3h56, rengaine qui me vient à l’esprit1 : « Je voudrais me
Je voudrais me
Je voudrais me
Tuer
Je voudrais me
Je voudrais me
Je voudrais me
Tuer »
Qu’opposer à cela ?
Tenter le mot « Vivre ».
Mais, nous sommes de retour à Paris, le matelas est chaud et mou et je ne sais à quoi m’appuyer, à quel endroit du corps (si ça fait sens de dire cela).
Je viens dans le salon avec ma couette. Je vais voir si je trouve une meilleure place au sol, mais auparavant j’éteins toutes (tout ce que je peux, ce n’est pas toujours possible) les veilleuses, toujours allumées et qui brûlent pour rien (hashtag PourRien), ce qui m’insupporte, viscéralement. L’idiotie de ces lumières rouges ou jaunes dont l’industrie veut qu’elles continuent de vriller nos nuits. Mais pourquoi (ne peut-elle pas nous restituer nos nuits noires).
http://conseils-thermiques.org/contenu/arretez_appareils_en_veille.php
J’écris un mot rapide à A. qui m’a, me semble-t-il, parlé hier2 de séances qu’elle avait faites de « re-programmation du corps » (je pense à la dé-programmation de ces méchantes petites phrases qui me viennent la nuit, de je ne sais où). Il me semble qu’A disait qu’il s’agissait de déprogrammer des choses qui avaient été utiles un moment et que le corps ne pouvait s’empêcher de répéter, cherchait ensuite à répéter, jouissait de répéter. Elle ajoutait qu’il s’agissait d’une théorie.
2016-08-30 4:12 GMT+02:00 :
Comment s’appelle ce dont tu me parlais hier dans la rue ? L’auto-programmation ? La re-programmation ? Et comment me disais-tu que ça marche ?
C’était super de se revoir
Véronique
5h15
Cher EL, Je prends plume et papier pour vous écrire. Peut-être s’agit-il d’un acte magique et mes mots s’inscriront-ils alors délicatement dans votre chair (vous croyez, je l’espère, qu’elle existe), aussi vaudrait-il mieux que vous me lisiez de nuit, tout comme je vous écris.
Lettre abandonnée.
je suis curieusement (affreusement, dilemnement, corneillement) tiraillée entre le temps pour le langage et le sens, le langage, le sens, la mémoire, et le temps pour ce qui n’en n’est pas, ce qui y échappe, ce qui permet d’y échapper.
Le rien est cet objet qui fait bouchon au manque. On le voit dans cette image que je viens de donner. De la jouissance de pensée fermée sur elle-même dans la tête, bouchée, bouclée, ne laissant surtout rien s’échapper, formant l’objet rien lui-même, qui ne débouche sur rien. Rien est un nom du manque symbolique. Un nom qui appartient au langage. L’intérêt de penser par le corps ou au départ du corps, c’est d’abord d’étendre les territoires de la pensée consciente et ensuite, surtout, que cela prenne son départ de ce qu’il y a. Qui scelle l’objet de la jouissance de pensée (l’a-pensée). Le problème de cet objet, de ce recel par le rien, c’est qu’il s’extrait, qu’il tend à s’extraire du monde qui l’environne, à fomenter un monde pur esprit – dans un déni du corps que je ne m’explique plus. Et rien est aussi le nom d’une identification symbolique. Identification au signifiant qui manque au symbolique, au langage, pour le boucher.
Enfin tout ça est assez imbuvable, pour ne pas dire imbitable.
Un déni du corps que je m’explique pas, disais-je. Peut-être parce qu’il est le lieu de cette jouissance de pensée sans que cette pensée en sache finalement grand chose, inconsciemment. Mais enfin, cette explication paraît un peu grossière. Peut-être parce que le corps est non seulement le siège de la jouissance de pensée mais également de bien d’autres jouissances. Ou parce que le corps a des trous et des besoins et des désirs et une vie qu’il paraît mener de son côté, dans une totale indépendance.
Or nous pouvons le visiter de l’intérieur, nous pouvons l’apprendre, nous pouvons le ressentir, nous pouvons même lui parler, nous pouvons lui faire du bien, et nous pouvons ressentir le bien qu’il ressent de par sa seule existence, de par son simple fonctionnement. Nous pouvons le sentir réagir à nos mots. Nous pouvons lui en apprendre de nouveaux mots et tenter de supplanter ceux qui se sont inscrits en nous, inconsciemment, et qui reviennent et pas toujours à notre plus grand agrément (je pense à mes rengaines suicidaires bien sûr).
Enfin, il ne s’agit ici que d’une tentative de mise en boîte de phénomènes étranges que j’observe par ailleurs.
Et que le jouissance d’un pur esprit, la jouissance de pensée, est plutôt celle d’un corps couché, sans mouvement. Sans interaction physique avec le monde extérieur.
D’où ma méfiance à l’égard des jeux vidéos, à cause du sentiment qu’ils ne relèvent finalement que de jeux de l’esprit. De jeux de l’esprit et de jeux de maîtrise, dont le corps est absenté.
Et je reviens à cette idée que nous vivons dans un monde qui tente à nous défaire du faire, à nous désapprendre le faire. A cette idée du monde ready-made, où notre corps n’a plus rien à faire sinon du sport, histoire de correspondre à une certaine image d’un corps maîtrisé (et dont la jouissance est maîtrisée). Où les liens du corps et du faire ont été effacés, détruits. Où les liens du corps et de la personne qui l’habite sont jours après jour supprimés. Où ça a de moins en moins de sens d’être physiquement dans le monde, sinon comme image, et de préférence comme image d’un corps jouissant convenablement, sautant, bondissant, dansant, courant, riant dans une parfaite maîtrise de lui-même – quand cette maîtrise nous est retirée jour après jour que nous passons dans des bureaux idiots à des travaux idiots. Ces lieux où nous sommes séparés de nos corps, amenés à tous devenir idiots (parce que c’est ça la jouissance phallique dont parle Lacan, c’est ça la jouissance de l’idiot : celle du manche et du pur esprit, celle du mort).
Ceci en grande partie inspiré par le film Demain.
[Écrit dans la nuit du 29 au 30 août. Et publié le 5 septembre après une nouvelle et longue et pénible nuit d’insomnie.]