Comment donnerai-je à mon enfant le « goût de la castration». Si la castration se situe du côté de l’histoire, du tranchant de la date, de la coupure dans le temps. Du côté de la parole, du renoncement à une vérité toute, à une identification ultime, définitive. Comment la rendre suffisamment séduisante qu’il ait le goût la force de sortir du tout à la consommation immédiate, du tout à l’immédiateté, l’instant ? Il faudrait pour cela que j’aie pour moi-même mieux pu jouir de ces choses que je voudrais lui donner à mon tour, après qu’elles m’aient été donné par mes parents – l’art, la culture, le goût de la lecture, de la science, du savoir. Que j’apprenne à en jouir plus surtout qu’elles se dégagent de leur vêture d’idéal, à moins qu’il ne s’agisse de ne plus les prendre comme les moyens du maître, l’instrument qui l’installe, l’établit. Que je puisse apprendre à me réjouir de la relativité propre à n’importe quel savoir et que mon désir de certitude s’en tienne à celle-là . Que ce ne soit plus mon être que j’aie à défendre quand la parole je veux prendre, que j’apprenne le courage de défendre ce dont je veux parler. Que je n’aille plus à vouloir me confondre avec ce dont je voudrais parler. Que j’ose séparer ces choses de moi pour apprendre à elles les défendre et à en apprendre le partage. Comment sortir du silence ? De mon silence et pourquoi m’y contiens-je ? Silence mien depuis l’enfance. Silence de ma mère. Pour partie, silence d’hystérique gardé sur l’inestimable valeur de ce que je vaux comme petit a, comme innommable, comme femme. Et pourquoi faut-il que ça soit si difficile de faire exister ça et malgré tout prendre part au commerce des hommes. Comment cette chose peut-elle être si forte qu’elle me tienne absolument à l’écart de la culture, si je considère que la culture commence du moment où un discours s’organise et s’adresse. C’est que je m’y veux toute à cet endroit, toute à cet objet, par où d’ailleurs je le trahis, parce qu’il n’existe qu’en reste, nulle part incarné, d’une division que ma parole, la mienne, seule peut opérer.
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le silence de la mère
Vous apportez un éclairage nouveau sur le ravage maternel, lorsque vous indiquez, page 59, qu’une fille peut connaître une forme de laisser tomber de la part de sa mère. Il s’agit non pas d’une absence de soin, de paroles blessantes ou de rejet, mais d’une certaine forme de silence.
Il y a «tout ce que la mère ne peut dire et qui prend toute sa puissance» et «la fille se trouve alors aux prises avec cette jouissance muette». Comment, une cure analytique, qui est une expérience de parole, permet-elle de traiter cette modalité du ravage maternel très spécifique?*

Rose-Paule Vinciguerra (à propos de son livre Femmes lacaniennes) : Ce ravage n’est pas celui qu’évoque Freud autour de la revendication phallique de la fille et qui est «insatisfaction pré-castrative» comme le dit Lacan.1 Il met en jeu la jouissance Autre et énigmatique de la femme qu’est la mère. C’est là sans doute que la mère est la plus puissante, elle en devient réelle. Et comment une fille y répondrait-elle si ce n’est par un surmoi dévastateur, une surmoitié2, dont les dits poussent à s’arracher à toute limite, sans appui, sans garantie. Mais il n’y a pas d’Autre de l’Autre pour répondre à l’exigence de cet appel – pas plus d’ailleurs qu’il n’y a de nomination de l’être d’une femme ni de référent substantiel à son corps. À cet égard, les analystes ont à éviter l’illusion de la réparation faite par le «bon parent» venant à la place du parent traumatique.
Une interprétation analytique peut cependant, en apportant le signifiant équivoque qui manque, contrer le réel, inscrire un bord, là où une expérience de jouissance se répète inlassablement.
La fin de l’analyse témoignerait donc de la façon particulière dont a pu se taire cette voix de la surmoitié, ce point de jouissance rebelle à quelque assomption de l’énonciation. La passe peut rendre compte de cela.
* SOURCE : Interview de Rose-Paule Vinciguerra pour son livre Femmes lacaniennes sur le site de l’ECF.
Notes:
La femme qui dit non
Résumé du deuxième chapitre de livre de Pierre Naveau Ce qui de la rencontre s’écrit, Etudes lacaniennes publié aux Editions Michèle. Mes commentaires sont en italiques.
cas d’une femme qui a peur de son père et pourtant s’identifie à lui. cette peur s’étend à tous les hommes, que toutefois elle aime « autoritaires, virils, puissants ».
dit d’elle-même qu’elle est « la femme qui dit non » et refuse tout rapport sexuel tant qu’elle n’est pas sûre d’être aimée.
mar. 27 juillet :: dedans dehors (d’inanité sonore)
Rentrés hier à Paris. Réveillée ce matin à 7 heures. Plein de rêves, plein de rêves. Traîné puis levée pour écrire et réinscrite réseaux sociaux, ça fait 2 heures que j’y.
Ca fait 2 heures que j’y.
Tout le monde dort, une fenêtre du salon ouverte sur le ciel blanc. Bruits qui résonnent dans ce qui s’entend encore du silence : c’est le matin, c’est les vacances. Mardi 27 juillet. Du dehors, l’air n’est pas tout à fait le même qu’au dedans. Il y aurait quelque chose à en dire, mais je ne trouve pas quoi. De la conscience de cette frontière, à quelques mètres de moi. Dedans dehors. Je songe une fois de plus à la joie de Proust qui écoute, guette ravi depuis sa chambre les bruits de la rue et nous les décrits. Il y a quelque chose de ça. N’était-ce la stridence de certains bruits parfois, qu’il faut supporter, accepter, intégrer. Le rugissement d’un camion. Ici, pas de marché, pas de marchand, de passant quotidien que l’on reconnaîtrait, rue anonyme. Des voix, des dialogues, pourtant, qui sont comme de toute éternité, même en langue étrangère, et tiens, voila du français, cet accent ! Ceci ne s’entend qu’au matin. Et que grincent les pneus d’un vélo dans la descente. – Allez, bonne chance ! – Bon courage ! Avec leur métier, leur âge tout inscrit dans leur voix, comme hier le lierre pris dans les branches blanches du vieux poirier. Chair, rocaille. Si l’on ne distingue ce qui se dit, un soupir s’entend. Dedans, dehors. Qu’est-ce qui me vaut ce qui s’apparenterait à de la joie. Une joie bien calme, qui ressemble au silence, au recueil. – Ce pays de merde ! Voix reconnue d’un clochard. Et l’absence de soleil. Qui ne se lèvera pas du jour, cela se laisse aisément prédire. Les deux amis qui passent en parlant. Les pas de ceux que je n’entends pas. 9h30. Quelle cloche sonne ? De Belzunce. Qu’est-ce qui nous vaut la joie, la joyance? Est-ce d’être seule, ce vol aux dormeurs, ce vol aux surveilleurs? Comment on sait si peu de soi et de ses raisons. Faut-il le savoir ? Le bus électrique se signale d’un son de cloche qui ressemble à celui des trams bruxellois. Ou s’agit-il seulement de cet état d’être, en extension, en élargissement. En neutre élargissement. Car le mot de joie est trop connoté, a trop pris parti, pour parler de cet instant qui n’est pas loin de se satisfaire de cela seulement qui résonne, se transmet, se répercute. Les voies sonores, l’épaisseur trouée du silence.
(l’air, vecteur, est cela qui vous enseigne)
*
Lu hier, de Bernard Lecoeur :
« L’identification contribue à transformer ce qui est de l’extérieur en intérieur. C’est une façon d’aménager l’espace, d’y introduire une certaine vérité qui n’est autre que celle du corps. L’identification participe à la mise en place de lieux, le lieu de «l’un comme tel [devient celui de] l’Autre » [1].
https://www.hebdo-blog.fr/identification-a-distance/
[1] Lacan J., Le Séminaire, livre IX, « L’identification », leçon du 29 novembre 1961, inédit.«
qui se répercute ici sans que j’y comprenne rien.
De l’Un devient de l’Autre. Ce qui se répercute : de l’Autre. L’humanité.
De lieu : Disons : de corps étendu. Sa vérité ai-je tellement envie d’ajouter.
… au salon vide : nul ptyx
Aboli bibelot d’inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s’honore.)
Je ferme la fenêtre le bruit, retourne me coucher
jusqu’à ce que tous se lèvent et que je puisse
à mon tour faire du bruit.