atténuations presqu’insensibles

lundi 22 août

10 :52

arrivés à donn hier soir.

au dîner, beaucoup bu1 , parlé plus que déraisons, mais sans en souffrir. j’ai essayé de dire, du mieux que je pouvais, et en tous les cas je n’ai pas été comprise. à peine entendue. aussi par des personnes qui pensaient avoir beaucoup moins bu que moi.

crise de « fracassemeur » durant la nuit. mais plus légère que celle que j’ai déjà décrite ici. le nom, ce nom, ce mot que j’avais écrit, « fracassemeur » donc, revenu, et tout ce que j’avais décrit autour présent mais atténué ( comme sous un brouillard blanc).  surtout envie mourir.

« fracassemeur » attribué donc à la cigarette  reprise hier même.

me suis levée, bu de l’orangina (dans cette envie de croire que du sucre m’aiderait)… fumé une cigarette, pris un demi-solian.

#

fermé le blog.

mal avec ces histoires d’internet. pour qui pourquoi, je ne sais pas. ce que je cherche en publiant sur internet.

11 :20

ventre gonflé.

donc, j’ai recommencé à fumer.

j’avais essayé d’arrêter avant-hier, ce qui m’avait mise dans une mauvaise humeur abominable. pleine de haine et de rancœurs. à quoi ça tient, cela, c’est ce qui est détestable. à quoi les humeurs parfois tiennent. à quels adjuvants.

en venant ici, en fin d’après-midi, acheté des cigarettes. histoire de me préserver et de préserver mon entourage. déjà que la présence des beaux-parents n’est pas toujours facile.

maintenant, je n’ai plus de patch. et ne sais pas si pharmacie ouverte.

11 :52

je ne sais plus du tout quoi faire. ça doit être un reste d’effet solian. l’effet donn (lié au bonheur d’être là) a quant à lui disparu. ou s’il n’a pas disparu, s’est atténué

17 :16

calme journée piscine avec jules. tour du jardin avec chester, si excité que tout de suite à bout de souffle, haletant,  hors d’haleine.

Notes:
  1. il faut toujours quand j’arrive à donn, et que mes beaux-parents y sont, que je m’assome, alcooliquement, dès que j’arrive, pour m’aider à les affronter. en général, dès que je me sens un peu assommée, j’arrête, mais là, j’ai continué. []

Sans titre

J’ai un bonhomme au cœur. Un bonhomme long. Je me prépare à aller à presque mort. Vous oublie. La vie en accompagnement lointain. Ce sont mes hanches que je suis.

le lendemain matin. il faut réduire en bouillie l’os pariétal. y a trop d’os beaucoup trop d’os, c’est pas de la poésie, c’est de la maladie, douleur. l’os de l’agence yves, à coups de marteaux, qu’ai-je fait seigneur qu’ai-je fait. nous étions partis à la campagne, j’ai fait aucune photo, comme une fille, je pars , j’oublie délicieusement, en fait, j’ai déjà fait les photos, mais je les ai perdues, la dure maladie est revenue, celle qui me rend tellement malade des os. de la mâchoire puis maintenant de l’estomac . que faire où partir. l’os de l’oeil à coups de marteaux, l’arcade. si c’est la qu’est l’écriture, alors je n’en veux pas . suis-je encore coupable. non, ma chérie, tu es juste très malade, en désamour. os et fiel de l’oreille. os et coup de marteaux au menton . coups raclent au front, raclage de l’os du front. des jours que ça dure que ça s’annonce, pauvre estomac, pauvre véronique.
désossement, degratée l’hostilité des os, de mes hôtes, retournés contre moi,  supplient d’être abattus à coups de hache. marcher vers astyanax.anxyanax.lysianax sous la couverture, à l’abri de la couverture, mendier la drogue, y a plus que d l’os  qui doit encore voler en éclats en tellement d’endroits de mon visage. Et parfois des doigts.
Final
Aucune poésie de la douleur quand l’os est certain, qu’on me donne cet argent et répare cette mâchoire et mon crâne.
Et mes dents,  sors de là ma pensée, sors, cesse les rimes

J’éteins la lumière j’appelle les oiseaux mon corps s’est séparé de moi mais je le sens encore. Mon ventre crépite,comme une machine ce que je comprends pas . Les camions sont venus à la place des oiseaux

NUIT

3h56, rengaine qui me vient à l’esprit1   : « Je voudrais me
Je voudrais me
Je voudrais me
Tuer
Je voudrais me
Je voudrais me
Je voudrais me
Tuer »

Qu’opposer à cela ? 

Tenter le mot « Vivre ».

Mais, nous sommes de retour à Paris, le matelas est chaud et mou et je ne sais à quoi m’appuyer, à quel endroit du corps (si ça fait sens de dire cela). 

Je viens dans le salon avec ma couette. Je vais voir si je trouve une meilleure place au sol, mais auparavant j’éteins toutes (tout ce que je peux, ce n’est pas toujours possible)  les veilleuses, toujours allumées et qui brûlent pour rien (hashtag PourRien), ce qui m’insupporte, viscéralement. L’idiotie de ces lumières rouges ou jaunes dont l’industrie veut qu’elles continuent de vriller nos nuits. Mais pourquoi (ne peut-elle pas nous restituer nos nuits noires).  

http://conseils-thermiques.org/contenu/arretez_appareils_en_veille.php

J’écris un mot rapide à A. qui m’a, me semble-t-il, parlé hier2 de séances qu’elle avait faites de « re-programmation du corps »  (je pense à la dé-programmation de ces méchantes petites phrases qui me viennent la nuit, de je ne sais où).  Il me semble qu’A disait qu’il s’agissait de déprogrammer des choses qui avaient été  utiles un moment et que le corps ne pouvait s’empêcher de répéter, cherchait ensuite à répéter, jouissait de répéter. Elle ajoutait qu’il s’agissait d’une théorie. 

2016-08-30 4:12 GMT+02:00 :
Comment s’appelle ce dont tu me parlais hier dans la rue ? L’auto-programmation ? La re-programmation ? Et comment me disais-tu que ça marche ?
C’était super de se revoir
Véronique 

5h15
Cher EL,  Je prends plume et papier pour vous écrire. Peut-être s’agit-il d’un acte magique et mes mots s’inscriront-ils alors délicatement dans votre chair (vous croyez, je l’espère, qu’elle existe), aussi vaudrait-il mieux que vous me lisiez de nuit, tout comme je vous écris.
Lettre abandonnée. 

Rengaine de 5h39 : au secours
au secours
au secours
au secours 
 
05:51 Je vous salue Marie 
05:56 De l’eau
De toute manière, je ne fumerai plus (les cigarettes de ma mère) puisque nous avons quitté Bruxelles. 
06:04 comment dit-on (prononce-t-on)  foie en anglais,  « liver » ? 

 ˈlɪvə(r

« Mais deliver-nous du mal. Amen. »
 
06:49 Couchée dans le canapé fuchsia. Décidément, je ne serai pas arrivée à lancer une relaxation. Chanson dans ma tête…. Seulement l’air, quelques paroles, chanson très chaotique, dont je ne connais ni le titre ni le groupe: …. who you really are
Who
who who
who who
who
 
08:51 réveil. Finalement endormie après entame de relaxation. Vlady, dans mon souvenir, les faisait en commençant depuis le bas du corps, depuis les pieds. Aujourd’hui, N les fait depuis le haut. Mais, peut-être qu’effectivement commencer depuis le visage est plus rapide. Je ne sais même pas si j’ai commencé depuis le visage. Je me disais, il suffit de nommer, nommer les parties du corps. Et en effet, cela suffit. 
 
09:00 Maintenant, j’ai comme le gueule de bois. Je n’ai pas bu hier.  Finalement, je n’ai pas bu à Bruxelles, seulement fumé et trop mangé (restaurants presque tout le temps). 
 
Je n’écris pas le plus important. J’écris ce qui s’écrit et qui est mûr. Ça tombe, ça se détache. Et, puis, j’écris d’abord ce qui guérit, j’écris pour guérir, ce que j’invente, je trouve pour guérir. Et puis,

je suis curieusement (affreusement, dilemnement, corneillement) tiraillée entre le temps pour le langage et le sens, le langage, le sens, la mémoire, et le temps pour ce qui n’en n’est pas,  ce qui y échappe,  ce qui permet d’y échapper. 

 
Aujourd’hui, je voudrais peut-être retourner aux mots, à cause aussi de mon frère que nous venons de revoir à Bruxelles et qui avait logé ici chez nous au début du mois. 
 
Mais, il me semble que j’ai, ces dernières années, perdu une grande partie de ma capacité à penser et à manier la langue. Je me suis vidée, petit à petit et possiblement également à l’aide des médicaments. Je me suis vidée pour n’avoir pas supporté, plus supporté de rester seule avec mes pensées. La jouissance de penser était trop grande pour arriver à m’en départir.  Et l’impératif  de n’en rien lâcher, rien donner, surtout rien,  trop importante.
 
Cette nuit je pensais : Il faut arriver à lâcher le rien pour le manque.
 

Le rien est cet objet qui fait bouchon au manque. On le voit dans cette image que je viens de donner. De la jouissance de pensée fermée sur elle-même dans la tête, bouchée, bouclée, ne laissant surtout rien s’échapper, formant l’objet rien lui-même, qui ne débouche sur rien. Rien est un nom du manque symbolique. Un nom qui appartient au langage.  L’intérêt de penser par le corps ou au départ du corps, c’est d’abord d’étendre les territoires de la pensée consciente et ensuite, surtout, que cela prenne son départ de ce qu’il y a. Qui scelle  l’objet de la jouissance de pensée (l’a-pensée). Le problème de cet objet, de ce recel par le rien, c’est qu’il s’extrait, qu’il tend à s’extraire du monde qui l’environne, à fomenter un monde pur esprit – dans un déni du corps que je ne m’explique plus. Et rien est aussi le nom d’une identification symbolique. Identification au signifiant qui manque au symbolique, au langage, pour le boucher. 

Enfin tout ça est assez imbuvable, pour ne pas dire imbitable.

Un déni du corps que je m’explique pas, disais-je. Peut-être parce qu’il est le lieu de cette jouissance de pensée sans que cette pensée en sache finalement grand chose, inconsciemment. Mais enfin, cette explication paraît un peu grossière. Peut-être parce que le corps est non seulement le siège de la jouissance de pensée mais également de bien d’autres jouissances. Ou parce que le corps a des trous et des besoins et des désirs et une vie qu’il paraît mener de son côté, dans une totale indépendance. 

Or nous pouvons le visiter de l’intérieur, nous pouvons l’apprendre, nous pouvons le ressentir, nous pouvons même lui parler, nous pouvons lui faire du bien, et nous pouvons ressentir le bien qu’il ressent de par  sa seule existence, de par son simple fonctionnement. Nous pouvons le sentir réagir à nos mots. Nous pouvons lui en apprendre de nouveaux mots et tenter de supplanter ceux qui se sont inscrits en nous, inconsciemment, et qui reviennent et pas toujours à notre plus grand  agrément (je pense à mes rengaines suicidaires bien sûr).

Enfin, il ne s’agit ici que d’une tentative de mise en boîte de phénomènes étranges que j’observe par ailleurs. 

Et que le jouissance d’un pur esprit,  la jouissance de pensée, est plutôt celle d’un corps couché, sans mouvement. Sans interaction physique avec le monde extérieur. 

D’où ma méfiance à l’égard des jeux vidéos, à cause du sentiment qu’ils ne relèvent finalement que de jeux de l’esprit. De jeux de l’esprit et de jeux de maîtrise, dont le corps est absenté.

Et je reviens à cette idée que nous vivons dans un monde qui tente à nous défaire du faire, à nous désapprendre le faire. A cette idée du monde ready-made, où notre corps n’a plus rien à faire sinon du sport, histoire de correspondre à une certaine image d’un corps maîtrisé (et dont la jouissance est maîtrisée). Où les liens du corps et du faire ont été effacés, détruits. Où les liens du corps et de la personne qui l’habite sont jours après jour supprimés.  Où ça a de moins en moins de sens d’être physiquement dans le monde, sinon comme image, et de préférence comme image d’un corps jouissant convenablement,  sautant, bondissant, dansant, courant, riant dans une parfaite maîtrise de lui-même –  quand cette maîtrise nous est retirée jour après jour que nous passons dans des bureaux idiots à des travaux idiots.  Ces lieux où nous sommes séparés de nos corps, amenés à tous devenir idiots (parce que c’est ça la jouissance phallique dont parle Lacan, c’est ça la jouissance de l’idiot : celle du manche et du pur esprit, celle du mort). 

Ceci en grande partie inspiré par le film Demain

[Écrit dans la nuit du 29 au 30 août. Et publié le 5 septembre après une nouvelle et longue et pénible nuit d’insomnie.]

 

Notes:
  1. bon d’accord,  fumé hier, 2 cigarettes, me semble-t-il. et puis, je ne sais plus si j’ai déjà parlé de ces rengaines qui me visitent inopinément la nuit, probablement. []
  2. nous étions à Bruxelles []

le dentiste tué d’une balle dans la bouche
— jeudi 22 oct. 2020, 10:56

Donn

22 octobre, jour de mon anniversaire, 57 ans.

  1. Je suis en prison. Peu de souvenirs. Beaucoup de monde. Dortoirs.
    Je dois aller chez le dentiste.
    Quelqu’un essaye de tirer dans le dentiste qui a la bouche ouverte, dans sa bouche.
    Il n’est pas mort. Les portes ont été fermées.
    De l’autre côté de la paroi quelqu’un tire au hasard et touche le dentiste au cou, il meurt.
    Je me réveille. Je me dis que je ne dois pas oublier. Je me souviens alors de beaucoup de choses. Je me rendors. Je rêve la suite du rêve.
  2.  Toujours en prison, je dois rentrer à la prison après l’assassinat du dentiste. C’est la nuit, j’éprouve de la fatigue. Il fait noir. Je marche entre les lits.
    Quelqu’un pour une raison oubliée allume toutes les lumières en poussant des cris.
    Tout le monde s’agite.
    Je profite de la lumière pour me mettre en pyjama. J’y parviens. Je me couche alors que c’est le branle-bas de combat. Irène (très belle femme, amie, longtemps compagne de mon frère, femme très aguerrie, combattante) me dit qu’elle se demande comment elle doit s’habiller. Je lui dis qu’elle est très bien comme elle est. Elle se fâche en se déshabillant, me dit qu’elle ne me connaît pas assez (comme si nous allions sortir dîner), qu’on voit ses seins à travers le chemisier (je les vois alors en effet, je vois sa silhouette, elle se tient debout sur son lit, dans une position un peu en déséquilibre). Une fois changée, dans une tenue plus adéquate, elle s’en va en courant par dessus les lits.
    Je sors. De loin, il me semble pouvoir observer qu’une manifestation avec d’énormes blindés militaires passe de l’autre côté du mur de la prison. Je les vois qui dépassent au dessus des murs de la prison, dont il n’est pas sûr qu’ils soient toujours debout (les murs). Je ne sais pas ce qui se passe. Il s’agit de défendre quelque chose. Je ne suis pas sûre qu’il s’agisse de la bonne cause (ce pourrait être un coup d’état fasciste). Je marche lentement, à contre-cœur, vers les lieux de l’agitation.
  3. Je suis arrêtée par l’observation d’une petite fille qui se tient immobile au milieu du courant. Elle fait quelque chose de très extraordinaire. Elle est capable de faire quelque chose d’extraordinaire et de surprenant. C’est petit, ça tient dans ses mains. Je ne sais plus ce que c’est. D’autres adultes sont penchés sur elle, attentifs. Je m’approche, elle me montre, me parle doucement. Nous remontons alors, devisant, à notre affaire, vers les lits.

Samedi 24 octobre

Dentiste
Je souffre d’une maladie parondontale, une parodondite. Je suis donc souvent amenée à aller chez le dentiste. Je pourrais y perdre toutes mes dents. J’en ai été beaucoup plus inquiète qu’aujourd’hui, je m’y suis faite.
C’est curieux que ce soit le dentiste qui soit tué. Balle en bouche, balle dans le cou.
À cette maladie, je lie la cigarette, dès que je fume, elle se réveille.
Il y a cette paroi au travers de laquelle le tireur tire, à l’aveugle (comme la paroi dans laquelle se fiche la balle de l’autre rêve, ah non du film, Le cercle rouge.)
Je pourrais retrouver le rêve fait il y a quelques années intitulé par moi : Parondontologie à la gencive / Par odd ontologie à l’agence Yves. Yves étant le prénom de mon analyste, de mon premier analyste à Bruxelles, pendant 10 ans. Roger chantait cette drôle de chanson : À l’agence des amants de Madame Müller.
Il y a aussi ce bout de phrase : suicidé balle en bouche (le grand père du château).
La paroi me fait penser à un film de samouraïs vu il y a quelques temps (Lone Wolf and Baby Cart). Le héros tirait souvent au travers de parois sans jamais rater son coup. Il devait entendre où l’adversaire se trouvait. Un ancien samouraï déclassé, parti sur les routes avec son fils, jeune enfant, qu’il pousse dans une drôle de charrette, pour venger l’assassinat de sa femme. Il ne tire pas de balle, use d’un sabre.

Troisième partie du rêve. Je ne sais quoi ajouter. La petite fille est toute petite, mais en âge de parler. Ce sont d’autres adultes qui sont d’abord avec elle. Puis moi. Elle m’est inconnue. Et elle le reste. Ce dont elle s’occupe évoque le tai chi. Une matière, une énergie impalpable, concentrée.

Bouche. Quand je ne vais pas bien, j’ai une tension particulière dans la bouche, je me souviens que je la ressentais, comme l’inscription même d’une maladie terrible dans les gencives, dans la mâchoire. J’essayais de travailler là dessus, de me détendre de la soigner avec du Chi, la nuit.
En ce moment, tension légère quand je fais du chi (travail du Chi), au moment de la prise en main du tantien. Toujours comme si la bouche voulait faire l’exercice à la place du ventre. Toujours occupée à essayer de détendre. Enfin, depuis quelques semaines. Puis, quand c’est bien parti dans le ventre, ça disparaît.
C’est quelque chose de connu en tai chi : comment démobiliser l’appareil phonateur, dans tout ce qu’on fait, sa constante participation, toujours à accompagner les pensées, à les articuler, déplacer alors l’appareil phonateur dans le ventre, au tantien, pour mettre la bouche au repos et disposer de toutes ses forces dans le ventre.
Quand la parondontite est en crise, c’est tout l’appareil phonateur qui va mal, la gorge, le nez les oreilles. Je soigne l’inflammation avec huiles essentielles.

*
*     *

Pierre B., prof de tai chi, travaille beaucoup la disparition du corps. Ça n’est pas difficile pour moi. Je ne le suis pas dans sa façon de nommer Joie ce qui s’éprouve alors. Je me trouve dans quelque chose de neutre et parfois d’agréable ou  de sensationnel.
Cours : Je me tiens assez bien à cette idée que je peux m’en sortir, que je suis tout à fait à ma place, que je peux m’en sortir sans la discipline quotidienne, sans les « années de pratique » toujours évoquées. Idée, volonté, qui date de l’été. Mais déjà bien préparée dans les derniers temps avec N, à cause de la souffrance, du mal-être, du malaise lors des cours ou des stages. Ce malaise de la mesure à l’aulne de l’autre. Ressenti par nombre d’autres que moi lorsque je leur en parlais. Quelque chose que N n’a pas la clé pour faire disparaître, qu’elle évoque bien sûr, aussi bien qu’elle provoque (les bons points, les mauvais points, les privilèges). Je laisse place à une volonté de tout, tout de suite, pas tout à l’heure, pas dans 10 ans, dans 20 ans, une volonté de sortir de l’idée du progrès, d’apprécier pleinement ce qui est là, dont je suis seule à pouvoir juger, que je veux d’ailleurs sortir du jugement, qui n’est plus dans le jugement.
Les cours que j’ai suivis pendant l’été étaient d’un niveau très avancé et c’était très bien. Jamais je ne me suis laissée distancer, préoccuper par le fait que quelque chose n’allait pas tout à fait. Il y a toujours moyen de revenir dans l’instant, l’instantané.
Hier, Pierre a fait un récapitulatif de ce qu’il avait fait jusque là, et je me suis dit que ce serait bien que je reprenne, seule et prenne du temps pour… prendre au sérieux, travailler, ces propositions. J’ai senti chez lui une volonté d’enseigner et que ce pourrait être bien que je m’affronte un peu seule à… ce qui ne va pas tout seul…
Les cours de Pierre sont très proches de certaines sensations très fortes que j’ai pu éprouver petite fille. Donc, si dans les préparatifs « musculaires », techniques, je peux être parfois un peu perdue, quand on arrive au moment de la technique à proprement parler, à l’effet recherché (même si ça a déjà lieu tout au long de la préparation, si ça s’annonce), je constate que j’y suis toujours instantanément. Peut-être en va-t-il de même pour tout le monde. C’est à chaque fois une immense surprise. Même s’il y un refus des termes, refus sans animosité bien sûr, simplement ça ne me touche pas, que Pierre peut alors mettre : Vie ou Joie ou Force. Mais, peut-être que c’est chez moi quelque chose de l’ordre d’une défense. Qui me ressemble. J’aime alors ma neutralité.
J’ai déjà utilisé l’idée de vie pour contrer celle de mort. Je l’ai déjà fait pour combattre de très fortes angoisses, la nuit. J’ai brandi ce mot, de la façon dont on peut le faire lors des relaxations en tai chi, ainsi que je l’ai appris avec N, avec Vlady avant elle, pour l’opposer à ce qui s’imposait à moi. Dans une certaine neutralité, c’est-à-dire sans exaltation, sans croyance, j’ai brandi le mot Vie vide, tel que je le ressens, contre ce qui m’envahissait, de mortel, et où la mort, elle, avait ses mots lors des crises où j’entends des injonctions à mourir,… et ça avait marché. C’est vrai. C’était un exercice contre-nature, foncièrement, contre ma nature, mais c’était indispensable.
Quand dans le travail de chi on se vide, c’est comme quand j’essaie de vider la mâchoire, c’est arrêter un instant, dans tout le corps, l’incessante articulation. Pour la résoudre dans un point de vie, de battement, celui du tantien. Et ensuite re-remplir le corps d’une matière fort agréable. Et dans laquelle on croit, je crois à la bonté, au bon de cette matière. Et, c’est comme re-faconner de l’intérieur, se refaire.
Je connais bien sûr, parfois, la joie. Des moments. Rares et simples, intimes, silencieux. Pierre, comme professeur, doit les mettre, sur le moment même. Ces mots. Et c’est bien. C’est très bien. Cela sert, dans l’après-coup, l’après cours.

l’accident de ma mère

Hier, dentiste. M’a arrangé les dents de devant. Ça a été assez long, 2 heures. Je ne m’y attendais pas, à ce qu’on a fait. Le résultat est joli, inespéré. On peut craindre cependant, je crains, que ça ne tienne pas.

Soir, après minuit, n’arrivais pas à dormir. Et soudainement ai pensé au rêve du dentiste assassiné et… c’est devenu affreux… instantanément. 

Je me suis souvenue de l’accident de ma mère, à ses dents de devant, quand elle était petite, j’essayais de me rappeler ce qui lui était arrivé, elle avait, je crois mais je me suis mise à douter, je l’ai toujours su, mais là, je me rendais compte compte que je l’avais oublié, reçu une porte en pleine figure, ce qui lui avait explosé les dents de devant. Ma tante, Titi, avait claqué cette porte. Et je me demandais si le souvenir était exact. Et comment il était possible qu’un accident similaire soit arrivé une génération après, quand l’un de mes cousins a claqué une porte sur son frère, en verre, ce qui a entraîné une très importante blessure au bras. 

C’est ce qui me faisait douter. 

Et, lorsque je me suis souvenue de l’accident du dentiste, dans mon rêve, de son assassinat, la balle qu’il reçoit dans ses dents, je ne sais pourquoi, je me suis mise à imaginer/sentir l’éclatement de mes dents de devant, les dents même qui avaient été travaillées, celles de ma mère, ça ne cessait de se répéter. J’ai déjà vécu ça, c’était atroce. Par le passé. Pas dans la réalité, de cette façon. Un peu comme une hallucination. Ça se répétait, les coups, et j’entendais au loin une voix qui disait des choses peu aimable. 

Par le passé, c’est comme ça que ça avait commencé, les coups. Dans la figure, la mâchoire, le cou. Le crâne, les os du crâne explosés. La mâchoire. L’année où on est allé en Toscane. C’est là que les « Fracassemeurs » avaient commencé. Avec des coups ultra violents, puis les voix. Après, les coups ont disparu, il ne restaient que les voix, que je pouvais entendre n’importe quand. D’abord, de façon très angoissante. Mais, petit à petit, je me laissais moins impressionner. Je me disais que ça n’avait aucune signification. Que ce n’était que du bruit. (Et le signe d’une volonté, isolée, mauvaise, en moi.)

Et ça a disparu. Je l’ai lié de plus en plus certainement à la cigarette. Parce que déjà en Toscane, j’avais remarqué que c’était lié à la cigarette, au fait que j’avais recommencé à fumer, jamais plus d’une cigarette par jour cependant. Et les terribles crises, elles apparaissaient chaque fois que je fumais. Une cigarette. Et chaque fois que par la suite, j’avais repris la cigarette, rarement plus d’une par jour, les crises revenaient, surprenantes. Mais, de moins en moins graves, parce que j’avais appris à les connaître. 

Je me suis levée très vite, c’était trop affreux, j’ai pris un demi anafranil, et me suis recouchée. J’ai dit à Frédéric que j’avais d’affreuses angoisses. Il m’a prise dans ses bras. C’était bien, ça aidait, sans pouvoir  être suffisant. À un moment, son doigt a touché mon cou, j’ai pensé balle dans le cou. Je n’avais aucun moyen d’agir sur ma pensée. J’ai eu de loin l’idée d’exercices de relaxation, mais… Je ne pouvais qu’attendre. Je savais que le médicament ferait son effet et que je finirais par m’endormir.  

Bien sûr comme le dentiste avait travaillé ces dents, elles étaient sensibles. 

Ma mère porte un appareil dentaire. À ses dents de devant, de la mâchoire supérieure.

Je me souviens, souvenir-écran, d’un matin, devant la porte d’entrée de sortie, vitrée en partie, de la maison, je m’apprête à sortir pour aller à l’école, ma mère m’embrasse pour me dire au revoir. Je ne sais pourquoi à cette image se lie le souvenir du désir qui m’est venu d’avoir comme elle un appareil. Alors que mes dents étaient… parfaites. « De petites perles », aimait à répéter ma mère, reprenant les mots du dentiste.

mar. 27 juillet :: rêve -affublée d’un double

À ce que j’écrivais ce matin, je voudrais rapidement ajouter que je m’étais d’abord réveillée fort prise dans un rêve où j’ai aussi longtemps que possible continuer d’errer, que j’aimais alors qu’il s’agissait d’un cauchemar, dont je ne me souviens d’aucun terme, si ce n’est, peut-être, celui exagéré des silhouettes de ce sculpteur dont le nom me revient : Giacometti.

J’étais dans le rêve affublée d’un double, crois-je. Un double masculin dont l’allure évoquait l’un de ses longs marcheurs au corps de terre adoigtement rapprochée (je le dis comme ça me vient). Ce double avait une fonction déterminée liée à ce qu’il ne soit pas sans sens qu’il soit, lui, de sexe masculin. Cette fonction s’exerçait sur moi, consistait à me faire faire quelque chose. D’autres personnes étaient ainsi affublées de doubles. De doubles comme d’ombres.

(Dans une revue, j’avais vu hier une sculpture de Giacometti constituée, je crois, de 4 de ces longs marcheurs (pris dans une sorte de carré, de plaque carrée, à distance respectable les uns des autres), chacun solitaire*. Il y a de ça dans le rêve. Ainsi qu’une petite céramique de mon père.)

Eveillée, songeant à ce rêve, l’oubliant tout en même temps, constatant ma fatigue, j’entendis l’une de ces voix dont j’oublie toujours les paroles, qui me disait, mais de façon fort neutre, de mourir. Je l’ai observé, le phénomène, j’ai vu qu’il pouvait s’amplifier (les phrases étaient prêtes à faire chorus). Je n’avais pas du tout peur, n’étais pas mal à l’aise, restais dans les traces du rêve où j’aurais aimé retourner, dans l’observation de mon ample fatigue, très remarquable, très agréable. J’ai envoyé tout de même l’une de ces phrases un peu stupides que j’utilise parfois pour contrer le phénomène, où je m’enjoins à vivre plutôt (que de mourir). Phrases un peu stupides, inspirées par le tai chi, mais qui ont certainement largement contribué à dédramatiser le phénomène, qui fut autrefois douloureux, qui l’est de moins en moins. Qui n’est plus qu’un signe mystérieux de je-ne-sais-quoi, d’une réalité de mon fonctionnement, d’une vérité même. Il y a en moi quelque chose qui ne tient pas tellement à ce que je vive.

Or, c’est la neutralité ce matin qui était le sentiment dominant. Rien n’était désagréable. Alors même qu’il y avait le cauchemar et les phrases. Je préfère le préciser, cette indéniable amélioration. Car j’ai écrit ici par le passé, le mois dernier, des choses qui moi-même m’ont effrayée.

Je ne dis pas qu’il n’y ait pas d’autres choses à écrire ici, qui aient trait à ce phénomène (des ordres de mourir que j’entends, ou des injures), dont, si je puis dire, la charge virale semble s’être considérablement amoindrie. Je le ferai. Je crois bien que je le ferai.

C’est ce phénomène, dont je ne retiens jamais comment les psys l’appelle, ce que j’ignorais jusqu’à peu, qu’ils l’appelaient, le nommaient, jusqu’à ce que je commence à lire sur la bipolarité, qui a signé pour moi ma mélancolie, dont j’ai même lu qu’elle était considérée « déclenchée » une fois que ces voix apparaissaient. personnellement, j’aurais préféré la case « psychose ordinaire ». Mais bon, ça change.

* Illustration : La sculpture était plus grande que celle de l’illustration que j’ai utilisée, sans être surélevée. Les personnages au moins 4, et plus distants.

BXL, ven. 3 sept – ne vois-tu pas que je brûle

Jeudi 2, suite du rêve raconté plus tôt, dans le train vers Bruxelles, 10h30

Dans la même chambre : de ma cousine S. Ai-je pensé à elle récemment? Peut-être hier. Pourquoi? Lui parler du psoriasis de mon frère. Toutes ces maladies auto-immunes qui se multiplient dans la famille. Elle-même gravement atteinte. Côté de mon père, donc, plutôt. Pourquoi ne l’ai-je pas appelée, ma cousine, manque de temps, toujours. Un coup de fil : briser dans l’habitude, dans le train-train.

Sylvie, dans l’enfance, dite « garçon manqué » et moi très petite fille (et comment j’y tenais à mes tresses, à mes jupes).

Nous ne somme pas dans le même lit, Edouard et moi, pas à la même place.
Comme ma cousine et moi-même dans sa chambre autrefois.
Or, à la réflexion, il me semble être plutôt à sa place, de ma cousine, dans le fond de la chambre, et E. à la mienne, près de la porte, dans une encoignure où un placard.
Le lit de Sylvie, la place où je suis, se trouvait tout au fond de la chambre, qui était très en longueur, dans une partie que je ne connaissais pas, qui m’était inconnue, et ma timidité m’aurait bien empêchée d’y aller voir. Je suis donc à une place inconnue de moi.
Cette place m’évoque également, de façon lointaine, une place d’un lit d’Anton dans une chambre d’hôtel à Tokyo, un lit au bord d’une fenêtre d’un très haut étage.

S’agissant des deux places, celle d’E, la mienne, un lit est « rajouté » (dans la chambre de ma cousine, il s’agit d’un lit d’ami situé, me semble-t-il, dans un placard; dans la chambre d’hôtel, c’est un lit pour enfant, rajouté à la suite) mais les « rôles » sont inversés ou plutôt mélangés.

Chambre cousine :
Moi : lit de ma cousine (« garçon manqué ») dans la partie de la pièce que je ne connais pas et lit Anton au bord du vide;
Edouard : mon lit d’invitée, placard, près de la porte.
…. « Immixtion des sujets » dans le rêve…. dans la réalité…

Couloir éclairé chez Rose. Pourquoi ce détail, pourquoi le souvenir de ce couloir et de la porte des toilettes, juste en face.
Toutes les portes du vaste appartement portes bicolores, rose et beige, leurs moulures ovales, en « oeil de boeuf », les boutons de porte dorés, ronds, avec la serrure incluse dans celle des toilettes.
Présence/absence de ma tante, de la soeur de mon père, de la soeur de mon oncle.
Rose, est aussi le nom de la femme (prostituée) pour qui mon oncle a tué deux personnes.

Cigarette. Chez ma mère, je vais avoir envie de fumer. Toujours chez elle je fume. De la cigarette, il me semble avoir déjà parlé ici. Fumer me donne des boutons, j’y pensais encore hier, et ravive mes inflammations de la bouche. Tout cela souvent couplé alors à des réveils intempestifs dans la nuit et des « mauvaises pensées » (les pensées cruelles, méchantes, les injures, les invitation à mourir). Souvent je pense que c’est la cigarette qui tuera ma mère.

L’agressivité. Edouard, lui, ne l’est jamais, agressif. Il le devient donc. Contre toute attente et en même temps, ça ne m’étonne pas. Dans le rêve et au réveil, je pense « déclenchement », je pense « psychose ordinaire ». Je me suis interrogée hier encore sur ma « folie ». Je relis en ce moment l’article de Sophie Marret sur la mélancolie. Cette agressivité est celle de mon oncle, celui susmentionné, est la mienne quand je vais mal, celle qui justement, ces derniers mois s’est fortement atténuée, voire a disparu, est devenu remarquablement contrôlable. Cela s’est passé avec l’analyste, avec Hélène Parker, et, je le crois, grâce à l’huile de CBD. L’agressivité, les sautes d’humeur, c’est ce qui m’interroge. Les dits « troubles de l’humeur ». Je voudrais apprendre à écrire quand ça arrive. C’est difficile. Il y faut une part d’humilité et de renoncement. Humilité face à la grossièreté de ce qui arrive. Dès que c’est décrit, analysé, cela devient grotesque, on en aurait honte. Comment contrebalancer cela. Parce que l’angoisse est réelle et la prise instantanée dans ce ciment bien involontaire. Et renoncement, probablement à la part de jouissance, à une part de la jouissance incluse dans ce symptôme. Puis, il y a la résistance, dont je ne sais rien. La résistance du symptôme, qui tient à sa propre peau, qui est d’une malignité extrême, qui refuse de se laisser évincer. Actuellement ma tactique, c’est le silence. Je réagis subitement trop fort à quelque chose, ça monte, ça surprend. Je me tais. On se tait. Je ne me laisse plus leurrer (par ce qui ferait la phrase du fantasme éveillé, lequel reste à écrire, à tout hasard, je risque, parce que cela résiste à être retenu : je ne suis pas entendue). Mais l’angoisse, massive, la prise, est là. Il m’est alors, par exemple, arrivé de me dire que j’allais faire une heure de ménage. Puis une deuxième, puis une troisième, etc. Dans le blanc, l’absence de sentiment, la patience, une forme d’indifférence travaillée pour elle-même. Et puis tout d’un coup, je peux de nouveau m’adresser à Edouard, ça repart. Car c’est toujours d’une agressivité qui se manifeste vis-à-vis de lui qu’il s’agit, une déchirure dans l’angoisse.

Vous n’êtes plus là, vous, l’analyste, il devient fou : Ai-je peur pour moi? Il arrive que je m’interroge, en particulier hier. Tellement de choses sont « tombées » pendant les vacances. Le tai chi, l’analyste. Tombées comme des écailles. Je suis seule avec une forme de vide, qui n’est pas forcément très net, je n’ai plus, me semble-t-il, d’appui extérieur, de structure soutenante. Ou, il y en a une et je ne l’aperçois pas. Ou, je n’en n’ai plus besoin. Je sais le vide et l’inanité et je vis. Il y a Edouard et il y a la structure de la famille, celle-la même que j’avais du mal à supporter. Cet été à Outrée, il a fallu faire beaucoup de ménage, je l’ai fait. Parfois avec plaisir, me demandant si je l’écrirais, ce plaisir, parfois dans une forme d’indifférence, parfois combattant l’angoisse, mais jamais fâchée. Revenue à Paris, j’ai repris ces activités ménagères. Je me suis dit : alors c’est ça, les choses ont bougé de façon telle que simplement maintenant je peux supporter de m’adonner à cette activité sans rage, sans désespoir. Les choses ont bougé de façon telle, qu’il ne reste plus que ça. Après l’identification d’une « mélancolie ménagère », c’est fait, je m’y suis faite et supporte et c’est bon? (j’ai trouvé le moyen de supporter d’être dans la peau de ma mère ?)
Je suis arrivée à parler un peu, autour de ça. Ma façon d’avancer de proche en proche, « dans la métonymie », incapable d’envisager la globalité d’un travail…. Avec le risque de l’infinitisation… Revoir la théorie d’Achille et la tortue. La nécessité qu’il y a que je montre, parle de ce que j’ai fait, que nous parlions chacun de ce que nous faisons, que je ne fasse pas les choses seule dans mon coin, sans reconnaissance, que nous n’avancions pas dans le sacrifice, au contraire que nous cherchions la reconnaissance.
Bon, on arrive à Bruxelles.

Bruxelles, vendredi 3 septembre

Dans le salon de ma mère, après nuit largement sans sommeil et réveil me disant : Je me déteste, je me déteste, je me déteste…. C’est une nouvelle variation, moins cruelle, de mes « fracassemeurs ». Je l’attribue aux cigarettes fumées hier, de même que l’insomnie.

La lumière dans le couloir. Présence, je le redis, de ma tante Rose. Elle, complice de mon oncle, du frère de mon père, de sa folie (parano), aveuglée par son amour. Elle et ma grand-mère. Fascinées par ce personnage brillant, cet acteur de cinéma. Mon grand-père qui dit à mon père : Plutôt que tes petits dessins, fais plutôt comme ton frère, regarde comme il s’en sort bien. Ignorant que l’argent ramené par lui à la maison est l’argent de casses, de braquages. C’est maigre, ce que je dis là…

« Père ne vois-tu pas que je brûle? » « Siehst du nicht dass ich verbrenne? » Le pathétique de cette phrase. J’ai beaucoup travaillé ce texte de Freud, je ne m’en souviens plus du tout. Qui brûle? Quelle éternelle brûlure ? Quel père à jamais déploré ? J’y suis le père endormi, que ne réveille pas l’incendie dans la pièce à côté. L’Un-sans-dit. La cigarette.

Le bandage pitoyable sur la bouche, la lèpre. Mon pauvre enfant. Une lèpre causée par la colère, et si mon souvenir est bon, une volonté mauvaise, une volonté tueuse, dans cette colère.

Une fois que le mal est connu, l’enfant peut être guéri.

Qu’est-ce que je sais de ma colère? Revenir sur le sacrifice. Relire ce que j’ai pu écrire sur le « Père ne vois-tu pas…« 

Dans 10 jours (le 13), l’anniversaire du double meurtre de mon oncle.

Bon, c’est pas tout ça, j’ai du travail.

Edit, dans le train de retour à Paris, samedi 4 sept.

la lèpre, la covid. Benedetta, vu et non aimé. le bandeau sur la bouche, qui évoque ce que j’ai pu dire déjà auparavant de la maladie de la parole et de la parole empêchée, dans le cauchemar du 18 juillet, publié ici dont j’écrivais :
 » évoque peut-être quelque chose de l’insupportable de la parole, parfois pour moi, quand je vais mal, en risque de tourner à l’agression (j’aboie) ou d’être ressentie comme agressive (tu me tues), tandis que je l’aime quand elle raconte des histoires, qu’elle m’humanise. une parole, est ce qui doit toujours m’être donné. mais dites seulement un parole et je serai… »
Hypothèse : La parole est la maladie.

tu je 1, 2 et 3

tu je 1
tu vois
il n’y a plus du tout de je
il n’y a plus du tout de tu
(on dirait)
et je parle à je
je lui dis
qui es-tu
je me dis
qui est tu
qui est tue
et surtout
que dis-tu
que dit tue
et pourquoi ?
est ce tu
(des profondeurs)
tu es je
je vois-tu
ça me tue
ça tue je
ça je tue
 
puis tu dis
mais à qui
tu te tues tu te tues tu te tues
tu redis
mais à qui ?
et pourquoi ?

tu je 2
que tu dis que tu dis que tu dies et que du
que je dis que je dis que je die et que jus
que je mie que je tie que je die et que tu
que tu zides, que tu dizes, que tu dizes et que zu

tu je 3
que tu gies, que tu gies, que tu gies, et que jus
que tu gies, que tu gies, que tu gies, et que ju
que tu gies, que tu gises, que tu gises, et que j’us
que tu mises, que je tises, que je tuses, et que j’eus
que je rie que tu dies, que tu filles, et que dû que je gie,
que je gie, que je gie, et que j’eus
que je gie, que je gise, que je gise, et guedu
que je sus, que je mû, que je nue
et guedu

Atelier Anne Sexton

mercredi 11 janvier 2023
— « Il y a deux façons chez nous de devenir chamane : soit par la lignée, soit en ayant traversé des maladies ou des accidents »

Sept heures du mat, ou par là. Hier quatre gouttes. Levée à cause de trop de mots dans la tête, difficile à décrire, pas vraiment angoissant, mais ennuyant. Ça a commencé par « fracassemeurs » (mauvaises pensées, mots qui se répètent tel que « haine » ou « meurs » ou « tu es morte ») auxquelles j’opposais pensées « bonnes », puis ça s’est mélangé à des phrases ou des mots interrompus ou par des mots inexistants, des syllabes sans sens, le tout répété, martelé. Encore une fois sans angoisse, sans sentiment de malheur, mais j’ai préféré me lever.

Rêve cette nuit : rêvé de Vlady ! de Vlady et de sa femme, Michèle.

Ils venaient, ils devaient donner un stage. Il fallait tendre ses mains, Vlady passaient entre les participants et il s’est arrêté à moi, j’étais étonnée, il me disait que mes mains étaient pleines de chi et j’étais choisie.

C’est le premier jour, c’est une séance de chi, en fait nous sommes couchés sur le dos, nous dormons je crois, mais nous ne dormons pas, et je sens des choses dans mon ventre, et je sens la lumière environnante, nous devons être à l’extérieur, il y a du soleil, nous sommes dans la nature, couchés sur l’herbe, à l’ombre d’arbres, et je m’étonne, mais nous traversons une sorte de nuit, dont nous sortons, c’est la fin du premier jour, Quelque chose s’est transvasé de Vlady à moi. Vlady est très fatigué.

Soit on fait du tai chi tout de suite, soit on attend le lendemain.

Il y a quelque  chose qui empêche d’arriver au lendemain. Quelque chose chez Vlady, sa fatigue.

Hier, vu encore un épisode avec F de cette série coréenne sur Netflix, Somebody, où l’un des personnages est une chamane. Après l’épisode j’ai fait une recherche Google sur le chamanisme en Corée, je ne sais pas vraiment pourquoi, parce que j’avais envie d’en savoir plus, j’ai d’abord surtout regardé les résultats images, et j’ai bien  vu des photos avec des chamanes dont les costumes, blancs, ressemblaient à ceux de la série. J’ai appris qu’en Corée c’était surtout des chamanes femmes. Ensuite,  j’ai lu un article du Monde, « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les chamanes« , dans lequel il est question du chamanisme dans les différentes parties du monde. Il est un endroit, je ne sais plus où, où l’on devient chamane après être passé par des épreuves, maladie ou autres. Et j’avais pensé que peut-être, si j’avais vécu dans ce pays, je serais devenue chamane. Le chamane est celui qui fait la liaison avec les esprits de la nature ou des morts. Dans la série, c’est un « colonel » qui communique avec la chamane. Qui lui communique ses pouvoirs. Avant de m’endormir, j’avais essayé d’imaginer m’ouvrir à ce qu’il pourrait y avoir d' »autre » en moi et autour de moi et au-delà, de me rendre disponible au plus étranger, peut-être d’ouvrir mes perceptions à la maladie comme à ce qui me serait de plus étranger, m’ouvrir à ce qui vivrait selon de toutes autres lois. Tenter d’ouvrir mes perceptions à ce que je ne saurais absolument pas.  Je n’ai rien senti, je crois, mais je me suis vraiment endormie en réfléchissant à cela, en me demandant comment penser ce qui vous serait à la fois le plus personnel et le plus absolument étranger.  Et voilà  que je fais ce rêve-là !

A la fin du premier jour, Vlady est comme bloqué. Et je me souviens que dans l’article, il est expliqué que lorsqu’une maladie ou une douleur se manifeste, il peut s’agir  d’un pouvoir qui est bloqué, et qui lorsqu’il est débloqué, lorsqu’il n’est plus empêché, devient le pouvoir du chamane. C’est comme si à cet endroit-là du rêve, Vlady était atteint par « ma propre maladie »… Enfin, c’est ce que j’avais pensé, que ma maladie pourrait être l’expression d’un pouvoir contraint. Ce n’est pas que j’y croie, à ce pouvoir, mais je pensais que dans d’autres civilisations, d’autres cultures, cette maladie pourrait être perçue autrement. C’est tout de même bien ce que je veux chercher à montrer, démontrer, dire. Jusqu’à quel point notre monde ne tolère absolument pas la folie (que par ailleurs il ne cesse de provoquer (et comment) ) et jusqu’à quel point cette folie n’est pas « calculée », ne peut absolument pas s’inscrire dans l’actuel projet de société du monde contemporain, celui du travail obligatoire, du progrès, de la science, et de la morale. Comment faire place à la contradiction, à l’antinomique, à l’anti-dialectique, à « l’en même temps » m’étais-je demandée dans la journée, sans arriver à le formuler. Que faire de ce qui « ne calcule ni ne juge », comment faire place dans la conscience à ce qui s’oppose à la conscience, à ce qui fonctionne selon d’autres lois ? Le tai chi, tel que je l’ai pratiqué y pense, va vers ça.

Je retrouverai l’article.

Extraits :

« Il y a deux façons chez nous de devenir chamane : soit par la lignée, soit en ayant traversé des maladies ou des accidents », explique Eirik Myraugh, lui-même noaidi, terme qui désigne la fonction de chamane chez les Samis. Ce dernier peuple autochtone d’Europe du Nord est encore en partie nomade éleveur de rennes, mais bien ancré aussi dans la modernité scandinave.

Le chamane est un intermédiaire entre le monde visible et les mondes invisibles, décrits différemment selon les cultures, mais avec de nombreux points communs. Ces espaces sont accessibles par un élargissement de l’état de conscience, plus ou moins profond selon les régions du monde et les pratiques, qui permet de percevoir à travers un ou plusieurs sens ce que nous traduisons par « esprits » ou par « énergie », et d’entretenir une relation privilégiée avec ces dimensions.

 

 

jeudi 12 janvier 2023
— fracassemeurs + N

Il est 6h51, j’ai pris une Ricoré et un bout de… (mot qui manque) 

J’ai regardé des trucs sur Instagram. Quelques beaux trucs, de jeunes, des jeunes qui se connaissent, qui sont amis, qui font des trucs ensemble, qui se dessinent, se photographient… Il y a quelqu’un qui raconte ses rêves en dessin, c’est vraiment joli. Ça donne envie de savoir dessiner. Je crois que j’aurais pu avoir des amis comme ça. Ça me rend un peu aigrie, ou triste, un peu, en même temps ça me réconforte, le spectacle de ces amis, de savoir que ça existe.  

Réveil avant 6h. Pensées…  Inquiète à cause de ce dont on parle trop, la retraite. Hier, J : toi tu ne travailles pas, tu n’auras pas de retraite, tu n’auras rien. Chaque fois, quand je pense à ce genre de choses, je pense suicide, le moment venu. Je ne vois pas comment faire face à ça. 

Cellequina Pasdenom 

Selkina Padenon 

Alors, les pensées étaient particulièrement violentes. Au réveil, les fracassemeurs. Il y avait la pensée de la chute aussi. Et puis les pensées à N, les pensées de vengeance, que je n’appliquerai jamais. La dénonciation ou le mail collectif. Raconter ce qui s’est passé. Tout ce que j’ai perdu. La possibilité aussi d’avoir un métier. Puisque c’est ce à quoi je travaillais. Est-ce que ça s’apparente à de la parano ? Je ne sais pas. Je n’invente rien, ça a eu lieu. Non, mais, l’entretien de l’aigreur, de la revanche, la personnification de l’ennemi. Pourquoi, quand est-ce que je retourne à ça ? Elle a abusé. Mais elle était folle, elle est devenue folle. C’est ce que je crois, qu’elle allait très mal. C’est pour ça que je n’ai pas dénoncé. Et puis, je songe à tout ce qu’elle m’a appris. Puis à tout ce qu’elle s’est retenue d’enseigner. Au manque de reconnaissance. À sa jalousie même. À ses abus de pouvoir. À ce qu’elle a pu raconter aux autres. Au désespoir où elle m’a mise. Je n’ai rien dénoncé. J’ai dû abandonner la formation d’enseignante. Tout ça pour quoi ? Pour avoir raconté un souvenir d’enfance. Un terrible souvenir d’enfance. Alors en vrai, je lui souhaite du mal. Et à tous les élèves qui n’ont pas pris contact avec moi. Qui ne ce sont pas souciées de moi. Ni d’A. 

8h4 

Devrais pas, mais vais me recoucher 1 heure.  

J se lève. 

 

8h10 

Au lit 

« Je me hais Je me hais Je me hais »

Tentative de noter

Samedi 14 janvier
— #localisation de la jouissance dans la psychose

7h42.

Au lit, réveillée à l’instant par J qui commence tôt. Ce courage, l’admiration que j’ai pour lui. Il  prend son petit déjeuner seul. Je ne lui prépare rien. Attaque de fracassemeur, mais je ne sais déjà plus lequel. J’ai pris le téléphone uniquement pour noter ça et oups, envolé. Ils sont très difficiles à saisir.

7h48, J sort. 

J’éteins la lumière, je ferme les yeux. Saut dans le vide.  

8h42, levée, canapé. Dans la rue un camion lent (camion poubelle ?) 

« Le parlêtre adore son corps, dit Lacan, parce qu’il croit qu’il l’a. En réalité, il ne l’a pas, mais son corps est sa seule consistance – consistance mentale, bien entendu, car son corps fout le camp à tout instant. Il est déjà assez miraculeux qu’il subsiste durant le temps de sa consumation. – Lacan J., Le Séminaire, livre xxiii, Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005, p. 66. » 

L’énigme du corps, Anne Lisy-Stevens

« L’objet n’est pas extrait », « la jouissance n’est pas localisée », disons-nous souvent à propos de cas de psychose. Extraction de l’objet, localisation de la jouissance, retour de la pulsion dans le réel : autant de notions que nous utilisons fréquemment dans la construction des cas ; de même que d’autres, plus proches du dernier enseignement de Lacan : bricolage, invention, arrangements… Comme le fait J.-A. Miller dans le volume Psychose ordinaireon peut généraliser la fonction « localisation » – elle vaut dans les deux axiomatiques :  

« Le corps comme chair, substance jouissante, se trouve affecté par le langage, et il est par là vidé de libido. La libido doit se trouver localisée, sinon elle se déplace à la dérive. Là, on échappe au clivage qui sépare, d’un côté, les troubles du langage, et de l’autre côté, les troubles du corps. Cette thèse est la base même de la clinique borroméenne. »

(…) 

Si la jouissance n’est pas localisée, il faut trouver des moyens de le faire. Il y a alors les modalités d’extraction « sauvage » de l’objet, par exemple dans la mutilation, dans le passage à l’acte. Ou les tentatives de créer un objet extrait, de localiser la jouissance : cela va des enfants qui se « branchent » sur des objets ou des machines, aux douleurs bizarres inexpliquées, les pps, les addictions, qui peuvent être – à voir au cas par cas – des modes de localisation. Ou bien sûr, l’usage ou la fabrication d’objets : l’objet lui-même (cahiers, tableaux, vêtement…) ou le fait de le fabriquer (coudre, peindre ou même chanter) peuvent servir à extraire l’objet. 
 

Peut-être, parlons-nous plus fréquemment des « phénomènes corporels » à propos des psychoses. Et il est vrai que ces notions permettent de lire et de traiter les manifestations psychotiques, le mal et son remède, avec beaucoup de pertinence. Si la jouissance n’est pas localisée, il faut trouver des moyens de le faire. Il y a alors les modalités d’extraction « sauvage » de l’objet, par exemple dans la mutilation, dans le passage à l’acte. Ou les tentatives de créer un objet extrait, de localiser la jouissance : cela va des enfants qui se « branchent » sur des objets ou des machines, aux douleurs bizarres inexpliquées, les pps, les addictions, qui peuvent être – à voir au cas par cas – des modes de localisation. Ou bien sûr, l’usage ou la fabrication d’objets : l’objet lui-même (cahiers, tableaux, vêtement…) ou le fait de le fabriquer (coudre, peindre ou même chanter) peuvent servir à extraire l’objet. Mais, n’oublions pas que, comme le rappelle Éric Laurent dans le même volume, conformément à la clinique borroméenne, « la névrose n’est pas un rapport normal au corps » – ce qui est normal, c’est plutôt que le corps ne tient pas[20]. 

Anne Lisy-Stevens, L’énigme du corps 

*

Sur l’angoisse et le fantasme (qu’il n’y a pas) dans la psychose 

L’angoisse est donc du réel (au sens où comme toute angoisse et pour tout sujet, elle a partie liée avec le réel : « L’angoisse part du réel[41] ») et reste dans la psychose réel « brut », non encadré. J.-A. Miller précise que lorsqu’on a un fantasme, « même quand on est fou à lier, on arrive quand même à s’en tirer, voyez Schreber[42] ». Le sujet paranoïaque en effet parvient à élaborer un fantasme – délirant – avec toutefois cette dimension très spécifique de la certitude du sujet quant à son savoir, quant à sa place d’exception dans le monde, quant à la mission qu’il a à accomplir, etc. C’est ce que souligne encore J.-A. Miller : « La psychose démontre que la non-extraction de l’objet a va de pair avec l’émergence du tout-savoir[43]. » 

(…)  

La jouissance, qui n’a pas de nom, qui échappe au signifiant, se révèle dans la psychose dérégulée, débridée. Donner un nom aux choses innommables qui s’imposent au sujet, aux phénomènes qui le pénètrent, qui le rendent perplexes et l’angoissent, serait ainsi l’une des visées du traitement à opérer avec ces sujets. C’est ce que préconise par exemple E. Laurent lorsqu’il écrit que le traitement des psychoses est dans le fond « une entreprise de traduction constante de ce qui arrive, de ce qui excède la signification[58] ». Il faut, poursuit-il, « aider le sujet à nommer cette chose innommable. Ce n’est pas l’aider à délirer […]. C’est choisir dans le travail du délire […] ce qui va vers une nomination possible[59] ». C’est également dans ce sens qu’A. Zenoni proposait de « lier l’innommable ou l’insupportable à une dimension symbolique et imaginaire[60] ». 

Nommer l’innommable 

E. Laurent qu’il faut aider le psychotique à nommer cet innommable, à mettre du signifiant sur le réel qui a surgi. En ce sens, il faut rappeler les derniers mots du séminaire L’angoisse, de Lacan : « Il n’y a de surmontement de l’angoisse que quand l’Autre s’est nommé[65]. » C’est ce à quoi parvient le paranoïaque. G. Pommier, par exemple, indique : « En nommant, le sujet se retranche de ce réel, qu’il apprivoise ainsi. Dire un mot, c’est scarifier l’angoisse[66]. » Faire passer le réel de l’angoisse au signifiant, ou à la lettre, c’est ce à quoi s’est employé H.P. Lovecraft[67], dont il faut connaître l’œuvre, dans laquelle le terme même d’« innommable » revient avec une fréquence assez remarquable chez cet auteur qui, sans nul doute, pourrait être considéré aujourd’hui comme relevant d’une psychose non déclenchée.  

De sorte qu’on peut dire que l’angoisse psychotique est une conséquence du phénomène élémentaire – signifiant passé dans le réel –, et que si le sujet ne parvient pas à nommer ce qui lui arrive il n’accédera pas à la dimension pacificatrice de la certitude. Car si la certitude peut amener le sujet psychotique à des actes fous ou à l’élaboration d’un délire, il n’en demeure pas moins que lui, le sujet, vit la réponse inébranlable au phénomène comme un allègement, comme un soulagement de son angoisse. Pour le dire autrement et peut-être plus rigoureusement, citons E. Laurent qui donne ici de façon ramassée sa conception de l’angoisse dans une perspective de diagnostic différentiel : « Ne pourrait-on pas dire que pour le sujet psychotique l’affect vient faire certitude comme humeur ? Contrairement à la névrose, il (l’affect) se produit hors du sujet dans un corps purement extériorisé ou dans un autre de pure extériorité. Le quantum d’affect, lorsque le sujet se trouve dans la position psychotique, renvoie aussi bien au quantum de certitude qui affecte le sujet. On croit, dans la psychose, pouvoir mesurer l’affect ; ce que l’on mesure bien plutôt, c’est le degré de certitude[72]. » Dans le débat qui a suivi cette intervention d’E. Laurent, F. Leguil ajoutait, avec pertinence que : « Dans la psychose, lorsque le degré de certitude est tout à fait avancé, et que le sujet peut vraiment témoigner d’un point dont il est sûr, il y a en général très peu d’affect. » L’on pourrait reformuler : dans la psychose, plus il y a certitude, moins il y a angoisse. 

https://www.cairn.info/revue-cliniques-mediterraneennes-2013-2-page-185.htm 

*

Hier, travaillé toute l’après-midi site de F, après-midi et soirée. Fallait que je résolve le prob. C’est le prob avec ce boulot. Je m’y adonne beaucoup trop totalement. A la fin, étais dans drôle d’état physique. Avec cette crispation à la mâchoire. Cette tension. 

Pour ça que pris 2 gouttes de cbd + hhc. 

16h55 

Quand je suis comme ça, j’aurais besoin qu’on me prenne, qu’on me donne un bain qu’on me frotte frotte, frotte, avec un gant, le corps, qu’on me sèche, qu’on m’habille…  

Encore travaillé das suite de F, ensuite impossible en sortir. Addictif. J’ai expliqué ce midi, à table, que ça devait être comme les jeux vidéos. J dit workoholic.  

mardi 17 janvier 23 – 5h
— Balle dans la tête.

« Balle dans la tête. » Je suis dans le noir, dans la chambre. Je prends mon téléphone pour le noter. Ça fait un moment que ça dure, j’interromps, je décide  de noter ça : « Balle dans la tête ». Le petit bout de phrase qui se répète dans ma tête, avec l’infime sursaut physique qui l’accompagne à chaque fois, d’en recevoir l’impact. Une parmi tant et tant d’autres variations, toutes dues à  l’extraordinaire imagination de l’inconscient. Petites phrases qui se répètent dans ma tête, avec parfois le choc d’un impact imaginaire. D’où le nom de Fracassemeur. Les premières fois, ça a été d’une violence incroyable. Des coups de poing, dans la figure,  la mâchoire. Des balles dans la tête de tailles variables, la trouant variablement. Des explosions plus ou moins grosses. A répétition. Ça s’arrête. Ça reprend dans une nouvelle variation. Ils se sont assagis, avec le temps. La sensation de coup,   d’impact physique à souvent disparu ou s’est atténuée. Ne restaient que les mots. C’est pour ça que je n’aimais plus le nom de Fracassemeurs.  Je pourrais dire les FM. Ou les FrM…. Seigneur c’est comme les initiales de F. Il a longtemps signé comme ça. Alala. 

Il est 5 h. Je me suis levée pour écrire ça. Pour arrêter les FrM…. 

J’ai fumé, hier. C’est pour ça. Il y a toute cette tension du boulot pour F. La difficulté, c’est d’en sortir, la difficulté, c’est l’état de tension physique où ça me met. Tension extrême. 

Il faut que j’en parle à la psy tout à l’heure. 

Mais je veux aussi parler du « projet » de « mise sur papier », de l’envie. Faire venir dans le monde physique. Sortir de la virtualité de l’internet, de l’ordinateur. 

Hier, j’ai publié plusieurs notes récemment écrites dans One Note sur le blog.  

Puisqu’apparement il n’y a que ces petites notes que j’arrive à faire. 

5h54 Dire que j’ai encore envie de fumer 

La tension du boulot sur le site de F.  

Je ne trouve pas les mots pour en parler. 

Redire les mots, le mot, unique, d’addiction. 

Mais, j’ai déjà écrit sur ce travail. Qui n’est pas exactement un travail de programmation, puisque je ne travaille plus qu’avec WordPress et des plugins. J’ai un peu de répugnance à en parler. « Faire tourner la machine. » Être dans l’interface du site, dans le moteur. Passer d’une chose à l’autre. Là, j’ai fait toutes les redirections de la partie en français sur l’anglais, de chacune des pages, puisqu’il a voulu supprimer le français (j’ai pu automatiser une partie (RegEx), mais il y avait toute une série de fichiers dont le nom en français était différent et donc il fallait faire une redirections simple, une à une) . A-t-il eu raison, a-t-il eu tort, de supprimer la perte française ? (Je me suis lancée, comme à mon habitude, là dedans, à corps perdu…) Et je travaille au SEO. Là aussi, méticulosité. Ingéniosité. Comment faire en sorte de vendre son travail quand il est si peu commercial, voire réfractaire. Mais, il y a moyen d’améliorer les pages… Je suis forte à ça. Ça me passionne malgré moi.  

Je pourrais me plaindre de ce qu’il ne m’écoute pas, F. Mais comment moi-même je ne l’écoute pas! Comment j’ignore ce qu’il fait! Pourquoi suis-je comme ça ? Avec lui ? Il fait des choses bien. Et… Est-ce parce que c’est bien ? Suis-je aussi (mots qui disparaissent, qui s’évanouissent, qui partent en fumée à l’instant où) avec lui qu’avec moi ? Est-ce que c’est ça ? Comment puis-je lui montrer si peu de reconnaissance (phrase boiteuse)? C’est toujours cette idée : suis-je aussi (salope) avec lui qu’avec moi. Et comment le supporte-t-il ?

Je ne témoigne d’ailleurs pas plus de reconnaissance au travail de mon frère, que j’aime pourtant tellement. 

Comment est-ce possible? 

Je fais le site pour F, oui. Mais, c’est parce que ça me plaît, trop d’ailleurs. 

Hier, pour arrêter de travailler au site et essayer d’avancer dans quelque chose qui aurait du sens, je suis sortie, allée à la bibliothèque, avec 2 vieux carnets et l’ordinateur portable. C’était fermé ! En rentrant, reporté donc série de notes sur le site. C’était d’ailleurs ce que j’avais « décidé » de faire au matin. Après, vaisselle et chansons. F était parti à son cours. Et des tas de chansons de mon enfance remontées. Ah oui, à la boulangerie avais entendu… Qui, mais qui… J’ai mis du temps hier aussi à retrouver. C’était quoi ? Il ne me restait que l’air. C’était pas Dave. Une chanson que j’entendais a la radio. Qui m’avait fait… Joe Dassin ! À toi… Quand je les retrouvée, hier ! Quel bonheur…  Je devais avoir dans les 13 ans. Comment ces chansons à la radio venaient à la rencontre d’un désir  encore inarticulé,  intime, accompagnait sa naissance. 

Il faut que je retourne dormir !  

coiffeur + la déception essentielle
— Dimanche 22 janvier 23 07:05

Lit. Ah, il est 7 heures du mat, j’ouvre un œil et le téléphone, j’écris le fracassemeur du moment: Tu te hais, tu te hais, tu te hais… À quoi je rétorque : Mais pourquoi ? Pourquoi ? Si seulement tu m’expliquais ça. Évidemment, pas de réponse. 

Je me lève. Ricoré, salon noir. Dommage qu’il ne le soit pas davantage. La lumière orange qui filtre de la rue est regrettable.  

Difficile passage chez le coiffeur hier, et retour à la maison. 

Tellement intimidée sur place. Les lumières si fortes. Le jeune coiffeur très charmant, gentil. Et l’horreur de me voir dans le grand miroir si éclairé. Je vois tout de suite que je n’aurais pas dû mettre de la couleur sur mes yeux. Dès qu’il s’éloigne un moment, le coiffeur, j’essaie d’en enlever. Quand, je parle, je vois mes dents, c’est effrayant. Tout ce qui est affreux dans ce visage. Il me sourit tout le temps. Après que je lui aie parlé de tout ce dont je pourrais vouloir tenter comme coiffure, il se taira. C’est moi qui ajouterai encore l’une ou l’autre bêtise. 

Beaucoup de lumière dans le salon, sommes entourés à gauche et à droite par 2 autres coiffeurs, chacun très animé, bavard, qui discutent avec leur clients de films, de séries. À gauche elle raconte les scènes, à droite il les mime, les rejoue, en anglais même, coiffant, face au miroir.  À un moment mon coiffeur se mêle à sa conversation de droite. À un moment, je me demande s’il ne  faudrait plus de miroirs à la maison, pour surveiller, maîtriser, cette image. Enfin je ne vois pas où, comment. 

7h33. Je n’ai pas la moindre envie de regarder raconter tout ça. 

Nous sourions doucement le coiffeur et moi. Je renonce à rien dire. A un moment, j’ai cherché le titre de la série que nous regardons hier. Rien, je ne m’en souvenais. Je ne sais même pas si c’est japonais ou coréen. Je sais que c’est trop violent, que je n’ai pas envie de regarder, mais que J insiste, il dit que c’est pas drôle quand je ne suis pas là. Ils ont envie de regarder cette série. C’est la deuxième saison. Deuxième épisode de la deuxième saison. Tout de suite, j’ai dit non. Mais bon. Ca se passe dans une ville, immense et vide. Qui n’est plus qu’un immense terrain de jeu. À mort. Les jeux sont cruels. On ne sait d’où les joueurs sont observés. Quand ils perdent, quelque chose leur tombe dessus, du ciel, les transperce. Je me souviens de tout ça maintenant, mais hier, plus rien. Seulement j’aurais pu dire que ça faisait trop peur. Alice in Borderland. Voilà, ça me revient. Vérification sur Google : c’est japonais. Survival, science fiction, thriller, drame. Le héros (ils écrivent Arisu dans les sous titres, mais c’est Alice, à cause de le la prononciation des Japonais ) était un amateur de jeux vidéos. 

F a acheté des scones, j’aime beaucoup ça, j’en mange un morceau. 

A un moment la coiffure était finie, les cheveux étaient coupés, ils étaient encore mouillés, nous étions ravis, nous montrions le coiffeur et moi-même des signes de ravissement. Je disais quel soulagement. Il disait ça donne un coup de peps. je disais quel soulagement, c’est réconfortant comforting, je me sens moins exposée, mais je ne pense pas qu’il ait tout entendu. Il me demande s’il coupe encore un peu devant et je pense quelque chose comme non, il dit qu’on va sécher d’abord, et qu’on verra, il sèche et c’est très bien, c’est très bien, j’en ai une sorte de vertige, mais il dit quand même : on coupe encore ? Et je dis, bon d’accord, allez y. Et il coupe, et pour moi, c’est pas bien, il me fait les cheveux hirsutes, mais il a toujours l’air aussi content, alors je ne dis rien. J’ai l’air ahuri de (…) dans un film italien de (…). Fellini. Et elle, je ne sais plus, un nez de clown, rouge. Des cheveux très blonds, blancs. Si ce n’est que moi, j’ai bientôt 60 ans. Bah. Je me lève. Je dis merci, il dit non c’est moi. Je paie, demande son nom, il est toujours gentil, dit À bientôt. 

Dehors, j’ai envie d’un cocktail, d’un Spritz, je suis à Bastille, j’aurais peut-être dû, je songe à faire venir F mais il ne viendra pas. On pourrait passer la soirée dehors. Je me dis qu’il faut prendre le métro, que je pourrais lui demander de me rejoindre à Anvers, au square (…)… Je pense qu’il ne voudra pas. Ou que j’en parlerai en rentrant. Il fait noir, si je ne suis pas très habillée, je suis maquillée, coiffée, et même si la chienne ne me plaisait pas, je dois être un peu bien, j’ai envie de vivre un moment dans cette illusion. je tourne vers moi la caméra du téléphone en descendant les escaliers du métro, non, c’est une horreur. Arrivée à Gare du Nord, non je ne vais pas à Anvers, au square (…), sur la rue (…) Je rentre. Et lumière de l’appart. F devant jeu. Déjà, le faire sortir de là. Il dit qu’il ne voit pas bien mes cheveux, je ne sais plus ce qu’il me dit, que c’est gonflé. C’est vrai qu’il y a beaucoup de volume, qu’il n’aime pas ça. Je dis que j’ai envie de sortir, F dit que lui non, mais. Je vais à plusieurs reprises me regarder dans le miroir de la salle de bain et directement j’essaie d’arranger. Il y a un produit dans les cheveux je les mouille. Je regarde s’il y a un film à voir dans le coin, mais rien qui puisse plaire à F. L’envie de sortir me quitte, je suis comme désespérée. F acheté à manger chez le traiteur de la rue (…) J’ai envie de me démaquiller, d’aller au lit. F me demande si je veux sortir, je dis non, non. Je me résigne à passer à table, à manger. Il a gentiment acheté à manger. Il essaie de me parler. Je dis que ça va très mal. Il dit Je vois ça. Il essaie de m’interroger. Je cherche à ne pas m’énerver. J’arrive à vaguement dire que je ne supporte pas quand j’ai envie de quelque chose de ne pas y arriver, de renoncer. Ça m’attriste toujours horriblement. Je suis dans cette tristesse-là. Je dois faire l’effort de ne pas retourner ma colère contre lui. Seulement contre moi. 

Dans les explications sur la mélancolie, il y a quelque chose de ça. A un moment dans l’enfance l’objet d’amour a déçu, et le sujet s’en est détaché, et a « retourné présence à l’intérieur de soi », la présence, la personne précédemment aimée, est placée à l’intérieur de soi (pas les bons mots), « introjectée », la libido est ramenée à soi, mais à la fois pour aimer et détester. (toujours pas les bons mots, c’est pas clair). Aussi, quand le mélancolique est fâché contre lui-même, n’est-ce pas contre lui-même, mais contre l’autre « qui a déçu ». F, est comme l’image à l’extérieur de cet autre qui a déçu. 

Cette déception, curieusement, je m’en souviens, ce moment dans l’enfance, mais pas de son objet. Je me souviens, marchant dans la rue avec mon frère lui avoir demandé Tu préfères papa ou maman ? et lui sidéré, me disant qu’il n’avait pas de préférence, et moi dans ma fureur en fait, ma déception, lui disant Oh non, moi je préfère (…) Mot qui manque. Longtemps, je me suis souvenue de cette scène, et de l’identité de la personne que je préférais, et donc de celle que je m’étais mise à haïr. Puis, j’ai oublié. Intellectuellement, j’ai tendance à croire qu’il s’agit de ma mère. Mais je n’en sais rien du tout, et surtout, je ne sais plus pourquoi. Ce qui a motivé ce retournement. Cette haine est vraiment refoulée et ça s’est retourné par contre complètement contre moi. 

C’est comme si F tenait lieu de cette personne haïe. 

S’il s’agit de ma mère, je sais aussi combien je l’aime.  

Retour à hier soir. 

En finir avec ce récit.  

Je ne suis pas arrivée à parler à F. Mais je suis parvenue à ne pas m’énerver. J’ai fini par accepter de voir un film. 

Un beau film. (…) 

Je cherche les éléments pour retrouver le titre et le sujet du film. 

Verboten, je crois. Mais pas de JosephLosey.  

Il a fait aussi White dog, mais beaucoup plus tard, en fin de carrière. Terrible film. 

Celui d’hier date des années 50. 

Il a énormément tourné et écrit.  

J’étais contente parce que F a dit qu’il fallait qu’on les voie. 

Je ne sais pas si j’interroge Google.  

Un cinéaste américain. Qui a tourné à Hollywood et vécu en France. Certains films ont été de très grands succès mais d’autres des scandales absolus. 

Il a tourné dans de nombreux films. Dont Pierrot le fou. Et dans ce film vu avant hier. Catherine et Catherine ? Non. De (…), un Français cette fois. Que je ne connais pas, dont il passe beaucoup de films sur Mubi en ce moment. 

F a dit qu’il allait noter tous les films vus cette année. Je me demande pourquoi. Je lui ai dit qu’il fallait qu’il fasse un résumé. Il m’a dit que ça non. Je me suis dit que moi je devrais le faire. Exercice de mémoire.  

Mais ça ferait beaucoup. 

Je vais essayer de retourner  dormir. 

8h46. 

 

10h1. Me suis pas rendormie, mais toujours au lit. Bon moment dans les bras de F. 

Samuel Fuller ! le nom du cinéaste. Je ne vois pas ce que je peux faire pour retenir ce nom.  

J’ai pensé que c’était comme mon nom, à une lettre près. 

Je referme les yeux. 

Coups de poing coup de poing coup de poing 

Décidément. 

Je pense que je dois noter tous les FrM en italiques.  

 

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