rêve, le cargo demi-tour

8 mai 2006 | mai 2006 | le cargo demi-tour, RÊVES | , , , , , , , , , , , , |

10h20

il y a urgence, il y a mercredi, bientôt, la séance. peu de souvenirs, pas un cauchemar en tous cas. un truc affairé, ce que j’en écris déjà ré-inventé:

immense bateau immense peut-être cargo
il avance, il doit faire demi-tour (il le doit vraiment, c’est probablement une question de vie ou de mort, une question cruciale)
il fait demi-tour une première fois, manœuvres gigantesques
en fait, état de guerre, désordre total, insurrections, je ne trouve pas le mot. guerre n’est pas le mot. guerre civile, guerilla, guérilla urbaine. feux, saccages, rues,
demi-tour avorté, repart sur route première
des jeunes, comment est-ce qu’on les a appelés, pendant les « événements récents en france », canaille? racaille? non, je ne sais plus. canaille, c’est une terme pour moi devenu lacanien, qui ne peut pas du tout désigner ces personnes. enfin, eux dont j’oublie le mot qui les a désignés, essaient de me fourguer, vendre, sommes dans salle de machine
– avez-vous vu récemment à la télévision le film, c’est ça, un bateau coulait, nombreuses personnes enfermées, allaient essayer de s’en sortir, circulaient dans le bateau, rencontraient partout où ils allaient mort et désolation, le bateau était renversé -,
les jeunes donc essaient de me vendre des fringues de magasins qu’ils en ont profité pour pille. je leur réponds vêtement par vêtement, très calmement, décide de prendre leurs offres au sérieux, fais comme si aurais pu être intéressé,e si ça m’avait convenu et rejette un à un tous les vêtements. à la fin, leur explique, à ceux qui sont restés avec moi, le dramatique de la situation, mais, je ne me souviens plus de quoi il s’agit, de quelque chose de vraiment grave, qu’ils ne savaient pas. s’en vont, savent. je remonte. tout est désert.
le bateau fait demi-tour, demi-tour immense, manœuvre immense. je suis furieuse. folle furieuse. seule et folle furieuse. je ne sais pas qui comment quoi a décidé de ça, comment ça s’est fait. je veux arrêter ça. ce n’est pas du tout que je sois contre le demi-tour, mais pas de cette façon. pas que ça se fasse et que ça soit décidé par d’obscurs dirigeants que je décide de débusquer. je devine où ils se cachent probablement. ils sont dans les machines, et les machines sont disposées en profondeur, cachées, en demi-cercle autour de moi. je suis au centre d’une immense plate-forme ronde, déserte, au bord de laquelle, dans un demi-cercle, accrochés au bord, dans des cabines (blanches et bleues), sont  cachés « les maîtres » (c’est-à-dire ceux qui ont ordonnés en secret, secrètement, sans en rien dire à personne), que je dois débusquer.

l’image en fait c’est celle de « l’agrafe du nom-du-père » ou bien plutôt « l’agrafe du sinthome » (ce truc greffé, qui fait tenir les bords ensemble).

voilà, c’est tout.

 

12h08

bon, je n’ai pas encore trouvé sur internet d’image de l’agrafe par le sinthome
mais:

L’œuvre (de Joyce) avait-elle besoin d’être publiée ? Pas nécessairement. Le sinthome oui, le nécessitait. Que Joyce ait voulu sa publication, c’est une question qui a pu rendre perplexe Lacan. Dès lors, elle est une agrafe (elle fait le quatrième) qui épingle le symptôme comme social, lui laissant enfin une entrée. C’est ce que Joyce appelle son tour de farce. Son dire magistral est plutôt pour Lacan tour d’écrou qui libère et serre en ses tours la réserve, montrant ainsi qu’un nouage est possible sans père, à cette condition bien sûr de s’en être chargé. A la force du dénouage et renouage, le sinthome (écrivons-le de sa dernière écriture), élève la condition d’artiste à ce paradigme: se faire fils nécessaire.

« LOM du XXI siècle », Marie-Hélène Roch

et de marie-hélène roch, encore :

L’intérêt maintenant est d’examiner ce qui lui a permis de rabouter en place de cette fêlure, de réduire et tasser le glissement de l’imaginaire, c’est-a-dire du rapport au corps. Il n’est pas Joyce qui, lui, produit une écriture comme sinthome pour réparer le détachement de l’ego, mais il pourra prendre congé du lien à l’analyste sans que cela se dénoue pour autant, avec une agrafe (pur produit de l’analyse).

Du fait même qu’il m’en propose le plastron, parmi les autres, au cours de sa dérive, et que je m’en saisisse rapidement, le lui désignant comme un enjeu, il va se dire et se faire maverick. Ce mot anglais désigne, au sens propre, un animal non marqué au fer, c’est-a-dire détaché du troupeau, comme pourrait l’être un veau ou un cheval ; au sens figuré, il signifie anticonformiste. Maverick, c’est l’homme libre. Ce plastron est un peu plus souple que les autres, et présente l’avantage (je l’apprendrai dans le recueil de ses effets) de rassembler une série métonymique et de nommer sa jouissance avec un mot de la langue anglaise (langue de la branche paternelle de sa famille). Il marque sa position de sujet libre. Il va même s’en tatouer. Une façon, dira-t-il, de tatouer la mort et de trouver le mors, le frein dans la langue. Il s’en fait un blason sur une chevalière qu’il porte au doigt, de sorte que lorsqu’il la tourne d’un certain côté, c’est le signe pour les jeunes femmes qu’il est à prendre (il est ainsi chevalier de la dame) ; retournée de l’autre côté, principe de mesure, cela signifie qu’il est déjà pris. Ce blason dont il invente lui-même le dessin, fait contrepoids entre un père déclassé et une famille maternelle d’origine noble. C’est un S1 qui agrafe réel et symbolique, liant l’imaginaire. C’est un capiton dans le texte de lalangue. Il va se dire, se faire maverick, et il ne sera plus fou.

A partir de ce nom qui fixe sa jouissance et sa position de sujet libre, il va pouvoir rassembler les faits de son histoire, sa dispersion ; ce nouveau nom va borner l’instabilité du signifiant. Il va se maintenir dans un lien social, non plus en chassant les reflets, mais en devenant surveillant dans un lycée privé. Ce nouveau nom a l’avantage de l’inclure tout en le laissant libre puisque c’est son choix insondable. Il lui permet de désamorcer la pulsion de mort, la jouissance qui insiste jusque dans son patronyme (il est composé de deux syllabes paradoxales, l’une évoquant la mort, l’autre (anglaise), la fuite, la liberté) qui restera toujours son nom social, mais débarrassé du réel de l’impératif. Avec maverick, il trouve le jeu de pouvoir continuer à être cheval sans identification rigide, sans licou puisque c’est le sujet libre, mais il n’est plus sans mors, sans principe d’arrêt. D’un sans marque, il a fait sa marque. C’est pourquoi je dis que maverick est une invention, un pur produit de l’analyse qui l’a amène à se passer du lien a l’analyste, au bout de sept ans d’efforts.

Se briser à la pratique des nœuds, Marie-Hélène Roch

maintenant, chercher l’image.

14h37

en voilà une d’image  – dans mon rêve, les « dirigeants », ceux à l’a-ttaque/ssaut – desquels je vais partir, ceux qui sont à l’origine du mouvement de retour, mais qu’ils ont lancé de façon absolument anti-démocratique, à tout le moins sans s’en être concertés avec moi, sont dissimulés dans les cabines (bleues et blanches) du sinthome.

ne me quitte pas mais

26 septembre 2014 | septembre 2014 | RÊVES | , , , , , , , |

8h40, je ne vais sans doute pas tarder à me recoucher.

Rêve cette nuit.

Avec Roger (à la place de Frédéric) dans sous-sol rue Waelhem. Roger s’enferme dans pièce avant (qui ressemble aussi à cave rue Tiberghien) . Ne me quitte pas mais ne veut pas de moi tout le temps près de lui. Fait des choses, est très actif. Moi, j’attends dans pièce à côté. Lui, de temps en temps vient près de moi, puis retourne dans sa pièce. Sommes avec Francis, ami de JP, homosexuel, très joli garçon. Reste parfois près de moi, parfois près de Roger. Ma famille et Jules ne sont pas loin de moi, mais sont entre-eux, comme si je n’étais pas là. Sont comme assis sur une dune. Je regarde Jule, comme si je ne le connaissais pas, dans cette terrible séparation qui est la mienne quand je suis (très) en colère. Je ne comprends pas le comportement de Roger. C’est probablement ce qui me met en colère. Il n’a pas dit qu’on se quittait, mais. Je voudrais partir et le rendre jaloux. J’imagine partir et aller au cinéma. Qu’il ait le temps de s’inquiéter.

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Ce que je ne comprends pas, c’est que cela m’apparaisse en rêve et en ce moment et comme si je ne le savais pas, comme pour me l’apprendre que la cause de ma grande colère, c’est la séparation, que la séparation me sépare. Mais quelle séparation, et pourquoi au sous-sol, et pourquoi avec Roger, et pourquoi ce souvenir de la cave de la rue Tiberghien. Que la séparation me précipite dans un détachement mortifère, létal. Où tout paraît juste. Où les sentiments sont ce qu’il sont, sans atours, sans apprêts.  Où tout paraît si juste, que c’est d’une force implacable : je – ne tiens – à rien.  Comme si le rêve me racontait cette histoire-là, inconsciente, me faisait la leçon. Comme si donc, c’était ce qui se rejouait en ce moment.

//

Je trouve des bottes qui étaient à Annick et qui sont à moi maintenant. Je les mets. Ce sont des cuissardes. Je les fais remonter jusqu’aux genoux puis les rabaisse. Je marche devant Roger.

//

Et pourquoi ces bottes d’Annick, Annick dont j’ai pensé (un jour, à la lecture d’un séminaire de lacan, de pages sur la névrose idéale obsessionnelle) que c’était elle, mon idéal, mon idéal, inatteignable.  Ces bottes qu’elle a et que je n’aurai jamais. De même que je ne trouverai pas, jamais, chaussure à mon pied. Mais pourquoi des cuissardes ?  Rien ne pourra jamais détrôner Annick de cette place. Et, je serai toujours toujours celle qui ne sera pas ça. Je ne vois pas d’autre possibilité de me définir qu’en non-ça. En non-elle. Secrètement au monde non-elle. Je suis non-Annick. Annick a une définition, je n’ai que celle de son négatif.  Et j’ai la chance qu’elle soit mon amie. Je suis en complète humilité par rapport à ça. Et je sais qu’elle l’a parfois ressenti, que ça l’a parfois agacée.

//

Quelque chose me dit que Roger ne me quitte pas, mais je n’arrive pas à accepter les distances, la liberté qu’il prend.

/;/’*

Me fait penser au fait qu’hier cuiller suis allée à premiers tests d’inscription à un cours de secrétariat qui, si je les réussissais, auraient pour conséquence que je ne pourrai plus aller chercher Jules à l’école et que je ne pourrai plus l’aider à faire ses devoirs. Je ne pourrai plus non plus le conduire à l’école le matin.

Je m’inquiétais donc. De la distance que je prenais.
Me demandais si c’était bien. Si je ne l’abandonnais pas. Trouvais que ce n’était pas bien. Mais pourquoi la présence de Francis (ami homosexuel), dans le rêve. Poser la question c’est y répondre. Ne plus vivre cet amour de double, d’homosexuel. (pourtant, il m’est arrivé de penser que ma colère, était ce qu’il y avait de plus juste, chez moi (quand bien même)).

Mais en fait, je ne saurai jamais si c’est bien ou pas, pour Jules, puisque je ne serai plus là. C’est une séparation. Et tout ce qu’ elle comporte de perte.

Éventuellement ça dirait : tu vois ça comme une séparation. C’en est une. Mais, ça n’est pas la fin de l’amour. C’est pour que chacun puisse faire ce qu’il a à faire. / mais si il n’y arrivait pas, pas sans moi, et comment puis-je faire pour être sûre de ne pas l’empêcher d’y arriver, sans moi. Comment lui dire tu peux le faire sans moi, et l’accepter.

//ň

Aussi, Jules hier exprimait le sentiment d’avoir trop à faire, alors que ce n’était sans doute pas trop. J’en étais étonnée. Il était profondément dégoûté d’avoir autant de devoirs. Alors qu’il n’y en avait pas beaucoup. C’est ce que je ressens moi aussi, souvent. Ce trop. Alors que je n’ai sans doute probablement pas trop à faire, j’éprouve le sentiment épuisant d’avoir beaucoup infiniment trop à faire. Et ce trop n’ est sans doute jamais que l’opposé de rien. Plus que rien = trop. > rien = trop. Autre que rien = trop. Et autre que rien = voulu par l’Autre. Et rien = voulu par soi. Mais pourquoi un tel besoin de vacance, d’absence. De rien à faire. Un besoin hors du commun.

Et rien = voulu par soi ou = non-voulu par l’Autre. L’insupportable de la demande de l’Autre.

//

Pourquoi est-ce qu’il faut maintenant que je me recouche ? Alors que je ferais mieux de me lever, laver.

Bon, tant pis. Je peux me l’accorder. Mais pourquoi me sens-je si vite débordée ?

BXL, ven. 3 sept – ne vois-tu pas que je brûle

3 septembre 2021 | septembre 2021 | l'édition des jours, RÊVES | , , , , , , , , , , , , , |

Jeudi 2, suite du rêve raconté plus tôt, dans le train vers Bruxelles, 10h30

Dans la même chambre : de ma cousine S. Ai-je pensé à elle récemment? Peut-être hier. Pourquoi? Lui parler du psoriasis de mon frère. Toutes ces maladies auto-immunes qui se multiplient dans la famille. Elle-même gravement atteinte. Côté de mon père, donc, plutôt. Pourquoi ne l’ai-je pas appelée, ma cousine, manque de temps, toujours. Un coup de fil : briser dans l’habitude, dans le train-train.

Sylvie, dans l’enfance, dite « garçon manqué » et moi très petite fille (et comment j’y tenais à mes tresses, à mes jupes).

Nous ne somme pas dans le même lit, Edouard et moi, pas à la même place.
Comme ma cousine et moi-même dans sa chambre autrefois.
Or, à la réflexion, il me semble être plutôt à sa place, de ma cousine, dans le fond de la chambre, et E. à la mienne, près de la porte, dans une encoignure où un placard.
Le lit de Sylvie, la place où je suis, se trouvait tout au fond de la chambre, qui était très en longueur, dans une partie que je ne connaissais pas, qui m’était inconnue, et ma timidité m’aurait bien empêchée d’y aller voir. Je suis donc à une place inconnue de moi.
Cette place m’évoque également, de façon lointaine, une place d’un lit d’Anton dans une chambre d’hôtel à Tokyo, un lit au bord d’une fenêtre d’un très haut étage.

S’agissant des deux places, celle d’E, la mienne, un lit est « rajouté » (dans la chambre de ma cousine, il s’agit d’un lit d’ami situé, me semble-t-il, dans un placard; dans la chambre d’hôtel, c’est un lit pour enfant, rajouté à la suite) mais les « rôles » sont inversés ou plutôt mélangés.

Chambre cousine :
Moi : lit de ma cousine (« garçon manqué ») dans la partie de la pièce que je ne connais pas et lit Anton au bord du vide;
Edouard : mon lit d’invitée, placard, près de la porte.
…. « Immixtion des sujets » dans le rêve…. dans la réalité…

Couloir éclairé chez Rose. Pourquoi ce détail, pourquoi le souvenir de ce couloir et de la porte des toilettes, juste en face.
Toutes les portes du vaste appartement portes bicolores, rose et beige, leurs moulures ovales, en « oeil de boeuf », les boutons de porte dorés, ronds, avec la serrure incluse dans celle des toilettes.
Présence/absence de ma tante, de la soeur de mon père, de la soeur de mon oncle.
Rose, est aussi le nom de la femme (prostituée) pour qui mon oncle a tué deux personnes.

Cigarette. Chez ma mère, je vais avoir envie de fumer. Toujours chez elle je fume. De la cigarette, il me semble avoir déjà parlé ici. Fumer me donne des boutons, j’y pensais encore hier, et ravive mes inflammations de la bouche. Tout cela souvent couplé alors à des réveils intempestifs dans la nuit et des « mauvaises pensées » (les pensées cruelles, méchantes, les injures, les invitation à mourir). Souvent je pense que c’est la cigarette qui tuera ma mère.

L’agressivité. Edouard, lui, ne l’est jamais, agressif. Il le devient donc. Contre toute attente et en même temps, ça ne m’étonne pas. Dans le rêve et au réveil, je pense « déclenchement », je pense « psychose ordinaire ». Je me suis interrogée hier encore sur ma « folie ». Je relis en ce moment l’article de Sophie Marret sur la mélancolie. Cette agressivité est celle de mon oncle, celui susmentionné, est la mienne quand je vais mal, celle qui justement, ces derniers mois s’est fortement atténuée, voire a disparu, est devenu remarquablement contrôlable. Cela s’est passé avec l’analyste, avec Hélène Parker, et, je le crois, grâce à l’huile de CBD. L’agressivité, les sautes d’humeur, c’est ce qui m’interroge. Les dits « troubles de l’humeur ». Je voudrais apprendre à écrire quand ça arrive. C’est difficile. Il y faut une part d’humilité et de renoncement. Humilité face à la grossièreté de ce qui arrive. Dès que c’est décrit, analysé, cela devient grotesque, on en aurait honte. Comment contrebalancer cela. Parce que l’angoisse est réelle et la prise instantanée dans ce ciment bien involontaire. Et renoncement, probablement à la part de jouissance, à une part de la jouissance incluse dans ce symptôme. Puis, il y a la résistance, dont je ne sais rien. La résistance du symptôme, qui tient à sa propre peau, qui est d’une malignité extrême, qui refuse de se laisser évincer. Actuellement ma tactique, c’est le silence. Je réagis subitement trop fort à quelque chose, ça monte, ça surprend. Je me tais. On se tait. Je ne me laisse plus leurrer (par ce qui ferait la phrase du fantasme éveillé, lequel reste à écrire, à tout hasard, je risque, parce que cela résiste à être retenu : je ne suis pas entendue). Mais l’angoisse, massive, la prise, est là. Il m’est alors, par exemple, arrivé de me dire que j’allais faire une heure de ménage. Puis une deuxième, puis une troisième, etc. Dans le blanc, l’absence de sentiment, la patience, une forme d’indifférence travaillée pour elle-même. Et puis tout d’un coup, je peux de nouveau m’adresser à Edouard, ça repart. Car c’est toujours d’une agressivité qui se manifeste vis-à-vis de lui qu’il s’agit, une déchirure dans l’angoisse.

Vous n’êtes plus là, vous, l’analyste, il devient fou : Ai-je peur pour moi? Il arrive que je m’interroge, en particulier hier. Tellement de choses sont « tombées » pendant les vacances. Le tai chi, l’analyste. Tombées comme des écailles. Je suis seule avec une forme de vide, qui n’est pas forcément très net, je n’ai plus, me semble-t-il, d’appui extérieur, de structure soutenante. Ou, il y en a une et je ne l’aperçois pas. Ou, je n’en n’ai plus besoin. Je sais le vide et l’inanité et je vis. Il y a Edouard et il y a la structure de la famille, celle-la même que j’avais du mal à supporter. Cet été à Outrée, il a fallu faire beaucoup de ménage, je l’ai fait. Parfois avec plaisir, me demandant si je l’écrirais, ce plaisir, parfois dans une forme d’indifférence, parfois combattant l’angoisse, mais jamais fâchée. Revenue à Paris, j’ai repris ces activités ménagères. Je me suis dit : alors c’est ça, les choses ont bougé de façon telle que simplement maintenant je peux supporter de m’adonner à cette activité sans rage, sans désespoir. Les choses ont bougé de façon telle, qu’il ne reste plus que ça. Après l’identification d’une « mélancolie ménagère », c’est fait, je m’y suis faite et supporte et c’est bon? (j’ai trouvé le moyen de supporter d’être dans la peau de ma mère ?)
Je suis arrivée à parler un peu, autour de ça. Ma façon d’avancer de proche en proche, « dans la métonymie », incapable d’envisager la globalité d’un travail…. Avec le risque de l’infinitisation… Revoir la théorie d’Achille et la tortue. La nécessité qu’il y a que je montre, parle de ce que j’ai fait, que nous parlions chacun de ce que nous faisons, que je ne fasse pas les choses seule dans mon coin, sans reconnaissance, que nous n’avancions pas dans le sacrifice, au contraire que nous cherchions la reconnaissance.
Bon, on arrive à Bruxelles.

Bruxelles, vendredi 3 septembre

Dans le salon de ma mère, après nuit largement sans sommeil et réveil me disant : Je me déteste, je me déteste, je me déteste…. C’est une nouvelle variation, moins cruelle, de mes « fracassemeurs ». Je l’attribue aux cigarettes fumées hier, de même que l’insomnie.

La lumière dans le couloir. Présence, je le redis, de ma tante Rose. Elle, complice de mon oncle, du frère de mon père, de sa folie (parano), aveuglée par son amour. Elle et ma grand-mère. Fascinées par ce personnage brillant, cet acteur de cinéma. Mon grand-père qui dit à mon père : Plutôt que tes petits dessins, fais plutôt comme ton frère, regarde comme il s’en sort bien. Ignorant que l’argent ramené par lui à la maison est l’argent de casses, de braquages. C’est maigre, ce que je dis là…

« Père ne vois-tu pas que je brûle? » « Siehst du nicht dass ich verbrenne? » Le pathétique de cette phrase. J’ai beaucoup travaillé ce texte de Freud, je ne m’en souviens plus du tout. Qui brûle? Quelle éternelle brûlure ? Quel père à jamais déploré ? J’y suis le père endormi, que ne réveille pas l’incendie dans la pièce à côté. L’Un-sans-dit. La cigarette.

Le bandage pitoyable sur la bouche, la lèpre. Mon pauvre enfant. Une lèpre causée par la colère, et si mon souvenir est bon, une volonté mauvaise, une volonté tueuse, dans cette colère.

Une fois que le mal est connu, l’enfant peut être guéri.

Qu’est-ce que je sais de ma colère? Revenir sur le sacrifice. Relire ce que j’ai pu écrire sur le « Père ne vois-tu pas…« 

Dans 10 jours (le 13), l’anniversaire du double meurtre de mon oncle.

Bon, c’est pas tout ça, j’ai du travail.

Edit, dans le train de retour à Paris, samedi 4 sept.

la lèpre, la covid. Benedetta, vu et non aimé. le bandeau sur la bouche, qui évoque ce que j’ai pu dire déjà auparavant de la maladie de la parole et de la parole empêchée, dans le cauchemar du 18 juillet, publié ici dont j’écrivais :
 » évoque peut-être quelque chose de l’insupportable de la parole, parfois pour moi, quand je vais mal, en risque de tourner à l’agression (j’aboie) ou d’être ressentie comme agressive (tu me tues), tandis que je l’aime quand elle raconte des histoires, qu’elle m’humanise. une parole, est ce qui doit toujours m’être donné. mais dites seulement un parole et je serai… »
Hypothèse : La parole est la maladie.

Vendredi 30 déc 2022

30 décembre 2022 | décembre 2022 | brouillonne de vie | , , |

7h54, hier soir 4 gouttes de CBD 20. Je suis rassurée, ça marche toujours. Suis à ma place habituelle dans le canapé, que je quitte très peu, dans le noir. Je vais relire ce que j’ai écrit hier.  Chester le chat lorgne sur mes genoux alors que je voudrais déjà me refaire une Ricoré.

Mes symptômes ont vraiment peu évolué depuis le temps que je fais une analyse.

Je ne sors pas. Je vois très peu de monde. J’ai toutes les difficultés du monde à aller chez le coiffeur, à m’acheter des vêtements.

Je ne parviens pas à « tenir mon ménage ». Je cuisine quand ça me chante, subitement, et alors pendant quelques jours à l’affilée, jusqu’à ce que ça retombe. Je ne parviens pas à garder l’ordre et la propreté que la femme de ménage, Maria, parvient à imposer en 3 heures seulement par semaine.

Je n’arrive à me tenir à aucune discipline. Même celle de me laver et de m’habiller.

 Je n’arrive pas à m’organiser, à organiser mon temps, mes activités.

Je n’arrive certainement pas à faire du tai chi.  

C’est aussi une question de solitude, j’aurais besoin pour ça d’un espace à moi. Idem pour l’écriture. Je ne sais pourquoi, je ne peux pas toujours faire ça au vu et au su de tous. Ceci, ce besoin de solitude, mériterait d’être mieux articulé.

Il est possible que je dessinerais si j’habitais seule. Que je ferais des choses qui prennent de la place dans l’espace.

Le faire en présence de F, je ne peux pas.

D’une part, F, est une sorte de double de moi. C’est une part de sa fonction, dans le cadre de ma maladie. Et pas le double aimable. Celui auquel j’en veux. Sur lequel je reporte une part de la haine et du mépris que je me voue. Le trop plein de haine et de mépris. Le mépris est le pire, non ?

Et la colère. C’est sur lui qu’elle retombe.

D’autre part, il est celui qui veille sur moi, qui prend soin de moi, et que j’ai tendance à inquiéter.

Il n’est pas toujours ce double non-aimable, ni l’inquiet pour moi. Il ne doit pas toujours l’être. C’est par périodes.

En ce moment, si c’est difficile, c’est contrôlable.

Ce sont les symptômes qui ont bougé, qui se sont fortement atténué.

Le double haï, je le sais, sa fonction, je la connais, je sais qu’il ne s’agit que d’un report sur lui de la haine de moi. D’un report de ce qui déborde et que je peux alors exprimer. Qui ne trouve d’ailleurs plus à s’exprimer. Qui plus est, j’ai mieux pris conscience de ses propres difficultés (euphémisme), à F. Et donc je contrôle beaucoup mieux. Je ne peux plus y croire comme avant, à ma haine contre lui. Malgré que son silence et son addiction aux jeux vidéos me renvoient une image de ce qui a moi à toujours été interdit.

C’est une question de surmoi, me dis-je. Comment trouver à s’arranger avec le surmoi.

Et en même temps, j’ai moins besoin d’inquiéter F. De l’inquiéter pour moi.

Mais je ne suis pas sûre qu’il n’ait pas lui besoin de cette inquiétude.

Cette part inquiète, c’est celle de ma mère.

C’est toujours dans l’inquiétude qu’elle a le mieux trouvé à s’adresser à nous, qu’elle justifiait son rôle maternel. J’essaie ça, cette explication-là.  C’est le seul moment où j’avais des choses à lui dire, qu’elle avait une oreille à me donner, quand il s’agissait de me plaindre. Cette plainte que j’ai longtemps pensée hystérique.

08:50, je vais retourner me coucher.

Je suis contente d’avoir écrit. Même si je n’ai pas fait ce que je voulais, relire ce que j’avais écrit hier, et compléter. Surtout s’agissant des articles que j’ai lus, sur les auto-reproches dans la mélancolie, et celui sur les poètes, et sur ce mangaka, qui ne se considère pas comme tel mais qui du manga apprécie le format. Et puis hier aussi, terrible, Malcom Lowry. Dont ma mère avait adoré son Au-dessous du volcan (retraduit : Sous le volcan).

10:15 F se levait, je l’ai retenu. Passé un moment dans ses bras. Ensuite pas rendormie et je me relève. Un bain coule.

10:18 j’allume la radio, première fois depuis longtemps, depuis le retour de B. Il pleut. Je vais me brosser les dents.

10:40 Je sors du bain.

Pendant que je traînais au lit, cette idée de « petits sacrifices ». Trouver le moyen de faire des petits sacrifices, des coupures dans la masse de ce que j’écris. J’y songeais pensant à ce que je pourrais écrire à FB, à ce qui pourrait être fait de mon blog.

Comment y faire quelques coupes. En retenir certains extraits.

L’idée de « petits sacrifices » opposée à celui du grand, celui de soi.

Vendredi 20 janvier

20 janvier 2023 | janvier 2023 | brouillonne de vie | , , , |

10h59 Hier grève générale et manif retraite. Maintenant trop tard pour écrire. Tout à l’heure, musée du Louvre, expo Les Choses (derniers jours).

12h33 F dit qu’on dit trop « Du coup », Google confirme.

Entrer dans une pièce, dire « Du coup, on va où? »
Alors qu’a priori on ne se situe dans les conséquences de rien.
Et si justement il ne s’agissait pas, dans une sorte de souci de l »accord sur l’objet » que la parole tend à réaliser1« Vous avez bien compris que si nous avons situé à ces niveaux la parole dans sa fonction de reconnaissance, qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que nous avons discerné par là même deux plans, dans lesquels s’exerce cet échange de la parole humaine, le plan de la reconnaissance de la parole en tant qu’elle lie entre les sujets ce pacte par où les sujets eux-mêmes sont transformés, sont établis comme sujets humains et communiquant, et l’ordre du communiqué qui peut se situer lui-même à toutes sortes de niveaux, depuis le niveau de l’appel de la discussion à proprement parler, de la connaissance, voire même de l’information, et qui en dernier terme tend à réaliser quelque chose qui est l’accord sur l’objet. Vous sentez que le terme d’accord y est encore, mais que l’important est de savoir dans quelle mesure est mis l’accent sur un objet, c’est-à-dire quelque chose qui est considéré comme extérieur à l’action de la parole, et que la parole en somme signifie, même, en dernier terme, exprime. » Lacan, Les écrits techniques, 1953-54, d’évoquer la cause toujours manquante à l’être parlant et qui nous est commune à tous.
L’évocation de cette solidarité là. Nous pauvres humains, frappés par le langage, dans ces conséquences là, l’évocation de cette cause, l’absente de toute les bouquets, fantôme, à notre malheur autant que nos bonheurs, et qui nous lie.

Un « du coup » pas loin du « donc » du sujet cartésien.

15h19 Misère. Je n’avais pas réservé pour le Louvre! !!!

Je pensais l’avoir fait et je ne l’ai pas fait. Sans doute aurai-je mené assez loin l’opération, parce que je m’en souviens, même du paiement, probablement l’aurai-je confirmé trop tard sur le téléphone, ou quelque chose comme ça.  Et la commande n’est pas passée. M’en rendant compte au moment de partir, là, ce matin, je me suis fort énervée sur moi-même … Et énervée sur F.  C’est typiquement le genre de situation insupportable, où il me semble que je me suis sabotée moi-même, que je me suis empêchée de faire ce que je voulais, je ne dis pas que tout cela soit conscient, d’ailleurs, c’est plutôt le contraire, mais la fureur, elle, ne l’est pas. Et j’en veux alors plus particulièrement à F. Je chercherais alors à lui faire porter le chapeau. Donc, bouleversée, je suis sortie puis une fois dehors, je ne savais pas quoi faire, ni où aller. Je suis allée, venue. Ai-je fait une course? Ca, c’est possible. Je cherchais le moyen de me calmer. Au retour, je me suis mise à travailler au blog, je pense. 

Et puis là, je viens de paniquer parce que je pensais que les Portes Ouvertes de Duperré, c’était aujourd’hui. Et j’ai alerté Jules en cours pour rien.  Je lui ai écrit paniquée, en lui disant de quitter le cours, alors que c’était la semaine prochaine !

Là, j’ai craqué pour de bon, je me suis laissée aller au craquage pour de bon, mauvaise mère par dessus le marché, le pire, et suis sortie, acheter des cigarettes.  Et là j’écris sur la terrasse du Bouquet du Nord et les terrasses ne sont plus chauffées à Paris.

Il faudrait maintenant prendre sur moi et prendre des places pour demain.

Je ne pense pas y arriver. Se punir soi même. Et punir F pour mieux me punir moi-même.

Et la cigarette : se punir encore. 

Punir F encore. 

Notes en bas de page

  • 1
    « Vous avez bien compris que si nous avons situé à ces niveaux la parole dans sa fonction de reconnaissance, qu’est-ce que ça veut dire ? ça veut dire que nous avons discerné par là même deux plans, dans lesquels s’exerce cet échange de la parole humaine, le plan de la reconnaissance de la parole en tant qu’elle lie entre les sujets ce pacte par où les sujets eux-mêmes sont transformés, sont établis comme sujets humains et communiquant, et l’ordre du communiqué qui peut se situer lui-même à toutes sortes de niveaux, depuis le niveau de l’appel de la discussion à proprement parler, de la connaissance, voire même de l’information, et qui en dernier terme tend à réaliser quelque chose qui est l’accord sur l’objet. Vous sentez que le terme d’accord y est encore, mais que l’important est de savoir dans quelle mesure est mis l’accent sur un objet, c’est-à-dire quelque chose qui est considéré comme extérieur à l’action de la parole, et que la parole en somme signifie, même, en dernier terme, exprime. » Lacan, Les écrits techniques, 1953-54
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