Comment donnerai-je à mon enfant le « goût de la castration». Si la castration se situe du côté de l’histoire, du tranchant de la date, de la coupure dans le temps. Du côté de la parole, du renoncement à une vérité toute, à une identification ultime, définitive. Comment la rendre suffisamment séduisante qu’il ait le goût la force de sortir du tout à la consommation immédiate, du tout à l’immédiateté, l’instant ? Il faudrait pour cela que j’aie pour moi-même mieux pu jouir de ces choses que je voudrais lui donner à mon tour, après qu’elles m’aient été donné par mes parents – l’art, la culture, le goût de la lecture, de la science, du savoir. Que j’apprenne à en jouir plus surtout qu’elles se dégagent de leur vêture d’idéal, à moins qu’il ne s’agisse de ne plus les prendre comme les moyens du maître, l’instrument qui l’installe, l’établit. Que je puisse apprendre à me réjouir de la relativité propre à n’importe quel savoir et que mon désir de certitude s’en tienne à celle-là . Que ce ne soit plus mon être que j’aie à défendre quand la parole je veux prendre, que j’apprenne le courage de défendre ce dont je veux parler. Que je n’aille plus à vouloir me confondre avec ce dont je voudrais parler. Que j’ose séparer ces choses de moi pour apprendre à elles les défendre et à en apprendre le partage. Comment sortir du silence ? De mon silence et pourquoi m’y contiens-je ? Silence mien depuis l’enfance. Silence de ma mère. Pour partie, silence d’hystérique gardé sur l’inestimable valeur de ce que je vaux comme petit a, comme innommable, comme femme. Et pourquoi faut-il que ça soit si difficile de faire exister ça et malgré tout prendre part au commerce des hommes. Comment cette chose peut-elle être si forte qu’elle me tienne absolument à l’écart de la culture, si je considère que la culture commence du moment où un discours s’organise et s’adresse. C’est que je m’y veux toute à cet endroit, toute à cet objet, par où d’ailleurs je le trahis, parce qu’il n’existe qu’en reste, nulle part incarné, d’une division que ma parole, la mienne, seule peut opérer.
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À barcelone
hôtel
des cauchemars, toutes les nuits. dans un lit immense.
dans la chambre, de moi des images toutes trop différentes. celle de la salle de bain tout à fait acceptable (mais je suppose que c’est comme dans les miroirs de magasins de vêtements, ils y accrochent des miroirs flatteurs et quand vous rentrez chez vous, vous vous rendez compte de l’immense erreur que vous venez de commettre), et puis l’image dans le miroir de la penderie : abomination.
le vieillissement : ça a commencé. c’est là .
j’aurai remarqué ça, comment les miroirs s’apprivoisent, mais c’est lentement, se font à vous, à l’image que d’eux vous attendez. ne me regarder que dans ceux qui me connaissent. dans le même esprit je me serai quelquefois demandée si je devais calculer le degré d’amitié que l’on m’on porte à la joliesse des photos que l’on prend de moi1 . dans le même esprit : au monde rien qui soit moins fiable que mon image. peut-être rien qui ne me perturbe plus.
dans le même esprit: tu me dis que je suis la plus belle femme du monde. alors que moi. il faisait chaud bon à l’hôtel, il y avait du tapis partout; la salle de bain était propre, les fauteuils en velours. nous étions entre nous. j’ai couru nue, c’est rare (dans le familles recomposées), avec jules au sol rampé, à 4 pattes marché, c’était bon, et en même temps, de façon insidieuse, cela qui montait, cette inquiétude à propos de l’image que je renvoyais, à propos de ce que je donnais à voir de moi. de mon corps son vieillissement, d’ordinaire camouflé. c’est là qu’est né le germe des cauchemars. et puis qu’est-ce que jules lui voyait. et qu’est-ce que je préférerais lui donner à voir le visage, le corps d’une mère d’abord beau de jeunesse. dans le même esprit, et en forme de bémol, au fur et à mesure que l’été avance, le corps qui s’embellit, se fait au fait d’être vu. (nous nous façonnerions, ça ne se façonnerait qu’à l’aulne de l’image que nous voyons de nous, ça, l’image idéale ; ne regarderions-nous de nous aucune image nous ne trouverions à la façonner qu’à l’empan du regard de l’autre (si tant est que le miroir n’en offrît pas déjà un, de regard, à quoi, évidemment on ne saurait croire, croire qu’il ne fût éminemment subjectif), et plût au ciel qu’il fût alors un amant à qui elle plaise cette image et que nous ne soyons pas seuls avec autant de regards que nous aurions à vider de nos inventions, de nos montages. ces regards accordés seulement à l’inquiétude où nous porte l’ignorance, l’impossible savoir attaché au corps. aucune image qui puisse contenir refléter le réel du corps qui est ce à quoi de l’intérieur on a affaire. oui, ou merde. ) (vérifications orthographiques, vocabulaire : aulne/aune, empan.) je ne rapporte ici qu’autant d’évidences déclinées de façon stupidement compliquées. pourquoi je fais ça.
Notes:
- ex.: d’une certaine k., j’ai compris vu jusqu’à quel point elle ne m’aimait pas en voyant les photos qu’elle avait prises de moi. d’une autre annick j’aurai vu qu’elle m’aimait. ou encore qu’elle m’aimait comme je m’aime. qu’elle veuille m’aimer comme je voudrais m’aimer. qu’elle aie de moi la même image idéale. celle qui me rassurerait. [↩]
(éthique de la pulsion, suite)
il y a quelques temps, j’ai commencé à me demander pourquoi lacan parlait de rejoindre la pulsion (a parlé, à un moment de son enseignement, de rejoindre la pulsion, après la traversée du fantasme – je pense au Séminaire XI, Les 4 concepts fondamentaux de la psychanalyse), quand on voit les dégâts qu’elle peut faire.
et je commence à me dire que ça doit avoir à voir avec ce que la pulsion sait de l’objet, son vide, et avec son mode, sa façon de désidéalisation. avec le fait qu’elle fonctionne dans le non-sens. alors que ça commençait à l’intéresser, lui, lacan, de sortir du sens. (cependant qu’en sortir, vouloir ça, volontairement y aller vers le non-sens, ça n’est pas très facile. dans la mesure même où il n’est pas facile de sortir du fantasme, là où l’on nage en plein dedans, en plein sens, où justement le sens se fixe, se fige.)