{ |
à quoi je tends ce que je cherche seulement que ces métaphores métonymies ce qu’à propos d’elles, méta_ méto_, j’ai (lu) |
le sens celui qui était servi par le nom-du-père, et de façon univoque, le mal est le mal le bien est le bien, son déclin quant à moi je le situe, je ne trouve à le situer qu’à ce moment de l’histoire où dieu meurt. à quoi il a mis du temps. dont la relève fut prise par les règles scientifiques. comme il commençait son agonie, ( je pense : donc je suis). |
let me tell you about the breath of vinyl. | alors ne pointons pas trop vite du doigt l’individualisme. puisque si vite, au fur et à mesure qu’il s’est individualisé, le sujet, il perdait la parole qu’il ne sera resté que s’inféodait-il à la canaille, |
baby, are you paranoid, lost in the void. are you afraid of yourself. and everyone else. are you afraid to die. are you afraid to get hurt. so what makes you cry. are paranoid, lost in the void. or just destroyed. are you afraid of me. and the things that i said. are you afraid to say something case i walked away. i you afraid of truth. inside of your soul. are you paranoid. or just destroyed.
|
aucune parole qui (n’) échappe au sexe. qui puisse y échapper. vous les voyez parler à la télé cela vous suffit ils ne parlent pas ils ânonnent
les leçons bien apprises qu’ils vous apprennent à leur tour maintenant que l’homme est seul à savoir à ce qu’il doit faire, il faut bien qu’il se l’entende dire. déclin du nom-du-père, déclin de l’autorité. liberté. liberté. pourvu que nous ignorions que nous logeons l’horreur. ils ne parlent pas ils ânonnent ils servent la nouvelle loi, celle qui ne mérite même plus ce nom, humain, de loi, elle qui fut le désir même, qui comprend cela pourquoi antigone est descendu vivante au tombeau, les lois non écrites, l’usage, la coutume, nulle part écrites, mais sur lesquelles on s’accordait, celles du bon sens, qui n’écoutaient que la vie, cela qui de la vie ne rentrait pas dans les petites cases, échappait au décret, restait inévaluable. échappait aux rapports, médicaux ou autres, échappait à l’image. la loi du capitalisme aussi est virtuelle : elle exclut ce qui du corps échappe à la science. elle exclut la parole quand celle-ci prend le risque du lapsus. elle réduit le désir au besoin en en préservant la capacité d’insatisfaction. elle coince la jouissance dans la satisfaction de la pulsion. elle éjecte la mort, elle éjecte la filiation, elle éjecte ce qui du sexe n’appartient pas au fantasme masculin, ne se laisse pas cadrer, ne va pas sans dire. tandis que dans l’oubli du temps, faire l’amour c’était le dire. |
young flesh city got beautiful skin | ne parlent pas, ce sont des images. ce sont des fantômes. ce sont des monstres. |
i was the son of a black and white dream. in a technical world. i was a hollywood child.
|
où tout cela s’aperçoit le mieux, se conçoit le mieux, c’est dans les peintures de la renaissance flamande, avant donc le 17è, c’est l’annonce. c’est l’arrivée des commerçants. c’est l’arrivée des petites gens. c’est l’arrivée des pommes. c’est l’arrivée des natures mortes. des petites fleurs, des plats de poissons. le libéralisme, dieu s’éloigne, l’auteur vient au monde, regardez dürer, son autoportrait. dieu s’éloigne, tout va se mettre à compter. ça se voit plus vite dans la peinture flamande, parce qu’il n’étaient pas catholiques, qu’ils étaient moins idéalistes et que leurs contours géographiques, et politiques, étaient plus labiles. on sort de la grande fable. on sort de la croyance. rien, plus rien qui ne mérite d’être interrogé, observé. on est très vite très loin de la scène de la cita idéale, de ses vastes places vides. de la scène de la mise en scène. vous allez bientôt voir les choses déborder du cadre. dites choses, pensez métonymie. pensez petit a. c’est comme naît la bourgeoisie petite-capitalisante que l’objet va prendre le devant de la scène. objet à quoi le sujet qui commençait à peine de s’énoncer va aller à s’identifier. we only live our live on the super screen. ce n’est pas l’individualisme, le coupable. le coupable c’est ce qui a éjecté ce que les mystères religieux occultaient, mais qui avait le mérite de faire exister cela même qu’il interdisait, le péché, comment ça cloche entre les hommes et les femmes. tous les jours, aujourd’hui la pomme est bouffée avec de la sauce à zéro pourcent de calorie.
|
we’re turning round and round in the terrors of tinseltown | et c’est à force de ce tout, où les objets seulement s’additionnent, s’enfilent, que l’unité sémantique que formait la phrase a éclaté, s’est dissoute. que la phrase est passée au slogan. que les majuscules se sont perdues. et c’est à force de ce tout, que le rien s’est échappé. quand le rien est perdu il ne reste plus qu’à s’y identifier. n’allez pas croire que nous en soyons tous à nous la péter. plus haut que notre cul. ils sont nombreux ceux qui se dégoûtent tristes |
broken dreams are blown away | un corps ne se résume pas
à ce que la science peut en dire quels que soient ceux qui survivent en salle de soins intensifs. are you paranoid. |
what are doing i a m talking to you |
derrière la métonymie il y a l’objet (la valeur). il n’y a pas de métaphore sans métonymie préalable. derrière dessous la métaphore, il y a le sujet (inconnu). sujet qui n’est rien d’autre qu’une place, place qu’il n’a rien d’autre qu’à prendre. et la prendre, c’est prendre la parole. aller contre le discours courant, disque courcourant. the world has changed. we saw it all on tv. the world has changed. all our dreams have been rearranged. the world has changed. very strange.dream factoryje suis triste aujourd’hui.
|
Étiquette : capitalisme
que le marché de l’art s’emballe à nouveau et qu’il s’enflamme, tout feu tout bois, pour un art sans foi ni loi…
Inversement, il est peut-être tout aussi significatif, et guère plus étonnant, que ce soit au plus profond de la crise économique actuelle que le marché de l’art s’emballe à nouveau et qu’il s’enflamme, tout feu tout bois, pour un art sans foi ni loi. Ce n’est pas que le retour du refoulé, comme certains l’ont dit de la résurgence symptomatique de la figuration et de l’expressionnisme. Ce n’est pas que le retour également symptomatique du sublime comme effet et mise en scène, comme citation, comme reproduction, comme aura de la marchandise comestible. Ce n’est pas que le retour d’exil des artistes, leur sortie du désert, l’évènement des prophètes-gestionnaires et leur retour aux affaires du monde. Même si c’est aussi tout cela, l’éclectisme et l’historicisme postmodernes , c’est le retour de la loi.
C’est d’abord la vengeance de la loi. Loi du marché, loi de l’échange, la seule en régime capitaliste à être à la fois réalisée et universelle. Elle tient tout et tous sous sa coupe, tous les objets qu’elle réifie, tous les sujets qui la servent. Pas un artiste ne lui échappe s’il veut survivre. Ils en souffrent ou en jouissent, mais c’est toujours la souffrance ou la jouissance de l’esclave, sans dialectisation. Car il n’y a plus de maître, il y a le Système et le Système n’est pas le Sujet, il n’est pas le Signifiant. Il est bien la loi, mais pervertie, pure immanence pragmatique et opérationnelle résorbée dans son propre behaviorisme. Ce qu’elle enjoint aux artistes de faire ne peut aller que dans le sens de son propre renforcement. Elle enrichit certains, elle en écrase beaucoup, elle n’affranchit personne. Les artistes sont libres, oui, ils sont libres d’échanger et d’échanger n’importe quoi, mais il ne peuvent le faire forcément que là où les choses s’échangent, sur le marché. Ils sont aussi libres de faire n’importe quoi, mais la violence de cette liberté n’est plus celle de la révolution, ce n’est plus que celle de la concurrence. Tous les styles, toutes les manières, toutes les formes et tous les médias sont échangeables et interchangeables. Tous s’affrontent sans se contredire, beaucoup moins comme des idéologies que comme des marchandises. La peinture , qui se vend bien de nos jours surtout si elle est figurative, n’a jamais été aussi abstraite, elle a l’abstraction de la monnaie.
La loi du marché n’est pas neuve, elle est là fatalement depuis qu’il existe un marché de l’art. Dès avant Courbet elle dit la condition économique du modernisme et fixe la condition sociale de l’artiste moderne comme « travailleur libre » ou petit entrepreneur. Mai ce n’est qu’avec le modernisme tardif, celui d’un Warhol par exemple, que les condition économiques de la pratique artistique, jusque-là tenues pour contingentes et extérieures à l’art proprement dit, sont devenues son sujet, sa substance et sa forme. Ce n’est qu’au moment où l’impératif moderne, conditionné par la transcendance horizontale de ses déterminations économiques, s’est mis à s’auto-interpréter comme s’il n’était que l’expression de la loi du marché qu’il a aussi pu être reçu, toute transcendance abolie, comme un encouragement cynique à l’opportunisme radical: fais n’importe quoi pourvu que ça marche! Warhol vaut mieux qu’un procès d’intentions, c’est certain. Et d’ailleurs il n’était pas opportuniste. Mais l’ombre de son succès plane aujourd’hui sur toute une génération d’artistes qui n’ont pas sa schizophrénie feinte ni l’hypersensibilité de son insensibilité, et qui souffrent et jouissent alternativement du rôle purement fonctionnel que leur fait jouer le marché renforçant sa propre loi. Ce qui était désir cool pour Wahrol (« I want of be a machine ») est devenu réalité pathétique. […] En tant qu’il s’exprime, ce pathos est le sentiment de la loi, le sentiment de quelqu’un qui se trouve sous la loi du marché, sous la loi universelle de l’échange et sous sa vengeance. Mais il est aussi, en tant qu’impératif, le sentiment ou le pressentiment d’une autre loi, l’appel nécessaire d’une autre universalité et le rappel de ce que l’impératif moderne, en dépit de tous le vœux de postmodernisme, nous tient toujours sous sa nécessité : fais n’importe quoi. Point. Sans conditions. Fais absolument n’importe quoi. C’était l’impératif du readymade, et le readymade n’est pas la boîte de Brillo. […] Qu’en reste-t-il aujourd’hui? Il en reste une version faible et libérale du « fais n’importe quoi pourvu que », un fantôme d’utopie auquel certains rattachent naïvement leurs derniers espoirs et qu’ils appellent pluralisme. Il en reste aussi une version forte et presque fasciste du « fais n’importe quoi pourvu que » à laquelle s’adonnent certains – c’en sont d’autres, mais pas toujours – et qu’on peut appeler simulation mais qui s’appelle en réalité cynisme, désespérance et irresponsabilité. […] Or tout n’est pas permis. Ce serait peut-être juste mais ce n’est pas vrai. La vérité, c’est qu’il faut que tout soit permis. Les liberté sont relatives mais il faut que la liberté soit absolue. Le readymade est pluraliste – il en existe une pluralité – mais il faut qu’il dise l’universel. L’objet quelconque n’est jamais quelconque mais il faut qu’il y prétende , absolument. Et le « fais n’importe quoi » n’est jamais inconditionné mais il faut qu’il le soit. A l’universalité de l’échange, la loi de la réalité, il faut opposer, muette et incompréhensible, la loi de la nécessité qui est aussi nécessité de la loi. L’impératif « fais n’importe quoi » est un impératif catégorique.
Thierry de Duve, Au nom de l’art, « Fais n’importe quoi », Editions de Minuit, 1989, p. 127, 128, 129, 130
Frédéric Lordon – La révolution n’est pas un pique-nique
[e t Frédéric Lordon1 de sous-titrer son exposé : »Analytique du dégrisement » — Or ça, je ne lui trouve rien de dégrisant à son analyse : que du contraire : pour ma part ça m’a bien COMPLÈTEMENT grisée…]
j’ai trouvé là, http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-revolution-n-est-pas-un-pique-153918 , le texte complet.
Notes :
Notes:
- Frédéric Lordon est Directeur de recherche au CNRS, économiste passé chez les philosophes. Développe un programme de recherche spinoziste en économie politique et en sciences sociales. A récemment publié Capitalisme, désir et servitude (La Fabrique, 2010), D’un retournement l’autre, comédie sérieuse sur la crise financière (Seuil, 2011) et La société des affects (Seuil, 2013) [↩]
le saisissement moelleux des corps
ce… « saisissement moelleux des corps » de Frédéric Lordon, comme il dit bien comment le capitalisme nous fait jouir . consommer est jouissance ( ça dé-pense , ça jouit) . nous cantonne au régime du chacun pour soi . et nos désirs se réduisent à ce que nous dictent nos addictions – l’addiction qui concerne la jouissance possible, celle du besoin rassasié (ce besoin que Lacan oppose au désir) . le capitalisme joue de ça, produire un discours qui nous autorise=pousse à jouir en dépit du désir (parce que le désir lui n’a rien à voir avec ça, le désir ne veut pas jouir . )
capitalisme appareille nos corps aux objets qu’il produit (autan tde machines gadgets à jouir) .
>nos corps bien a p p a reillés
apparentés à des machines, et que fait une machine d’autre que
ron ronner
machines nos corps ron-ronnent
machine n’a d’autre cause que sa fonction
.
.
(puis, oui, je crois que la petite communauté est aujourd’hui plus à même de soigner/ panser le désir ( (aussi par l’amour) (car l’amour est ce qui fait que la jouissance condescend au désir))
à une plus grande échelle / la ville ses anonymes/ la jouissance ne peut se réguler que par le droit (et la police) : c’est cap au pire on le voit
l’heure est au dire et à l’entendre, ce qui se bruisse. c’est pourquoi il faut prendre l’addiction comme symptôme
Le philosophe Giorgio Agamben : « La pensée, c’est le courage du désespoir »
Article publié par Télérama le 10/03/2012, propos recueillis par Juliette Cerf : http://www.telerama.fr/idees/le-philosophe-giorgio-agamben-la-pensee-c-est-le-courage-du-desespoir,78653.php
Le capitalisme ? Une religion. L’homme ? Un animal désoeuvré. La loi ? Trop présente. Le philosophe italien analyse avec sagacité notre société et ses dérives « biopolitiques ».[…]
La théologie est maintenant très présente dans votre réflexion. Pourquoi ?
Les dernières recherches que j’ai entreprises m’ont montré que nos sociétés modernes, qui se prétendent laïques, sont au contraire gouvernées par des concepts théologiques sécularisés qui agissent avec d’autant plus de puissance qu’ils ne sont pas conscients. Nous n’arriverons jamais à saisir ce qui se passe aujourd’hui sans comprendre que le capitalisme est en réalité une religion. Et, comme le disait Walter Benjamin, il s’agit de la plus féroce des religions car elle ne connaît pas d’expiation… Prenez le mot « foi », d’habitude réservé à la sphère religieuse. Le terme grec qui lui correspond dans les Evangiles, c’est pistis. Un historien des religions qui essayait de comprendre la signification de ce mot se promenait un jour dans une rue d’Athènes. Tout à coup, il vit écrit sur une enseigne : « Trapeza tes pisteos ». Il s’approcha et se rendit compte qu’il s’agissait d’une banque : trapeza tes pisteos veut dire « banque de crédit ». Ce fut une illumination.
Que nous révèle cette histoire ?
le crédit
nous sommes de retour à paris depuis hier. je me réveille, il est 4h20. c’est plus ou moins la même heure tous les jours. je songe à ce documentaire sur la création de l’argent que j’ai commencé à regarder l’autre jour dans la voiture en route vers Orléans. il s’y confirme ce que j’avais appris dans Demain, que la monnaie fiduciaire, les pièces et billets que nous connaissons, ne forme qu’une partie infime de l’ensemble de l’argent (j’ai retenu 8%), le reste, la monnaie scripturale, n’étant que chiffres inscrits dans les ordinateurs des banques privées. et que donc, effectivement, l’argent ne naît que du crédit accordé par les banques. ce n’est qu’à partir du moment où une banque décide de me croire (d’où son nom, de crédit), de croire que je suis capable de produire l’argent que je souhaite lui emprunter, ce n’est qu’à partir du moment où elle en inscrit le montant dans ses ordinateurs (d’où son nom, à cette monnaie, de scripturale) que cet argent se met à exister, cet argent donc qu’elle me prête, elle-même ne le possédant pas, elle-même ne devant pas le posséder (elle ne doit en disposer que de 8%, si j’ai bien retenu, c’est le fonds de garantie), tandis qu’en échange de son prêt, le prêt de cet argent qu’elle ne possède pas, elle me fera payer des intérêts. dans ce documentaire, il est également question de la naissance de l’argent, lequel ne descend pas du troc, comme on a tendance à le croire, mais du crédit. l’échange, le prêt, était autrefois basé uniquement sur la confiance, sur le parole donnée. l’exemple y est donné, très parlant (que je reprends ici de mémoire, en ayant changé les noms), de l’échange que paul et pierre veulent faire, paul produisant des patates et pierre des tomates. paul veut des tomates, pierre les lui en prête, en échange, paul lui promet qu’à la saison des patates, il lui donnera des patates. pierre a fait crédit à paul, il a cru en lui, il lui a fait confiance. pendant longtemps, cette seule parole donnée à suffi à lier les hommes. jusqu’à ce qu’il faille inventer l’écriture pour inscrire ces comptes… (et là, j’arrête de spoiler, parce que j’ai arrêté de regarder, parce qu’on passait devant un magasin où il fallait que j’achète un truc, donc je suis vite descendue de la voiture.)
tout ça m’a rappelé cette interview d’Agamben, lue il y a quelque temps, où il explique son idée, selon laquelle, le capitalisme est une religion comme une autre et en faisant ce rapprochement entre le crédit de la « banque de crédit » et le credo, la croyance de la religion.
NB: par ailleurs, le terme « fiduciaire », qui désigne donc la monnaie que l’on peut tenir en main, celle qui circule, celle qui est créé par les banques centrales et dont nous avons tendance à croire qu’elle constitue l’ensemble de la masse monétaire, ce terme de fiduciaire provient du latin, fiducia, la confiance).
il est 5h22. je vais me recoucher.
Silvia Federici, Caliban et la sorcière
Caliban et la sorcière : femmes, corps et accumulation primitive
- 8 avr. 2016
- Par helene duffau
- Blog : Le blog d’Hélène Duffau
Analyser et comprendre l’histoire capitaliste
L’historienne et féministe Silvia Federici enquête longuement dans une vaste documentation très peu étudiée, avant de poser un tout autre postulat. Elle veut tracer les racines de l’exploitation des femmes dans la société capitaliste et le moment où leur subordination aux hommes est instaurée. Comprendre ce à quoi nous nous confrontons pour trouver des stratégies de lutte et faire en sorte que l’histoire de l’oppression des femmes arrête de se répéter.
À la théorie marxiste qui affirme l’accumulation primitive en tant que précurseure du capitalisme, Silvia Federici pose ladite accumulation comme caractéristique fondamentale d’un système nécessitant un apport permanent de capital exproprié. C’est à l’aune de cette hypothèse qu’elle remonte l’histoire, interpelée par la différence de statut des femmes dans la société féodale du Moyen Âge et celui qui leur est imposé dans les siècles qui s’ensuivent.
Au Moyen Âge, un peuple en lutte
Les 13e et 14e siècles sont pour l’historienne des temps de découverte politique forts. Les fabliaux rapportent des portraits de femmes combattives, exprimant leurs désirs, à mille lieues de l’iconographie suivante de femmes faibles, discrètes et soumises à l’autorité paternelle puis maritale.
Au Moyen Âge se développe le principe d’une société monétaire tournée vers le commerce et l’exportation de denrées. Dans une société rurale, agricole, dont les terres sont cultivées par la communauté — femmes et hommes dans les communs — le peuple est en lien et en lutte : refus de la taxation, de la mise à disposition des denrées…
À la fin du 14e siècle, la peste noire a mis à mal le pays qui connaît de sévères périodes de famine. Le poids des travaux forcés par les seigneurs diminue, les paysans reprennent du pouvoir. Cette période correspond aux débuts de l’hérésie sociale, fabriquée pour contrer les oppositions et assouvir le peuple revendicateur. Vaudois, Cathares…, celles et ceux qui critiquent le pouvoir religieux et monarchique, qui aspirent à une vie différente, autrement que par l’accumulation des richesses, qui refusent de se reproduire pour contrer le besoin d’une main-d’œuvre exploitée au profit des puissants, celles et ceux-là paieront le prix fort pour leur opposition, les femmes en particulier. Le pouvoir dénonce ces sectes, évoque des personnes envoûtées, des sorcières responsables : une période d’éradication peut commencer.
Deux siècles d’oppression féminine
La chasse aux sorcières durera deux siècles. Des milliers de femmes sont accusées d’infanticide, de sexualité avec le diable ou de sexualité libre, elles sont sorcières, jettent des sortilèges… Ces femmes sont torturées — on transperce leur corps de grandes aiguilles pour y trouver la marque du diable, elles sont encagées et longuement immergées dans les rivières — puis brulées vives en place publique… Avant d’expier, elles doivent dénoncer une sorcière de leur connaissance à laquelle le même sort sera réservé.
Des résistances isolées — un mari, un frère, un père — et le cas d’école de tout un village basque, Zugarramurdi.
Pour Silvia Federici, cette période marque le moment où la classe dominante se procure, à l’extérieur, les moyens de développer sa richesse et de réprimer les luttes. Les savoirs ancestraux doivent êtres dénigrés : l’État officialise une connaissance qui se théorise, s’étudie, s’écrit. Les femmes qui soignaient doivent être réprimées au profit des pratiques des médecins et de la science officielle qui se déploient. Les croyances impies en les signes de la nature doivent être méprisées, rendues dangereuses : la croyance culpabilisante et asservissante de la religion prend le pas sur l’animisme et les croyances naturalistes.
En parallèle de ces chasses, les vagabond-es, les mendiant-es et les insoumis-es sont malmené-es. Le peuple doit être convaincu que le travail salarié est le seul moyen de subsistance qui vaille. Le régime communautaire, la solidarité et la charité du village sont anéanties. L’esclavagisme de déploie.
La correspondance entre la période d’accusation de sorcellerie et de changement social ne fait aucun doute pour la chercheuse.

L’État avilit pour mieux contrôler
Le capitalisme débute au 16e siècle. Dans sa volonté de contrôle, l’État chasse les paysans vers les ateliers, les fabriques puis les usines, et s’arroge les terres. Il met la main sur le corps des femmes réputé « dangereux », inconnu, indomptable, par des années de persécution. Porteur de la main-d’œuvre nécessaire à l’accroissement du travail donc du capital, la maternité est mise au service de la collectivité. « Par amour », une femme se dévoue pour mari et progéniture, ce qui est beaucoup plus rentable que de reconnaître l’exigence et les risques de l’enfantement, de l’éducation, et de les rétribuer à leur juste valeur.
La littérature des Lumières pose la femme comme ontologiquement mauvaise, sans raison, menée par ses pulsions. Il s’agit de la tenir hors du contrat social pour mieux la subordonner aux hommes, à leur autorité comme à leur violence, et à travers eux, soumettre la femme à l’autorité de l’État.
La relation patriarcale est indispensable au capitalisme : elle assure le contrôle des femmes, donc des naissances, c’est-à-dire d’une main-d’œuvre renouvelée. Saper les femmes et leur travail maternel, c’est renoncer à valoriser ledit travail. C’est aussi s’arroger, d’autorité, le corps des femmes.
Imposer de nouvelles normes
Systématiquement déployée à travers le monde, de l’Occident aux colonies, cette répression est venue des classes dominantes. Les interventions violentes et longuement répétées dans la vie sociale ont eu pour conséquence d’imposer de nouvelles normes de discipline sociale.
Au 17e siècle, en Occident, la classe dominante a suffisamment renforcé son pouvoir pour pouvoir relâcher la bride : la chasse aux sorcières peut s’amoindrir.
Les femmes en ont été les douloureuses victimes qui peinent, aujourd’hui encore, à prendre leur place dans la société. Et les États ont, depuis, acquis des outils de division sociale d’une redoutable efficacité.
- Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive est publié aux éditions Entremonde.
- Publié le 8 avril 2016 par Hélène Duffau
- Caliban et la sorcière. Femmes, corps et accumulation primitive est publié aux éditions Entremonde.
Laurent de Sutter, L’Âge de l’anesthésie. La mise sous contrôle des affects – Premières impressions
Laurent DE SUTTER, L’Âge de l’anesthésie. La mise sous contrôle des affects, Les Liens qui Libèrent, 2017, 156 p., 15,50 €/ ePub : 9.99 €, ISBN : 979-10-209-0508-6
Le narcocapitalisme, selon Laurent de Sutter c’est l’idée que le capitalisme se soit soutenu de l’anesthésie, c’est-à-dire dire d’une volonté de réduire les excitations et d’anesthésier les corps. Depuis l’utilisation par Kraepelin de l’hydrate de choral pour calmer les maniaco-dépressifs, en passant par la cocaïne, l’invention de l’anesthésie et la pilule contraceptive. Tout ça a servi à l’être, à ce que l’humain soit réduit à l’être (au langage), séparé de son corps. Parce que l’être est toujours policé, contrôlable.
Cela rejoint la dénonciation par Lacan du sujet de la science (dont il fait remonter l’origine à Descartes). In fine, pour la science, le corps idéal est un corps mort (et l’on voit se développer les séries où le médecin légiste est l’un des principaux acteurs de la police scientifique, c’est lui qui apporte les preuves intangibles : le cadavre ne ment pas.)
Sutter examine ensuite la naissance des foules, du concept de foule (je ne me sens pas tout à fait à l’aise avec sa lecture de la Psychopathologie des foules de Freud, mais ça n’a pas d’importance).
Ce qu’il cherche, vise, c’est – me semble-t-il – ce qu’il y a au-delà du sujet, qui le dépasse, c’est pourquoi il en appelle au désêtre, à la désidentification. La foule, dit-il, fait peur parce qu’elle s’excite, parce que naît ou renaît en elle le sentiment, l’énergie de ce qui la dépasse et qui est vivant. Dans les phénomènes de foule, il y a désidentification à soi (Sutter évacue/élude me semble-t-il la possibilité d’une identification à un leader (au cœur de la lecture freudienne)) et naissance, accroissement d’autre chose, de vital.
Ce livre est à la recherche d’une communauté possible, où la police de l’être ne règne pas en maître. Ce qui implique (de faire tout sauter) de repartir depuis la simple observation de ce qu’il y a, de ce qui circule. Et une réconciliation, un renouage avec le corps (qui fait si peur, apparemment).