corps de fer, armure de pensées

18 novembre 2005 | novembre 2005 | ... et société, Cut&Paste, psychanalyse | , , , , , , , , , , , , |

Les corps de fer et les armures de la pensée*

En 1974, Jacques Lacan soulignait, comme un trait de notre époque, la perte de la dimension amoureuse, renvoyant à  la substitution du Nom-du-Père par un ordre « rationalisé, bureaucratisé » supporté par le « être nommé-à quelque chose ». C’est-à -dire que la chute des Noms-du-Père ne produit pas un vide anarchique mais qu’elle restitue un ordre que Lacan « avec des résonances weberiennes » appelle « de fer » , véritable signe d’une « dégénérescence catastrophique ». En effet, le « nommer-à » dans cet ordre de fer est avant tout nominaliste et aspire à un fonctionnalisme radical en tant qu’il méconnaît ou délocalise le réel de l’autre, sa dimension d’objet, de reste incalculable.

Ainsi, le « politiquement correct » s’efforce-t-il aujourd’hui de réduire les relations entre l’homme et la femme à des relations de droit civil. On construit des catégories qui permettent de standardiser les opérations, mouvements et stratégies qui constituent les échanges de ces sujets, de sorte qu’ils soit prévisibles et entièrement calculables.

L’ordre de fer est un ordre qui, avant tout, exclut le père réel comme principe d’ex-sistence fondant un dire vrai. Or le Nom-du-Père est une instance qui fonde un mode de nomination qui, d’une certaine manière, apparaît sur fond d’acceptation d’une impossibilité.

Si elle procédait du Nom-du-Père, la nomination faciliterait l’ouverture vers l’usage, l’accès, la possibilité de se servir du nom mais aussi du corps. Tandis que le « nommer-à » de l’ordre de fer décerne au contraire un nom et un corps qu’il s’agit seulement de subir.

C’est d’ailleurs très tôt, en 1945, que Lacan signalait que la pente à  la folie ne doit pas nécessairement être cherchée dans la faiblesse : « il se peut qu’un corps fer, des identifications puissantes, les complaisances du destin […], mènent plus sûrement à  cette séduction de l’être ». Cette séduction de l’être est dans le fil de ce que Lacan avancera ensuite à  propos du self, et en particulier du faux self, (cf. les Séminaires XV et XVI et Eidelberg A., Schejtman F., Soria Dafunchio N. y Ventoso J., Anorexia y bulimia. Sàntomas actuales de lo femenino, Buenos Aires, Serie del Bucle, 2003, p. 111-114.).

Les corps de fer de nombre d’anorexiques et de boulimiques répondent très bien à  cette logique intimement liée au capitalisme hypermoderne. Comme l’indiquait une analysante, il s’agissait pour elle d’avoir un corps fermé, où rien n’entrerait ni ne sortirait – elle ne mangeait pas, ne déféquait pas, n’était pas réglée, n’avait pas de relations sexuelles. Un corps stérilisé et vidé. Impénétrable, fixé par la répétition incessante d’un calcul monotone qui éradiquait toute surprise de l’existence. Modelé par le carcan d’une pensée obsessionnalisée et entièrement ritualisée. Telle est sa différence essentielle d’avec le corps de l’hystérique, soutenu – comme Lacan le formule Lacan en 1976 – dans sa modalité torique (le « tore-trique ») par « l’armature » de l’amour pour le père. Ces corps contemporains se supportent de l’armure des pensées et du « nommer-à » qui, mettant en œuvre un rejet farouche de la dimension amoureuse, prétendent effacer la fonction topologique du trou torique en affirmant un faux self sphérique, fermé, impénétrable. Qu’il s’agisse de la modalité sphère-vide anorexique ou de la sphère-boule boulimique-obèse, on aperçoit comment l’effet thérapeutique requiert une intervention qui, en introduisant la fonction de la coupure, rétablit la structure torique du corps.


* Corps et fonction paternelle, Marcelo Barros, Alejandra Eidelberg, Claudio Godoy y Mà³nica Gurevicz

où un rêve me force à me souvenir d’un autre rêve (viscéral)

22 mai 2011 | mai 2011 | RÊVES | , |
dimanche 22 mai

rêve hier

marrant, m’y souvenais d’un rêve que j’avais déjà fait, me rappelais d’un rêve oublié, m’en rappelais donc, avec toutes les  virgules lacunes qui y attiennent.
plusieurs personnes
2 hommes, 2 femmes ?
font, faisons des choses (plus interdites qu’interdites, le plus interdit de l’interdit) (j’ai mis entre parenthèses, parce que pas sûre que ce soit ça) .
j’accepte de le faire.
je suis couchée sur le dos.
me vois comme ça, je veux dire la caméra est là, la caméra du rêve, mais placée de façon à ce que je ne voie pas ce qui se passe dans mon ventre. je ne vois pas de mon point de vue, de mon point de vue dans le rêve, où je suis couchée sur le dos, car si je voyais de mon point de vue, d’où je suis dans le rêve, de comment je suis, je verrais tout. or, c’est très important que je ne voie pas tout, que je ne voie d’ailleurs rien du tout. je suis couchée sur le dos, sur une table d’opération, et mon ventre est ouvert, et les autres, et c’est ça la chose plus qu’interdite, les autres jouent avec tous les organes de mon intérieur, à pleines mains, ils y vont, et ça, c’est censé leur, et me, procurer du plaisir, de la jouissance. personne ne fait ça, et personne ne peut faire ça, et personne ne connaît ça, mais nous sommes une petite bande qui… moi, c’est la première fois. donc, je ne vois pas ce qui se passe, parce que la caméra est placée sous la table d’opération, du côté de ma tête, je pourrais voir ma tête, mais c’est tout. donc,  c’est très viscéral, et c’est tout ce qu’il y a de possible à en dire. si ce n’est qu’il y a une chose que je ne veux pas, je n’ose pas faire, mais je ne sais plus  très bien ce que c’est, mais que les autres font, moi, je suis novice, c’est ça, novice au fond. ils sont plusieurs, occupés dans mes tripes, eh bien, c’est possible, que ce qu’ils aimeraient, ce qui serait encore mieux pour eux, et qu’ils se font entre eux, c’est, faire des choses sexuelles, dans mon corps ouvert, ha ha. mais je ne veux pas.
voilà, c’est le rêve dont je me rappelais dans mon rêve, mais le rêve lui-même, celui où je me souvenais, je ne m’en souviens plus,
marrant.
(non relu) (parce que c’était vraiment insupportable pour moi d’écrire ces choses, ça l’est devenu, parce que je ne sais plus du tout quoi faire, de mon analyse)

 

De l’art invendable.

31 janvier 2013 | janvier 2013 | art, ce qui ne cesse pas de s'écrire | , , , |

En réponse à :

J’en viens parfois à me demander s’il ne faudrait pas se mettre à fabriquer, à créer des objets d’art, de l’art, qui ne puisse pas se vendre. Est-ce possible de créer de l’art invendable. Non pas gratuit mais invendable ? Bon, je sors du sujet mais je poste quand même, je réfléchis tout haut et je partage.
EV

De l’art invendable.

Je me demandais si ça ne serait pas vendu du moment où ça porterait le nom d’art, l’estampillage, la marque.

/ Ce à quoi travaille le Museum of Everything – faire sa marque, but prôné. Mais, s’agit ici de la marque d’un musée, pour, paradoxalement, exposer des gens qui ne se revendiquent pas en tant que tels, artistes. /

Par ailleurs, il y a beaucoup d’art invendu, invendable.

La marque, le nom propre, la brand, le branding sont ce qui font vendre.

Le nom propre est ce que rien ne justifie. C’est ce qui n’est pas choisi et qui s’appose à vous, pour vous représenter. C’est un signifiant pur, complètement arbitraire, absolument vide de sens. (un prénom, lui, trouvera sa source dans le choix des parents, marque de leur désir.) Le nom propre n’est pas choisi, il vous tombe dessus et incombe à votre responsabilité. Il ne suffit pas d’avoir un nom, pour n’avoir pas à s’en faire un. Ou de vouloir en changer, s’en faire un neuf – souvent comme artiste. Houellebecq qui choisit de prendre le nom de sa grand-mère, qui l’a élevé.

Par rapport au prénom, le nom vient de la nuit des temps. Gros de ce réel là de la traversée du temps, de l’insondable origine, du « meurtre de la chose » et de l’immortalité. Le réel du nom répond du réel de la personne (persona, masque). « Un manque ici recouvre un autre manque ». Celui du nom recouvre celui du corps. Un nom n’est pas moins à (se) faire qu’un corps, ne vous est pas moins étrange.

Ceci pour chercher traquer pister ce qui, de ce signifiant pur, fait son prix.

Le prix (hypothèse) vient sur ce qui justement échappe à toute raison. Là est le désirable et le jouissif. Et alors dans sa circulation. Un nom propre circule dans le discours. Ce qu’un corps ne fait pas. Ce dont il faut avoir peur aujourd’hui, c’est de la réduction de chaque chose en pur objet de discours, en pur signifiant, séparé de toute signification, en quoi il « répond » du réel qui en réchappe toujours. La réduction au signifiant (comme objet de jouissance et de circulation) et le rejet, la forclusion du corps (quand il n’est pas lui aussi réduit à un objet de commerce).

Restaurer son prix au commerce des hommes, la gratuité. Or-  si c’était si simple –  à la gratuité vient toujours se greffer l’amour et là on est foutu (voie ouverte à tous les abus.)

Écrit au réveil, de neuf heures à 10h, sur mon téléphone, dans le noir, non relu.

Le corps comme objet, né au XXè siècle
— Gérard Wajcman à l'Erg

21 novembre 2013 | novembre 2013 | art, psychanalyse | , , , , |

Erg, séminaire 2011, Gérard Wajcman

le corps comme objet né au xxè siècle / quel serait le maître-mot du xxI ? ça pourrait être la transparence / facebook – transparence de la vie privée, exposition de la vie privée ; wikileaks – transparence du pouvoir / sommes regardés / dans notre corps / soumis à des machines qui voient l’intérieur de notre corps « pour notre bien » _ neuro spin : voir la pensée / idée que tout peut se voir, y compris l’inconscient / projet du tout visible / vidéo surveillance / innocents en sursis / / corps lié aux machines depuis l’origine : le miroir / Le stade du miroir de JL / idée que nous naissons prématurés, débiles à la naissance / thème important pour l’histoire du christianisme / culte de l’enfant jésus, arrivé au 17ème s. , grandeur de dieu d’avoir pris l’apparence d’un être débile / corps morcelé, non unifié / ce qui nous assure de notre unité : une image / glorification du corps comme totalité _ Aristote _ conception du corps comme forme totale / âme _ forme du corps / corps unité / conception liée au miroir / c’est l’image qui nous constitue comme forme totale / / aujourd’hui plutôt corps cartésien qu’aristotélicien : corps machine – horloge avec ses rouages, corps fait de morceaux / rencontre que le corps fait avec la science / marché des organes / corps en kit / corps entré dans le marché / corps devenu marchandise / corps artificiel / cellules souches / art a aussi témoigné de ce mouvement là / sans doute depuis guerre de 14 / picasso / histoire de l’art témoigne de ce qui vaut dans le corps ce n’est plus la totalité mais des bouts  (est-ce que la danse ne s’oppose pas à ça) / (sorte de contemporanéité de la guillotine et de la photographie _ guillotine anticipe naissance du portrait photographique__livre de d arasse sur l’histoire de la guillotine) / technologie fonctionne par découpage par cadrage / exaltation du corps comme totalité : ce n’est plus le travail des artistes / dans cette évolution la science a son rôle mais aussi la guerre , guerre de 14 événement majeur /  première guerre où la technologie a dominé complètement les corps pour les faire exploser / « gueule cassée » / guerre comme morcèlement / auparavant on tuait , là on déchiquète / chambre à gaz : autre manière d’envisager le corps : le faire disparaître intégralement / avant on tuait un corps et le corps était mort ensuite rituel / chambre à gaz : mort d’une multitude de corps destinés à la disparition intégrale / cendres des camps pour construire des routes / disparition intégrale de la mémoire / absence totale / histoire de l’art marquée par ça ___ que l’absence ait pu devenir un objet fondamental de l’art après tout ça / / plus rien ne fait limite / qu’est-ce qui fait disparaître les limites aujourd’hui / NO LIMIT / scanners corporels dans les aéroports / fouille, image en 3D corps comme s’il était nu / nouvelle stratégie militaire : la géométrie inversée _ toutes les armées du monde ont adopté cette théorie , les armées sont supposées pouvoir passer à travers les maisons , stratégie développe une technologie d’imagerie extraordinaire pour voir derrière le mur ce qu’il y a , au départ de technologies d’imageries médicales1

/ comment faisons-nous pour ne pas devenir plus paranoïaque /

Notes:
  1.  » Le dernier exemple concerne une nouvelle théorie militaire conceptualisée par des stratèges israéliens sous le nom de « géométrie inversée ». Issue d’une réflexion sur la guerre urbaine, au lieu de se soumettre à la topographie des villes et aux contraintes de l’architecture, et d’avancer ainsi en suivant les rues et en longeant les maisons, ils suggèrent de passer de maison en maison en traversant murs, toits et planchers. En substance, il s’agit de « dé-murer » les murs, d’opérer une « transgression des limites » et évidemment en premier lieu ce qui délimite et protège les espaces domestiques. Bien entendu on peut mettre cette stratégie en question dans ses principes, quant à ses effets destructeurs mais aussi quant à ses résultats en termes militaires, mais il est clair qu’une telle conception stratégique, qui a été adoptée par toutes les grandes armées du monde, qui consiste à passer outre ce qui naguère encore constituait des limites réelles, correspond à la culture hypermoderne du No Limit. Cela me frappe d’autant plus que le regard y est directement impliqué. Afin de limiter les victimes aux seuls combattants et de se protéger elle-même, l’armée utilise en effet un système d’imagerie portable qui associe image thermique, échographie et ondes radar afin de faire apparaître en 3D l’image des corps qui se trouvent derrière les murs des maisons.
    Ce qui s’accomplit dans ces mode de traversées, c’est une illimitation qui passe par la dissolution à la fois réelle et conceptuelle des limites. La stratégie de la « géométrie inversée » est la forme militaire de la politique hypermoderne d’effacement de toute frontière. En cela, il me semble qu’elle fait série avec la vidéosurveillance, le scanner corporel ou l’IRM. » GW, http://etudespsy.wordpress.com/entretiens-avec/gerard-wajcman/ []

au final, il ne restera plus que le don de son corps pour signifier son existence

8 juin 2014 | juin 2014 | art | , , , , |

08-06-2014 14-47-34

là : http://www.flamme-eternelle.com/JOURNAL36.pdf

« Cinquante-deux jours à ce rythme, ce sera dur?

Dur, non, mais nécessaire. Tout d’abord, je n’ai rien d’autre à faire. Et surtout, comme l’ont démontré les Occupy Wall Street ou les manifestants sur la place Maïdan à Kiev, je vais donner mon corps, ma présence. C’est quelque chose dont je me sens capable. C’est le fait des gens qui doutent de la démocratie représentative et d’un système de délégation essouflé. Au final, il ne reste plus que le don de son corps pour signifier son existence. Je serai peut-être fatigué, de mauvaise humeur, mais je serai là. »

j’irais bien à la piscine

12 septembre 2015 | septembre 2015 | RÊVES | , , , , |

Une piscine a débordé, considérablement. Nous arrivons au bord, Jules et moi. J’ai envie de rentrer dans l’eau, voir si elle n’est pas trop froide, traverser la piscine, voir de l’autre côté. L’eau n’est pas trop froide, je peux la pénétrer, Jules heureusement ne me suit pas.

Je suis rentrée dans l’eau dont le mouvement s’est rapidement amplifié, a considérablement monté. Il y avait moyen de s’accrocher à l’eau et je le faisais. Il fallait s’accrocher très fort, en fait. Parce que l’eau vous saisissait, vous emportait, dans un mouvement tournoyant, montant considérablement, puis, soudainement se relâchant, vous relâchant, vous laissant retomber dans le vide, vous rattrapant, vous relâchant… Je songeais, je disais, que ça valait toutes les attractions foraines du monde. C’était énorme et à chaque fois différent, ne laissant pas le loisir de s’habituer au mouvement.

– Hier, Chester faisait de beaux saltos arrières. C’était vraiment comme si ça lui plaisait de se laisser entraîner physiquement par ce qu’il désirait attraper, le petit bout de peluche mauve que Jules faisait tournoyer au bout d’une sorte de cane à pêche. A un moment, Chester bondissait dans le mouvement tournoyant du bout de peluche, son corps, son grand corps pris, soulevé dans les airs, retourné vers l’arrière. Ça évoquait aussi les jeux des dauphins dans l’eau.  Il a d’ailleurs été question de cirque, hier, aussi, mais je ne sais plus à quel moment. Et j’avais songé aux peintures de mon père. A moins que je n’y ai songé ce matin, en sortant du rêve. –

L’eau avait considérablement monté, formait une immense boule, qui nous faisait monter très haut au-dessus de la terre que nous apercevions. C’était à Bruxelles, dont je reconnaissais les bâtiments étrangement reproduits à l’identique plusieurs fois et s’étirant, en de longs rayons qui irradiaient en étoile depuis la boule d’eau. J’ai peut-être reconnu l’Atomium et l’église Sainte-Marie. L’eau était aussi de l’air. C’est ce que je croyais quand je pensais que j’étais dans un rêve. Je songeais à cette matière dans laquelle je virevoltais, qui n’était que de l’air, l’air me paraissait un élément signifiant, dans les deux sens du terme: signifiant vide, rien et signifiant l’R, l’air de Mu-ller, mon nom.

– Aussi, le meurtre, la mort affreuse, il y a peu de temps d’un enfant de trois ans, mis par ses parents, son père, dans une machine à laver. –

Dans la boule, il y avait du monde. Aussi une femme, auprès de laquelle je me retrouvais quelquefois entraînée dans le mouvement tournoyant de l’eau, assez longuement. Avec qui je m’entendais bien. Avec qui j’espérais m’entendre. C’était rassurant d’être ensemble. Je me demandais si nous n’allions pas nous embrasser.

A la fin du rêve, Frédéric et Jules sont également entrés dans l’eau qu’on essayait de vider. J’étais triste pour Jules qu’il soit pris là-dedans.

À ce moment-là, différentes manœuvres sont mises en œuvre donc, pour vider l’eau, mises en œuvre par les terriens (les personnes au sol). Ces manœuvres paraissent dangereuses. Il est question d’un filet en fer ou d’une ossature en fer qui prenne la place de l’eau. L’eau soutenant en l’air les personnes et l’ossature en fer étant destinée à remplacer ce soutien. Le danger étant de se retrouver plaqué contre le fer, parce que s’il n’y a plus d’eau, son mouvement de tempête est toujours là, fait toujours rage. Un homme recherche ce danger dans une sorte de masochisme. Cherche à son corps soit plaqué contre le soutien en fer, contre la grille, de façon à en être marqué.

Pendant tout le rêve, je sais que c’est un rêve, ce qui ne fait que renforcer sa réalité. Tout le temps, je sens, je pense, je constate que ce qui arrive, m’arrive au corps. Je pense même que, comme je sais que je pense, que dans le rêve c’est d’une pensée qu’il s’agit, que mon corps s’exerce réellement aux mouvements qu’il fait (comme l’entraînement des sportifs à qui l’on recommande de penser à leurs mouvements, leur assurant que cela vaut un entraînement réel, ce qui aurait été scientifiquement prouvé.) Je pense donc que mon corps fait réellement le mouvement. Et je me dis qu’il n’y a que la jouissance, de mon corps à ce moment-là, qu’il n’y a pas moyen de penser, je me dis qu’il n’y a que la jouissance qu’il y a.

Sur L’Envers de la biopolitique d’Éric Laurent, par François Regnault

20 mai 2016 | mai 2016 | Cut&Paste, psychanalyse | , , , , |

Sur L’Envers de la biopolitique d’Éric Laurent, par François Regnault

« Vous créez un frisson nouveau »
Victor Hugo, à propos des Fleurs du mal de Baudelaire

 

Sans doute, ce livre* est-il un excellent exercice d’orientation.

« Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée », c’est une question que pose Kant en 1786, et pour laquelle il requiert la différence de la droite et de la gauche (en aucun sens politique, je vous prie de le croire). L’Envers de la biopolitique d’Éric Laurent, c’est « Comment s’orienter dans la psychanalyse ? »  En quoi, celui qui dira que si la psychanalyse ne le concerne pas alors ce livre non plus, fera l’erreur de ne pas voir que c’est justement parce que ce livre s’oriente dans la psychanalyse, qu’il peut renverser la biopolitique, laquelle aujourd’hui nous commande, nous manipule, nous asservit, nous, et au premier chef, notre corps. Qui gagnerait à l’ignorer ?

Éric Laurent n’est donc pas de ces psychanalystes – s’il y en a – qui ne lisent que des ouvrages de psychanalyse (affaire de boutique, en somme), il en lit bien d’autres. En quoi, il ne s’enferme dans aucune psychanalyse passée qui voudrait se présenter comme scolastique, encore moins ignorer les tournants de son « endroit » et les détours de son « envers ».

« Ce livre veut montrer que Lacan propose pour la psychanalyse une orientation sur le statut du corps dans notre civilisation de la jouissance. » [p.19]

En quoi encore, et j’en finis avec les en quoi, il tient compte de l’orientation que Jacques-Alain Miller donne à présent à la psychanalyse (au-moins-un à le faire s’il n’est pas le seul, comme on en conviendra) ; ce qui veut dire qu’à tenir compte du « dernier Lacan», la psychanalyse avance, comme elle a déjà avancé depuis Freud avec Lacan, et comme il convient qu’elle avance, si elle n’a pas d’avenir illusoire.

Je pense souvent à ce propos au Théâtre Nô, dont les fans occidentaux nous font croire que ce sont des cérémonies ultra-codées depuis l’origine, dont notre théâtre serait incapable, alors que sous couvert d’une fidélité supposée immémoriale, cet art japonais évolue en vérité de Maître en Maître, sans rien d’universitaire. Plût au ciel qu’il en aille toujours de même avec la psychanalyse, si elle évolue, non sous des Maîtres, elle, mais au moins d’Analyste en Analyste comme je crois et constate qu’elle fait.

le vide au corps

23 mai 2016 | mai 2016 | psychanalyse | , , , |

Enthousiasmant article de François Regnault, découvert sur Lacan Quotidien et repris ici, à propos du livre d’Eric Laurent, Sur L’Envers de la biopolitique – Une écriture de la jouissance. La bonne nouvelle en est délicieuse et j’en ai commandé le livre avant même que d’avoir terminé la lecture de l’article.

Il est rare que j’arrive à réagir à ce que je lis et qui me bouleverse. Cette fois,  je me risquerai cependant, en m’en tenant à cette seule phrase : « Corps vide au regard de la jouissance, car en tant qu’Un, il ne contient rien, c’est un sac, dont les organes sont réservés, si vous voulez, à la médecine. »

Si je puis me permettre, donc, et au risque de me montrer ridicule, il n’en va pas partout ainsi. Pour l’expérience que j’en ai, via ma pratique du taï chi  et le peu de recherche que j’ai fait, le corps, en Chine, s’il relève également du domaine de la médecine, de la médecine chinoise, inséparable de sa pensée, y est d’abord le premier lieu du souffle, du Ki.  Un lieu que tout un chacun est amené dès la naissance à investir  aussi bien imaginairement, réellement que symboliquement : on y rencontrera tant des montagnes et des fleuves, que des organes réels et des circuits ancestraux d’énergie. L’intérieur du corps y est lieu premier du réel et de sa jouissance.  Laquelle est loin de s’arrêter à celle du seul sujet. Du coup, dirait-on, elle n’en plus nécessairement mauvaise, ce que d’ailleurs pressent, prédit, l’enseignement de Jacques-Alain Miller, et qui pour ma part fait la part de la bonne nouvelle. Elle est jouissance, elle apporte le bien être, elle est voie de connaissance – laquelle en passe, sans qu’aucune primauté lui soit accordée, par le signifiant.  Et je me risquerais à dire que c’est le signifiant qui est alors instrumentalisé, dont il est usé comme outil de reconnaissance, en vue d’une cartographie du corps. Mais, un signifiant dégagé de l’idéal, de l’identification et de la maîtrise, proche de la lettre dans l’instant même de son écriture, inséparable du mouvement qui la trace et du support qu’elle affecte. Il  ne s’agit que de nommer, et de reconnaître, de ressentir  ce qui dans le corps jouit de cette nomination. Nommer et renommer, inscrire et réinscrire, connaître et reconnaître, à chaque fois pour la première fois, célébrer cette alliance « toujours nouvelle et qui n’a pas changé » où un corps reçoit  la marque du signifiant et en jouit. Chinoisement écrite, la  bonne nouvelle de Regnault,  ça donnerait : d’un autre point de vue, depuis une autre dimension : trauma est délice (pour peu que le sujet lui lâche un peu la grappe, si j’ose dire). Vide, le corps, il l’est. Il y a le vide au corps. Mais la jouissance qu’on en éprouve ne l’est certes pas.  Seulement, il  manque le terme de ce qu’elle serait, puisqu’elle n’est pas dialectique. Aussi, la médecine chinoise n’appartient-elle pas aux instruments biopolitiques du pouvoir.

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