Jacques-Alain Miller, Lire

3 août 2011 | août 2011 | Cut&Paste, jacques-alain miller, psychanalyse | , , , |

« … Et donc, tout bien pesé, j’ai choisi le titre suivant : lire un symptôme, to read a symptom. Ceux qui lisent Lacan ont sans doute ici reconnu un écho de son propos dans son écrit ‘Radiophonie’ que vous trouvez dans le recueil des Autres Écrits, page 428. Il souligne là que le juif est celui qui sait lire. C’est ce savoir lire qu’il s’agira d’interroger en Israël, le savoir lire dans la pratique de la psychanalyse. Je dirais tout de suite que le savoir lire, comme je l’entends, complète le bien dire, qui est devenu parmi nous un slogan. Je soutiendrais volontiers que le bien dire dans la psychanalyse n’est rien sans le savoir lire, que le bien dire propre à la psychanalyse se fonde sur le savoir lire. Si l’on s’en tient au bien dire, on n’atteint que la moitié de ce dont il s’agit. Bien dire et savoir lire sont du côté de l’analyste, c’est son apanage, mais au cours de l’expérience il s’agit que bien dire et savoir lire se transfèrent à l’analysant. En quelque sorte qu’il apprenne, hors de toute pédagogie, à bien dire et aussi à savoir lire. L’art de bien dire, c’est la définition de cette discipline traditionnelle qui s’appelle la rhétorique. Certainement la psychanalyse participe de la rhétorique, mais elle ne s’y réduit pas. Il me semble que c’est le savoir lire qui fait la différence. La psychanalyse n’est pas seulement affaire d’écoute, listening, elle est aussi affaire de lecture, reading. Dans le champ du langage sans doute la psychanalyse prend-elle son départ de la fonction de la parole mais elle la réfère à l’écriture. Il y a un écart entre parler et écrire, speaking and writing. C’est dans cet écart que la psychanalyse opère, c’est cette différence que la psychanalyse exploite.

[…]

Lire un symptôme […] consiste à sevrer le symptôme de sens. C’est pourquoi d’ailleurs à l’appareil à interpréter de Freud – que Lacan lui-même avait formalisé, avait clarifié, c’est-à-dire le ternaire œdipien – Lacan a substitué un ternaire qui ne fait pas sens, celui du Réel, du Symbolique et de l’Imaginaire. Mais à déplacer l’interprétation du cadre œdipien vers le cadre borroméen, c’est le fonctionnement même de l’interprétation qui change et qui passe de l’écoute du sens à la lecture du hors-sens.

Quand on dit que la psychanalyse est une affaire d’écoute, faut s’entendre, c’est le cas de le dire. Ce qu’on écoute en fait c’est toujours le sens, et le sens appelle le sens. Toute psychothérapie se tient à ce niveau-là. Ça débouche toujours en définitive sur ceci que c’est le patient qui doit écouter, écouter le thérapeute. Il s’agit au contraire d’explorer ce qu’est la psychanalyse et ce qu’elle peut au niveau proprement dit de la lecture, quand on prend de la distance avec la sémantique – là je vous renvoie aux indications précieuses qu’il y a sur cette lecture dans l’écrit de Lacan qui s’appelle « l’Etourdit » et que vous trouvez dans les Autres Ecrits page 491 et suivantes, sur les trois points de l’homophonie, de la grammaire et de la logique.

La lecture, le savoir lire, consiste à mettre à distance la parole et le sens qu’elle véhicule à partir de l’écriture comme hors-sens, comme Anzeichen, comme lettre, à partir de sa matérialité. Alors que la parole est toujours spirituelle si je puis dire et que l’interprétation qui se tient purement au niveau de la parole ne fait que gonfler le sens, la discipline de la lecture vise la matérialité de l’écriture, c’est-à-dire la lettre en tant qu’elle produit l’événement de jouissance déterminant la formation des symptômes. Le savoir lire vise ce choc initial, qui est comme un clinamen de la jouissance – clinamen est un terme de la philosophie des stoïciens.

L’interprétation comme savoir lire vise à réduire le symptôme à sa formule initiale, c’est-à-dire à la rencontre matérielle d’un signifiant et du corps, c’est-à-dire au choc pur du langage sur le corps. Alors certes pour traiter le symptôme il faut bien en passer par la dialectique mouvante du désir, mais il faut aussi se déprendre des mirages de la vérité que ce déchiffrage vous apporte et viser au-delà la fixité de la jouissance, l’opacité du réel. Si je voulais le faire parler, ce réel, je lui imputerais ce que dit le dieu d’Israël dans le buisson ardent, avant d’émettre les commandements qui sont l’habillage de son réel : « je suis ce que je suis ». »

→ lire l’intervention de jacques-alain miller au congrès de la NLS en avril 2011 sur le site de l’AMP

#7468

4 août 2011 | août 2011 | brouillonne de vie |

et de nuit la pluie d’été

et toi qui dors

 

quand l’eau ruisselle / dans l’éclat géométrique des lampadaires / le vrombissement lent des voitures qui hésitent qui s’en vont / le cliquetis des griffes du chat sur le plancher / le chat est toujours

ou pas

le chat et notre enfant dort de fatigue, enfin la nuit enfin l’été et la pluie je peux fermer les yeux un instant

le campari sirupeux, la rape de la langue du chat sur le fond de la poêle

une calme fête

un court moment

je te souhaite

et je ne te réveillerai pas

#7481

5 août 2011 | août 2011 | RÊVES |

je voudrais oublier partir. il faudrait pouvoir décider à un moment d’oublier. non pas mourir, mais oublier. effacer sa mémoire. savoir que l’on vit ses derniers instants avec elle, et puis pfuit. qu’elle s’efface. repartir à zéro.

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cher,

je voudrais partir une semaine, loin de vous. laisser moi partir, une semaine, à bruxelles. restez sans moi. que je sois sans vous.

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plus jeune, je rêvais d’être frappée d’amnésie.

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l’écriture fait partie de la vie de each and single living human being.

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rêvé de MHB, marie-hélène brousse. elle faisait qq chose comme me remercier pour ce site, empreintes digitales, mes retranscriptions du cours de miller. elle me parlait gentiment, m’interrogeait. je lui répondais, fis un lapsus. nous en rîmes. j’en fus complètement étonnée. ma vie bascula. elle me parlait en toute confiance. non pas comme une potentielle analyste. il était question de savoir si je ferais ou pas sans analyste avec ce lapsus. elle me présentait à d’autres analystes. ils, elle en fait, me parlaient gentiment. je craignais de ne pas me souvenir d’eux, d’oublier leur nom. j’avais craint de parler à MHB et qu’elle se propose à moi comme analyste, mais non. elle m’écoutait, avec bienveillance intérêt, elle me laissait libre.

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ensuite, rêvé de mes parents, qui se faisaient arnaquer, complètement. enlever même ce qu’ils n’avaient pas. oh, pourquoi. avaint-ils signé ça. trusted these people. non, cela n’était pas sûr, qu’ils se soient fait arnaqué. mais, moi, j’en étais sûre. le visage qui se couvrait de larmes des gens que j’accusais. les hoquets qu’ils retenaient. mais c’était trop tard. mes parents avaient signé. et même ce qu’ils n’avaient pas leur seraient enlevé. et nous n’aurions plus rien, vraiment. ma mère si excitée, d’avoir pris des « actions » (le produit de la vente) d’autant de magasins d’autant de villes qui me paraissaient inconnues, inexistantes.

ils étaient arrivés, nombreux. s’étaient introduits dans la maison, s’étaient installés dans le grand salon, autour d’une immense table aux hautes chaises, avaient convoqué mes parents. eux, dans la salle-à-manger, autour de la table, prenant doucement le thé en pijama. un peu vieux, un peu malade, mon père, surtout. et ils y étaient allés. avaient négociés avec ces hommes et ces femmes d’affaire. alors je m’étais enfuie. ne pas voir ça. j’avais bu à une table en face d’une femme qui mangeait, jolie, élégante. qui petit à petit parlait. nous buvions du champagne, rosé peut-être. elle s’avérerait être une serveuse du restaurant. élégante au moment de sa pose. je me rendrais sympathique au personnel, attendant la consommation de l’arnaque. puis mes parents seraient sortis, avec les hommes et les femmes d’affaires, heureux d’avoir tout donné, pensant s’engager dans une nouvelle vie où ils deviendraient enfin riches, ayant peine à y croire, étourdis de cela. faibles, fragiles. et tout de suite, je sais, je crois savoir, je soupçonne, la totale arnaque. et ces hommes et ces femmes d’affaires, je les injurie. d’avoir pu prendre à ceux qui avaient le moins. d’avoir plongé dans le malheur des gens sans le moindre égard, la moindre pitié, l’indifférence crasse. et eux déjà partaient, cherchaient à s’introduire dans d’autres appartements de la maison, malgré l’heure tardive de la nuit, déjà.

tout leur serait enlevé, à mes parents. tout et même plus que tout. et nous finirions à la rue.

#7488

5 août 2011 | août 2011 | brouillonne de vie |

hier vu gentil docteur g. qui souligne le lien entre « tumeur » et « suicide » – les angoisses dont je dis qu’elles ne me prennent que quand je fume, cela découvert récemment, liées je dis, liées je crois à ma maladie aux dents qui se propage à la mâchoire, aux oreilles, à la gorge, puis, au cerveau. le moment de la propagation au cerveau est le moment faux. ça n’est pas à proprement parler au cerveau (c’est à l’alma mater, la dure mère, les méninges). la conviction qui me prend alors d’avoir la maladie de la mort, une tumeur, un cancer. d’être celle qui sait qu’elle va mourir, qu’elle meurt. le sentiment physique que j’en ai. et le désir insoutenable qui me vient que ma tête soit fracassée. crâne.  et alors la pensée du suicide qui revient. cela que je lie maintenant à la cigarette, et à ma maladie des gencives. la certitude liée à cela. ce sentiment que tous les os de ma tête sont malades.

alors il suffirait d’arrêter de fumer. mais l’addiction.

fume dents mâchoire os oreilles crâne maladie mort tumeur marteau fracasse fracasse encore refracasse meurs meurs meurs vrille . mortitude . tumeur suicide certitude finir

seule possibilité de doute : s’il n’y avait rien pas de maladie pure invention névrotique. mais il n’y a pas de doute. il y a la présomption du doute de l’autre. et qui est l’autre. l’autre est le langage.

j’ai le sentiment physique de la mort, dans mon crâne. mais pourquoi faut-il que ça se retourne contre moi pourquoi faut-il que ça vienne à s’accompagner de ce fantasme masochiste de la tête fracassée. fracassée encore et à nouveau?

j’ai la maladie de la mort, et c’est un cancer, et c’est une tumeur, au cerveau. je le sens. je le sais. je le sais physiquement.

la certitude liée à cela que si je racontais à un médecin le pressentiment de ma maladie le sentiment physique de ma maladie la connaissance de ma maladie en dehors et malgré l’absence de diagnostic médical il ne me croirait pas il ne m’écouterait pas. le sentiment que c’est pourtant la dernière l’ultime des choses que j’aie à dire : cette présomption de ma mort. avoir été celle qui aura su qu’elle mourait dans son corps et contre et en dépit l’opinion générale et médicale. le point de délire. cela que je suis seule à savoir que nul ne peut croire. mais pourquoi est-ce que cela se retourne contre moi? pourquoi le fracassement du crâne des os du crâne de la mâchoire ? quelle traduction? quelle déviation? pourquoi la tumeur devient-elle suicide? nécessité de suicide? Dr G dit ce sont les mêmes signifiants. je m’applique la tumeur. mais c’est idiot. je meurs et c’est bien comme ça. pourquoi la violence et ces gestes de fracas pourquoi m’appliquer à moi-même ce dont je supposerais que l’autre veut m’appliquer m’applique : tu meurs. non, je meurs. point barre. où je reçois de l’autre mon propre discours sous sa forme inversée / jamais rien compris à ce truc. il n’y a pas d’explication. « ça parle. et ça sait pas. »

j’ai toujours fait cas du cerveau. je ne dis pas ça en conscience mais en mon âme et inconscience.

au moins les cervelles fraîches c’est tendre. je me donne. je madonne. je bedonne. je badine. avec la mort.

 

 

j’écris tout cela non pour être lue, mais pour me lire.

fracassemeur.

C’est ce qu’on découvre, c’est ce qui se dénude dans l’addiction, dans le «un verre de plus» …

6 août 2011 | août 2011 | Cut&Paste, psychanalyse | , , , , |

L’addiction, c’est la racine du symptôme, qui est fait de la réitération inextinguible du même Un. C’est le même, c’est-à-dire précisément ça ne s’additionne pas. On n’a jamais le « j’ai bu trois verres donc c’est assez », on boit toujours le même verre une fois de plus. C’est ça la racine même du symptôme. C’est en ce sens que Lacan a pu dire qu’un symptôme c’est un et cætera. C’est-à-dire le retour du même événement. On peut faire beaucoup de choses avec la réitération du même. Précisément on peut dire que le symptôme est en ce sens comme un objet fractal, parce que l’objet fractal montre que la réitération du même par les applications successives vous donne les formes les plus extravagantes et même on a pu dire les plus complexes que le discours mathématique peut offrir.

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