Qu’est-ce qui est le réel ? Cette question est devenue instante dans la philosophie à partir de Descartes. Celui qui a eu là-dessus l’aperçu le plus net, le plus clair, le mieux centré, c’est le nommé Heidegger, dans un article de 1938 qui s’appelle « L’époque des conceptions du monde » et qui souligne que c’est à partir de Descartes qu’à proprement parler le monde est devenu une image conçue, une image conçue par le sujet 1 , et que c’est à partir de Descartes que tout ce qui est là, le discours philosophique nous invite à le rassembler.
Le discours philosophique nous invite au rassemblement de tout ce qui est, au rassemblement de ce qu’on appelle en terme technique l’étant (pas avec un g , avec un t , les canards, c’est nous). Tout ce qui est, à partir de Descartes – au moins pour les philosophes, mais c’est solidaire de tout un ensemble – devient dans et par la représentation.
Pour en saisir la nouveauté, il faut penser que l’idée de se représenter, l’idée du monde comme représentation au sujet était tout à fait absente de la philosophie scolastique et de l’idéologie médiévale, où si le monde se soutenait, c’était en tant que créé par le Créateur, avec un grand C . Ce n’était pas un monde représenté par et pour le sujet, c’était un monde créé par et aussi pour la divinité, et plaçant sous le signifiant Dieu la cause suprême.
Notes:
- Heidegger emploie le mot de Bild, qui est à proprement parler l’image spéculaire ; quand on parle de l’image originaire, on dit Urbild [↩]