rêve, j’entends :
« muller & muller . S1 S2. l’holophrase! mais comment séparer ce qui est le même? »
au réveil :
muller et muller
14 . 18 et 40 . 45
la guerre et la guerre
M . U . double L . E . R
L . L
comment séparer ce qui est le même
je ne sais pas compter je n’ai pas d’accès à l’histoire
la preuve est là
1 .2 c’est facile
c’est à trois que les difficultés commencent
l ‘ordinal!
du père le nom est le même, double
le corps non
joie du drame
pour sortir du même il faut et il suffit du zéro : « la place du sujet »
vous le saviez déjà. désir et jouissance s’articulent comme s’articulent ordinal et cardinal.
(pq a-t’il fallu qu’au moment où je dis vouloir m’occuper de mon père _ je me remette me mette à vouloir m’occuper de moi, à écrire?)
Titi, et puis aussi mes parents vont venir chez moi. JF et JP, mes deux frères aussi probablement. Je prévois que nous mangerons au restaurant le premier soir et que le lendemain je ferai une recette italienne. Cela se passe avenue Paul Deschanel, c’est mon premier appartement, au quatrième étage, j’avais une vingtaine d’années.
Puisque je vais cuisiner, je dois faire des courses. Je suis maintenant dans le quartier de mes parents, rue Waelhem, celui que je viens donc de quitter pour habiter seule. Dans une rue inventée par le rêve, je trouve une épicerie italienne. C’est un quartier qui appartient aux rêves, qui m’y ramène régulièrement, on y parvient en bifurquant dans la chaussée d’Helmet. Je décide d’y acheter tout ce dont j’ai besoin pour la recette. A l’intérieur de l’épicerie, je me rends compte que j’ai oublié de prendre la recette. J’en parle à l’épicière, la décris comme très longue, lui dis mon intention d’en acheter chez elle tous les ingrédients. Elle s’y intéresse, voudrait la voir. Elle va la cuisiner et mettra le plat en vente, dans des barriques.
Quand je retourne au magasin avec la recette, j’en profite pour (oser) la lire. Je m’aperçois qu’elle n’est pas si difficile que ça : essentiellement composée de 4 sortes différentes de pâtes et de crevettes qu’il faut décortiquer – en quoi consiste finalement la seule difficulté de la recette. Je laisse la recette à l’épicière. Je lui achète 2 bouteilles de vin.
Il y a également un livre que je voudrais acheter. Je monte la chaussée d’Helmet, toujours dans le quartier de mes parents, à la recherche de la librairie. Je ne la trouve pas, ni le livre.
Puis, je vais à Louvain chez ma tante. Je pense que mon intention est d’y faire des courses. Or, elle est toujours à son appartement. Elle n’est donc pas encore partie pour Bruxelles. Je me demande comment elle compte y parvenir (puisqu’elle doit y venir me rendre visite). Je me demande quelle est la durée du trajet Louvain-Bruxelles. Je pense qu’il s’agit de vingt minutes. Elle revient de chez les morts, bien sûr. Encore un peu blême et peut-être fragile. Mais est bien elle-même, allongée sur son divan, odalisque avec son fume-cigarette.
Éléments d’interprétation
Les lieux
L’appartement au quatrième étage de l’avenue Paul Deschanel, mon premier appartement. Le quartier de la rue Waelhem, où j’habitais donc juste avant. La chaussée d’Helmet où nous faisions nos courses. Le quartier imaginaire. Je le retrouve en rêve, en bifurquant sur la droite dans la chaussée d’Helmet. En prolongeant une promenade que je faisais parfois avec mon père. Qui m’y avait fait découvrir une cité ouvrière, en briques (le foyer Schaerbeekois). Louvain, où ma tante habitait, à 20 minutes en train de Bruxelles.
les pâtes fraîches / l’homme aux cervelles fraîches
Les pâtes fraîches qu’il faut à la recette m’évoquent d’abord les « cervelles fraîches » de « L’homme aux cervelles fraîches » – ce cas d’un certain Kris, Ernst Kris, plusieurs fois commenté par Lacan. C’est une lecture lointaine, dont il ne me reste que peu de souvenirs. Un patient qui se soupçonne de plagiat se voit réfuté par son analyste, à qui il avoue alors abruptement que tous les jours en sortant de sa séance, il fait un détour pour reluquer des menus de restaurants, et spécialement celui où il font de la cervelle fraîche, son plat préféré.
« Alors comme saisi d’une illumination subite, il profère ces mots : “Tous les midis, quand je me lève de la séance, avant le déjeuner, et avant que je ne retourne à mon bureau, je vais faire un tour dans telle rue […] et je reluque les menus derrière les vitres de leur entrée. C’est dans un de ces restaurants que je trouve d’habitude mon plat préféré : des cervelles fraîches.” » – Lacan J., Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.397.
Lacan parle d’acting out. L’homme signifie à son analyste que ce n’est pas ça, que quelque chose ne passe pas qui ressort de la pulsion, de l’objet a de la pulsion orale.
Au lendemain du rêve, « pâtes fraîches » donc m’évoque d’abord ça, les « cervelles fraîches » de Kris.
4 sortes de pâtes / 4 ≈ 40 ≈ Guerre ≈ Identification ≈ Un
Bon. Il faut ne faut pas seulement des pâtes fraîches, mais il en faut 4 sortes. Et je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi 4?
De quatre, du chiffre 4, il est souvent question dans mes rêves, dans mes interprétations. A l’époque du « rêve du 4X4 », je l’avais fait correspondre à 40, à la guerre quarante. Je parlais alors d’une « date identificatoire à laquelle mon être s’était figé ».
C’est difficile à résumer. Mon père se disait « névrosé de guerre ». Moi-même, lors de ma première année de collège, lors du premier cours d’histoire sur la ligne du temps qu’il nous était demandée de tracer, je n’étais parvenue à pointer que 0/33 – 14/18 et 40/45. C’était mes trois dates. Cela m’est resté. J’avais d’abord placé 40/45, puis 0, puis 33, j’avais ensuite pu ajouter 14/18, l’autre guerre. Il me semble encore voir cette flèche. De même que je me vois encore assise, à ce banc-là, d’école. Et… ma consternation.
D’autres interprétations, d’autres rêves, m’avaient menée à écrire, à pointer la guerre de la lettre G, du point G ( il y avait eu le rêve du GSM, fait encore en Belgique et, beaucoup plus tard, le rêve du caddie, et je peux donc écrire cette équivalence :
4 → 40 → G → I → 1 4 = 4 ≈ 40 ≈ Guerre ≈ point G ≈ Identification ≈ Un
Curieusement, ces signifiants, ces S1, ces signifiants premiers – comme par exemple ce 4 qui revient, se présente et représente, sous différentes guises -, c’est-à-dire ces mots, ces morceaux de mots, ces syllabes, auxquels se lient mon être, tiennent, traversent les années, me poursuivent. Ces signifiants que je repère, que j’interprète. Qui se donnent vides de leur signification propre sans qu’ils soient vides de toute signification. Et qui se lient les uns aux autres par leurs résonance, leur son, leur réson, indépendamment de leur sens. Comme dans les mots croisés. Et qui font la matière du rêve, la tissent.
Ces signifiants, qui se repèrent par leurs lettres, et qui s’inscrivent dans mon histoire, paraissant y commander, de façon totalement inaperçue, inapercevable, sinon dans cette lecture à la lettre d’un rêve.
La façon dont j’interprète aujourd’hui le quatre, le quarante, va à l’encontre d’une réponse que m’avait faite autrefois mon analyste, mon premier analyste, réfutant que mon histoire puisse s’être arrêtée à cette date-là, de la guerre, 40.
C’était en 1998, je venais de traduire, pour la revue de psychanalyse Quarto, un article de Rivka Warshawsky, Du zéro au septième million : Israël et l’Holocauste. L’auteur y témoigne de sa vie de psychanalyste en Israël et d’un analysant de la deuxième génération après l’holocauste, dont la vie est toute de douleur et de répétitions.
«Cependant, écrit-elle, à certaines conditions, la répétition peut « passer » au témoignage. Ces conditions impliquent le signifiant du trauma. Le signifiant traumatique est le trait unaire de l’inhibition. Dans la vie de l’analysante dont je parle, cet « un » trait de l’inhibition se répétait à l’infini, souffrance et frustration s’étaient faits mode de vie. Que fallait-il qu’il arrive au sujet pour qu’il soit soulagé ? « Pour que le nombre passe de la répétition du 1 de l’identique à sa succession ordonnée, pour que la dimension logique gagne décidément son autonomie, il faut que sans nul rapport au réel le zéro apparaisse. » Le témoignage a le pouvoir de mettre un terme à la répétition.»
Au fond, j’avais interprété et extrapolé ce texte : au départ du souvenir de ma ligne du temps où j’avais le sentiment de n’être jamais arrivée à écrire qu’une seule date, 40, il m’avait semblé pouvoir dire que quelque chose en moi était figé, s’était figé dans cette guerre de quarante, m’obligeant à la répétition. La question qui s’ouvrait pour moi était celle d’un accès à la succession (de la sortie du cardinal, du passage à l’ordinal) par l’instauration du zéro, ainsi que le développe Warchawzky, s’appuyant d’un texte important de Jacques-Alain Miller, « La suture ». Comment pouvais-je poser un zéro qui me sorte de la répétition du même. Comment se concevoir, s’inscrire comme zéro. Je partais du constat de ma propre inhibition, de mon propre temps arrêté, figé. Mon analyste avait balayé ça, me disant que « j’avais le zéro » (puisque sur la ligne du temps, j’avais écris zéro), et que donc, j’étais « introduite à l’histoire ».
Faut-il que j’y voie une « erreur d’interprétation» de mon analyste à rapprocher de celle de Kris, qui trop vite dit à son analysant que non, il n’était pas plagiaire, que ce qu’il faisait était réellement original. Placage trop rapide suivi donc de l’acting out où l’analysant profère ces mots où il est question de cervelles fraîches. L’analysant, dit Lacan, venant montrer ce qui ne rentre pas dans la réponse de l’analyste : la livre de chair, les cervelles fraîches, et le désir d’elles dont il ne sait rien, qui le dépasse, les dépassent tous les deux et relève de la pulsion orale, de l’objet a.
L’erreur de mon analyste, de ne pas avoir voulu entendre ce que je cherchais à pointer de mon rapport énigmatique à l’histoire, peut-elle être rapprochée de celle de Kris et s’est-elle vue suivie d’une acting out? Cela, je ne le sais pas et cette « erreur » remonte maintenant à trop longtemps… Cependant, je retiens : au patient de Kris les cervelles fraîches, à moi les crevettes et la difficulté de les décortiquer.
la recette indienne
La veille du rêve, j’étais arrivée à cuisiner tranquillement, sans recette, ni angoisse. En cuisinant des légumes dont j’avais eu envie, que je ne connaissais pas.
Aujourd’hui, l’envie de manger commence à me revenir, me semble-t-il. Cette envie dont je me suis battue des années pour me départir, ayant vécu à l’adolescence des années assez difficiles de boulimie, lesquelles avaient rapidement succédé à une forme larvée d’anorexie (régimes extrêmes). Ce furent des années lourdes où je trainais seule avec mon obsession de nourriture et dans le dégout constant de mon corps. Le goût de l’alimentation m’en est passé. Je n’en garde que l’aspect mortifère. Que j’aie la veille du rêve préparé un repas en me laissant guider par ma seule improvisation et mon envie est assez exceptionnel et pouvait provoquer un rêve.
Au fond, c’est dans ce premier appartement de l’avenue Paul Deschanel, où le repas va avoir lieu, que j’appris à vaincre la boulimie. Je n’avais plus de frigo à vider (je me gardais de le remplir) et je me suis mise à écrire jour après jour tout ce que je mangeais. C’est aussi à ce moment-là que je me suis mise à la lecture de Lacan, du séminaire II, celui sur le moi.
Tandis qu’en réalité, et j’ai mis du temps à m’en souvenir, il y eut un tel repas, une première invitation à dîner dans ce premier appartement, un dîner somptueux, au départ de recettes indiennes trouvées dans de Marie-Claire, et où ma tante cependant ne fut pas invitée, mais Marc H. Cela avait représenté plusieurs jours de travail. Je me souviens de la cagette de mangues très mûres, achetée chez l’arabe (plutôt que l’italienne), dont j’avais fait un chutney et des confitures. Je me souviens qu’il y avait également deux sortes différentes de biscuits (contre les 4 sortes de pâtes), très réussis.
Avant que je n’emménage là, il y avait eu une période où je n’étais plus inscrite à aucune école et où je ne travaillais pas. Je ne me souviens plus des circonstances exactes. Comme je vivais chez mes parents, comme j’avais des choses à me faire pardonner, j’avais proposé de faire à manger à la place de me mère, pour la soulager. Ne sachant pas cuisiner, je suivais des recettes. Et tous les jours j’allais faire des courses et, comme dans le rêve, je montais la chaussée d’Helmet avec mon caddie.
Je faisais donc des petits plats spéciaux et récoltais beaucoup de compliments. Cuisiner m’a paru facile, il suffisait de suivre les recettes à la lettre, ce qui ne me posait aucune difficulté. Il y avait cependant une sorte de sentiment désagréable lié au fait que j’aurais mieux cuisiné que ma mère. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. C’est là que j’ai appris à cuisiner. C’était beaucoup de travail. C’était faire quelque chose à la place de ma mère et sans qu’elle me l’ait ni enseigné ni demandé. Je ne souviens plus de sa réaction, son attitude vis-à-vis de ça. Je me souviens chez moi d’un sentiment triste et calme de faire ce que je devais faire, de payer (pour ma présence). Tandis que mes succès culinaires succédaient aux ratages dont ma mère n’avait cesser de s’accuser : « C’est raté », s’obstinait-elle à répéter jour après jour en nous servait à manger.
L’invitation à dîner lors de mon aménagement avenue Paul Deschanel, c’était une forme de répétition de ça. Une occasion restée unique, où j’étais maintenant à ma place.
Beaucoup plus tard, quand je me suis installée à Paris avec les enfants de F, c’est là qu’est née la très grande angoisse de cuisiner, liée à cette place que je prenais, de mère (même s’il ne s’agissait que de belle-mère). Une place absolument insupportable. Je n’arrivais à cuisiner que rarement, jamais sans l’aide d’une recette, et je pris l’habitude de servir les plats avec les mots de ma mère : « C’est raté ». Elle l’avait fait dans la plus grande placidité, je prenais sa relève en ayant la plus grande peine du monde à contenir ma rage.
crevettes à décortiquer
Crevettes, petites crevées à décortiquer, petites rêvettes roses, bébêtes. Crécettes
Qu’est-ce qui se dit ici de la pulsion orale ? La coïncidence avec le cas de l’homme aux cervelles fraîches, est-elle à prendre en compte? Ce cas qui m’a toujours un peu interloquée, sans que je sache en quoi. Ça se passe autant au niveau du vol (j’ai été kleptomane), du plagiat, que de l’erreur, des cervelles fraîches, et les diverses interprétations de Lacan, notamment celle sur le rien. Ce qui n’est pas noté par l’analyste, dit-il, c’est que son patient vole : rien. Ailleurs, il parle je crois du dégoût du patient pour ses propres pensées et d’anorexie. Qu’en est-il de mon rapport à la psychanalyse ? Mes décorticages de rêves ? Ces crêvettes ? Se situe-t-il lui aussi à ce niveau-là, de la pulsion orale, de la boulimie ? Je n’ai jamais aimé décortiquer des crevettes. Je déteste même ça. C’est typiquement quelque chose dont j’attends qu’on le fasse pour moi. Idem pour les plus gros crustacés, idem pour le poulet. Le décorticage est un obstacle à l’avalage, à la gloutonnerie. C’est du boulot. Un boulot ici prescrit par la recette. La recette répond à l’angoisse, répond de l’angoisse. La recette qui est de l’Autre. La recette à la lettre, la recette, sa mesure. L’angoisse de préparer à manger. Cuisiner sans recette, c’est pour moi cuisiner sans filet. Les circonstances où je me prête à improviser sont très rares. C’est ce que j’essaie en ce moment. Aussi : retrouver l’envie.
L’Italie / Vis ta lie
Dérive
Italie – Nathalie. Nathalie amie d’enfance depuis longtemps dans mes rêves. Et puis aussi… hier sur YouTube des éruptions volcaniques, de l’Etna, du Vésuve, en Italie… Et, Talie est le nom d’un personnage que j’ai écrit autrefois, je crois, peut-être dans l’histoire du pays de Blanc (auquel je pensais hier). Ditalie, je m’en souviens, nom curieux d’un chien. Ditaly. Non, Vitaly. Ou Vitalie ? Une histoire de chiens, de cirque, de gens qui vivent dans la rue. Longue et triste que j’aimais beaucoup. Retrouver le titre de ce roman, auquel je pensais il y a quelques temps. Est-ce que j’ai encore ce livre dans ma bibliothèque ? Hector. Le nom de l’auteur. Malot ? Non. Hector Malot. Non. Consultation de l’internet : Oui ! Hector Malot existe ! Le livre n’est plus dans ma bibliothèque. Dis-moi Google quel est son titre ? « Sans famille »! Maintenant vérifier nom du personnage qui ne devait pas être un chien. « Vitalis ». « Vitalis », tel était son nom, en vérité.
(Retrouver cette histoire, la lire à Jules).
Titi
Titi. Quel est son rôle dans le rêve? C’est elle d’abord qui est invitée. Je prends le train pour aller chez elle à Louvain. Vingt minutes de Bruxelles. Y faire encore des courses. Elle est là, revenue des morts, mais c’est bien elle. Je me réveille.
Titi est une sœur de ma mère. C’est ma tante préférée. Elle était blonde, rieuse, pleine de vie. Je passais tous les ans des vacances à la mer avec elle. Il m’a toujours semblé que c’est grâce à elle que j’ai connu quelque chose de la douceur de vivre. Mes parents étaient bien plus inquiets, sérieux, l’économie et le péché sur le bout de la langue. Avec elle, nous restions des heures sur la plage à ne rien faire sinon bronzer et papoter, mangions des crêpes, des glaces, des fraises. Achetions des vêtements. Fumions et faisions du vélo. Le soir, regardions la télévision.
Ma mère, qui avait tendance à confondre tous les noms, m’appelait quelquefois du vrai prénom de ma tante, Jéfa (pour Jozéfa). Il est arrivé qu’elle me dise que je préférais certainement ma tante ou que j’aurais préféré que ma tante, que Titi, soit ma mère. C’était très désagréable à entendre. Mais, il y avait chez ma tante une présence, une consistance qui manquait un peu à ma mère. Elle me parlait. Nous nous parlions. Elle avait des demandes, là où ma mère ne demandait rien. Je n’ai que peu de souvenirs de conversations avec ma mère. Il s’agissait d’abord de son silence. Mais elle aimait à me consoler. Elle trouvait ses mots dans la consolation.
Pourquoi ce rêve?
Je ne peux m’empêcher de me demander ce qui se recouvre du rêve et de cette représentation (mon interprétation)?
Récapitulons. J’aurai fait ce rêve à cause du repas préparé la veille, et de ma réflexion à propos de l’envie de retrouver l’envie, le goût, pour arriver à pouvoir cuisiner sans angoisse. Ma tante est certainement du côté de cette envie. Dans le rêve, une recette vient, une recette est là. Elle est neuve, inédite, simple, elle sera bonne. Elle est longue. Elle vient après le restaurant, le restaurant du premier soir. D’abord il y a eu la cuisine de l’Autre, maintenant, c’est la mienne – enfin, d’après recette…
« C’est qu’il puisse avoir une idée à lui, qui ne lui vient pas à l’idée, ou ne le visite qu’à peine. » Lacan, à propos du patient de Kris.
Rapprochons la recette de la psychanalyse, la psychanalyse comme texte d’aménagement d’un mets délicat, la cervelle fraîche (que pour ma part, j’abhorre). La délicatesse, la jouissance, c’est celle de la cervelle. Elle est fraîche. Et, elle cherche à faire recette. Un comment faire quelque chose de délicieux. Il y faut décortiquer. Cela parle de mon « mode de jouir », qui cherche à faire recette. C’est l’épicière italienne qui s’en chargera. Elle vendra le plat en barriques, façon barriques d’olives. Le désir est celui de faire rente du cas (cas rente, quarante). De faire commerce. « Le sinthome comporte un élément de relation », écrit Riwka Warshawsky.
C’est l’épicière italienne qui prépare la recette et la met en vente, en gros, dans des barriques d’olives. Olive – qui n’est pas loin d’ô-livres -, est un très vieux mets de mon histoire (baptême de mon frère Jean-François, où j’ai dérové dérobé dévoré toutes les olives, j’avais deux ans).
Dans le rêve, je cherche aussi une librairie et un livre. Mettons le livre comme le destin souhaité de la recette du cas rente, à la crevette/cervelle fraîche décortiquée.
Quelque chose du rêve supporte (= se traduirait, supporterait d’être traduit) une représentation graphique, visuelle. Cela se passe au niveau, à l’instant, à l’intérieur du tracé de la lettre. Des lettres, de l’encre, de son apparition sur le papier, des courbes, de leurs formes, du crissement de la plume. Son dépôt. Avec la lettre, avec les lettres, dans le report de ce qui se passe dans un rêve, il ne s’agit pas seulement d’un entendre, mais d’un voir.
Et les S1, signifiants premiers ici repérés, revenus, sont les signifiants de la lalangue, lalangue de jouissance. C’est elle qui fait les rêves de même qu’elle est la langue de l’interprétation, des associations.
Encore, ma tante, Titi, avait un rapport joyeux à la langue. Inventif. Elle disait des choses comme : « Je suis un pneu crevette. »
Comme prévu, nous sommes à Donn. Là, je suis au jardin, installée sous les noisetiers, je fais une pause après m’être démenée à couper des branches d’arbres. Il fait chaud, il fait bon, ça brûle et j’adore ça.
Malheureusement, je crains que ça ne soit un peu compliqué pour moi de venir te voir, ainsi nous en avions parlé. Tout simplement, je ne sais pas conduire et dépends pour cela de mon conjoint. A moins qu’un bus ne roule entre chez toi et chez moi.
Cela dit, tu es la bienvenue, quand tu veux. Nous sommes encore là jusqu’à jeudi. Après, hélàs, c’est retour à la ville.
Tu sais, ça fait des mois que je dors mal. Que je me réveille toutes les nuits vers 4 heures. Il faudrait que je vérifie quand ça a commencé, mais probablement au moment où j’ai arrêté les anti-dépresseurs. Et ça au fond, je ne sais plus de quand ça date. Attends, j’en avais fait le conte là, https://www.disparates.org/iota/Series/pour-en-finir-avec-les-antidepresseurs/ . je vais vérifier : décembre 2015. Voilà. Donc, je ne dors plus bien depuis décembre 2015. Cela dit, en contrepartie, je suis beaucoup moins fatiguée.
Or, au début du mois, alors que nous étions ici, il y a eu un jour où j’ai vomi toute la journée. Cela faisait un bon bout temps déjà que j’avais des nausées, et puis là, crac. C’était le lendemain d’un soir où j’avais abusé des apéritifs et des gâteaux apéritifs donc j’ai pensé « crise de foie». Et j’ai eu l’idée de faire une recherche sur internet avec les termes « Crise de foie Médecine traditionnelle chinoise ». Figure-toi que je suis tombée sur des trucs… incroyables… qui m’ont paru décrire exactement mes symptômes du moment.
Ainsi, par exemple, venais-je la veille d’avoir été reprise par une incroyable colère, aussi subite qu’injuste (enfin, jamais complètement, n’est-ce pas) et démesurée. Et voilà que la médecine chinoise me parle de foie, de bile, de colère rentrée et sortie, de frustration et de culpabilité, de ruminations, de dépression, etc. , etc. etc. Par dessus le marché, elle me parle également de réveils nocturnes à répétition à 4 heures du matin, typiques, semble-t-il, des personnes souffrant du foie.
(Oh, un petit écureuil, tout roux, la première fois que j’en vois un ici, tout léger, qui remonte dans l’arbre là-bas).
D’où, j’en suis venue à conclure à un excès de chi dans le foie (Montée de Yang dans le foie), auquel j’ai (j’ai l’impression que cet écureuil circule au dessus de ma tête, dans les noisetiers, peut-être qu’il est joueur, il me semble que je l’entends grignoter… oui, ça doit être lui, il grignote puis jette ses coquilles) attribué (je le vois!!!) auquel donc j’ai attribué le fait de parfois sentir trop de chi dans les hauteurs, trop de chi montant, trop peu descendant, du chi qui me pousse parfois curieusement par derrière, au niveau du coccyx et qui me soulève les jambes, ou qui me monte à la tête et me siffle dans les oreilles.
Enfin, je m’en suis trouvée fort aise et me suis dit que voilà, c’était fait, c’était ça, je vais faire ce qu’ils disent, vivre à l’heure chinoise, guérir. Recommencer à dormir, cesser d’être envahie (et d’envahir les autres) par des colères démesurées, sortir de mon infinie tristesse noire. Fini. Je ne boirai plus jamais de café, ni d’alcool, ni ne mangerai de produits laitiers, ni d’ailleurs de sucre.
Après, bon, ça a été peut-être un tout petit peu décevant, pas aussi rapide qu’espéré, et là, enfin, je ne dors toujours pas. Mais, les colères ont disparu ou retombent très facilement. Et puis, je vis à une autre heure, il y a maintenant une heure à laquelle je vis, à laquelle je me rapporte, et ça fait un bien fou. D’abord, ça cadre, ça me dit ce que je dois faire et ne pas faire, ce qui est toujours très reposant, puis ça me mène à faire connaissance avec quelques-uns de mes organes dont je dois dire que j’ignorais jusque là l’emplacement exact dans mon corps. Bon, je ne sache pas, et je n’ai pas vraiment trouvé (sur l’internet), sauf peut-être en chi quong, qu’il existe d’exercice de taï chi particulier pour le foie, mais j’ai l’idée que dans l’ensemble, de toutes façons, le taï chi, ça doit être bon. S’agissant du chi qui me soulève de terre, je m’astreins à me concentrer sur les jambes, à m’ancrer encore davantage.
Bien. Je me demande pourquoi je te raconte ça. Enfin, c’est un peu la grosse obsession du moment. C’est un peu ça le truc avec moi, c’est que ça fonctionne toujours pas obsession. Bon, c’est comme ça. Je ne suis d’ailleurs rien arrivée à écrire à propos de tout ceci. Et je t’écris un peu pour ça aussi, m’y astreindre, car, je me connais, tout ce que je vis ici pour le moment sera très, très, très vite oublié. Ca aura été.
Enfin, j’ai également pris rendez-vous – mais c’était au plus pire moment, à un trop triste moment de dépression, qui paraît déjà bien loin – avec l’acupunctrice que N connaît, parce qu’il n’est pas sûr que je m’en sorte avec mes seules tisanes, mon petit taï chi dans le soleil levant ou mes séances de débroussaillage intempestives. Je la vois en septembre et suis curieuse de ce que ça va donner. Dans l’ensemble, je suis très curieuse de tout ce que va pouvoir donner ce qui se passe ici en ce moment.
J’ai été un peu longue, comme toujours, et en toutes choses. Je n’ai parlé que de moi. Pourtant, j’espère que tu vas bien de ton côté et te dis que je suis heureuse de t’avoir rencontrée.
J’espère que nous aurons l’occasion de nous revoir,
(rien de spécial aujourd’hui, n’est arrivé. c’est fini. (ne me dis pas que tu es né un treize septembre.) c’est arrivé pendant la nuit. est-ce arrivé pendant la nuit du 12 au 13, cela je ne le sais plus. et à quelle heure? cela je ne l’ai jamais su. je dis cela juste parce que moi je me réveille toujours à 4 heures. ça peut-être à cause du foie, je l’apprends maintenant, mais ça pourrait être à cause d’autres choses encore. il est beaucoup question de 4 dans ce blog, et même de double 4. et ma mère, elle-même, se réveillait, autrefois, tous les jours à 4 heures. j’avais écrit, je ne me souviens plus du texte, mais j’entends encore la voix, ma voix, dire : « elle se réveille tous les jours à 4 heures, à 4 heures et à 4 heures. » Ça doit être dans le texte Vincent (que je n’ai jamais fini de publier sur le blog), à propos de ma mère, dont j’écrivais qu’elle se réveillait la nuit, toutes les nuits, à l’heure où mon oncle avait pris coutume de venir sonner, soûl, à notre porte, tambouriner, et ça, à partir du moment où il est sorti de prison. Je raconte ça juste pour la petite histoire. Maintenant, c’est moi qui me réveille à 4 heures. Ca peut n’avoir aucun rapport. Et elle, ne se souvient plus, que vaguement, qu’autrefois, elle se réveillait tous jours, toutes les nuits, à 4 heures, à 4 heures et à 4 heures.
Extrait du texte Vincent (1996), que je tape ici sans le relire (j’ai déjà donné).
3.2. Secrets d’alcool
Généalogie maternelle
Ma mère est née sous un drôle de signe. Autour de sa naissance courait la légende d’un médecin saoul qui l’aurait déposée par erreur rue de Dunkerque, à la maison de mes grands-parents.
Le vin, la bière, l’alcool ne manquent pas d’histoires dans la généalogie maternelle. Du côté du père de ma mère, Opa[1], des brasseurs de bière. Du côté de la mère de mère, du côté d’Oma, c’est il y a peu seulement que le secret vient d’être levé. Jamais Oma n’avait dit un mot au sujet de son propre grand-père et aucune question jamais ne lui avait été posée. Son père était d’une noble profession et elle se disait d’une grande famille, d’une noble lignée qu’il fallait préserver. Il s’avère aujourd’hui qu’il s’agissait d’une longue génération de cafetiers et d’ouvriers. Génération comme une damnation si l’on en croit le silence qui l’a entourée, et que le père de ma grand-mère a su, à force de grandeur, force courage et obstination, détourner, faire mentir. Le secret découvert, ma mère s’en sent soulagée. Elle dit je comprends mieux maman.
Oh! Gaby
Du côté du grand-père maternel, un autre secret, un autre mythe. Celui de Gabrielle, tante Gaby, metje Gaby. Sœur de mon grand-père, de Opa. Elle est belle, on dit la plus belle. Elle se fiance. Le futur se désiste. Elle tombe amoureuse d’un soldat français pendant 14-18, lui montre où est caché l’argent et les titres de la famille. Le Français se sert et disparaît. C’est la ruine, la ruine totale. Gabrielle est battue comme plâtre par son père et chassée de la maison. Elle devient alcoolique. A la mort de son père, son frère, Albert, mon grand-père, l’accueille parfois; elle fait la vaisselle, reçoit quelques sous, jamais trop de peur qu’elle ne les boive. Les enfants ne savent pas d’où elle vient. Elle les fascine. Elle est souvent gaie, parle fort, est ironique, moqueuse. Elle vient à la maison avec des bonbons dans les poches de son tablier. Ma mère est sa préférée. L’histoire du soldat et de la ruine de la famille, la raison pour laquelle metje Gaby fut chassée de la maison vient elle aussi d’être récemment découverte. Ma mère en pleure.