Un blog pour me libérer de la pensée qui a toujours été pour moi lieu de trop de jouissance pour finir par ne plus tourner qu’en en rond, sur elle-même, cherchant à se mordre la queue.
Les émissions Miller à la radio de cette semaine, m’ont permis d’entendre jusqu’à quel point la jouissance est solitaire. Eh bien, un des enjeux de ce blog serait pour moi de trouver le moyen de ne plus m’enfermer totalement dans cette jouissance. De m’en séparer, de ne plus faire corps avec elle, en passant mes pensées à l’épreuve de l’autre, du lecteur.
« Dans ma tête ça ne cesse pas de s’écrire ». Je ne cesse, mentalement, de chercher à écrire. Passerais-je à l’écriture, je sortirais de cette nécessité, je sortirais de ce qui ne cesse pas de s’écrire (en ne cessant pas de ne pas s’écrire, puisque ce n’est qu’en pensée que ça s’écrit), j’irais vers ce qui cesse de ne pas s’écrire, vers l’accident, vers la rencontre.
– le ne cesse pas de s’écrire = le nécessaire, qui jouit de penser écrire, ne cesse de tourner autour du pot, de tourner autour du rien, du rien qu’il contourne, qu’il élève, pris toujours dans son mouvement, ressassant, se jouissant.
– le cesse de ne pas s’écrire, c’est la contingence, c’est la rencontre. elle parle, rencontre, rend compte, s’affronte à ce qui ne cessera pas de ne pas s’écrire (l’impossible). séparer le corps des lettres, les envoyer dans le monde (il y a le corps qui prend la parole, il y a la voix, et il y a les lettres, qui passent à l’air, à l’extérieur de la tête, que l’autre entend).
– ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, c’est le réel, l’impossible, le rapport sexuel.
Il y a un symptôme : ma pensée qui ne cesse…
Il y a une inhibition (lisière du réel) : je n’écris pas ; je ne me confronte pas à ce qu’il ne soit pas possible de tout écrire et qu’il est une chose, par excellence, qui ne s’écrive pas : le rapport sexuel ; quand c’est l’écriture-même de ce rapport qui est à la racine de mon désir d’écrire et qui me pousse à vouloir tout penser, de sorte que je me prouve que le rapport sexuel aussi, à force, un jour, s’écrira.
Ce qui ne cesse pas de s’écrire rêve que tout puisse s’écrire, qu’à toute chose un signifiant corresponde, qu’il n’y ait rien qui ne puisse être établi. C’est le symptôme de notre temps, l’idéal scientifique, le fantasme, dont l’entretien assuré par la libido fait jouir. La pensée jouit. Sa constance, son entêtement, sa force, son caractère «malgré soi», mais aussi sa solitude, son silence pointent sa prise dans un processus pulsionnel.
Aussi croirait-on sentir qu’il y a une différence entre mâcher un chewing gum et ressasser, remâcher des idées. Dans les deux cas, cependant, quelque chose fonctionne seul, donnant à penser qu’il jouit de son seul fonctionnement. La pensée fonctionne comme une bouche qui mâchonne et ça machine, ça jouit, ça « j’ouis ».
L’autre idée, c’est que si je n’écris pas (inhibition) c’est moins que ce soit moi qui m’en empêche que l’Autre qui ne le veut pas. (si j’en avais la permission tout s’écrirait mais ça ne peut pas car l’Autre ne veut pas.
ainsi, par exemple, pourrait-il vouloir que je fasse la vaisselle (même s’il ne le dit pas).)
Le ne cesse pas de ne pas s’écrire, (…) c’est l’impossible, tel que je le définis de ce qu’il ne puisse en aucun cas s’écrire, et c’est par là que je désigne ce qu’il en est du rapport sexuel – le rapport sexuel ne cesse pas de ne pas s’écrire.
(Jacques Lacan, Encore, p. 87.)