je voudrais dire que je suis très fatiguée. juste le dire.
On le trouve par exemple d’emblée lorsqu’il fait le compte rendu d’un de ses derniers Séminaires, «… ou pire» : «D’autres s’… oupirent. Je mets à ne pas le faire mon honneur. » Ce mot «honneur» consonne avec toute cette configuration que j’ai dessinée. Ce n’est pas seulement l’honneur de Lacan Jacques puisqu’il ajoute : «Il s’agit du sens d’une pratique qui est la psychanalyse.» Le sens de cette pratique n’est pas pensable sans l’honneur, n’est pas pensable si ne fonctionne pas l’envers de la psychanalyse qui est le discours du maître et le signifiant-maître qui est installé à sa place. Pour le faire recracher au sujet, il faut d’abord qu’il en ait été marqué. Et l’honneur de la psychanalyse tient au lien maintenu du sujet avec le signifiant-maître.
Extrait de la « Note sur la honte » de Jacques-Alain Miller (5 juin 2002)
dimanche matin, métro direction gare d’Austerlitz (pic nic à don. aujourd’hui)
Rêve de cette nuit, du samedi 4 au dimanche 5
Le voisin d’en face a ouvert un salon de coiffure à côté. Il avait autrefois un établissement en face, je ne sais plus de quoi, mais maintenant il ouvre à côté – a fermé en face.
J’ai un ordinateur. Je suis assise à cet ordinateur grand écran, comme l’ancien. Dans une immense pièce, qui a plutôt quelque chose d’un atelier, qui ressemble un peu à l’entrepôt de houblon à Poperinge.
J’ai un chat. Ce chat s’est fait un copain.
le coiffeur d’à-côté
J’ appelle au téléphone le voisin passé coiffeur pour le féliciter de l’ouverture de son salon de coiffure. Je lui dis que je passerai certainement. Il me dit « Voulez-vous venir aujourd’hui? » Je dis « Non, non, non, certainement pas aujourd’hui. »
Plus tard, je le rappelle une deuxième fois. Je ne sais plus pourquoi. En rapport avec l’ordinateur. Il me dit qu’il est très malheureux. ça a un rapport avec sa femme. Je ne vais pas savoir ce qu’il en est. Il ne me dira pas ce qu’il en est. Mais il me parle.
la petite fille
Vient une petite fille qui a l’air de penser qu’il faut nourrir le chat. Elle n’est pas seule. Je n’y pensais pas. Mais il y a dans sa présence, dans ce qu’elle dit, quelque chose d’intimidant. Je cherche donc de la nourriture. N’en trouve pas.
La petite fille s’apprête à donner à manger elle-même. ça m’embête. Je n’ai pas envie qu’elle se mêle de ça. Ni qu’on pense que je m’occupe mal de mon chat.
Après, je cherche mon chat, et son copain, mais je ne les trouve plus. chats perdus. aussi parce qu’ils sont maintenant très nombreux. très très nombreux. Je me dis que parmi eux je dois arriver à distinguer des bébés chats. sinon, de jeunes chats. je pense que les jeunes chats ne sont pas toujours faciles à distinguer des chats adultes. ils sont un peu plus petits, plus fins. mais je n’en vois aucun.
Les chats se transforment en pigeons.
un chat (S1) – son copain (S2) – des chats (essaim d’S1) qu’une petite fille veut nourrir – des pigeons (viennent remplacer les chats).
Je remarque qu’un certain nombre d’entre eux (+/- 4) portent des gilets sans manche de couleur bleue (indigo) . un peu à la façon dont les éboueurs ou les « agents » de la ville portent des gilets jaunes. je me dis que cela indique peut-être qu’ils « appartiennent » à quelqu’un, à une société, pour qui ils travaillent.
Deux d’entre eux ensuite deviennent plus grands et sont habillés de la tête aux pieds de vêtements de petite fille. ils ont quelque chose de grotesque, on pourrait vraiment croire que ce sont des humains. « Il ne leur manque que la parole. »
un chat (S1) – son copain (S2) – des chats (essaim d’S1) qu’une petite fille veut nourrir – des pigeons – des travailleurs urbains – 2 petites filles grotesques et muettes.
[ Lettre non – envoyée, brouillon]
Cher,
L’idée m’effraie un peu d’avoir à interroger le pourquoi de ce « cadeau » que je vous ferais.
« Cadeau » – ce mot venu à ma bouche quand je vous en ai parlé. « Est-ce que vous accepteriez ce cadeau que je vous ferais ? » vous demandai-je, tournant ma tête vers vous.
Ce mot revenu quand je vous parle de cette pensée venue au réveil, « Pourquoi l’inconscient me ferait-il cadeau de ce rêve » où c’est quelque chose de la nature de l’inconscient que j’espère saisir, attraper. Comme j’aperçois qu’il y s’agit peut-être d’une mise en histoire du parcours de mon entrée et d’une sortie de l’analyse.
Ce que vous me proposez de faire, d’analyser le pourquoi de ce don avant que de pouvoir l’accepter m’effraie, me déplaît un peu, comme si les raisons ne pouvaient qu’en être mauvaises.
Cadeau – eh quoi, vous acheter ? Eh. Détourner de moi votre ire, prévenir.
Cadeau – ce rêve, ce qu’il me dit encore : on n’habite pas dans l’inconscient. Cela n’est pas une place, où rester. On n’y est pas chez soi.
Cadeau – par ce geste aussi que prend de la valeur cela qui n’en n’avait plus. Comme dans ce rêve encore, dont je vous parlais hier, celui du chat devenu les chats, où je ne retrouve plus le petit, le premier, le primordial, ce dit « bordel levé par l’analyse », toutes choses n’étant plus égales, ni non plus un tableau de mon père. Puisque aussi vous aviez par le passé déjà marqué votre intérêt pour l’œuvre de mon père. Cet intérêt, le supporter, le reconnaître, en tenir compte. Mais pas seulement le vôtre, n’est-ce pas ?
[ le chat devenu les chats = « ce bordel levé par l’analyse » = les objets de + en + nombreux qui envahissent le château ]
l’échange.
L’analyse comme exercice de par-odd-ontologie. Odd ontologie. Ontologie étrange. Ontologie de l’étrange. Mais vous êtes bien parodontologue ? paroddontologiste ? » L’homme à qui je m’adresse me renvoie une sorte de non. Je crois qu’’il me ment. J’essaie qu’il me prenne par l’un des trous de son agenda, mais il n’en a pas. Je reste, je devrais partir, chercher ailleurs, mais je reste. « Ma couronne a sauté, je suis en danger mortel, il ne me prend pas au sérieux. »
Certainement cela me fait penser à mon arrivée à Paris, aux psychanalystes que j’ai rencontrés ici, quand l’analyse avec le premier, qui dura 10 ans, se termina brutalement.
Je reste dans ce qui devient un château qui n’est certainement pas celui de mon père, une famille où je ne suis pas chez moi. Dont le rang n’est pas le mien, une famille noble – tolérante mais un peu hautaine.
// Ce professeur de mon père qui a l’école disait à ces élèves : « ty-pes de baaasse classe, ty-pes de baaasse ex-traction… » les injuriait. Mon père qui imitait sa voix, exactement, la façon de détacher les voyelles, l’appel du gouffre dans la « baaaasse classe ». Le mépris. Mon père n’a jamais pris cette injure pour lui. //
Multiplication des objets, déchainement des signifiants. Je me suis un peu (pléonasme) demandée ce qui avait pu me « faire devenir » obsessionnelle. A quel moment. JPD avait dit : « obsession de fin d’analyse ».
Au château, cette nuit-là, pendant toute la nuit, c’est la fête. Une grande fête. Je deviens de plus en plus silencieuse. En retrait. J’arrive de moins en moins à être là. Réactions fortement émoussées. Réactivité quasi nulle. Ça grouille. Tandis que je cherche mes affaires, pour pouvoir partir.
Fin de nuit, Frédéric vient me chercher. Château a été vidé de tous ses objets // ce vidage exercé par l’analyse. Reviennent rangés dans des wagons, vers le château, que je vais quitter. wagons, wagons. des petits travailleurs. wagons.wagons. camp.
Fin du rêve, dernière image, avant de partir. Je m’adresse au propriétaire du château, je sais que c’est un peu bebête de dire ça, mais je surmonte mon sentiment d’infériorité : « Mais regardez-ça, comme c’est beau, comme c’est beau », je lui désigne les ouvertures dans le mur, les fenêtres. « Regardez, on dirait autant de paysages qu’il y a de cadres. Est-ce que ce n’est pas magnifique ?» Ce sont de très beaux paysages, très larges, remplis chacun d’une lumière diffuse mais particulière. Beaucoup plus verts que les paysages auxquels ils s’apparentent le plus : ces paysages qui font le fond de nombre de peintures de la renaissance, venus ici au premier plan, formant une image à la fois champêtre et contemporaine. Il s’agit de cela qu’un artiste saisirait, aurait saisi. Ici pris dans les murs de la « plus haute tour ». L’inconscient-artiste…
Notes: