paris 10, 11 du 8, 8h31
what is it i like the most
daydreaming sleeping dreaming?
what have i been doing all these years?
23h49
Total crash de mon gros PC ce matin. Et CDs d’instal (lation), pour la réparation, introuvables. Je suis sur le portable. Travaux d’aménagement à avancer, travaux de peinture. Un an après le déménagement, toujours pas déballé mes cartons. Mes vêtements dans les rayons de la bibliothèque restée vide. Si je jetais mes livres? Si c’était ça qui était juste : des vêtements plutôt que des livres? Aucun des 14 cartons de livres ouvert. Sauf celui des bouquins de psychanalyse. De nouveaux livres achetés.
Ces livres que j’ai. Ca me fait toujours un problème. Orgueil ? Stupidité ? Désir ? Désir de désir ? Souvenirs ? Souvenirs matériels ?
En vérité je n’aime rien tant que rien n’avoir. Et même mes livres me paraissent de trop.
Pense que F, lui, n’aime rien tant que de réparer des PC, à quoi il est occupé.
Passée au travers de l’angoisse hier. Pour une fois pu provoquer une chance, un bonheur. Ai commencé les travaux. Rêvant de travaux ultérieurs, d’étagères à construire. Utilisant des outils ayant encore appartenu à mon père. Cet amour. Remémorant les travaux du passé. Souriant au souvenir du « Ne me quitte pas » si glamorousement chanté en anglais par Marc Almond, « If you go away », ma voix essayant de se superposer à la sienne, moi perchée sur une échelle dans un appartement encore vide, ayant pour la première fois de ma vie détapissé, mes premiers vrais travaux, gaillardement entrepris, seule, à un 4° ou un 5° étage de l’avenue Paul Deschanel. D’un très joli appartement. Mon premier appartement. Trois pièces en enfilade, à la belge. Un déménagement fait en grande partie à vélo. Sauf pour ce qui est des livres, qui n’avaient pas alors encore de bibliothèques, arrivés en voiture, montés à pied (sans ascenseur). Empilés au sol, le long des murs. (Ensuite, je m’étais mise à décaper. Décaper la peinture. Celle de meubles. Du plancher. Le plancher des 3 pièces en enfilade.)
Et plus tard, pour gagner de l’argent, j’avais repeint toute la cage d’escaliers chez mes parents, une folie. Cette sorte de rancœur, alors. Moi, sur cet échafaudage. Raclant et enduisant. Une maison qui comptait plus de pièces que le château de Sabine.
Mais cette fois, pas d’angoisse. Une fois que je l’ai pénétrée, ainsi que je le disais hier, elle s’est dissipée. Il faut dire que j’ai exigé de F qu’il travaille à la maison, que je ne sois pas seule face à tout ça. Et je n’ai heureusement plus cette impression de mal faire à chaque geste que je fais.
J’ai donné aujourd’hui une couche à l’une des deux portes à double-battants de la « salle de vie ». J’ai fait ce qu’il fallait. J’avais scotché hier chacune des petites vitres avec ce tape que j’aime bien, à cause justement des souvenirs. Des souvenirs de travaux bien faits et des conseils qui les avaient accompagnés, en compagnie de mes parents, de Marc aussi qui m’avait appris qu’il fallait commencer par 1/ laver les murs à la lessive Saint Marc, 2/ et puis les rincer. Je n’ai pas eu peur de mal faire. Et j’ai aimé les deux coulées, plus bas sur la porte, tandis que j’étais sur l’échelle, que je n’ai pas effacées. Je me suis souvenue de Vincent, rencontré plus tard, à Saint-Gilles, peintre en bâtiment, qui me disait « Quand t’es sur l’échelle, t’en descends pas, tu fais tout ce que tu peux, aussi loin que tu peux, d’où tu es, tu ne passes pas ton temps à monter et à redescendre ». J’ai été contre ma nature et du haut de l’échelle d’où je peignais le haut du premier battant, j’ai commencé le haut du deuxième battant, qui était à ma portée. Parce que, je ne sais pas quelle est cette nature, je me suis déjà beaucoup interrogée sur elle, mais ma nature me porte plutôt à ne naturellement faire les choses qu’à moitié. Aussi, hier, comme je commençais, je m’étais dit : « Et je ferai les choses lentement. Aussi lentement que je le veux. Ce sera très lent, ce sera très bien. » Puis aujourd’hui, ce souvenir de Vincent, son conseil que je me retrouve à suivre, et tout d’un coup la porte est peinte. Et je décrète qu’il lui faudra une deuxième couche demain. Ouf. La chose n’est terminée qu’à moitié.
Il me faut quant à moi toujours faire les choses une à une et par quartier. Jules ne fonctionne pas du tout comme ça. Il m’apprend des choses. J’essaie de faire comme lui. Lui, à la laverie, ne ressort pas les vêtements les uns après les autres, il tente de les prendre tous. Voilà. c’est beaucoup plus efficace. Dramatiquement. Et dans l’autre sens, ça marche aussi. On peut essayer d’enfourner dans une machine toute une lessive à la fois. Si mon fils de 6 ans peut s’attaquer à ce genre de monstruosité, je peux faire ça aussi. Et il ne faut surtout pas que je contredise cela chez lui. Il faut bien, qu’il y ait des gens, qui aillent un peu vite. Un peu vitement comme disait ma grand-mère.
Alors, je me suis souvenue d’une séance avec D, où je m’étais demandée à haute voix s’il ne s’agissait pas chez moi d’une façon de rester à l’intérieur de la limite, une avancée façon tortue. Et ça lui avait terriblement plu. C’était il y a 10 ans peut-être. 20? Aujourd’hui ça me gêne moins. Ce qui me gêne c’est de n’être pas sûre du pourquoi et du comment. Parce que la limite, pour moi, elle est assez insupportable à franchir. Alors je ne sais pas s’il faut mettre ça du côté de la jouissance féminine, de l’infinitisation de l’espace ouvert entre 0 et 1. Ou de l’obsessionnel. Car ça n’est pas pareil.
Et hier matin je m’étais dit, après avoir une fois de plus rêvé de travaux, je m’étais dit, je ne cesse de rêver de travaux, or moi, j’en ai encore plein, à faire, des travaux.
Hier je lisais que ce qui se découvre dans une analyse, c’est comment l’impuissance est ce qui vient recouvrit l’impossible. Comment le sentiment de l’impuissance vient recouvrir le sentiment de l’impossible. Mon sentiment d’impuissance recouvre mon incapacité, l’impossible même de ressentir l’impossible. Et l’impossible est l’un des noms de la jouissance.
La jouissance est une limite dit Lacan dans Encore, un saut.
Je ne sais pas ce qui rend possible ce moment du saut.
En-deçà du saut, du passage à la limite, dans les pas de la tortue, qui avance dans l’infinitésimal, l’infinie division par deux, c’est aussi une jouissance, c’est l’Autre jouissance, c’est le champ dit par la Lacan de la jouissance féminine.
Sortir de ce champ constitue un forçage. Je ne sais pas. Mais la sortie est pour moi angoissante. L’entrée est angoissante. Et la sortie est angoissante. L’entrée est angoissante parce que je sais qu’il n’y a peut-être pas de sortie. Donc, ce que je pense être le «champ dit de la jouissance féminine» n’est peut-être pas celui auquel Lacan pensait. Mais un autre. Le passage, le saut à la limite auquel je pense, le « forçage » est celui qui va entériner un accomplissement, l’accomplissement d’un désir. Or, c’est pour moi ce qui est impossible, littéralement, inadmissible, la chose impossible à admettre. Un désir doit rester non pas interdit mais inassouvi, informulé. Donc, ce moment que je désigne comme celui du passage à la limite, est le moment où le désir s’accomplit, prend forme, se montre. Une porte est peinte dans la couleur que je voulais. Une paire de chaussure est achetée. Et tout de suite : «Ce n’est pas ça». «Ce n’est pas ça» que Lacan applique à la jouissance, qui est toujours celle qu’il ne faut pas, qui appelle toujours pour lui un «Ce n’est pas ça », s’applique pour moi au moment du désir, de l’accomplissement. Et l’accomplissement du désir pourrait servir également à désigner la jouissance. Est-on ou pas d’accord? Cela je ne le saurai jamais. Il y a la jouissance dans l’oubli du désir, dans le faire même, et il y a celle du moment où la chose est faite, est là. Et désir et jouissance sont pour moi à ce point immixés que je n’arrive pas du tout à penser ces choses.
Or, le moment du faire, dans l’infinitisation de la division, dans la perpétuelle remise du moment de la finition, n’est pas toujours délicieux, il arrive qu’il soit plutôt infernal. Vécu comme absolument impossible, dans un perpétuel questionnement sur ce qu’il y a à faire, sur ce que je devrais faire, et dans un perpétuel sentiment que ce que je fais est mal, n’est pas ce qu’il faut faire. Ça c’est ce qui m’a empêché de faire pendant toute cette année. Et là, je pressens qu’il y a quelque chose qui s’immisce qui est de l’ordre du sentiment du devoir, l’enfer du devoir, et que ce devoir, cette obéissance, ce désir d’obédience, est ce qui ment, est ce qui vient à la place d’autre chose. Un peu comme quand je disais l’impuissance est venue recouvrir l’impossible. C’est un moment où j’entreprends quelque chose, le plus souvent forcée, et à force de l’avoir remise, alors que je suis dans un sentiment trop important d’un Autre qui voudrait que je fasse cette chose. A un moment où d’avoir déjà trop procrastiné, c’est-à-dire de mettre mise sous la coupe d’un Autre que je fais ainsi exister, je suis en trop grand conflit avec cet Autre que ma procrastination même a mise au monde. Je veux une chose, il faut le faire, je ne le fais pas, d’ailleurs je ne sais pas par où commencer, ni je ne sais comment, je remets de le faire donc je dois le faire, c’est l’enfer. Et là, c’est la mécanique obsessionnelle de non reconnaissance du désir. Me dis-je. Je n’assume pas mon désir, je le postpose, je l’attribue à l’Autre. Ce n’est pas moi qui veut, c’est l’Autre. Et la chose que je voulais se transforme en obligation, me confine dans un sentiment d’impuissance et d’angoisse. Le doute m’envahit. Faut-il que je peigne maintenant vers la droite ou vers la gauche. N’aurais-je pas dû commencer par le bas. Etc. Donc il faut pouvoir avant d’entreprendre une chose au moins au minimum soutenir et défendre le désir qui la soutient. Si ce désir ne s’assume pas, la chose devient infernale. C’est encore la jouissance. Mais infernale.