l’ai-je pas déjà dit.  

mercredi 4 octobre 23 06:43

n’y aura t il jamais que l’aveu 
la honte 
in fine 
d’autre visée que celle 
là 
en venir à l’aveu  
qu’y aurait-il 
d’autre 
que pourrait-il 

tu vois, va te coucher, te recoucher 
et cherche ça  
ce qui pourrait contrebalancer ça

souvent quand je me lève la nuit, je 
suis amenée à me dire : j’aime marcher pied nus  
les escaliers, aussi, les descendre  
pieds nus, les monter 
pieds nus 

  1. oui oui, tu l’as fait dans l’invention de l’auteur, non non, c’était dans le suivant, le zérounbis, le bloc brouillon, tu avais beaucoup trop parlé de tes lectures, mais déjà dans le zérozéro, le livre sans auteur, t’avais abusé. j’ai parlé d’elle à l’école, et comment elle aima ça mini-salope les livres, comment elle lut, dévoratrice, boulimique, comment elle fut bonne aussi, à bien tout lire, à bien tout retenir, et comment c’est par la littérature et les auteurs et leurs noms qu’elle trouva son introduction à l’histoire (avec un grand h), à la marche du temps. ensuite, j’ai raconté l’accident, les 3 mois passé au canapé, à lire découvrir Duras Beckett et Lacan, et alors à écrire. et certainement j’aurai mentionné le fait qu’elle ne lit presque plus. ↩︎

#12bis | retour sur la fiction

un peu n’imp. premier essai de vidéo, de lecture. je relis mon texte. 2 x d’ailleurs. en corrigeant… je le referai…

elle disait qu’elle s’était récemment rendue compte qu’il lui était de plus en plus difficile de croire à la fiction, comme si tout devenait réel. idem, ajoutait-elle, au cinéma : de l’impossibilité de voir un film violent : sur sa chaise c’est elle qui encaisse les coups, qui gémit, qui se projette sur le côté tentant d’y échapper. ou encore : sortir épuisée d’un spectacle de danse. c’est-à-dire : toujours faire corps avec ce qu’il y a, avec ce qui arrive. et donc il lui semble que pour elle la fiction, tu vois, c’est fini. la possibilité d’écrire un livre de fiction, à plus forte raison un roman, tu parles. (je ne vois pas le rapport. tu ne vois pas le rapport. le rapport va venir, il va venir le rapport, il viendra.) alors que justement, alors que de plus en plus, elle en ressent la nécessité intérieure, de la fiction. de quoi croire? oui, à quoi croire. je crois qu’une fiction on y croit. voilà. donc, partout où on dit oin oin c’est de la fiction écartez-moi ça, faites venir la vérité ou pire la science, elle dit mais non, dans son for intérieur elle le dit, mais non, son fort for, n’écartez rien, gardez, gardez tout. bien, là dessus elle ne dira rien de plus. elle, tenez, elle a cru, en Dieu, elle ne s’en trouvait pas mal, ça lui faisait de la compagnie, des discussions. et des sensations en pagaïe? pas tant que ça, non, elle aurait bien aimé, les trucs des mystiques, ça lui aurait plu, mais elle non, rien de ça, juste qu’elle papotait avec Dieu, un peu tout le temps. ça n’est pas si mauvais. ben non, en fait, non. qu’est-ce qui compte finalement? ne pas sombrer dans le désespoir, ça compte, par exemple. pour ma part, je dirais, ça compte. c’est sûr, ça compte. après, y a eu la psychanalyse, toussatoussa. pas jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est ce que je dis toujours, et à raison. mais on va pas s’attarder à ca maintenant on en garde pour plus tard, voila. elle dirait : une fiction au lieu que le vide, une fiction, n’importe laquelle, plutôt que le vide. et ce serait mal dit. une voix dans l’ombre ajouterait de façon presqu’inaudible : c’est que cela viserait quelque chose comme le spectre d’un goulot d’effroi. d’un goulot d’effroi ! d’étranglement. c’est vrai qu’on connaît, faut bien le dire, quand ça s’étrangle. elle essaierait de dire autrement : la fiction comme lien, comme liant, comme ce qui lierait les choses les unes aux autres. elle dirait : la fiction plutôt que le réel, le réel nu, qui n’est jamais vraiment rencontré, qui d’ailleurs parfois manque, manquerait, auquel on en appelle, peut-être ne sachant pas vraiment ce qu’on fait, mais auquel il ne faudrait pas rester trop longtemps réduit. elle dit : je parle de ce qui existe, des choses qui existent, chacune individuellement, les unes à côté des autres, sans que rien ne les lie ni ne les délie, indifféremment. cela existe-t-il? est-ce que tu n’as pas l’impression que cela existe? moi je ne sais plus si cela existe. ce moment où les choses ne disent plus rien. la sorte d’ennui qui en ressort. le rideau que cela jette. mais le rideau, quel rideau. oh ! je ne sais pas si c’est mieux dit. est-ce qu’on aime réel? l’aime-t-on le réel? elle ajoute : je suis liée aux sensations, et je tiens à ce qui me lie. ben oui. à cause de ce sentiment, parfois, de déliaison, voilà. être une chose sans nom parmi les choses sans nom. c’est ça la déliaision. est-ce que c’est ça la déliaision. ben ça va, on a compris, pas besoin de répéter, non? cela n’a pas de mémoire, cela est sans mémoire, cela est non-remémoré. mais pourquoi répéter ça trois fois. mais tu est folle. mais je ferais mieux de barrer. est-ce que les sensations sont réelles? on tient aux mots qui décrivent le réel. c’est ça qui est aimé. je ne tiens pas à la description, je tiens à ce qui parle. il ne faut pas chercher plus loin, dès que ça parle, il y a fiction. il y a l’aspiration du grand silence. mais d’où ça vient ça. c’est ce qui te vient à toi. on dit parole, tu dis silence. c’est ce que tu connais, c’est ce que je connais. tu connais aussi le long parler, la longue parole continue. je connais. et la parole qui s’entame qui se bouscule qui se heurte qui se précipite. tu parles de la pensée, de ses emballements. le recouvrement du vide, la déliaision. il faut alors faire quoi. il est possible de prendre alors une chose et de la décrire. quant à dire que c’est possible. laquelle, quand toutes se valent. la sensation, écrire la seule chose certaine. voilà. la sensation, c’est la certitude. à défaut de croire : ressentir. mon univers de mots ne tient pas bien. il ne tient que par la colle du réel, de la sensation réelle. mal dit. ben non c’est comme ça. face aux choses, se dire : est-ce que cela me fait quelque chose, je veux dire : physiquement. tu mens. je crois que je dis toujours la vérité. sans cette colle, de la sensation, les mondes se délitent. il n’y a plus de monde. c’est là la limite de son intelligence. toujours il faut qu’elle interroge le lien, physique, la sensation, et la sensation n’appartient qu’au présent. c’est là que se perd l’histoire, le temps. dira-t-on la sourde angoisse pourtant du temps qui passe. non. dira-t-on : tu inventes. oui. il faut inventer des fictions suffisamment forte qu’on puisse s’en souvenir quand ça dérape. tu crois que c’est possible? des marchepieds d’où repartir. je pourrais parler des sensations du temps qui m’ont été offertes par la peinture, les musées, la parole de mon père. je pourrais parler de l’endroit, du moment où le temps s’est figé, cet héritage de ton père, oui, la guerre, les camps. alors ça s’est arrêté, pour lui, pour toi. est-ce que tu crois qu’il faut y revenir. non. je ne crois pas. tu pleures? c’est de l’eau. un homme que j’ai aimé le disait : c’est de l’eau. je lui disais : tu pleures, Claude ? Claude, tu pleures ? il disait : c’est de l’eau. c’est comme ça. il pleuvait, il pleurait, c’est de l’eau. c’est la nuit. c’est aussi par là qu’on survit. à le dire, ça : c’est de l’eau. le corps réagit. tu me parleras de l’histoire en peinture? de tout ce que tu veux, tu ne pleures pas pour de vrai. qui le sait. le point de déliaison est aussi le point de liaison. l’ère de l’en même temps. oui.

#12 | 0=Thomas Bernhard, le fauteuil à oreilles
— du ratage, la héraulte

#été2023 #12 | Thomas Bernhard, le fauteuil à oreilles

Notes sur la consigne

Long monologue du fauteuil à oreilles, tiré de Des arbres à abattre de Thomas Bernhard. Réception dans grand appartement viennois. Narrateur assis dans un fauteuil à oreilles – des « oreilles comme des antennes, comme un appareil auditif ». Long monologue de 40 minutes. Le narrateur ressasse. Bribes de conversations qu’on entend mêlées à des souvenirs – 20 ans plus tôt le narrateur fréquentait ces gens.

Publié après-coup sur Facebook

Je pourrais dire que je regrette de n’avoir pas lu le monologue du fauteuil aux oreilles avant d’écrire ma 12, mais ce serait faux, je crois que le lire m’aurait rendu d’autant plus impossible d’écrire ce que j’ai finalement écrit et que je n’ai écrit que pour cesser d’avoir cessé d’écrire. Je l’ai écrit comme je peux, prise dans tout ce qui m’empêche en ce moment d’écrire, de continuer, toute la poix, et dans le souvenir du genre de monologue que je serais tout à fait capable de tenir à part moi, préférablement au fond de mon lit, enfin si je remonte le passé, également  au milieu d’une foule, même si jamais au grand jamais je ne m’y montrerais, je ne m’y serais montrée aussi persifleuse que TB. Je dois dire que je suis en ce moment dans de telles difficultés par rapport à l’atelier que je suis tentée par l’idée de me contenter d’écrire cet échec, l’échec de l’écriture d’un roman, écrire atelier par atelier ce que je rencontre comme point d’impossible qu’il ne m’aurait jamais autrement été donné de rencontrer, et le moyen que je trouve, ou pas, de le contourner, à ma façon. Écrire cet échec serait évidemment une réussite à quoi je devrais donc échouer étant de façon certainement définitive abonnée à l’échec, ce qu’il m’arrive heureusement d’oublier et qui m’amène à  me lancer dans des entreprises dont j’oublie la promesse d’échec, ainsi cet atelier d’été. Caramba encore raté, rater, rater mieux encore.

« D’abord le corps. Non. D’abord le lieu. Non. D’abord les deux. Tantôt l’un ou l’autre. Tantôt l’autre ou l’un. Dégoûté de l’un essayer l’autre. Dégoûté de l’autre retour au dégoût de l’un. Encore et encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’au dégoût des deux. Vomir et partir. Là où ni l’un ni l’autre. Jusqu’au dégoût de là. Vomir et revenir. Le corps encore. Où nul. Le lieu encore. Où nul. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux encore. Ou mieux plus mal. Rater plus mal encore. Encore plus mal encore. Jusqu’à être dégoûté pour de bon. Vomir pour de bon. Partir pour de bon. Là où ni l’un ni l’autre pour de bon. Une bonne fois pour toutes pour de bon.  »

Samuel Beckett, Cap au pire

Réponse à un commentaire / il avait fallu mettre un mot, ça a été celui-là

Ah MT non, non ce n’est certainement pas un concours pour moi. et c’est beaucoup plus léger que l’écho que j’en trouve ici… je crois que c’est drôle même un peu. c’est de l’écriture quand même… une écriture qui m’est chère… et c’est une façon de dépasser la difficulté rencontrée. c’est vrai, j’ai poussé le mot d’échec, mais il ne correspondait pas tout à fait à ce que je ressentais, les difficultés. il fallait mettre un mot, ça a été celui-là, avec lequel j’ai déjà une histoire, ça m’a permis de rebondir. un mot comme marchepied.
alors oui, j’aurais aimé que ça s’écrive, un roman, j’ai voulu croire à la magie (c’était à un moment par ailleurs très difficile que je me suis inscrite), ça allait m’aider, ça m’a aidée, ça m’a même amusée… bon, le roman, lui, résiste… or, c’est intéressant, ces points de résistance, ce que je rencontre de mes impossibles… mes solutions de contournement.. je n’en fais pas une maladie non plus (même s’il y a eu un petit covid)… et c’est vrai que je me suis sentie débordée par l’afflux de propositions mais c’était : débordée d’envies et le temps manquant… là encore, j’ai trouvé la solution : non pas tout plaquer, mais juste ne pas le faire, pas faire tout ce qu’on a envie. (et d’ailleurs, c’est à t’écrire que je m’en uis persuadée).
chaque proposition, ça a été un travail incroyable. une difficulté incroyable. le livre ! l’auteur ! le lieu ! les personnages !! le temps ! la répétition ! le corps ! mais c’est aussi parce que je me confronte à ce que je découvre comme impossible que je suis obligée d’inventer, d’inventer avec l’écriture. il n’y a que les personnages, jusqu’à présent et à mon avis pour toujours et à jamais, qui sont véritablement manquants. eh bien ce n’est pas une mince affaire que d’être confrontée à ça. je veux dire que le travail ça s’est passé là. réaliser, digérer, ce que cela révèle sur soi.
et alors, écrire encore.
quant au ratage… I mean, this is the story of my life.. The intimate story of my life. The story or the cement. d’autres l’ont dit bien mieux que moi. J’ai d’extraordinaires prédécesseurs. mais ça s’ouvre aussi comme enjeu : le ratage, le dire bien.

Deuxième réponse / « c’est raté »

je voudrais écrire pour alléger (je crois) et des petits pas de petits rats, ma foi… de jolis petits pas, je ne détesterais pas. des petits pas pas ratés, des petits pas trébuchés, j’aimerais. des petits pas de rats cabriolés. leiris – n’ai lu que Biffures et une correspondance avec bacon, je crois – autant son ‘reusement fut déterminant quant à son devenir d’écrivain, autant peut-être le fut pour moi le fait que jour après jour repas après repas ma mère gentiment nous servait à manger nous disant c’est raté. ça n’est pas l’histoire de tout le monde. non, c’est l’histoire d’une petite fille dont la mère n’a jamais rien fait sans être persuadée que c’était raté, toute confondue de haine pour elle-même, et s’en excusant. après, on se débrouille. moi-même fort attachée à ma mère je ne la trahis pas et je tiens fort souvent je l’avoue à mon cœur défendant à ne pas réussir, or très attachée aussi à mon fils, c’est une donnée nouvelle même s’il a 18 ans, et je voudrais maintenant de ce ratage dire la face sublime, la face clownesque aussi, cependant il se trouve que le mot de ratage même est fort affecté par le manque de considération qu’il trouve dans nos civilisations, du ratage on entend d’abord le drame, il faut donc que je soigne mieux mes préliminaires afin que d’en révéler la face cachée, jusqu’à un certain point totalement jouissive, et n’en vienne à trahir personne surtout pas moi, qui entre-temps, à force d’en être usée, m’y suis attachée. car le ratage détient une vérité ultime indépassable dont on peut venir à vouloir s’en faire le hérault, la héraulte. (ce qui m’embête, c’est d’être toujours aussi longue et sérieuse, et puis, je vois bien, MT, que nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde ; or, le faut-il ? ne suffit-il de simplement résonner ?)

Alors, quel point d’échec

L’idée, je crois, d’avoir à écrire un monologue intérieur au milieu d’une foule, de devoir évoquer la présence de monde, je sais, ça n’était pas obligatoire, ça n’est jamais obligatoire, mais c’est ce que je ressentais comme impossible pour moi. L’exercice du monologue intérieur de 40 minutes, en soi, me paraissait facile. Enfin, surtout, je peinais beaucoup parce que je ne savais pas s’il fallait que je fasse ce #12 ou plutôt que je poursuive l’avancée des ateliers depuis le début, ou encore que je reprenne l’un ou l’autre atelier foiré. Mon esprit passait d’un atelier à l’autre sans parvenir à s’arrêter, se décider. Il y avait aussi les « Notes sur le confinement » et les mots du Livre d’un mot.

#12 | oreillers de l’auteure

encore une autre nuit, encore le noir et la chaleur agréable des draps les fenêtres ouvertes malgré la mi-septembre des disputes dans la rue et qu’est-ce qui dans ce moment est extraordinaire tout en ne l’étant absolument pas qu’y a t il qu’elle voudrait retenir encore empêcher  la nuit d’avancer de passer de s’en aller la vie de reprendre quelle vie le monde et son travail alors que dans sa tête rien qui ne trouve à s’élaborer rien elle le sait qui ne trouvera à s’écrire jusqu’à satisfaction à s’écrire jusqu’à avoir apporté satisfaction.

l’auteure ne s’en sort pas.

l’auteure s’est maintenant levée, elle est dans la pièce où il fait orange la nuit, elle tapote sur son téléphone, elle écrit. 

(depuis qu’elle écrit « l’auteure », c’était il y a peu, pour ce récit qu’actuellement elle tente, elle ne dit plus roman, dans le cadre donc de cet atelier, en reprenant le vocabulaire, l’auteure s’est mise, parlant, à prononcer les e muets d’un peu toutes sortes de mots, les e muets en fin de mot. ça fait « de bonne heurE », par exemple. il faut maintenant mettre ça entre parenthèse.) l’auteure est bien décidée à ne pas se prononcer sur l’écriture inclusive bien décidée à laisser les choses lui venir à la bouche, à la plume, ou pas, à ce débat elle refuse de prendre le temps de participer, elle attend que ça passe que ça passe dans les pratiques dans la sienne idem elle fera avec ce qu’il en restera, dans les usages, de la déchirure de l’écriture, c’est aussi de sa nature à l’écriture de se faire déchiqueter, déchiqueter les terminaisons, ça la déséquilibre bien sûr encore un peu plus, l’autrice, mais ça inscrit son déséquilibre dans un déséquilibrage mondial; tiens comment ça se passe dans les autres langues elle ne le sait même pas est-ce une spécificité française elle a honte de n’en rien savoir en même temps qu’elle s’en fout. quelque chose dans l’écriture perd de sa superbe, perd de son indifférence, accueille le doute du sexe les embrouilles – après tout. elle elle se tient à l’écart de ces débats, cela lui parvient de loin en loin. ça il faudra non pas le mettre entre parenthèse non mais le barrer. il y a que l’autrice a beaucoup d’autres chats à fouetter. comme celui de sa sanité mentale à préserver ayant surtout en tête la sanité mentale de l’être qu’elle a mis au monde et qui est maintenant dans ces âges qui ont été si difficiles pour elle, car qu’aura-t-il à hériter d’elle sinon la façon dont elle sera arrivée à faire face à ses monstres. lui bien sûr est jusqu’au cou dans ces histoires d’inclusion et de genre. c’est très bien.
l’inconsistance, est-ce le mot qu’elle cherchait. quelque chose de sa perception de l’inconsistance du langage, qui fait sa folie à elle, va s’inscrire dans l’écriture, dans l’alphabet, cherche à s’y inscrire. est-ce que ça va aller jusqu’à de nouvelles règles de grammaire
. l’auteure donc écrit l’auteure et parfois écrit elle l’autrice. et ça l’amuse.

il est maintenant sept heures vingt du matin cela fait bien une heure que je n’écris rien de ce que j’aurais pu vouloir écrire et le jour s’est levé, n’augurant rien de bon, voyant mes pensées s’envoler. il faut alors retourner au lit.  

il faut alors retourner au lit.

j’écrirai maintenant dans la soie odorante le lin chiffonné les rideaux tirés sur le jour la prolongation adorable de la nuit, j’écrirai dans l’épaisseur ravie de la chair enfoncée dans le matelas au niveau du pubis le souvenir halluciné de ton sexe de son sexe puis se retourner se relever fermer la fenêtre se recoucher un bras alors passé par dessus tête le chat aussi veut sa part le chat vient le chat s’allonge sur mon ventre c’est son heure à lui aussi s’avance sur ma poitrine me regarde de haut je lui souris la douceur est générale sonne le réveil du co-dormeur le chat s’éclipse 

la douceur est générale.

c’est quelle heure déjà.

devoir numéro 12, le nomologue : je ne m’en sors plus du tout, pas de lit à oreilles pour moi (pas d’oreilles tendues vers les absents présents de l’atelier en ligne). il y aura eu trop à un moment, trop à faire, à vouloir faire, c’est devenu trop
soudain c’est devenu trop
et trop a toujours été un marqueur
un signal du danger qui se traduira tôt ou tard par la transformation du
vouloir en devoir, en douloir,
et par la nécessité vite fait de s’y dérober. trop de douloirs de tous côtés, à ne plus savoir par quoi commencer à ne plus commencer; à vouloir retourner en arrière, tout reprendre du début, retrouver le fil, et sempiternellement reprendre vouloir reprendre sans plus y arriver. je parle voyons de l’actuel récit, du roman raté de l’atelier. s’égarer perdre du temps renoncer dormir tomber malade. le retrait s’organise tout naturellement la retraite se met en place tâcher d’écrire les tambours les trompettes dans la tête, maintes fois leur partition recommencée abandonnée. à un moment se dire : abandon, à un moment se dire : échec. elle monte les escaliers, les marches de bois, et ces mots lui viennent, qui lui font un peu mal, qui lui pincent un peu le coeur, et d’autres endroits sans qu’elle sache trop lesquels, beaucoup d’indiciprécisions l’ont prise ces temps-ci, elle se voit, je me souviens je montais ou est-ce que je les descendais, ces marches qu’il me fait toujours du bien au corps d’emprunter, est-ce leur hauteur, la hauteur des marches, je les remonte, je vais vers la chambre et ces mots qui se présentent : abandon, échec. ratage. je ne sais si je les chasse. les chasse-t-elle? elle ne s’attendait pas à les voir venir. je ne vous avais pas vu venir (murmure). elle ne s’y attendait pas, dans sa folie. titube-t-elle, le corps penche un peu sur la droite, contre le mur qu’elle frôle de l’épaule, se redresse, monte la dernière marche, la chambre. et alors, ça lui vient. une fois le choc passé, le mini choc, elle pincée dans le corps, par ces mots, ces mots qui reviennent, de quelque part, de pas très loin, ces mots qu’elle connaît, au fond, lui permettraient de s’y retrouver. car là, il ne reste plus grand chose d’elle au fond, là, elle très fortement embuée, la vois-tu évaporée, non? tandis que ces mots, elle les connaît, tu vois, chérie, elle les connaît pas mal, ces mots-là. pénétrant la chambre, elle entrevoit l’idée, la tentation alors de l’écrire, justement, cet abandon, cet échec, tant il est vrai qu’ils ont pris le pas sur tout autre sentiment, je veux dire tout autre sentiment disparu, elle l’écrirait dans une forme d’indifférence qui riait rejoindre la susdite inconsistance, constante inconsistance, dans la mesure où il aurait tellement fallu s’y attendre. décrire l’échec et l’abandon devenant une façon de continuer, de persévérer, de crânement transformer l’échec, l’exposer, tenir son ironique chronique, as-tu jamais voulu, petite chatte sonia, rien d’autre, qui est l’échec de l’écriture et de soi comme auteureuse. à l’écriture de l’échec échoueras-tu aussi. top.

mais pourquoi auteureuse ? hein. dit-elle riant. me dis-je à un autre moment. passant de la chambre à la cuisine, ou tournant en rond sur elle-même dans la cuisine, qui ne s’est pas à un moment ou à un autre vu.e tourner sur soi-même dans sa cuisine, 270 degrés? elle se dit, je me dis, pourquoi pas juste vivre ? pourquoi pas juste vivre ? mieux vivre d’ailleurs. mieux s’occuper de la réalité, du principe de réalité, des besoins, mieux s’occuper des besoins, de tout ce qui n’est pas l’écriture. tu n’es tu pas foutue tu de t’o
ccuper des be
soins
pourquoi ce confinement dans l’écriture. echo: pourquoi ce confinement dans l’écriture. alors que l’oubli s’en passe parfaitement, la vie. parce que quand il ne reste que la vie juste, nue, étrangement, ça serait  la douleur. tu ne sais pas de quoi je parle? je ne m’étendrai pas là-dessus. parfois elle je le senst (beaucoup de choses peuvent encore s’inventer sur les terminaisons). elle je l’ai senti voyant de moi s’éloigner la possibilité du roman, la distraction dans les personnages, les voyages entre les temps et les lieux. la cruauté de la vie nue. pourquoi d’ailleurs elle n’aurait pas plusieurs visages, la cruauté, non la vie nue.

échec de l’atelier, que je voudrais reprendre et reprendre et reprendre encore.

et alors que ma plainte étrangement je ne suis pas sûre de la vouloir entendue par personne.  

est-ce que tu ne crois pas que tu pourrais tout laisser là, je le crois, tout abandonner de ce que tu es, je le crois, et juste faire ce qu’il y a à faire. je le veux. oui, je le veux. peut-être sortir. je sors. je suis sortie. marcher. je marche. aller à la rencontre, je rencontre. ou encore faire bien les travaux, faire le ménage, faire la nourriture, grandeur de ces activités, tu le sais, grandeur, je le sais, faire les papiers. gagner l’argent. faire le sport. mettre des points où il en faut et cracher sur les fantaisies.

pourquoi l’écrire. pourquoi cet effort. tu te redis que tu n’as jamais écrit que pour te battre contre la maladie et contre cette implosion lente et certaine en toi de la parole de l’usage de la parole. « mental sanity ».

avoir de toute façon renoncé à l’amour. ce n’est pas le sujet. ça n’est pas l’actuel sujet.

cette idée : qu’arrivée au pied de l’échec elle arrive au pied de ce qu’elle a à faire : rater, rater mieux encore, et le dire.

#05 – 00 | ce qui échappe (compressions du temps) / lamento absent
— Non publié sur le site du Tiers Livre

#ateliers #été2023 #05 | ce qui échappe (compressions du temps) – atelier du 9 juillet

Première tentative, je ne l’ai écrite que parce que j’en ai eu l’idée. Je voulais vérifier à quoi ça pouvait éventuellement mener. Ça mène trop loin et je ne l’ai pas publié sur le site de l’atelier. De quoi s’agissait-il ? De plusieurs voix qui commentent un même événement. « Se saisir d’un point d’intensité du réel, et en démultiplier le récit par témoins interposés  » et aussi : « développer le récit en relation inverse à la durée dont il traite, faire récit d’une compression du temps. » Sont cités : Baudelaire, Dostoïevski, surtout Faulkner dans Le bruit et la fureur : « …six narrateurs, chacun s’exprimant par monologues disjoints. La rupture décisive avec l’ancien principe convenu de réalité, puisque la réalité n’est que la somme disjointe de ses perceptions et représentations.« 
Or, je me suis trouvée complètement bloquée face à l’invention nécessaire de ces voix, alors même que l’idée de ces multiples fois voix me parlait, m’évoquait quelque chose d’aussi fuyant il est vrai qu’insistant. Donc, je me suis lancée dans ce que j’ai fait, pour m’en débarrasser, parce que je ne parvenais pas à m’en débarrasser (de ce fantôme d’idée). Comme il s’agissait avec Faulkner d’un enterrement, et aussi peut-être à cause d’un texte (renversant) publié sur le site de l’atelier, j’ai eu l’idée de ces voix imaginées par qui projetterait de se suicider. Je ne sais pas d’où me venait l’idée. Je pensais que quelque chose pourrait revenir. Mais rien. Rien n’est revenu. Sinon ce texte, et je dois chercher autre chose. Pourquoi faut-il que je songe à la mort, à cette mort, pourquoi est-ce que je reste coincée là. C’est à chaque fois pareil finalement, en réponse à la proposition quelque chose s’impose que je n’arrive pas à chasser, malgré ma compréhension globale de la proposition, ma compréhension et mon intérêt, je n’arrive à en retenir qu’une part, de laquelle je n’arrive pas à me décrocher et dont je ne veux pas. Noter, peut-être, à chaque fois, ce qui a « accroché », ce qui s’est imposé, empêchant la venue d’autre chose. Ici, ce qui a accroché, c’est : l’idée d’un enterrement et de ces voix imaginées qui parlent suivant un cercueil, le cercueil d’une personne suicidée. Par ailleurs, cette idée, une fois que je m’y suis engagée, j’ai espéré pouvoir en profiter pour multiplier effectivement les vois voix autour de l’un ou l’autre personnage restant à développer encore, faire entendre des voix qui pourraient en dire quelque chose, mais même ça, non. J’ajoute que dans ce que j’essaie de faire ici quelque chose résiste furieusement à la saisie d’aucun personnage. L’auteur en viendrait à se demander ce qui peut à ce point résister à faire exister –  vivre – un personnage (car c’est à proprement parler tout à fait extraordinaire – ce par quoi l’auteur en passe face à ce qu’elle ressent littéralement comme un impossible et à quoi elle ne s’attendait pas, dans l’erreur complète où elle était. Et encore elle se demande s’il s’agit pour elle d’un consentement à obtenir, d’un sacrifice à faire, à moins que ce qu’elle fait : ne pas y arriver (ne pas donner la vie, ne pas faire vivre ce personnage, qu’elle ne nomme même plus ici) : ce soit exactement ce qu’elle veut faire). A moins, et beaucoup plus simplement, qu’elle ne soit juste pas romancière, après tout, cela arrive (on en voit d’autres, on n’en meurt pas, non plus).
NB : je note que tout du long je choisis de dire « voix » plutôt que « narrateur » (et que cela me coûte 2 lapsus calami – multiple voix/fois/vois).

c’est ce dont j’ai toujours rêvé, dites-vous, pourtant je n’ai rien dit de tel, d’où cela viendrait-il. je n’ai rien dit, il me semble et votre agacement. ce n’est pas le moment de se taire. non, sans doute, non. vous vous plaisez à imaginer ce qu’ils diront. comment ils pleureront tous, comment ils pleureraient. du bout de la bouche, j’avoue, un peu. elle lâche ça. cela a pu avoir lieu. mais, qu’a-t-on dit, une fois qu’on a dit ça. on a dit quoi. qu’est-ce qu’on écrase, ignore. oui, un peu, oui. peut-être ça a été.  et pourtant non. non. je l’imagine assez, la façon dont. donc, non. je l’imagine assez ou je ne peux l’imaginer. j’imagine la destruction. pour les autres. je fais partie de ceux que cette pensée arrête. et souvent j’ai cherché à trouver les mots, à laisser les mots qui auraient pu rendre acceptable. les mots pour m’excuser. donc, c’est faux de croire, de dire, d’insinuer que j’aurais pris plaisir, que je prendrais plaisir à imaginer les pensées de celles et ceux, qui m’aiment, de mes proches, le jour de ma disparition. je me sais aimée. il faudrait que la pensée à eux disparaisse, disparaisse complètement. ce qui arrive, ce qui est arrivé. qu’ils n’aient plus existé. (s’il m’est m’arrivé d’imaginer les pensées d’un tel ou d’une telle à ma disparition, c’est qu’il s’agissait de quelqu’un que je ne connaissais pas vraiment, d’un fantasme ou d’un amour, mais s’agissant de ma famille, non, il ne faudrait pas que je pense à eux.) enfin, là je suis dans l’oubli, les temps se compriment. même dans le « désir de mourir » – qu’on peut à peine appeler comme ça tant le désir précisément en est inhabité, déserté -, même dans le besoin de fuir, de s’arracher, de s’expulser, ou dans ce qui au quotidien peut se  trahir d’une façon de ne pas tenir à la vie, il y eut une progression. depuis l’enfance à aujourd’hui. mais tout de suite : c’était moi. et il m’étonna que ce ne fut pas les autres. eh bien je parle de… cette façon de ne pas tenir à la vie… s’il y eut, s’il put y avoir l’imagination un jour, une nuit, le fantasme de ce qui se dirait de moi à mon enterrement, en suivant mon cercueil, si cela eut lieu qui me dit quelque chose, ring a bell,  c’était il y longtemps, c’était dans les premiers temps. des choses lues peut-être dans des livres théoriques. et cela fut levé, comme on lève un lièvre, par le susdit psy déconcerté, et cela sonna faux, et cela refermait, ce qu’il y aurait pu avoir à dire, sur ce désir, cette volonté, cet impératif. cette intervention de l’analyste, à propos du plaisir que j’y aurais pris à imaginer le désespoir de mes proches, cela me chargeait de cela, cela augmentait la charge, et tentait de réduire ce désir de mourir à une histoire qu’on se raconte pour se faire plaisir le soir quand c’en est tellement loin, cela refermait la possibilité d’une parole. même s’il n’ y en a probablement aucune possible.  est-ce que je me mens, est-ce qu’il n’y eut cette pensée, le cinéma qu’on se fait, que la honte de la question de l’analyste, vous vous plaisez à imaginer… a refoulée, rendue dorénavant impossible ? ce qui n’enleva cependant pas. ce qui ne ramena cependant pas. l’envie de poursuivre.  l’imagination de ce que des voix auraient dit. de ce qui se serait dit. ce qui se dit de vous après votre mort. aussi  quand j’y pense, tant qu’on y est, l’imagination du posthume, de l’écrit posthume. ce qui se dirait, puis, l’écrit exhumé. et donc, il n’y eut pas de désir de punir ? sursaut. c’était il y a très longtemps, son « premier divan », quel âge a-t-elle. punir ? est-ce pour punir que j’aurais voulu mourir ? mais qui d’autre, sinon moi-même. oui, dit l’analyste se levant, qui d’autre.

Blanche, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, se lève à son tour, de sa poche tire les billets préparés, les lui tend en sortant. ce qui est étrange songe-t-elle remontant la rue vers chez elle, ce qui est étrange, c’est que j’ai été furieuse sur l’un de mes deux parents, sur papa ou sur maman, et que je ne parviens plus à m’en souvenir. il y eut un ressentiment profond, qui toujours la ramène à cette scène où, marchant dans la rue vers la boulangerie, elle avait interrogé  son frère : tu préfères qui toi, papa ou maman, sa surprise, à lui. et sa fureur à elle, à l’entendre répondre qu’il est sans préférence, elle explose de colère, contre l’un des deux, mais duquel s’agissait-il ? pendant des années elle s’en est souvenue. jusqu’à ce qu’elle oublie. est-ce que l’auteur ici ne pourrait pas décider ? est-ce que tu crois que ça a de l’importance ? ta mère aussi fut sans préférence.

#10 et #10bis

J’ai tout à fait perdu le fil, je crois. Publié sur le site du Tiers livre, les deux textes suivants, le 10 et le 10bis (pas encore publiés ici, pas le temps).

J’ai d’abord écrit l’instance et puis le non-écrite.

Je ne m’en sors toujours pas avec les consignes…… J’ai beau m’en imprégner, j’en ressors toujours avec quelque chose complètement à côté. En même temps que je réalise des choses sur moi-même.

#04bis | 0 dans la nuit de samedi à dimanche

atelier François Bon du 5 juillet #04bis | dans la nuit de samedi à dimanche, publié ici le 23 août et écrit le 21 matin à Donn

Et le lendemain, j’ai écrit et publié un quatre ter, qui est en fait la suite du 4 bis

#04 | 0 superposer les temps

Ecrit et publié au matin du samedi 19 août à Donn, publié à la date du 2 juillet, en réponse à la propositions #04 | superposer les temps


J’ai écrit, enfin, beaucoup plus que ce que je n’aurais cru. Je suis partie de l’idée du train, de Blanche dans le train. Bien sûr, j’ai complètement foiré, puisque je n’ai pas le deuxième temps (consigne : 2 voyages en train à des années de distance, avec les mêmes personnages ; alterner de paragraphe en paragraphe les 2 années et les distinguer en usant d’italiques). Enfin, j’ai rempli la première moitié du contrat. Et ceci s’est écrit tout entier tendu dans l’idée d’en écrire la répétition. Je pourrais, plus tard, faire le parcours répété – Blanche et dans le wagon à côté, une conversation écoutée. Mais, il faut que j’avance.

Il faut que je me souvienne que j’ai enregistré ce texte.

Et que je publie ici une photo d’un extrait de Ann je-ne-sais-qui que je lis en ce moment, une américaine. Sur ce que chacun est persuadé d’avoir à faire, à propos de quoi il n’a rien lu nulle part.

Il fait beau maintenant, je vais prendre un bain, je vais manger une glace, je regrette de ne pas faire de tai chi. C’est l’été, c’est l’été. J a demandé à ce qu’on joue un jeu de société. Ches dort. Je suis contente d’avoir enfin écrit. Tant pis si c’est raté. Je dois me dépêcher.

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