La pudeur est la forme royale de ce qui se monnaie dans les symptômes en honte et en dégoût.

« Le désir n’a rien à voir avec l’instinct, guide de vie infaillible, qui va droit au but, qui conduit le sujet vers l’objet dont il a besoin, celui qui convient à sa vie et à la survie de l’espèce. Même si l’on cherche son partenaire dans la réalité commune, l’objet du désir se situe dans le fantasme de chacun. Le Séminaire1 ,  cherche à expliciter la dimension du fantasme : à ce niveau-là, il y a entre le sujet et l’objet un ou bien – ou bien.
Au niveau de ce que l’on a appelé la connaissance, les deux, sujet et objet, sont adaptés l’un à l’autre, il y a coaptation, coïncidence, voire fusion intuitive des deux. Dans le fantasme, en revanche, il n’y a pas cet accord, mais une défaillance spécifique du sujet devant l’objet de sa fascination, un certain couper le souffle. Lacan parle de fading du sujet, du moment où celui-ci ne peut pas se nommer. C’est représenté dans le roman par le fait que les personnes ne sont pas nommées, restent anonymes, et que la qualité de père et celle de fille ne sont exprimées que de la façon la plus fugitive. Il y a seulement la fameuse « différence des sexes».
Il y a dans le Séminaire une phrase qui dit : « La pudeur est la forme royale de ce qui se monnaie dans les symptômes en honte et en dégoût». Entendons que la pudeur est la barrière qui nous arrête quand nous sommes sur le chemin du réel.
Une semaine de vacances va au-delà de la barrière de la pudeur, et s’avance dans la zone où c’est habituellement le symptôme qui opère, par la honte et par le dégoût.
Là, on rencontre un père, le Il du roman, qui hait le désir : ce qui l’occupe, c’est la jouissance. On le mesure à ce qui provoque son éclipse à la fin : Elle lui raconte un rêve, soit un message de désir à décrypter, et aussitôt l’humeur de Il change : il est outré, vexé, furieux, il se tait, il boude. Le désir, sous la forme du rêve, vient gâcher la fixité de sa jouissance. Fixité que supporte la répétition, dont Camille Laurens explore par ailleurs les pouvoirs. Ici, la jouissance revient comme une mélopée insistante. Le clivage entre désir et jouissance est rendu palpable, la jouissance étant une boussole infaillible, à la différence du désir. »
Jacques-Alain Miller, « Nous n’en pouvons plus du père », Lacan Quotidien n° 317, http://www.lacanquotidien.fr/blog/wp-content/uploads/2013/04/LQ317.pdf

Notes:
  1. Il s’agit du séminaire à paraître en juin 2013, Le désir et son interprétation, texte établi par Miller J.-A., La Martinière & Le Champ freudien []

mar. 27 juillet :: rêve -affublée d’un double

À ce que j’écrivais ce matin, je voudrais rapidement ajouter que je m’étais d’abord réveillée fort prise dans un rêve où j’ai aussi longtemps que possible continuer d’errer, que j’aimais alors qu’il s’agissait d’un cauchemar, dont je ne me souviens d’aucun terme, si ce n’est, peut-être, celui exagéré des silhouettes de ce sculpteur dont le nom me revient : Giacometti.

J’étais dans le rêve affublée d’un double, crois-je. Un double masculin dont l’allure évoquait l’un de ses longs marcheurs au corps de terre adoigtement rapprochée (je le dis comme ça me vient). Ce double avait une fonction déterminée liée à ce qu’il ne soit pas sans sens qu’il soit, lui, de sexe masculin. Cette fonction s’exerçait sur moi, consistait à me faire faire quelque chose. D’autres personnes étaient ainsi affublées de doubles. De doubles comme d’ombres.

(Dans une revue, j’avais vu hier une sculpture de Giacometti constituée, je crois, de 4 de ces longs marcheurs (pris dans une sorte de carré, de plaque carrée, à distance respectable les uns des autres), chacun solitaire*. Il y a de ça dans le rêve. Ainsi qu’une petite céramique de mon père.)

Eveillée, songeant à ce rêve, l’oubliant tout en même temps, constatant ma fatigue, j’entendis l’une de ces voix dont j’oublie toujours les paroles, qui me disait, mais de façon fort neutre, de mourir. Je l’ai observé, le phénomène, j’ai vu qu’il pouvait s’amplifier (les phrases étaient prêtes à faire chorus). Je n’avais pas du tout peur, n’étais pas mal à l’aise, restais dans les traces du rêve où j’aurais aimé retourner, dans l’observation de mon ample fatigue, très remarquable, très agréable. J’ai envoyé tout de même l’une de ces phrases un peu stupides que j’utilise parfois pour contrer le phénomène, où je m’enjoins à vivre plutôt (que de mourir). Phrases un peu stupides, inspirées par le tai chi, mais qui ont certainement largement contribué à dédramatiser le phénomène, qui fut autrefois douloureux, qui l’est de moins en moins. Qui n’est plus qu’un signe mystérieux de je-ne-sais-quoi, d’une réalité de mon fonctionnement, d’une vérité même. Il y a en moi quelque chose qui ne tient pas tellement à ce que je vive.

Or, c’est la neutralité ce matin qui était le sentiment dominant. Rien n’était désagréable. Alors même qu’il y avait le cauchemar et les phrases. Je préfère le préciser, cette indéniable amélioration. Car j’ai écrit ici par le passé, le mois dernier, des choses qui moi-même m’ont effrayée.

Je ne dis pas qu’il n’y ait pas d’autres choses à écrire ici, qui aient trait à ce phénomène (des ordres de mourir que j’entends, ou des injures), dont, si je puis dire, la charge virale semble s’être considérablement amoindrie. Je le ferai. Je crois bien que je le ferai.

C’est ce phénomène, dont je ne retiens jamais comment les psys l’appelle, ce que j’ignorais jusqu’à peu, qu’ils l’appelaient, le nommaient, jusqu’à ce que je commence à lire sur la bipolarité, qui a signé pour moi ma mélancolie, dont j’ai même lu qu’elle était considérée « déclenchée » une fois que ces voix apparaissaient. personnellement, j’aurais préféré la case « psychose ordinaire ». Mais bon, ça change.

* Illustration : La sculpture était plus grande que celle de l’illustration que j’ai utilisée, sans être surélevée. Les personnages au moins 4, et plus distants.

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