où l’on touchera un mot de la jouissance afférente à la honte et à la culpabilité (avec du Dostoïevski dedans)

MARDI MATIN, huit mars 2016, 10 h 53 minutes. F bureau, J école.

Malheur de malheur, j’ai craqué avant-hier et j’ai acheté un paquet de cigarettes.

Venions de rentrer de Donn, c’était le début de soirée déjà avancé, nous n’allions pas déballer les valises plus avant, elles resteraient probablement ouvertes au sol jusqu’à jeudi. Assis dans le canapé, Jules jouait à Portal 2. Dans son fauteuil, F faisait ses trucs sur ordi.

J’errais.

Soudain, j’ai vu sur la table du salon ce livre qui y traîne depuis un certain temps, probablement par moi sorti de la bibliothèque pour des raisons oubliées, Le sous-sol de Dostoïevski ! J’ai dit alors à J. que j’allais me servir un verre de vin, m’installer à côté de lui et le lui lire pendant qu’il jouait.

Faire la lecture à Jules, ça n’arrive bien sûr plus qu’à de rares occasions. Là, c’était autre chose. Énervée par l’ennui, j’avais eu cette idée de lire à autre hautre haute voix un livre que j’avais aimé, qui avait compté, dont j’avais partagé l’amour avec ma mère qui me l’avait fait découvrir. Et qui parle de sujets qui me sont chers, auxquels il m’avait d’ailleurs fastueusement initiée : la honte et la joie qui s’y lie, l’aveu et sa brûlure, la culpabilité et son triomphe sirupeux, épais. Autant de matières qui ne s’abordent pas nécessairement de front.  Qu’elles parviennent aux oreilles de Jules sans qu’il aie à les  écouter, distraitement, me paraissait –  pour moi lectrice également -,  finalement particulièrement adéquat. Approprié également à mon état nerveux, mon envie d’autre chose, d’un plus quelconque, oserais-je dire « cruel » – Comme une envie de mordre.

Donc, je me suis mise à lire… Ce livre est d’une force… Ah ! Je m’y suis pas mal laissé prendre. Il me manquait même, rétrospectivement, de n’y être pas retournée plus souvent, à ce livre, cet auteur, sa matière, sa grandeur, son humour, sa bonté, mais aussi au jeu et à l’interprétation. Donc, mon degré d’hypersensibilité a augmenté d’un cran et j’ai embrayé dans le mode susceptible, comme à chaque fois que j’aborde, que je fais état de ce à quoi je tiens.

Aussi, lorsque F. a mis de la musique sur son petit ordi, de son petit Facebook, grogniasse, bitch, j’ai pris la mouche, me suis trouvée heurtée, cognée. J’ai bien essayé de me retenir, mais il a fallu que j’arrête. Calmement, j’ai annoncé que je sortais, que j’allais boire un verre, qu’ils pouvaient manger sans moi.

C’est donc ainsi que je me suis retrouvée au tabac du coin, une bière buvant et… fumant une cigarette. Celle qui me faisait envie depuis que nous étions rentrés, qu’exigeait mon état de nerfs.

Mots-clés : honte, culpabilité, jouissance.

que c’est au plus intime que se lie la honte,  à la jointure du corps et de l’être.

Ma mère. Il faut et il suffit que je la laisse jouir tranquillement. Pour elle, son attitude, c’est jeu, c’est comédie. Pour moi, c’est drame. Peut-être parce que je ne peux m’empêcher d’y considérer le désir sacrifié (et que je sacrifierais à sa suite).

Et si j’avais tort.

D’une part parce qu’à ne pas supporter l’acharnement qu’elle met à se dénigrer, que je ressens dans ma propre chair, ce n’est en fait que sa jouissance que je ne supporte pas (et ça, Lacan nous l’a enseigné à tous : c’est NORMAL : que l’Autre jouisse, ce sera toujours à nos dépens, ce sera toujours menaçant (voir Télévision sur le racisme) ) ; ensuite, parce que le désir… paraît bien peu fiable par rapport à la jouissance (et ce serait là son moindre défaut)… à bien des égards n’apparaît guère comme un moyen compliqué, industrieux, de se défendre de la jouissance quand elle s’avère par trop létale.

Le Surmoi partenaire de l’Amour
— Vicente Palomera

 Amour et culpabilité  

La clinique psychanalytique permet de constater que  les liens de l’amour avec ce qui le conditionne sont  loin d’être aussi puissants que ceux qu’il a avec cet  Autre, obscur, derrière lequel pointe le surmoi.  Jekels et Bergler ont souligné cette évidence sur le plan clinique dans un article :  « Übertragung und  Liebe » 1 .  Dans son  Séminaire VIII, Le transfert,  Jacques Lacan, tout en en conseillant la lecture, le  résume par une thèse et une anecdote.  

La thèse est la suivante : «Ce n’est pas simplement  que l’amour est souvent coupable, c’est qu’on aime  pour échapper à la culpabilité»  2 , ce qui revient à  dire que si l’amour est coupable, c’est parce qu’il  implique  la  demande  d’être  aimé  (Geliebtwerdenwollen)  par celui qui pourrait nous  rendre coupable. Il s’agit alors de voir comment  cette thèse s’articule avec le fait que la demande  d’être aimé est demande que l’Autre dévoile son  manque  3 .  

L’anecdote, maintenant : «Si on aime, en somme,  c’est parce qu’il y a encore quelque part l’ombre de  celui qu’une femme tordante avec laquelle nous  voyagions en Italie appelait  Il vecchio con la barba,  celui qu’on voit partout chez les primitifs»  4 .  

La thèse centrale de Jekels et Bergler qui met en  relation l’amour et le surmoi implique donc  qu’existe une connexion entre le surmoi et le  partenaire de l’amour : nous aimons sous la pression  du surmoi, lequel incarne une manifestation de la  pulsion de mort.  

Si Lacan, avec ce qu’il a appelé son «retour à Freud»  a conçu la psychanalyse comme une entreprise qui  tend à ébranler le sujet dans son rapport à la pulsion  de mort, on comprend qu’il s’intéresse à cet article  de Jekels et Bergler, dans la mesure où il porte sur  ce qui peut permettre d’atteindre cet objectif, c’est-à-dire l’amour de transfert.  

Pour Freud la signification de l’idéal du moi  implique sa dépendance par rapport au narcissisme :  on aime ce qui manque éminemment au moi pour  atteindre l’idéal aimé. Lorsque le silence s’installe  entre le moi idéal fantasmé et l’idéal du moi réalisé,  le moi sombre dans l’abîme de la culpabilité, qui  exprime une nostalgie foncière. C’est ainsi que  Jekels et Bergler justifient cette particularité  surprenante qu’a l’aimé de se dévaloriser lui-même.  Cela rendrait raison du fait que, pour se libérer de la  douleur, le sujet doive trouver un autre qui sache le  rendre coupable.

Pourquoi cela ? Nous le  comprenons mieux en partant de la définition que  ces auteurs nous proposent du sentiment de  culpabilité et qui tient dans ces quelques mots : «ne  pas être aimé par le surmoi». C’est la raison pour  laquelle, dans la genèse même de l’idéal du moi et  du moi idéal il y aurait lieu de supposer une pulsion  de mort. Les auteurs nomment cela le «miracle de  l’investissement d’objet»  (Das Mirakel der  Objektsbesetzung).  

Où se trouve la double nécessité d’abandonner le  narcissisme original et d’investir, au lieu d’un objet  propre, un objet extérieur ?  (Warum gibt das Ich  zugunsten eines fremden Ichs von seiner Libido  ab?)  Il existe incontestablement pour eux une continuité  au niveau de Thanatos.  La création d’un objet par  l’enveloppement de la pulsion de mort implique une  dialectique dans laquelle ce qui est requis ou  sollicité est le réel. Dans cette perspective, le choix  de l’objet d’amour tend à s’effectuer dans une  discordance, dans la mesure où l’amour tend à être  un amour «authentique» tout en coïncidant avec le  réel du partenaire qui ne trompe pas. L’idéal n’aurait  pas d’autre fonction que celle de cacher la réalité de  ce qui manque, ce que Lacan démontre  magistralement avec le cas de «la femme qui avait  les plus jolis seins».  

«Parce que je t’aime, je te mutile»  

Lacan commence par souligner la distinction  nécessaire entre le lieu où se produit le bénéfice  narcissique, où l’idéal du moi fonctionne, et sa  fonction dans l’amour. Il aborde alors un autre  versant classique de la «clinique de l’amour», celle  que Karl Abraham a introduite sous le concept  «amour partiel de l’objet»  5 .  

L’«amour partiel de l’objet» n’est autre que l’amour  de l’autre – aussi complet que possible –, à  l’exception des génitoires ou  pudenda.  Lacan  remarque que tous les exemples d’Abraham sont  fondés sur la séparation imaginaire du phallus. Le  phallus, dans cette perspective, est ce dont la  fonction se révèle quand il se différencie de l’objet  a. Abraham se demande d’où vient la rage qui surgit  au niveau imaginaire de châtrer l’autre dans ce point  vif, et Lacan cite sa réponse : « Wir müssen  ausserdem in Betracht ziehen, dass bei jedem  Menschen das eigene Genitale stärker ais irgendein  anderer Körperteil mit narzissischer Liebe besetzt  ist».  «Nous devons donc prendre en considération le  fait que, chez tout homme, ce qui est proprement les  génitoires est plus fortement investi que toute autre  partie du corps dans le champ narcissique.»  6  Plus  loin, Lacan signale encore : «La phrase que j’ai  extraite d’Abraham le comporte – c’est pour autant  que le phallus réel reste, à l’insu du sujet, ce autour  de quoi l’investissement maximum est conservé –  que l’objet partiel se trouve être élidé ; laissé en  blanc dans l’image de l’autre en tant qu’investie.»  7

Un cas analysé par Lacan élucide ce point8 . Il s’agit  de l’analyse d’une femme qui, au niveau de ses  désirs, s’organisait assez bien : «disons qu’elle prend  plus que des libertés avec les droits, sinon les  devoirs du lien conjugal et que, mon Dieu, quand  elle a une liaison, elle sait en pousser les  conséquences jusqu’au point le plus extrême de ce  qu’une certaine limite sociale, celle du respect offert  par le front de son mari, lui commande de respecter.  Disons que c’est quelqu’un qui sait admirablement  tenir et déployer les positions de son désir […] elle a  su, à l’intérieur de sa famille, […] maintenir tout à  fait intact un champ de force d’exigences strictement  centré sur ses besoins libidinaux à elle».  Lacan nous indique, ensuite, quelle place il occupait  pour elle dans le transfert : il incarnait son idéal du  moi, c’est-à-dire le point idéal où l’ordre se  maintenait, d’autant plus exigeant puisque c’est à  partir de là que tout désordre était possible. Lacan  nous dit qu’il était mis par elle juste en ce point où il  ne devait pas être permissif, ni approuver ses  histoires amoureuses. En définitive, placé en I (A) il  devait être le témoin de ses histoires mais sans  montrer aucun signe de complicité : il incarnait son  idéal du moi, c’est-à-dire le point idéal où l’ordre se  maintenait, d’autant plus exigeant puisque c’est à  partir de là que tout désordre était possible. «Mais je  crois, conclut-il, que la chose qui devait être  maintenue en tous les cas à l’abri de tout thème de  contestation, c’est qu’elle avait les plus jolis seins de  la ville»  9 . Disons, en d’autres termes, que c’est à  I(A) que manquent «les seins les plus jolis de la  ville». La fonction imaginaire de l’idéal se soutient  de ceci que, à ce niveau, le phallus réel est préservé.  

Si l’amoureux se définit de ne pas savoir ce qui, de  l’objet d’amour, le rend amoureux, il n’est donc pas  rare que la culpabilité s’infiltre dans la relation  amoureuse, car elle est en elle-même une réponse au  non  savoir.  L’amour,  en  effet,  consiste  fondamentalement en la non coïncidence du manque  du sujet et de ce qui reste caché dans l’autre.  Peut-être Lacan a-t-il été poussé à définir l’amour  comme un «don de ce qu’on n’a pas» parce que,  nulle part ailleurs que dans l’amour, le sujet ne se  trouve confronté à la question : «Qui suis-je pour  lui ?» ou bien : «Peut-il me perdre ?»

Cet aphorisme  paradoxal démontre excellemment que le sujet est  intéressé, non pas à l’autre comme partenaire, mais à  l’objet  a.  Lorsque la culpabilité se présente, c’est  que le sujet recule dans l’horizon de l’objet du désir,  c’est-à-dire, identifie le partenaire avec ce qui lui  manque.  Chaque fois que l’amour se montre impuissant à  cacher, soit l’énigme du désir de l’Autre, soit  l’aspiration de la jouissance de l’autre, pointe le  surmoi. Le conjoint peut alors devenir pour un sujet  le surmoi le plus inconfortable. C’est pour cette  raison que, comme le signale Lacan : «si la  culpabilité n’est pas toujours, et immédiatement,  intéressée dans le déclenchement d’un amour, dans  l’éclair de l’énamoration, dans le coup de foudre, il  n’en est pas moins certain que, même dans des  unions inaugurées sous des auspices aussi poétiques,  il arrive avec le temps que viennent se centrer sur  l’objet aimé tous les effets d’une censure active.»  10

Le surmoi le plus inconfortable  

En ce sens, un fragment de cure nous a permis de  concevoir le répertoire de la confrontation du sujet  avec le manque de l’Autre.

Dans ce cas, c’étaient la  peur et l’angoisse qui faisaient le signe de la  culpabilité d’une femme, lors des premiers  entretiens. Elles se manifestèrent un an après qu’elle  elle fût sortie d’une longue analyse, sortie qui avait  eu lieu après sa séparation d’avec son mari, et à la  suite du coup de foudre pour l’homme qui passait  pour être son surmoi le plus inconfortable.  

Le surgissement de cet amour sur le mode du «coup  de foudre», que je distinguerai ici de ce que la  langue espagnole nomme un amour «à première  vue» était un «amour au premier contact». Elle le  signale après avoir observé qu’elle veut aborder ce  dont il s’agit «avec tact»  11  et avec un analyste avec  lequel elle n’aurait pas eu à faire précédemment (à  cause de sa profession, elle fréquente le milieu  «psy»). Que l’amour soit aveugle ne lui est en rien  étranger, à elle qui se rappelle que le premier cadeau  qu’elle lui a fait était un livre dont la couverture  montrait une femme aux yeux bandés. Elle se  demandait : «Qu’ai-je fait ? Pourquoi l’ai-je laissé  entrer si vite dans ma vie ?» Maintenant que «le  voile est tombé», elle se demande pourquoi elle a si  facilement accordé foi à la construction que son  partenaire lui avait présentée de lui-même.  

Elle se présente donc comme sujette à une grande  inquiétude ou, plus précisément, comme prise de  peur, d’une peur qui, selon elle, serait le corrélat  d’une rétorsion de la part de l’autre qu’elle sollicite  avec des pensées mauvaises. On voit comment, dans  ce cas, l’inquiétude est un des noms de l’angoisse  quand l’objet de cette rétorsion est lui-même produit  par le retrait de l’amour.  Pour la première fois, dans sa vie professionnelle  elle se trouve si malade qu’elle demande un arrêt de  maladie. Un rêve d’angoisse la réveille au milieu de  la nuit, en proie à la panique : «Je suis dans une fête,  je sors dans la rue. J’ai lu la nouvelle d’un violeur  qui a tué sa femme. Il y a une grille métallique près  d’un square où il y a du monde. De la grille sort un  bras d’homme qui touche les fesses d’une fille. Je  prends ce bras et commence à tirer avec force pour  qu’il ne s’échappe pas. Plusieurs personnes m’aident  et finalement nous réussissons à faire apparaître  l’homme. C’est un monsieur énorme, brutal et de  haute taille. À ses côtés je vois le corps d’une fille  avec un vase cassé, cloué dans ses parties génitales,  maintenant ensanglantées».  

Nous ne dirons pas que le rêve met en scène le vase  avec le bouquet de fleurs du tableau de Jacopo  Zucchi intitulé  Psyché surprend Amour.  Nulle masse  de fleurs, ici, ne dissimule le phallus d’Éros. Au  contraire, le rêve résume bien le refrain populaire  espagnol «Se  rompio el cantaro»  12 , interprétant en  même temps la série d’infections vaginales surgies  depuis qu’elle a fait la connaissance de son amant.  Celui-ci avait toujours nié qu’un eczéma de son  pénis pourrait être à l’origine de ses infections à  elle. Après plusieurs années d’insistance, elle a  vérifié ses soupçons. C’est là que, pleine de colère,  elle veut se séparer de lui.  Ce rêve est accompagné d’une série inusitée de  rêves ayant la merde pour thème central. Dans l’un,  où il y a des toilettes recouvertes de merde, avec des  étagères mal rangées et remplies des parfums et  maquillages, elle finit par se dire à elle-même : «Je  dois vider tout ça !» Dans un autre, la merde sort par  la cuvette des toilettes et dans un autre, finalement,  elle marche et écrase une crotte dont elle a du mal à  se débarrasser.  

La sémantique de la couleur et de la merde nous  renvoie sans doute à la méchanceté, mais, plus  profondément, elle dévoile plutôt la couleur du  A  en  tant qu’énigme et comme figure obscène et féroce  qui exige que soit cédé un plus-de-jouir  13 .  Le souvenir de ses nombreuses maladies infantiles a  permis de situer ce moment d’angoisse. En effet,  petite, à chaque fois qu’elle était souffrante, la mère  l’envoyait au lit pour des bricoles et lui faisait  manquer l’école. Il s’agissait toujours de maladies  de la bouche et la gorge. L’interprétation du  déplacement «de haut en bas», lui permet de mettre  en continuité ses symptômes «génitaux» avec sa  symptomatologie infantile, amène le souvenir de la  grave dépression subie par sa mère quand elle quitte,  à dix-huit ans, le domicile parental et fait se  déployer les labyrinthes au long desquels  l’analysante cherche, de façon répétitive, l’amour  d’un homme, en fuyant le surmoi maternel.  

Qu’a de particulier le choix de l’homme dont les  demandes d’amour la pressent autant actuellement ?  Jusqu’alors, quand elle avait un rapport avec un  homme, dans sa tête il y en avait toujours un autre  possible. La nouveauté de cette rencontre a été de  découvrir qu’avec celui-ci, cela ne lui arrivait plus,  elle a découvert qu’elle n’avait pas à penser à un  autre homme. Cela dit bien comment l’homme  qu’elle avait trouvé s’accouplait à son fantasme. La  seule idée de le quitter fait surgir en elle la question :  qu’est ce qui se passerait s’il me perdait ?, question  qui va de pair avec la peur qu’il pourrait faire une  folie. Ainsi elle ne peut donc pas éviter ce point où  se pose la question de «faire de sa vie un enjeu pour  lui», où elle fait le lien avec la crise endurée par sa  mère au moment de son départ.  Si on peut, en guise de conclusion, parler d’une  «clinique» de l’amour  14  c’est du fait que l’amour ne  se déploie pas exclusivement sous la bannière  d’Éros, dans la  «douce moitié»  où le partenaire  pourrait combler les aspirations narcissiques du  sujet, mais, et plus fondamentalement, comme  «surmoitié», – ainsi que Lacan le signale dans  L’Étourdit : «C’est là surmoitié qui ne se surmoite  pas si facilement que la conscience universelle».  15

* Traduit de l’espagnol par Susana Elkin.  

  1. JEKELS L. et BERGLER E., «Übertragung und Liebe», Imago, Bd. XX,  1934, pp. 5-31.
  2. LACAN J., Le Séminaire, livre VIII, Le transfert,  Paris, Seuil, p. 394.  
  3. MILLER J.-A., «Les labyrinthes de l’amour», La lettre mensuelle, n°109,  mai 1992, p. 18.  
  4. LACAN J., op. cit.
  5. ABRAHAM K., «Esquisse d’une histoire du développement de la libido basée sur la psychanalyse des troubles mentaux», 1924, Oeuvres complètes,  volume II, Paris, Payot, 1965, p. 305.  
  6. LACAN op. cit., p. 441.  
  7. Ibid., p. 449.  
  8. Ibid., p. 399.  
  9. Ibid, p. 400.  
  10. Ibid, p. 395.  
  11. Le jeu de mots est moins sensible en français qu’en espagnol entre «contact» (con facto)  et «avec tact».  
  12. Le refrain est « Tanta va el cantaro a la fitent e que al final se quiebra»,  dont la traduction fut donnée  par François Villon dans  La ballade des  proverbes : « tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se brise».  
  13.  Je fais référence ici au commentaire  de Colette Soler sur le surmoi à partir  du cas  The Piggle de Winnicott in Clinica del  superyo en la infancia, «Actas de  la VIII jornadas de Forum»,  Barcelona, 1996.  
  14. J’emploie l’expression introduite par François Leguil dans un conférence à  Nantes, le 3 octobre 1987 : «La « clinique » de l’amour et la folie»,  Travaux 3,  Groupe d’études de Nantes, 1988.
  15. LACAN, J. «L’Étourdit»,  Scilicet  n°4, Paris, 1973, p. 25   
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