vendredi 17 juin 2005

l’a-pensée chewing gum
— (modalités lacaniennes

Un blog pour me libérer de la pensée qui a toujours été pour moi lieu de trop de jouissance pour finir par ne plus  tourner qu’en en rond, sur elle-même, cherchant à se mordre la queue.

Les émissions Miller à la radio de  cette semaine, m’ont permis d’entendre jusqu’à quel point la jouissance est solitaire. Eh bien, un des enjeux de ce blog serait pour moi de trouver le moyen de ne plus m’enfermer totalement dans cette jouissance. De m’en séparer, de ne plus faire corps avec elle, en passant mes pensées à l’épreuve de l’autre, du lecteur.

« Dans ma tête ça ne cesse pas de s’écrire ». Je ne cesse, mentalement, de chercher à écrire. Passerais-je à l’écriture, je sortirais de cette nécessité, je sortirais de ce qui ne cesse pas de s’écrire (en ne cessant pas de ne pas s’écrire, puisque ce n’est qu’en pensée que ça s’écrit), j’irais vers ce qui cesse de ne pas s’écrire, vers l’accident, vers la rencontre.

– le ne cesse pas de s’écrire le nécessaire, qui jouit de penser écrire, ne cesse de tourner autour du pot, de tourner autour du rien, du rien qu’il contourne, qu’il élève, pris toujours dans son mouvement,  ressassant, se jouissant.

– le cesse de ne pas s’écrire,  c’est la contingence, c’est la rencontre.  elle parle, rencontre, rend compte, s’affronte à ce qui ne cessera pas de ne pas s’écrire (l’impossible). séparer le corps des lettres, les envoyer dans le monde (il y a le corps qui prend la parole, il y a la voix, et il y a les lettres, qui passent à l’air, à l’extérieur de la tête, que l’autre entend).

– ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire, c’est le réel, l’impossible, le rapport sexuel.

 ( la contingence fait reculer l’horizon de l’impossible.)

Il y a un symptôme : ma pensée qui ne cesse…
Il y a une inhibition (lisière du réel) : je n’écris pas ; je ne me confronte pas à ce qu’il ne soit pas possible de tout écrire et qu’il est une chose, par excellence, qui ne s’écrive pas : le rapport sexuel ; quand c’est l’écriture-même de ce rapport qui est à la racine de mon désir d’écrire et qui me pousse à vouloir tout penser, de sorte que je me prouve que le rapport sexuel aussi, à force, un jour, s’écrira.

Ce qui ne cesse pas de s’écrire  rêve que tout puisse s’écrire, qu’à toute chose un signifiant corresponde, qu’il n’y ait rien qui ne puisse être établi. C’est le symptôme de notre temps, l’idéal scientifique,  le fantasme, dont l’entretien assuré par la libido fait jouir. La pensée jouit. Sa constance, son entêtement, sa force, son caractère «malgré soi», mais aussi sa solitude, son silence pointent sa prise dans un processus pulsionnel. 

Aussi croirait-on sentir qu’il y a une différence entre mâcher un chewing gum et ressasser, remâcher des idées. Dans les deux cas, cependant,  quelque chose fonctionne seul, donnant à penser qu’il jouit de son seul fonctionnement. La pensée fonctionne comme une bouche qui mâchonne et ça machine, ça jouit, ça « j’ouis ».

L’autre idée, c’est que si je n’écris pas (inhibition) c’est moins que ce soit moi qui m’en empêche que l’Autre qui ne le veut pas. (si j’en avais la permission tout s’écrirait mais ça ne peut pas car l’Autre ne veut pas.
ainsi, par exemple, pourrait-il vouloir que je fasse la vaisselle (même s’il ne le dit pas).)

Le ne cesse pas de ne pas s’écrire, (…) c’est l’impossible, tel que je le définis de ce qu’il ne puisse en aucun cas s’écrire, et c’est par là que je désigne ce qu’il en est du rapport sexuel – le rapport sexuel ne cesse pas de ne pas s’écrire.
(Jacques Lacan, Encore, p. 87.)

02/05/2005 - 10:36
02/05/2005 – 10:36
mardi 31 janvier 2006

mot d’ordre : travail

Obéisseuse

 

cela dit, si j’en crois ce qui me réveille la nuit, je ne ferais fondamentalement pas la différence entre écrire et n’importe quoi d’autre. et ce qui me réveille la nuit, ça n’est pas tant le désir d’écrire que le travail, que mon travail, celui auquel je travaille trop, qui n’a d’autre raison que de me nourrir et dont je ne suis pas particulièrement fière. celui que je fais à défaut d’arriver à en faire un autre (inhibition). pourtant, c’est lui, qui me réveille. lui, bien plutôt que l’écriture qui sur une échelle de valeur de l’idéal vaudrait pourtant mieux. pourquoi donc ce travail auquel je ne tiens pas, me réveille-t-il, la nuit. ce travail, et aussi, la colère, la rancœur.

pulsion = n’importe quoi. penser à n’importe quoi, à n’importe quel travail (sans la moindre égard à la moindre échelle de valeur ) – donc pas tout à fait n’importe quoi.

exclavagée !

mot d’ordre,  “travaille”. (elles m’en libéreraient, plutôt, de ce mot d’ordre, ces pensées qui si bien m’occupent mais m’y mettent rarement. m’y ramènent, au travail, et m’en empêchent.)

dira-t-on S1 = travail? dira-t-on S1, limite au n’importe quoi? posons, S1, signifiant-premier, signifiant identificatoire, entrave à la pulsion. ou/et qui lui creuse une voie nouvelle, par là, vas-y vas-y, jouis!, souterraine souveraine, boyau par où l’écouler?

pulsion à l’œuvre au cœur de ce qui devient devoir de travail (jouis!). elle y est venue pour que le travail se fasse jouissance. l’alléger de son poids de désir. jouissance de désir à l’intérieur du 

désir même. rester sous l’ordre du S1, rester dans l’a-matière de la parole de la pensée.

gênée ration travailleurs !

or, à certains égards, je revendique ce n’importe quoi. d’où le saurais-je qu’écrire vaudrait mieux que de faire la vaisselle? qu’un travail aie plus ou moins de valeur qu’un autre? d’où je le sais, comment je le saurais, ça je ne peux m’empêcher de le remettre en question.

mes pensées, elles, le savent, qui m’orientent vers n’importe quel travail (m’obligent à y penser, me réveillent, et m’en empêchent).

(aveugle pulsion, sans queue ni tête.) (mes pensées elles, elles le savent, elles savent jouir. avec quoi il faut compter – qu’on ne saurait éliminer – qui jouent sur un autre terrain que celui de la valeur (d’usage).) [ compter avec ce qui ne conte pas]

il y a la mort. elle fait la différence. mais la vaisselle, c’est la vie. il y a la mort, il y a le posthume. bien sûr que non, je ne me réveille pas la nuit à cause des vaisselles que j’ai à faire, encore que. je peux, pourrais, me réveiller et enrager, je l’ai dit, le redis. elles sont deux choses à me réveiller : le travail et la rage.

l’ennui, de ces vaisselles, c’est qu’à les faire, m’y employer, je risque encore de jouer à l’esclave due aux basses besognes – là où les autres, les autres eux sont appelés aux hautes sphères. c’est pourquoi la tâche m’incombe de rendre à la vaisselle sa dignité, si tant est qu’elle en ait jamais eu, et la faire valoir.

à quoi je m’attache mais c’est très difficile.

 

 

 crucifiée au travail pour la gloire d’aucun père (ou d’un père à ressusciter, re-susciter).

(j’ai beau faire, je ressasse.
et c’est pourquoi
j’ai opté pour
le n’importe quoi. n’importe quoi plutôt qu’une chose si sanctifiée, plutôt qu’une cause si sanctifiée, qu’elle en devienne impossible. or, il n’est de cause, réellement, qu’impossible,

 

 

(ha ha aussi parce que je suis bien incapable de rien d’autre que de n’importe quoi, alors quoi? n’importe fillette, le n’importe quoi est une initiation. tu pars de (presque) rien.)

vendredi 23 février 2007

Notre interprétation, c’est le processus de fabrication même…

« Nous ne détournons pas les objets, en assénant un point de vue, ou en les interprétant d’une manière supposée artistique, nous ne faisons que reproduire l’objet, comme de l’artisanat, poursuit Fischli. Notre interprétation, c’est le processus de fabrication même ; nous prenons notre temps, ou plutôt perdons notre temps, à imiter ces objets manufacturés. Et nous rendons un peu de valeur à quelque chose qui n’en aurait pas normalement. Notre idée est de restituer sa dignité au gobelet en plastique. »
Libération, « Fischli et Weiss – Le parti pris des choses », Jeudi 22 février 2007 (Autour de l’exposition « Fleurs et question », au musée d’Art moderne de la Ville de Paris)

ça me touche, oui. est-ce que je n’ai pas écrit, ici-même, que je voulais lui rendre sa dignité, à la vaisselle?

mercredi 26 juin 2013

Quelle croyance pour l’inconscient?

la troupe d’un autre monde (rêve du 21 au 22 juin)

« A la piscine avec de nombreux amis, des hommes, que je trouve assez séduisants et c’est réciproque. Je nage sous l’eau. Beaucoup de monde. Arrivée d’une drôle de troupe, tribu, qui vit sous une large tente hexagonale, une yourte. Ils s’installent dans le fond de la piscine, ils sont à l’abri de l’eau et continuent de vivre normalement, interdisant l’accès de la tente aux nageurs. Ils prennent beaucoup de place.

– Au réveil, certains indices de la suite du rêve me donneront l’impression qu’il s’agit avec cette troupe de l’inconscient et de ses habitants. –

Panoramique ger

Ils ont un chef, cérémonieusement, servi par tous les autres. On ne sait d’où ils viennent. Tout signale que leurs coutumes sont très anciennes. Leurs vêtements ont un air folklorique. On ne comprend pas leur langue. Il est d’abord cru qu’ils sont juifs, des juifs venus d’une région du monde lointaine, inconnue, appartenant à un autre temps, ancestral.

Quand ils sortiront de la piscine, je m’approcherai d’eux. Par les bords d’abord puis de l’intérieur.

Leur gigantesque tente posée sur des roues, ils circulent dans la ville, leur extravagant attirail évoquant une parade de cirque ou de gitans. Je me mets à craindre pour eux quand ils s’approchent de quartiers à forte population maghrébine, ce qui pourrait leur attirer des ennuis s’ils sont juifs.

Je m’approche d’eux et interviens. Peut-être pour soigner un petit. À qui je fais peut-être manger quelque chose quand il refusait d’encore se nourrir. Je m’attire donc leur bienveillance. Je me suis servie pour l’aider de la psychanalyse ainsi que de manières de faire qui n’ont rien à voir avec leurs coutumes, dont ils ne savent rien.

Ils arrêtent leur périple et s’installent, un peu en catastrophe, probablement sous mon influence, dans une usine désaffectée d’un coin de la ville où je crains que leur présence ne leur attirent de graves ennuis, toujours en raison du fait que je les crois juifs. Je continue d’intervenir dans leurs coutumes, les initie au monde extérieur. De leur côté ils m’initient à leurs chants et à leurs danses.

C’est là que Frédéric intervient pour me dire que c’est bien moi ça, que c’est incroyable ce que j’arrive à faire, qu’il n’aurait jamais cru que quelque chose d’intéressant puisse sortir de coutumes religieuses (puisque nous pensons que ce sont des juifs, des « juifs anciens »).

Ils décident de vraiment s’adapter (au monde d’extérieur) et choisissent… de faire la vaisselle (je pense que jusque là, ils ne nettoyaient rien, vivaient et d’ailleurs survivaient très bien, sans rien nettoyer). Ensemble ils apportent donc leur vaisselle à l’évier1 où les attend une vaisselle qui n’est pas la leur, assez importante, débordante même, mais qu’ils semblent prêts à vouloir faire, même si je songe que ce n’est probablement pas à eux de faire ça.

Il se passe alors quelque chose qui les pousse à se montrer aux fenêtres2 . Au fond, je crois les avoir initiés au fait qu’ils étaient malvenus, qu’ils couraient du danger. Mais là, ils semblent curieusement vouloir affronter ce danger, soit dans une sorte de courage, soit pour le vérifier, dans un doute par rapport à ma croyance en ce danger. Ils se montrent donc tous aux fenêtres.

Je crains énormément pour eux. Je crains qu’ils ne soient abattus, qu’ils ne se fassent tirer dessus. Je crains une attaque, une invasion de leur hexagone. Et là, au fond, il ne se passe vraiment rien. Il se passe quelque chose de l’ordre d’un rien sidéral. Je crois qu’ils sont vus, regardés de l’extérieur, et que cela se passe dans un moment de sidération, de blanc, d’intervalle, de silence, d’arrêt.

Après ça, il est sûr que ce n’était pas des juifs, mais tout autre chose, d’une langue absolument inconnue. Je me réveille. »

quelle croyance pour l’inconscient?

Je pense qu’il s’agit avec ce rêve de la question de mon rapport à l’inconscient, la question que j’essaie de me poser de ce qu’il faut que j’en fasse, de ce qu’il en est. Et principalement de ce qu’il en est dans ce que j’en fais ici, dans ce blog, et de l’importance que j’y accorde dans ma vie.

S’agit-il d’une croyance que j’entretiens ? S’agit-il d’un croire à l’inconscient ? Faut-il que je me détache de cette croyance ? Que j’y renonce, et renonce à tout ce sens ? Est-ce au sens qu’ici je m’accroche ? Ne fais-je rien d’autre que cela ? Ce sens que comporte une religion, même quand il s’agit d’une religion maudite (qui n’en n’est pas moins mot-dite), religion du rebut, à quoi la religion juive peut s’apparenter de par sa (souvent) tragique histoire.

Que dire de ce que j’apparente dans le rêve l’inconscient au juif, voire la psychanalyse à la judaïté, que je les conçoive comme rejetés et en « dans-G »3 , en danger. Ce n’est pas sans raison, ni sans raison raisonnable. Le réel est jouissance, l’objet a est rebut. S’agit-il dans ce que je fais avec le récit de mes rêves,  d’actes de foi ou d’actes « tout court » ? Le rêve semble pencher pour l’acte de foi. Qu’il vient contredire. Réel, l’inconscient provoque la sidération. Sidération, arrêt, réveil.

J’ai fait ce rêve suite à deux lectures.

« angoisse constituée, angoisse constituante »

L’une de Jacques-Alain Miller sur l’angoisse, un texte autrefois publié ici intitulé « Angoisse constituée, angoisse constituante« . Où il est question de déloger le réel de son habitacle d’angoisse et de le reloger dans l’acte.

La certitude du réel de l’angoisse devenue celle de l’acte, s’extrayant de la place où elle s’était figée dans le fantasme, où elle entretenait une angoisse infinie, une angoisse en désir d’infini, notée aleph, qui est inhibition et refus de la certitude qu’implique le réel auquel elle touche.

Passage de la croyance d’une angoisse dite constituée à la certitude de l’angoisse dite constituante, constituante de l’acte.

La croyance, située donc du côté de l’angoisse constituée, est croyance au fantasme où est venu se réfugier le réel lié à l’angoisse, où il s’est trouvé une petite histoire qui permet de le soutenir comme appartenant au sens, ici opposée à la certitude à laquelle consent l’angoisse constituante. Cette certitude étant folle, c’est-à-dire non liée au symbolique ou à l’imaginaire, d’une langue étrangère qui ne peut entraîner que sidération et dont un acte peut seulement procéder. Ce que les membres de la troupe de mon rêve semble pouvoir seulement démontrer… en se montrant.

Quelle conséquence pour moi ? Je dois dire que je n’y trouve aucun éclaircissement, moi qui me retrouve à nouveau à noter ce rêve, pouvant seulement constater qu’il me semble avoir raison de « croire » à l’inconscient, de « croire » aux interprétations qu’il a la générosité de me livrer la nuit. De « croire » qu’il sait. Que la certitude est de son côté. Cette certitude pour autant me pousse-t-elle à l’acte ? Ou me maintiens-je au contraire dans l’inhibition, cette inhibition « frontière du réel ». Faut-il que je cesse tout cela ?

L’inhibition a un double versant : dépendante du corps, de ses fonctions et de son image, elle semble liée à l’imaginaire. En tant qu’elle indique une limite et un arrêt dans la symbolisation, elle touche au réel. Elle résonne donc avec tout ce qui chez le sujet ne peut trouver un appui dans la représentation. […] Elle est donc ce qui produit de nouvelles représentations à partir de l’imaginaire du corps. L’arrêt même du sujet, dans l’inhibition, lui sert à se « faufiler » sous forme d’image pour figurer, prendre place là où il ne devrait pas être parmi les signifiants.
Dès le début des années soixante, Lacan situe l’inhibition et le désir à la même place.
La Sagna P., Revue la cause freudienne n° 68,   « L’inhibition à savoir »

J’ai toujours « cru » à l’inhibition, toujours cru qu’il devait y avoir quelque chose à en tirer, je me suis sue inhibée, complètement, et j’ai compris que je n’avais pour le moment d’autre chemin que de suivre, me tenir à cette lisière, cette rampe de l’inhibition. Le blog est ce moyen. Le blog, ce blog, est écriture de l’inhibition. Rien ne s’y conclut jamais. Le prisonnier ne quitte jamais la pièce. Mais il témoigne tant qu’il peut de l’existence de l’inconscient, dont je ne peux cesser de chercher à me faire apôtre.

« le croyant et la dupe »

L’autre texte que j’ai lu hier, est celui sur lequel je suis tombée par hasard dans mon ordinateur, dont je ne peux que recommander la lecture, de Marie-Françoise De Munck, intitulé « Le croyant et la dupe »4 :

Ce qui constitue le symptôme, dit Lacan dans RSI, c’est qu’on y croit… Et qu’est-ce que croire, sinon croire à des êtres en tant qu’ils peuvent dire quelque chose…

Le texte de Marie-Françoise, je l’ai parcouru un peu rapidement, puisque ce n’était pas celui que je recherchais, mais j’y suis bien tombée en arrêt sur le paragraphe suivant :

Nous mettrons ici le même écart entre « être dupe » et « se faire la dupe » qu’il y a entre être l’objet du fantasme d’un homme et accepter de s’en faire l’objet cause du désir. Cet écart est celui de l’accès à une place de semblant.
Se faire l’objet du fantasme masculin conduit une femme à cette relation de «ravage» qui caractérise aussi bien la relation mère-fille quand, enfant, elle se fait objet du désir « pervers » de la mère. Tandis qu’accepter de se faire l’objet cause du désir pour un homme, accepter de se prêter à la perversion masculine, souligne l’accès à une place de semblant. Adopter cette place est une façon pour une femme de se faire la dupe du choix de l’inconscient.

C’est sur cette phrase que j’étais allée me coucher, et s’il ne me semble pas que le rêve qui a suivi aie voulu m’en reparler, il me paraissait important d’en faire état. Se maintenir dans une situation de ravage par rapport à la psychanalyse, ou par rapport à l’école qui la représente, se faire objet de la psychanalyse, ou « se faire l’objet cause du désir », se faire « semblant d’objet » pour un analysant ou pour un lecteur… 

Éventuellement donc on aurait:

  • angoisse constituée, loge le réel dans le fantasme : vouloir/croire être l’objet qui manque à l’autre (maternel) + ravage
  • angoisse constituante : ne loger le réel nulle part (sinon en marchepied de l’acte) et accepter (côté femme) de se faire l’objet cause du désir du fantasme d’un homme, accepter de jouer son jeu, accepter cette place de semblant. façon de se faire la dupe de l’inconscient.

Quoiqu’il en soit, ces deux textes me paraissent essentiels.

 

Notes:
  1. qui occupe toute « l’avant-scène », au premier plan de la scène du rêve, juste « devant mes yeux » []
  2. les fenêtres sont sur la droite, occupent le mur de droite []
  3. entendre dans ce G, le point G de la jouissance []
  4. Je ne sais pas du tout comment ce texte est arrivé sur mon ordinateur. Il est possible qu’il aie été publié par la revue Quarto à l’époque où j’y travaillais, ou que Marie-Françoise me l’ait passé, puisque nous étions amies (je ne suis plus en contact avec elle depuis que j’ai quitté Bruxelles. []
mardi 13 septembre 2016

treize-09

lien : https://www.disparates.org/iota/2009/treize/

    
              anniversaire

 

(pour info)

 

(rien de spécial aujourd’hui, n’est arrivé. c’est fini. (ne me dis pas que tu es un treize septembre.) c’est arrivé pendant la nuit. est-ce arrivé pendant la nuit du 12 au 13, cela je ne le sais plus. et à quelle heure? cela je ne l’ai jamais su. je dis cela juste parce que moi je me réveille toujours à 4 heures. ça peut-être à cause du foie, je l’apprends maintenant, mais ça pourrait être à cause d’autres choses encore. il est beaucoup question de 4 dans ce blog, et même de double 4. et ma mère, elle-même, se réveillait, autrefois, tous les jours à 4 heures. j’avais écrit, je ne me souviens plus du texte, mais j’entends encore la voix, ma voix, dire : « elle se réveille tous les jours à 4 heures, à 4 heures et à 4 heures. » Ça doit être dans le texte Vincent (que je n’ai jamais fini de publier sur le blog), à propos de ma mère, dont j’écrivais qu’elle se réveillait la nuit, toutes les nuits, à l’heure où mon oncle avait pris coutume de venir sonner, soûl, à notre porte, tambouriner, et ça, à partir du moment où il est sorti de prison. Je raconte ça juste pour la petite histoire. Maintenant, c’est moi qui me réveille à 4 heures. Ca peut n’avoir aucun rapport. Et elle, ne se souvient plus, que vaguement, qu’autrefois, elle se réveillait tous jours, toutes les nuits, à 4 heures, à 4 heures et à 4 heures.


Extrait du texte Vincent (1996), que je tape ici sans le relire (j’ai déjà donné).

3.2.      Secrets d’alcool

Généalogie maternelle

            Ma mère est née sous un drôle de signe.  Autour de sa naissance courait la légende d’un médecin saoul qui l’aurait déposée par erreur rue de Dunkerque, à la maison de mes grands-parents. 

            Le vin, la bière, l’alcool ne manquent pas d’histoires dans la généalogie maternelle.  Du côté du père de ma mère, Opa[1], des brasseurs de bière.  Du côté de la mère de mère, du côté d’Oma, c’est il y a peu seulement que le secret vient d’être levé.  Jamais Oma n’avait dit un mot au sujet de son propre grand-père et aucune question jamais ne lui avait été posée.  Son père était d’une noble profession et elle se disait d’une grande famille, d’une noble lignée qu’il fallait préserver.  Il s’avère aujourd’hui qu’il s’agissait d’une longue génération de cafetiers et d’ouvriers.  Génération comme une damnation si l’on en croit le silence qui l’a entourée, et que le père de ma grand-mère a su, à force de grandeur, force courage et obstination, détourner, faire mentir.  Le secret découvert, ma mère s’en sent soulagée.  Elle dit je comprends mieux maman.

Oh! Gaby

            Du côté du grand-père maternel, un autre secret, un autre mythe.  Celui de Gabrielle, tante Gaby, metje Gaby.  Sœur de mon grand-père, de Opa.  Elle est belle, on dit la plus belle.  Elle se fiance.  Le futur se désiste.  Elle tombe amoureuse d’un soldat français pendant 14-18, lui montre où est caché l’argent et les titres de la famille.  Le Français se sert et disparaît.  C’est la ruine, la ruine totale.  Gabrielle est battue comme plâtre par son père et chassée de la maison.  Elle devient alcoolique.  A la mort de son père, son frère, Albert, mon grand-père, l’accueille parfois; elle fait la vaisselle, reçoit quelques sous, jamais trop de peur qu’elle ne les boive.  Les enfants ne savent pas d’où elle vient.  Elle les fascine.  Elle est souvent gaie, parle fort, est ironique, moqueuse.  Elle vient à la maison avec des bonbons dans les poches de son tablier.  Ma mère est sa préférée.  L’histoire du soldat et de la ruine de la famille, la raison pour laquelle metje Gaby fut chassée de la maison vient elle aussi d’être récemment découverte.  Ma mère en pleure. 

samedi 9 janvier 2021

Fr…éronique

Chère Hélène Parker,

Je vous demande de ne plus attendre de moi que j’écrive. De me laisser libre de ça. Je n’arrive pas à le formuler, mais autant cela m’a surprise, cela m’a fait plaisir, cela a été important que vous appréciez ce que j’écrivais, autant, ça ne peut pas devenir impératif (je veux dire que j’ai alors pensé que vous attendriez que j’écrive, que vous seriez déçue si je ne le faisais pas).

Je n’osais pas vous le dire, car j’ai aimé votre appréciation. Vous êtes devenue celle qui a aimé ce que j’écrivais. Ce qui me lie à vous d’une façon très spéciale, car vous avez pu reconnaître quelque chose qui ne l’espérait pas, modifiant l’estime que j’ai de moi, l’améliorant.

Or, et j’ai encore vécu cela durant ces vacances : Il me faut rater. Je dois me décevoir. Je ne peux être satisfaite de moi, fière. Et c’est la déception qui est ensuite très difficile à supporter et que j’entretiens.

Cela rejoint ce que F a appelé l’entretien de ma frustration. Frustrée par lui, déçue par moi. Et alors, quelque chose qui s’apparente au dégoût, à la détestation de moi-même, à la haine de F .

C’est comme ça que j’ai fermé des blogs, dès qu’ils commençaient à avoir du succès. Que j’ai cessé d’écrire, dès que l’on m’a dit combien c’était important que je l’écrive. 

Nous en parlions. Il est une reconnaissance qui ne peut m’être adressée, et que je recueillerais pourtant comme une terre assoiffée la pluie. 

Je ne sais pas si j’arriverai à déjouer cela.

Il m’arrive à nouveau d’avoir des idées, de bonnes idées de travail. Elles se succèdent généreusement et  je n’arrive à en réaliser aucune. Tout se met dans mon chemin. Il ne s’agit pas là de procrastination ordinaire.

Ainsi, ces lettres que je n’arrive plus maintenant à finir, ni à envoyer. Je les oublie, je m’en détache, je les abandonne. Ces lettres à vous.

Peut-être que je dois trouver le moyen de travailler sans en avoir eu l’idée auparavant. Dans la seule nécessité ou urgence. Peut-être que je dois trouver un travail qui puisse se situer en dehors de la valeur. Qui soit d’un lien au réel sûr, sans équivoque.

Me dire que je n’écris que pour survivre. Que pour échapper au pire. Rien d’autre. Prise en compte d’aucun idéal. Juste ça : la menace de la maladie devenant trop grande, alors écrire. Le réel de la maladie. Ne tenir qu’à ça.

Peut-être que ça s’écrirait même entre 2 rôles tout simplement, cet empêchement. Celui de mon père, celui de ma mère. Ou, ou. Entre les 2 : rien, moi. Et dès que je suis dans le rôle du père, du créateur, la jouissance de ma mère me rappelle à l’ordre. 

Ainsi, dès que je veux faire une chose qui soit digne de mon idéal, je suis envahie par tout ce qu’il y a faire du point de vue du ménage. Le ménage me sauve de ce que j’attends de moi, de ce que je veux faire. Que je sacrifie alors tout en m’en faisant l’amer reproche. Et là, la colère et la haine de moi-même me rejoignent.

Je peux, dans certaines circonstances, combattre cette colère. 

C’est ce que j’ai fait ces vacances. 

C’est le fruit d’une longue expérience. 

Il s’agit, aussi, de restituer la dignité à l’indigne. Cela ne peut se passer qu’au niveau du réel. Il s’agit d’un dénudement. Ne garder que le geste, sa sensation corporelle, et la lumière entre des yeux presque clos.

Ça serait un pari possible. 

À la vaisselle, au ménage, à ma mère, restituer la dignité. Dignité de vivre tout aussi bien. 

Freud aura voulu sauver le Père, moi c’est la Mère que je ne lâche pas. 

Ce dont je vous ai parlé, Noël. Je ne suis pas arrivée à l’élucider. Je pensais que ça se ferait en séance. 

J’ai choisi pendant ces vacances d’accomplir Noël, plutôt que le travail. 

Et le souvenir me revenait des Noëls de l’enfance et de ce que j’y donnais. De la grande organisation de Noël à Poperinge, ville de ma mère, dans la maison de ma grand-mère. Je vous ai parlé de ma tante. De Titi. Tante Jo, Jozefa, Jefa. Qui à cette grande organisation présidait. J’adorais sa présence, sa façon de faire. Comment elle transformait tout ça en événement auquel chacun était amené à participer. Elle n’avait aucun problème pour se faire aider. Tellement pas comme ma mère. Qui faisait tout, qui ne demandait rien. C’est là, que j’ai reçu un peu de vie, par cette tante qui me demandait des choses en riant, qui tournait tout en organisation joyeuse, festive. Qui m’incluait. Pour Noël, nous travaillions ensemble, elle et moi, plusieurs jours entiers. Des jours pour moi de grande douceur, d’existence. Où nous fumions nous parlions nous fumions nous parlions nous faisions les courses à  bicyclette allions voir la rebouteuse de la ville le curé décorions la cathédrale. Nous parlions, nous rions.

Ici, F demande peu. Voire rien. Et J lui ressemble assez là-dessus.

Il y a beaucoup de silence. 

Chacun dans son ordinateur ou son téléphone ou son jeu vidéo. 

On s’écrit dans WhatsApp. 

Alors, J et moi, on a fait Noël ensemble. 

Il a voulu cuisiner seul, mais il m’a appelée pour que je l’aide et nous avons travaillé ensemble, côte à côte, tranquillement. Pareil pour le grand ménage. 

De son côté, il m’a quelquefois accompagnée dans les courses cadeaux, m’a aidée à choisir. 

Lui, ce qu’il voulait offrir, c’était ça, le repas, le dessert, et le grand ménage du salon. 

Ce qu’il a préparé était très bon. 

Je voulais vous le dire.

Il faut maintenant que je le libère d’avoir à prévenir mes angoisses. Mais, peut-être aussi que les choses se sont montrées, révélées, modifiées, expliquées au fur et à mesure des années. Car c’est d’années qu’il s’agit. Et qu’il apprenne à cuisiner un peu n’est pas une mauvaise chose. Ou de prendre un peu la poussière.

C’est à moi, de me libérer de mes angoisses.

Je vous ai dit que l’angoisse avait tenu à ce que pour moi, la magie de Noël ne pouvait par moi être reproduite, retrouvée. Et que je ne parviendrais pas à donner quoi que ce soit qui soit à la hauteur de ce qui voulait se donner, de ce que je voulais donner, aux autres. Cette année, l’angoisse est en grande partie tombée. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne se soit pas tous donné du mal. 

Je suis parvenue à donner autre chose que rien, les cadeaux, et j’ai dit à F, affirmé l’importance pour moi de ce moment, dit qu’il s’agissait pour moi de la manifestation, même inadéquate, de quelque chose d’inexprimable. Que Noël permettait d’exprimer de façon symbolique et légère. Dans le semblant, le brillant, la répétition, la reprise, la convention, la fête. Le paquet cadeau. Pas loin du potlach. 

Comment j’ai pourtant craqué avec F.

Est-ce qu’il fallait faire rater ce qui avait réussi?

Ce soir du 25 où j’ai voulu lui faire la lecture. 

Et où il m’a répondu : Je fais du Japonais. 

Je me suis mise à le haïr, quand il m’a dit ça, F.

Et quand je vous l’air raconté hier, voulant dire son nom, à lui, Frédéric, voulant dire ma colère contre lui, j’ai dit Fr…éronique.

J’ai voulu dire Frédéric, et c’est mon prénom qui est sorti. 

« Freud dit que dans la mélancolie, le moi est séparé en deux parties, dont l’une vocifère contre l’autre. Cette deuxième partie est celle qui a été altérée par l’introjection, et qui contient l’objet perdu. La partie qui se comporte cruellement renferme aussi la conscience , une instance critique dans le moi. »

C’est comme si, j’avais voulu faire un pas plus loin dans ce qui est l’amour pour moi, du côté de l’Idéal du moi, et qu’en un coup, j’étais rattrapée par tout ce qui n’en veut pas, de l’idéal, et que F incarne assez bien. F fait ce qui lui plaît.

C’est comme si… ma colère contre F, mes colères contre lui n’avaient jamais été que des colères contre moi.

Cela m’est tombé dessus. Je ne suis jamais fâchée que sur moi. Ce n’est jamais que la haine de moi qui s’exprime. Et c’est devenu comme si c’était plus la peine du tout de se fâcher sur lui. Que ça ne voulait plus rien dire. Que ce n’était jamais que le retour de cette étrange, étrangère haine de moi, étrange et intime, qui tout juste profite d’une occasion pour enfin se manifester à l’extérieur, pour enfin se montrer, s’exprimer, trouver ses mots et surtout déployer sa terrible hargne, s’exprimer physiquement, enfin se hurler.

D’apercevoir cela a comme défait ce lien de dédoublement à Frédéric, un étrange sentiment de la vanité de ça, de cette colère, m’est tombé dessus, pour ne plus me quitter.

Ça a été très douloureux et j’ai été rattrapée par les voix qui disent… Je ne sais pas trop ce qu’elles disent.. Ce qu’elles disent, ce qu’elles répètent, ce qu’elles scandent … « Tu t’es tuée, tu es morte, tue-toi, meurs, tu vas te tuer, et les coups que j’imagine fondre sur la tête… « 

Sinon, F vient juste de faire des manips sur mon ordi, qui a cessé de fonctionner, et tous les mails à P et de P ont disparu.

dimanche 23 juillet 2023

geste
— Atelier Geste

Cela faisait longtemps que tu pensais retrouver la sainteté par le geste
La sainteté, le repos
(Or un saint dût-il être tranquille ? Bah, tu lui offrirais ça, un instant)
Or ce geste n’est pas toujours à portée
Ce geste qui entraîne le silence la beauté
C’est à la cuisine que quelquefois il revient
S’offre le plus sûrement
Dans son espace exigu
La proximité d’un fenêtre
En coupant un légume
En faisant la vaisselle
Ton corps alors en résonance avec le silence du monde, s’y étend, s’y entend
L’accord parfait
L’unisson
Le suspens
Tu vibres
Tu souris
Palpites

Ce serait sans cause. Cela naît surgit d’un désir de taire de s’extraire de faire un pas de côté dans une pièce inhabitée. D’une pause. De la joie d’être debout d’entendre ce désir du corps d’être mouvement. De la joie du corps. Muscles et algues. Et l’émerveillement continu du voir. De la lumière.

C’est un état de grâce dans le geste le plus quotidien et où cette quotidienneté même est bénie. Son anonymat. Une danse.

Cela ne cherche même pas ses mots.

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