Quand je me réveille, toutes les difficultés afférant* au travail dans lequel je suis, toutes sortes d’idées inquiètes m’engorgent la tête Ce matin il me sera apparu** comment le blog oblige à faire des choses qui puissent accrocher « le visiteur de hasard».*** Que tout y soit sur une seule page, celle de garde, l’index. Chaque note, chaque article devant constituer une petite entité qui puisse être indépendante des autres. Sans doute m’aura-t-il paru difficile de poursuivre une réflexion – une réflexion qui en passe par l’écriture, de la mener à son terme, peut-être lointain, à coups d’autant de moments de réflexion qui contiennent ou évoquent suffisamment leur propre terme qu’on puisse les séparer de ceux qui les précèdent et des possibles de ceux qui les suivront. Que je ne puisse m’appuyer sur ce que j’aurais déjà écrit dans la mesure où ça n’aura pas déjà été lu.**** Si tout doit se trouver sur l’index, c’est que n’est plus attendu que ce qui est daté d’aujourd’hui. Tout, c’est aujourd’hui. Les archives, c’est accessoire. Ça ne fait plaisir, ça ne rassure ou ça n’inquiète que celui qui les nourrit. Est-ce qu’il y a du nouveau ? Nous sommes des millions de blogs. Nous disposons des outils de Alors pourquoi passer par les blogs, le blog, moi qui connais si bien Le choix, dont il m’est arrivé de parler ici, c’est le choix Le surmoi tente de faire passer le « dire » au« dit» à force des «dits» et en se passant du «dire». Tente d’imposer ça. C’est pour ça que sa force d’impulsion, sa manoeuvre, se fait constante. J’ai été trop longue. J’en reste là . Même moi je ne me lirais Aussi, je vous embrasse. |
* « afférant » me vient de ce que je lisais Christian Oster hier soir, qui utilise à l’abord de son histoire d’amour un certain type de langage, d’ordinaire réservée aux bureaux. Donnant une idée du décalage entre ce que le narrateur vit et les mots par lesquels il en passe pour le décrire, de la distance entre ce qu’il vit et le langage même. Et donnant une idée d’où le narrateur se tient face à ça, pour supporter ça, cette distance, ce décalage, usant du ** Qu’il me soit « apparu »¦ *** Je pense ici au texte de Marcel Broodthaers qu’on peut lire sur l’index de 2balles : « Je voudrais rompre cette solitude, mais ça ne marche pas, car il n’y a pas foule ici. Et il m’est difficile de donner au pied levé une réponse théorique à votre question sur le visiteur. Disons ceci: je suis toujours heureux de voir arriver ici des amis ou des visiteurs que je connais, car il naît toujours un contact direct. Mais j’aime aussi le visiteur de hasard, bien qu’il viennne le plus souvent sur le conseil d’un ami ou d’une **** Or, c’est aussi ce que je cherchais au départ : « en finir (avec les faux impossibles) ». Apprendre à finir. A quoi, le blog, et son visiteur éclair, obligent. ***** ça a été un soulagement, un coup de panique d’abord puis un soulagement, que de me dire que vraiment ça n’avait pas d’importance qui venait sur mon site, combien ils venaient (les logs, les stat.), et de me débarrasser de l’outil qui me permettait de le savoir. ******* « Si le signifiant est ainsi un creux, c’est en tant qu’il témoigne d’une présence passée. Inversement, dans ce qui est signifiant, dans le signifiant pleinement développé qu’est la parole, il y a toujours un passage, c’est-à -dire quelque chose qui est au-delà de chacun des éléments qui sont articulés, et qui sont de leur nature fugaces, évanouissants. C’est ce passage de l’un à l’autre qui constitue l’essentiel de ce que nous appelons la chaîne signifiante. Ce passage en tant qu’évanescent, c’est cela même qui se fait Ce que nous retrouvons là encore, c’est que, s’il y a un texte, si le Jacques Lacan, Le séminaire, Livre V, Les formations de l’inconscient (1956-1957), p. 343. ******* Oster, qui a du talent, |
Histoire de temps ( celui qui peut projeter le passé dans le futur)
cailloux choux, genoux (607)
que je me réveille la nuit continue de me désespérer. surtout quand il s’agit alors de n’éprouver rien d’autre qu’un sentiment de fin du monde.
sommes de retour à paris. n’ai pas osé rester seule à bruxelles avec jules – d’un peu de tristesse seulement peux m’en trouver affectée, que j’observe profonde et menue – ce dernier trait faisant sa force, aussi la mienne, ce pourquoi même ma colère de cette nuit n’aurait pas dû naître; or et en quoi franchement ces insomnies ne se justifient pas, il me semble, sont à combattre (aussi hardiment que possible) (et je pourrais devrais également vous donner des chevaliers tracés à l’encre noire sur blanc papier, d’une blancheur qui évoquerait celle de mon sein, point final).
*
nouvel an par moi promu promis à l’art de la conversation à quoi je le contraire que j’excelle, à quoi je suis très piètre, ce d’autant plus que ces dernières années m’y ont vu de moins en moins m’exercer, que les mots semblent n’avoir plus d’autre motif que celui de me quitter, je veux dire que je les perds et qu’ils vivent de plus en plus nombreux sur le bout de ma langue où le confort ne prime pas (banlieue).
il s’agira d’anlayser ce que.
grand A : l’art de la conversation requiert des partenaires, à tout le moins à ça on ne peut.
mon art de la conversation requerra, soit que je trouve le moyen de faire passer dans la parole la matière première de mes pensées et surabondante, soit que que je trouve le moyen de m’intéresser aux choses, et de partager ce nouvel intérêt, qui a priori ne m’intéressent pas. et a foritiori intéressent d’autant moins mon surmoi. – ce dont la pensée m’est venue au fil de l’écriture de l’avant-précédent post (le recouvrement du surmoi et de la parole pensée, dont la voix ne s’entend que dans la tête).
il pourrait donc s’agir de reprendre sur mon surmoi le pouvoir (voeu 3° donc) – s’il se trouve avère que c’est bien de ce vilain que je suis la victime accablée.
si ça se trouve, je poursuivrai ici la liste de mes bonnes intentions, plus tard.
bas, je vous salue,
nous voilà quittant l’hiver, la couleur pourpre et les épices, les reflets et les soupes,
kiss kiss,
Il exprime tout ce qu’il pense, et jamais ce qu’il sent.
« Il exprime tout ce qu’il pense, et jamais ce qu’il sent ». Cette remarque qui concerne aussi bien la vie du sujet que le déroulement de la cure démontre la valeur de défense des symptômes obsessionnels : il s’agit de pensées faites pour se défendre de ce que l’on pourrait sentir.
[…]
La défense fonctionne à la fois par rétention et par contrainte. On saisit là l’importance du rapport au surmoi dans la névrose obsessionnelle. La pulsion et le surmoi sont deux concepts clés de la névrose obsessionnelle. Mais il y a des échecs de la pensée qui se marquent par le retour du refoulé, ainsi : ce bout de réel de la toux qui vient par le corps. La défense échoue nécessairement, car tout ne peut être traité par la pensée, tout n’est pas maîtrisable.
[…]
Ceci nous donne une indication quant à la voie à suivre dans la cure pour que le sujet s’approprie sa vérité : il ne s’agit pas de rester obnubilé par les remparts qu’il dresse. A propos du sujet obsessionnel, Lacan parle de fortifications à la Vauban. Le sujet se remparde, se pétrifie ; sa stratégie de défense c’est de ne pas être là où l’Autre l’attend. Les demandes de l’Autre sont vécues comme autant de menaces devant lesquelles le sujet fait le mort pour préserver son avoir, pour ne pas risquer sa puissance en l’exposant. Dans le Séminaire V, Lacan dit que la névrose obsessionnelle est une place forte du désir. On s’y défend contre la menace imaginaire de l’autre, et on s’ennuie.
« Une pensée dont l’âme s’embarrasse », Conférence de Philippe de Georges, 25 janvier 2007
addiction
réponses (rapides) à MHB :
1 quelles sont les conséquences symptomatiques de cette montée au zénith du surmoi et de cette chute de l’Idéal dans le traitement du Réel? –> les addictions diverses et variées
2 quelles modifications entraînent-elles dans la cure et la théorie analytiques sur le statut de l’inconscient par exemple? –> heureusement l’inconscient aussi est addictif
3 quelles forces mobiliser dans ce nouvel ordre symbolique contre les forces obscures du surmoi?
–> repartir à zéro (et s’en trouver soulagé), témoigner de la présence réelle de l’inconscient, pointer son goût du jeu, écouter, travailler à la formalisation du symptôme, dénoncer tant que possible les dénis scientifiques
addict est le nom de symptôme de la jouissance
Lacan annonçait en 1946 une montée en force du surmoi, que plus tard dans son enseignement il définira, en le différenciant de l’Idéal du moi, par l’impératif de jouissance : «Jouis». La généralisation du terme «addiction» est le symptôme qui réalise l’accomplissement de cette montée. Addict est donc le nom de symptôme de la jouissance, et le succès du terme rend manifeste le triomphe de cette dernière sur le désir, enraciné qu’il est dans une division du sujet que, précisément, l’addiction à quelque substance que ce soit fait s’évanouir. Ledit «manque» est, lui, d’un tout autre ordre que le désir. Il relève de la volonté, entendez la volonté de jouissance que Sade mit en scène.
L’Expérience des addicts ou le surmoi dans tous ses états, MARIE-HÉLÈNE BROUSSE
le silence de la mère
Vous apportez un éclairage nouveau sur le ravage maternel, lorsque vous indiquez, page 59, qu’une fille peut connaître une forme de laisser tomber de la part de sa mère. Il s’agit non pas d’une absence de soin, de paroles blessantes ou de rejet, mais d’une certaine forme de silence.
Il y a «tout ce que la mère ne peut dire et qui prend toute sa puissance» et «la fille se trouve alors aux prises avec cette jouissance muette». Comment, une cure analytique, qui est une expérience de parole, permet-elle de traiter cette modalité du ravage maternel très spécifique?*
Rose-Paule Vinciguerra (à propos de son livre Femmes lacaniennes) : Ce ravage n’est pas celui qu’évoque Freud autour de la revendication phallique de la fille et qui est «insatisfaction pré-castrative» comme le dit Lacan.1 Il met en jeu la jouissance Autre et énigmatique de la femme qu’est la mère. C’est là sans doute que la mère est la plus puissante, elle en devient réelle. Et comment une fille y répondrait-elle si ce n’est par un surmoi dévastateur, une surmoitié2, dont les dits poussent à s’arracher à toute limite, sans appui, sans garantie. Mais il n’y a pas d’Autre de l’Autre pour répondre à l’exigence de cet appel – pas plus d’ailleurs qu’il n’y a de nomination de l’être d’une femme ni de référent substantiel à son corps. À cet égard, les analystes ont à éviter l’illusion de la réparation faite par le «bon parent» venant à la place du parent traumatique.
Une interprétation analytique peut cependant, en apportant le signifiant équivoque qui manque, contrer le réel, inscrire un bord, là où une expérience de jouissance se répète inlassablement.
La fin de l’analyse témoignerait donc de la façon particulière dont a pu se taire cette voix de la surmoitié, ce point de jouissance rebelle à quelque assomption de l’énonciation. La passe peut rendre compte de cela.
* SOURCE : Interview de Rose-Paule Vinciguerra pour son livre Femmes lacaniennes sur le site de l’ECF.
Notes:
L’objet voix, extrait (Rose-Paule Vinciguerra)
Le Surmoi partenaire de l’Amour
— Vicente Palomera
Amour et culpabilité
La clinique psychanalytique permet de constater que les liens de l’amour avec ce qui le conditionne sont loin d’être aussi puissants que ceux qu’il a avec cet Autre, obscur, derrière lequel pointe le surmoi. Jekels et Bergler ont souligné cette évidence sur le plan clinique dans un article : « Übertragung und Liebe » 1 . Dans son Séminaire VIII, Le transfert, Jacques Lacan, tout en en conseillant la lecture, le résume par une thèse et une anecdote.
La thèse est la suivante : «Ce n’est pas simplement que l’amour est souvent coupable, c’est qu’on aime pour échapper à la culpabilité» 2 , ce qui revient à dire que si l’amour est coupable, c’est parce qu’il implique la demande d’être aimé (Geliebtwerdenwollen) par celui qui pourrait nous rendre coupable. Il s’agit alors de voir comment cette thèse s’articule avec le fait que la demande d’être aimé est demande que l’Autre dévoile son manque 3 .
L’anecdote, maintenant : «Si on aime, en somme, c’est parce qu’il y a encore quelque part l’ombre de celui qu’une femme tordante avec laquelle nous voyagions en Italie appelait Il vecchio con la barba, celui qu’on voit partout chez les primitifs» 4 .
La thèse centrale de Jekels et Bergler qui met en relation l’amour et le surmoi implique donc qu’existe une connexion entre le surmoi et le partenaire de l’amour : nous aimons sous la pression du surmoi, lequel incarne une manifestation de la pulsion de mort.
Si Lacan, avec ce qu’il a appelé son «retour à Freud» a conçu la psychanalyse comme une entreprise qui tend à ébranler le sujet dans son rapport à la pulsion de mort, on comprend qu’il s’intéresse à cet article de Jekels et Bergler, dans la mesure où il porte sur ce qui peut permettre d’atteindre cet objectif, c’est-à-dire l’amour de transfert.
Pour Freud la signification de l’idéal du moi implique sa dépendance par rapport au narcissisme : on aime ce qui manque éminemment au moi pour atteindre l’idéal aimé. Lorsque le silence s’installe entre le moi idéal fantasmé et l’idéal du moi réalisé, le moi sombre dans l’abîme de la culpabilité, qui exprime une nostalgie foncière. C’est ainsi que Jekels et Bergler justifient cette particularité surprenante qu’a l’aimé de se dévaloriser lui-même. Cela rendrait raison du fait que, pour se libérer de la douleur, le sujet doive trouver un autre qui sache le rendre coupable.
Pourquoi cela ? Nous le comprenons mieux en partant de la définition que ces auteurs nous proposent du sentiment de culpabilité et qui tient dans ces quelques mots : «ne pas être aimé par le surmoi». C’est la raison pour laquelle, dans la genèse même de l’idéal du moi et du moi idéal il y aurait lieu de supposer une pulsion de mort. Les auteurs nomment cela le «miracle de l’investissement d’objet» (Das Mirakel der Objektsbesetzung).
Où se trouve la double nécessité d’abandonner le narcissisme original et d’investir, au lieu d’un objet propre, un objet extérieur ? (Warum gibt das Ich zugunsten eines fremden Ichs von seiner Libido ab?) Il existe incontestablement pour eux une continuité au niveau de Thanatos. La création d’un objet par l’enveloppement de la pulsion de mort implique une dialectique dans laquelle ce qui est requis ou sollicité est le réel. Dans cette perspective, le choix de l’objet d’amour tend à s’effectuer dans une discordance, dans la mesure où l’amour tend à être un amour «authentique» tout en coïncidant avec le réel du partenaire qui ne trompe pas. L’idéal n’aurait pas d’autre fonction que celle de cacher la réalité de ce qui manque, ce que Lacan démontre magistralement avec le cas de «la femme qui avait les plus jolis seins».
«Parce que je t’aime, je te mutile»
Lacan commence par souligner la distinction nécessaire entre le lieu où se produit le bénéfice narcissique, où l’idéal du moi fonctionne, et sa fonction dans l’amour. Il aborde alors un autre versant classique de la «clinique de l’amour», celle que Karl Abraham a introduite sous le concept «amour partiel de l’objet» 5 .
L’«amour partiel de l’objet» n’est autre que l’amour de l’autre – aussi complet que possible –, à l’exception des génitoires ou pudenda. Lacan remarque que tous les exemples d’Abraham sont fondés sur la séparation imaginaire du phallus. Le phallus, dans cette perspective, est ce dont la fonction se révèle quand il se différencie de l’objet a. Abraham se demande d’où vient la rage qui surgit au niveau imaginaire de châtrer l’autre dans ce point vif, et Lacan cite sa réponse : « Wir müssen ausserdem in Betracht ziehen, dass bei jedem Menschen das eigene Genitale stärker ais irgendein anderer Körperteil mit narzissischer Liebe besetzt ist». «Nous devons donc prendre en considération le fait que, chez tout homme, ce qui est proprement les génitoires est plus fortement investi que toute autre partie du corps dans le champ narcissique.» 6 Plus loin, Lacan signale encore : «La phrase que j’ai extraite d’Abraham le comporte – c’est pour autant que le phallus réel reste, à l’insu du sujet, ce autour de quoi l’investissement maximum est conservé – que l’objet partiel se trouve être élidé ; laissé en blanc dans l’image de l’autre en tant qu’investie.» 7
Un cas analysé par Lacan élucide ce point8 . Il s’agit de l’analyse d’une femme qui, au niveau de ses désirs, s’organisait assez bien : «disons qu’elle prend plus que des libertés avec les droits, sinon les devoirs du lien conjugal et que, mon Dieu, quand elle a une liaison, elle sait en pousser les conséquences jusqu’au point le plus extrême de ce qu’une certaine limite sociale, celle du respect offert par le front de son mari, lui commande de respecter. Disons que c’est quelqu’un qui sait admirablement tenir et déployer les positions de son désir […] elle a su, à l’intérieur de sa famille, […] maintenir tout à fait intact un champ de force d’exigences strictement centré sur ses besoins libidinaux à elle». Lacan nous indique, ensuite, quelle place il occupait pour elle dans le transfert : il incarnait son idéal du moi, c’est-à-dire le point idéal où l’ordre se maintenait, d’autant plus exigeant puisque c’est à partir de là que tout désordre était possible. Lacan nous dit qu’il était mis par elle juste en ce point où il ne devait pas être permissif, ni approuver ses histoires amoureuses. En définitive, placé en I (A) il devait être le témoin de ses histoires mais sans montrer aucun signe de complicité : il incarnait son idéal du moi, c’est-à-dire le point idéal où l’ordre se maintenait, d’autant plus exigeant puisque c’est à partir de là que tout désordre était possible. «Mais je crois, conclut-il, que la chose qui devait être maintenue en tous les cas à l’abri de tout thème de contestation, c’est qu’elle avait les plus jolis seins de la ville» 9 . Disons, en d’autres termes, que c’est à I(A) que manquent «les seins les plus jolis de la ville». La fonction imaginaire de l’idéal se soutient de ceci que, à ce niveau, le phallus réel est préservé.
Si l’amoureux se définit de ne pas savoir ce qui, de l’objet d’amour, le rend amoureux, il n’est donc pas rare que la culpabilité s’infiltre dans la relation amoureuse, car elle est en elle-même une réponse au non savoir. L’amour, en effet, consiste fondamentalement en la non coïncidence du manque du sujet et de ce qui reste caché dans l’autre. Peut-être Lacan a-t-il été poussé à définir l’amour comme un «don de ce qu’on n’a pas» parce que, nulle part ailleurs que dans l’amour, le sujet ne se trouve confronté à la question : «Qui suis-je pour lui ?» ou bien : «Peut-il me perdre ?»
Cet aphorisme paradoxal démontre excellemment que le sujet est intéressé, non pas à l’autre comme partenaire, mais à l’objet a. Lorsque la culpabilité se présente, c’est que le sujet recule dans l’horizon de l’objet du désir, c’est-à-dire, identifie le partenaire avec ce qui lui manque. Chaque fois que l’amour se montre impuissant à cacher, soit l’énigme du désir de l’Autre, soit l’aspiration de la jouissance de l’autre, pointe le surmoi. Le conjoint peut alors devenir pour un sujet le surmoi le plus inconfortable. C’est pour cette raison que, comme le signale Lacan : «si la culpabilité n’est pas toujours, et immédiatement, intéressée dans le déclenchement d’un amour, dans l’éclair de l’énamoration, dans le coup de foudre, il n’en est pas moins certain que, même dans des unions inaugurées sous des auspices aussi poétiques, il arrive avec le temps que viennent se centrer sur l’objet aimé tous les effets d’une censure active.» 10
Le surmoi le plus inconfortable
En ce sens, un fragment de cure nous a permis de concevoir le répertoire de la confrontation du sujet avec le manque de l’Autre.
Dans ce cas, c’étaient la peur et l’angoisse qui faisaient le signe de la culpabilité d’une femme, lors des premiers entretiens. Elles se manifestèrent un an après qu’elle elle fût sortie d’une longue analyse, sortie qui avait eu lieu après sa séparation d’avec son mari, et à la suite du coup de foudre pour l’homme qui passait pour être son surmoi le plus inconfortable.
Le surgissement de cet amour sur le mode du «coup de foudre», que je distinguerai ici de ce que la langue espagnole nomme un amour «à première vue» était un «amour au premier contact». Elle le signale après avoir observé qu’elle veut aborder ce dont il s’agit «avec tact» 11 et avec un analyste avec lequel elle n’aurait pas eu à faire précédemment (à cause de sa profession, elle fréquente le milieu «psy»). Que l’amour soit aveugle ne lui est en rien étranger, à elle qui se rappelle que le premier cadeau qu’elle lui a fait était un livre dont la couverture montrait une femme aux yeux bandés. Elle se demandait : «Qu’ai-je fait ? Pourquoi l’ai-je laissé entrer si vite dans ma vie ?» Maintenant que «le voile est tombé», elle se demande pourquoi elle a si facilement accordé foi à la construction que son partenaire lui avait présentée de lui-même.
Elle se présente donc comme sujette à une grande inquiétude ou, plus précisément, comme prise de peur, d’une peur qui, selon elle, serait le corrélat d’une rétorsion de la part de l’autre qu’elle sollicite avec des pensées mauvaises. On voit comment, dans ce cas, l’inquiétude est un des noms de l’angoisse quand l’objet de cette rétorsion est lui-même produit par le retrait de l’amour. Pour la première fois, dans sa vie professionnelle elle se trouve si malade qu’elle demande un arrêt de maladie. Un rêve d’angoisse la réveille au milieu de la nuit, en proie à la panique : «Je suis dans une fête, je sors dans la rue. J’ai lu la nouvelle d’un violeur qui a tué sa femme. Il y a une grille métallique près d’un square où il y a du monde. De la grille sort un bras d’homme qui touche les fesses d’une fille. Je prends ce bras et commence à tirer avec force pour qu’il ne s’échappe pas. Plusieurs personnes m’aident et finalement nous réussissons à faire apparaître l’homme. C’est un monsieur énorme, brutal et de haute taille. À ses côtés je vois le corps d’une fille avec un vase cassé, cloué dans ses parties génitales, maintenant ensanglantées».
Nous ne dirons pas que le rêve met en scène le vase avec le bouquet de fleurs du tableau de Jacopo Zucchi intitulé Psyché surprend Amour. Nulle masse de fleurs, ici, ne dissimule le phallus d’Éros. Au contraire, le rêve résume bien le refrain populaire espagnol «Se rompio el cantaro» 12 , interprétant en même temps la série d’infections vaginales surgies depuis qu’elle a fait la connaissance de son amant. Celui-ci avait toujours nié qu’un eczéma de son pénis pourrait être à l’origine de ses infections à elle. Après plusieurs années d’insistance, elle a vérifié ses soupçons. C’est là que, pleine de colère, elle veut se séparer de lui. Ce rêve est accompagné d’une série inusitée de rêves ayant la merde pour thème central. Dans l’un, où il y a des toilettes recouvertes de merde, avec des étagères mal rangées et remplies des parfums et maquillages, elle finit par se dire à elle-même : «Je dois vider tout ça !» Dans un autre, la merde sort par la cuvette des toilettes et dans un autre, finalement, elle marche et écrase une crotte dont elle a du mal à se débarrasser.
La sémantique de la couleur et de la merde nous renvoie sans doute à la méchanceté, mais, plus profondément, elle dévoile plutôt la couleur du A en tant qu’énigme et comme figure obscène et féroce qui exige que soit cédé un plus-de-jouir 13 . Le souvenir de ses nombreuses maladies infantiles a permis de situer ce moment d’angoisse. En effet, petite, à chaque fois qu’elle était souffrante, la mère l’envoyait au lit pour des bricoles et lui faisait manquer l’école. Il s’agissait toujours de maladies de la bouche et la gorge. L’interprétation du déplacement «de haut en bas», lui permet de mettre en continuité ses symptômes «génitaux» avec sa symptomatologie infantile, amène le souvenir de la grave dépression subie par sa mère quand elle quitte, à dix-huit ans, le domicile parental et fait se déployer les labyrinthes au long desquels l’analysante cherche, de façon répétitive, l’amour d’un homme, en fuyant le surmoi maternel.
Qu’a de particulier le choix de l’homme dont les demandes d’amour la pressent autant actuellement ? Jusqu’alors, quand elle avait un rapport avec un homme, dans sa tête il y en avait toujours un autre possible. La nouveauté de cette rencontre a été de découvrir qu’avec celui-ci, cela ne lui arrivait plus, elle a découvert qu’elle n’avait pas à penser à un autre homme. Cela dit bien comment l’homme qu’elle avait trouvé s’accouplait à son fantasme. La seule idée de le quitter fait surgir en elle la question : qu’est ce qui se passerait s’il me perdait ?, question qui va de pair avec la peur qu’il pourrait faire une folie. Ainsi elle ne peut donc pas éviter ce point où se pose la question de «faire de sa vie un enjeu pour lui», où elle fait le lien avec la crise endurée par sa mère au moment de son départ. Si on peut, en guise de conclusion, parler d’une «clinique» de l’amour 14 c’est du fait que l’amour ne se déploie pas exclusivement sous la bannière d’Éros, dans la «douce moitié» où le partenaire pourrait combler les aspirations narcissiques du sujet, mais, et plus fondamentalement, comme «surmoitié», – ainsi que Lacan le signale dans L’Étourdit : «C’est là surmoitié qui ne se surmoite pas si facilement que la conscience universelle». 15
* Traduit de l’espagnol par Susana Elkin.
- JEKELS L. et BERGLER E., «Übertragung und Liebe», Imago, Bd. XX, 1934, pp. 5-31.
- LACAN J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert, Paris, Seuil, p. 394.
- MILLER J.-A., «Les labyrinthes de l’amour», La lettre mensuelle, n°109, mai 1992, p. 18.
- LACAN J., op. cit.
- ABRAHAM K., «Esquisse d’une histoire du développement de la libido basée sur la psychanalyse des troubles mentaux», 1924, Oeuvres complètes, volume II, Paris, Payot, 1965, p. 305.
- LACAN op. cit., p. 441.
- Ibid., p. 449.
- Ibid., p. 399.
- Ibid, p. 400.
- Ibid, p. 395.
- Le jeu de mots est moins sensible en français qu’en espagnol entre «contact» (con facto) et «avec tact».
- Le refrain est « Tanta va el cantaro a la fitent e que al final se quiebra», dont la traduction fut donnée par François Villon dans La ballade des proverbes : « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise».
- Je fais référence ici au commentaire de Colette Soler sur le surmoi à partir du cas The Piggle de Winnicott in Clinica del superyo en la infancia, «Actas de la VIII jornadas de Forum», Barcelona, 1996.
- J’emploie l’expression introduite par François Leguil dans un conférence à Nantes, le 3 octobre 1987 : «La « clinique » de l’amour et la folie», Travaux 3, Groupe d’études de Nantes, 1988.
- LACAN, J. «L’Étourdit», Scilicet n°4, Paris, 1973, p. 25
les deux surmois
La jouissance au fil de l’enseignement de Lacan, Jean-marie JADIN, Marcel RITTER
Le caprice féminin, Frank Rollier (extrait)
[…]
A la fin du paragraphe, Kant note entre parenthèses quatre mots en latin : « Sic volo, sic jubeo », « Ainsi je le veux, ainsi je l’ordonne », dont J.-A. Miller retrouvera l’origine chez Juvénal. À Rome à partir du premier siècle (années 90), Juvénal écrit une série de satires dans lesquelles il dénonce l’hypocrisie des puissants, les mauvais exemples que donnent les parents à leurs enfants, la corruption et la luxure de la société impériale. Dans la satire VI, il s’en prend avec véhémence à la femme mariée, dépeinte comme étant toujours insupportable, sinon dépravée. Il tente de dissuader un ami qui songe à se marier et, entre autres exemples, rapporte cette saynète entre une femme et son mari, sans en préciser le contexte : « Cet esclave, en croix ! » ordonne la femme à son mari, lequel rechigne à obtempérer, pas tant par humanité que par souci de son patrimoine humain. Il essaie de discuter : « Mais quel crime a-t-il commis pour mériter un tel supplice ? Où sont les témoins, le dénonciateur ? On ne saurait prendre trop de temps quand il y va de la mort d’un homme ! ». Ce à quoi elle réplique : « oh le sot ! Un esclave, est-ce donc un homme ? Il n’a rien fait, soit ! Mais je le veux ! Je l’ordonne ! Hoc volo, sic jubeo – Comme raison, que ma volonté suffise ! »1
Le caprice mortifère de la matrone de Juvénal renvoie directement au surmoi dont Freud soulignait la parenté avec l’impératif kantien. Il s’agit donc d’un surmoi qui se situe dans une autre dimension que celle du surmoi qui interdit, dimension que Freud avait précédemment développée. Depuis Lacan nous concevons le surmoi comme une instance qui pousse à la jouissance, qui « pousse au crime » écrit Eric Laurent. J.-A. Miller, dans sa « Théorie du caprice», pointe « l’affinité de la femme et du surmoi »2 que vérifie la saynète racontée par Juvénal.
Lacan fera de la Sphinge (version féminine du Sphinx) une incarnation du surmoi féminin, la surmoitié d’Œdipe qui lance – dans la version du mythe créée par Lacan – un « tu m’as satisfaite petithomme » (( 20 LACAN J., « L’étourdit », Autres Écrits, Seuil, 2001, p. 468. )) , qui apparaît comme un défi, « une exigence de jouissance distincte de la jouissance phallique. » 3 Bien sûr, à travers Œdipe, chaque petithomme est interpellé par cette exigence mortifère qui, selon la lecture qu’Eric Laurent fait de ce passage de « L’étourdit », à la valeur d’un impératif lancé à l’homme : « Fais toi l’ami des femmes ». Pour vraiment les comprendre, fais-toi femme toi-même, essaye de t’approcher de l ’Autre jouissance. C’est à ce propos que Lacan convoque le devin Tirésias : «…tu sauras même vers le soir te faire l’égal de Tirésias… ».
Le point important, me semble-t-il, éclaire ce fait que « la voix du surmoi féminin (…) s’origine (…) de son Autre jouissance qui lui est propre ». Eric Laurent démontre l’issue de ces appels de la surmoitié « à jouir davantage». Loin d’y voir le destin de chaque petithomme , « la psychanalyse consiste plutôt à soutenir que la voix de la surmoitié n’est mortifère que pour celui qui refuse d’affronter l’originalité de la position féminine ».
(…)
La thèse proposée par J.-A. Miller est que « le principe de cette volonté», de ce « je veux », « c’est un énoncé qui est un objet détaché et qui mérite d’être qualifié d’objet petit a, le caprice-cause de ce qu’il y a à faire», « qui en l’Autre divise le sujet». La matrone de Juvénal demande la mort de l’esclave mais « c’est son mari qu’elle veut diviser, elle veut lui faire sacrifier son bien, à savoir un de ses esclaves, pour son caprice à elle» et, de fait, il doute. De la même manière, la Reine fait tourner en bourrique le Roi falot du pays des Merveilles et Lucinde veut faire plier son père, cela afin qu’ils sacrifient leur pouvoir au caprice de chacune. Cette volonté de diviser l’Autre, Lacan l’identifie à la volonté de la pulsion, laquelle est acéphale et se manifeste « comme volonté-de-jouissance»4 , traduit J.-A. Miller.
Peut-on qualifier cette volonté de diviser le partenaire, de perversion ? De Kant à Sade5, il y a une parenté manifeste, marquée par le fait que Lacan introduise ce concept de volonté-de-jouissance lorsqu’il écrit le schéma du fantasme sadien et dégage que c’est la volonté qui semble dominer toute l’affaire. Le pervers s’emploie explicitement à angoisser l’Autre «en bouchant le trou dans l’Autre» ; si le partenaire de la patiente que j’évoquais semble bien avoir été angoissé par la «trituration » de sa compagne, il ne me paraît pas certain que l’époux de la Matrone de Juvénal soit angoissé, pas plus que le Roi d’Alice ou le père de Lucinde : ils sont simplement divisés, déroutés dans leur prétention à gouverner. J.-A. Miller propose que «cette volonté-femme veut séparer le sujet de son avoir […] de ses idéaux». Il tire le caprice féminin du côté de la maîtrise du signifiant-maître, sans en faire une position perverse, ni une posture hystérique pour occuper la place du S1.
Le « hors la loi » ou le « sans limite » de cette volonté-femme est différent du «être contre» de l’hystérique, dont « l’expérience historique est faite ». Aujourd’hui, les femmes peuvent tout à fait légalement« commander avec le signifiant-maître en main » – et J.-A. Miller voit là une nouveauté à encourager.
Pour conclure, avançons qu’avec J. Lacan et J.-A. Miller, s’opère une réhabilitation, ou tout du moins une revalorisation du surmoi féminin. Freud situait cette instance plutôt du côté masculin, au point qu’il apparaissait « même douteux que la femme soit dotée d’un surmoi»6.
Je propose que le caprice puisse être envisagé selon deux registres. Le premier serait de considérer le caprice spécifiquement féminin comme un fantasme masculin, tout comme le masochisme dit féminin et décrit par Freud. L’autre registre, qui n’est pas antinomique au premier mais, me semble-t-il, supplémentaire – tout comme l’Autre Jouissance est supplémentaire à la jouissance phallique – serait de poser que tout ce qui se manifeste comme volonté, telle que définie avec J.-A. Miller, comme relevant d’une jouissance sans limite, hors la loi, puisse être rangé du côté droit du tableau de la sexuation. Cette volonté-de-jouissance se réfère donc au féminin, même si elle émane éventuellement d’un homme. C’est le versant pulsionnel du caprice, qui n’exclue pas sa dimension mortifère, sans que la folie d’une Médée soit en jeu, puisque dans le fond, toute pulsion tend vers la pulsion de mort. Fort heureusement, J.-A. Miller nous rappelle que du côté du vivant, « le caprice est au principe des plus grandes choses ».
Franck Rollier
https://www.lacan-universite.fr/wp-content/uploads/2011/01/Carnet-de-route-9.pdf
Notes:
- JUVENAL., « Satires », p 67, Les belles lettres, Paris, 2002. [↩]
- 19 MILLER J.-A., « Théorie du caprice », Quarto, n° 71, p. 6-12. , p. 11. [↩]
- 21 LAURENT E., « Positions féminines de l’être », Quarto, N° 90 « La femme et la pudeur », pp. 28-33. [↩]
- 22. LACAN J., « Kant avec Sade », Écrits, Seuil, p. 775. [↩]
- 23 MILLER J.-A., « Théorie du caprice», op. cit, p. 10. [↩]
- 24 MILLER J.-A. : « Un répartitoire sexuel », La cause Freudienne, N° 40. [↩]
de 2012 le perdu mois de mai + je vis dans un bureau de police
Sam., 12 oct. 24 , 06:09,
D’hier la journée encore passée sur l’ordinateur.
J’ai importé sur le blog les notes Evernote de 2012 et me suis lancée dans la relecture du mois de mai1 qu’arrivée en fin de journée, j’ai trouvé très maigre. Avec l’impression de n’en n’avoir rien ramené qui tienne le coup jusqu’à aujourd’hui, interrogeant probablement encore cette pratique persistante du carnet chez moi. J’ai cherché de quoi le nourrir davantage, mais n’ai même pas retrouvé de photo de ce mois-là. Probablement perdues me suis-je dit à regret. Et donc ce matin encore, me lève pleine d’angoisse, me proposant de vérifier dans mes emails si je ne trouverais pas d’autres traces écrites, d’autres dépôts écrits de ce mois disparu.
Il y a dans ce mois un rêve (du 11 mai) dont je n’ai rien retenu si ce n’est qu’un crime a lieu dans un bureau de police et que la police tarde à intervenir et un moment où je parle du fait que j’essaie d’être gentille avec Frédéric et de la façon dont l’opposition gentil/méchant aura pour moi réglé ma vie. Peut-être constamment réglé ma vie.
Je vis dans un bureau de police.
Tu vois?
Je soupçonnais alors « méchant » de ne valoir que comme signifiant.
C’est-à-dire de ne valoir que pour le lien de ses sonorités, vides de toute signification, avec certains événements « traumatiques » de ma vie : entendre des événements pour lesquels je ne dispose alors, je ne dispose d’abord, et peut-être à jamais, de moyens de l’insérer dans la trame narrative, significative de ma vie, auxquels donc je ne me lie que par le son, vide de signification (si cela peut faire explication de ce qu’est un signifiant, j’en doute), de ce que j’entends alors, de ce que j’entends au moment de l’événement.
Je ne suis plus si sûre aujourd’hui qu’il ne s’agisse que d’un lien signifiant, meaning : il me semble que ça s’est au contraire tout de suite chargé de significations, chargé de grandes missions significatrices, significationnelles, chargé de porter sur ce qui arrive et sur ce que je fais et sur ce que le monde fait une grille (courte), binaire, de significations : gentil/méchant. ou ou. ni ni. ou/et. etc. je pense que ça a donc à voir avec la sorte de surveillance constante où je suis de moi-même. la surveillance de moi-même et du monde, le bureau de police où j’habite où la police trop souvent cependant tarde à intervenir. car le fait est que la police n’intervient jamais, si je ne prends pas les choses en main, si je ne prends pas sur moi, la police n’intervient pas, bref, c’est à moi, de la faire, la police. n’est-ce pas là ce qui cherche à me régler, n’est-ce pas là que j’habite, dans un regard sur moi, un regard qui présume du regard que l’autre porte sur moi et qui conclut négativement, qui me condamne toujours. Il arrive que ce regard se reporte sur le monde.
la fonction première du langage: le jugement.
J’ai fait hier une recherche dans le blog, sur ce « signifiant », « méchant« , et je suis tombée sur une étrange assertion : méchante == le point d’où je me verrais « aimable par ma mère »…..
ma mère qui nous aimait même méchants. inconditionnellement. de là, j’aurais glissé à l’idée qu’elle nous aurait spécialement aimés méchants. pas de plus grand amour que d’aimer les méchants. ceux que personne n’aime. les réprouvés. (quand tout montre que c’est faux que tout le monde aime les méchants, les méchants sont aimés, les méchants ont furieusement tendance à être aimés, le fait est qu’il s’y acharnent, à se faire aimer, hors-la-loi).
Je ne sais à quoi je pensais alors.
Est-ce que je pensais à l’oncle Jean?
Qu’est-ce qu’aimer l’Autre méchant ?
Parfois aimer l’Autre méchant n’est-ce vouloir s’aimer soi ?
Il n’y a probablement pas moyen d’écrire ça logiquement.
Ici, « méchant » dans le blog: https://www.disparates.org/iota/tag/mechant/
Il y est également question des vrais méchants auxquels j’ai eu affaire, mais ça, je n’ai pas pu relire.
Tout ceci me fait penser à ce que j’ai écrit récemment sur la Palestine. Sur ma passion pour ce qui se passe en ce moment en Palestine. Sur la façon dont je me sentais bloquée (texte du 23 août, que je pensais avoir envoyé à Mi et que j’avais envoyé à JC). Et sur le malaise même où je me trouve dans cette obsession et dans ma position accusatrice. Est-ce comme ça qu’il faut le dire? Je n’arrive pas à dire le méchant, c’est celui-là.
Le pardon……
Il faut peut-être que je le ramène dans le blog. Peut-être avec tout ce qui concerne la Palestine. Mais, ça, ça veut dire m’embarquer dans… Après tout, ça fait maintenant un an…
Hier soir, encore une fois, très mal à l’idée de n’avoir « rien foutu » de la journée….
(Tu vois, combien de points d’urgence dans ce texte… de points où retourner voir, à travailler, à rapatrier dans le blog, d’images à chercher, etc, etc. etc. Et comme il n’y a pas le temps, comme le temps ne compte pas, ou bizarrement, dirait-on, car de mai, même perdu, mais de mai 2012, le rêve ramené parle encore aujourd’hui, parle mêmement, ou ne parle jamais qu’aujourd’hui, onze ans plus tard. )