treize-09

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              anniversaire

 

(pour info)

 

(rien de spécial aujourd’hui, n’est arrivé. c’est fini. (ne me dis pas que tu es un treize septembre.) c’est arrivé pendant la nuit. est-ce arrivé pendant la nuit du 12 au 13, cela je ne le sais plus. et à quelle heure? cela je ne l’ai jamais su. je dis cela juste parce que moi je me réveille toujours à 4 heures. ça peut-être à cause du foie, je l’apprends maintenant, mais ça pourrait être à cause d’autres choses encore. il est beaucoup question de 4 dans ce blog, et même de double 4. et ma mère, elle-même, se réveillait, autrefois, tous les jours à 4 heures. j’avais écrit, je ne me souviens plus du texte, mais j’entends encore la voix, ma voix, dire : « elle se réveille tous les jours à 4 heures, à 4 heures et à 4 heures. » Ça doit être dans le texte Vincent (que je n’ai jamais fini de publier sur le blog), à propos de ma mère, dont j’écrivais qu’elle se réveillait la nuit, toutes les nuits, à l’heure où mon oncle avait pris coutume de venir sonner, soûl, à notre porte, tambouriner, et ça, à partir du moment où il est sorti de prison. Je raconte ça juste pour la petite histoire. Maintenant, c’est moi qui me réveille à 4 heures. Ca peut n’avoir aucun rapport. Et elle, ne se souvient plus, que vaguement, qu’autrefois, elle se réveillait tous jours, toutes les nuits, à 4 heures, à 4 heures et à 4 heures.


Extrait du texte Vincent (1996), que je tape ici sans le relire (j’ai déjà donné).

3.2.      Secrets d’alcool

Généalogie maternelle

            Ma mère est née sous un drôle de signe.  Autour de sa naissance courait la légende d’un médecin saoul qui l’aurait déposée par erreur rue de Dunkerque, à la maison de mes grands-parents. 

            Le vin, la bière, l’alcool ne manquent pas d’histoires dans la généalogie maternelle.  Du côté du père de ma mère, Opa[1], des brasseurs de bière.  Du côté de la mère de mère, du côté d’Oma, c’est il y a peu seulement que le secret vient d’être levé.  Jamais Oma n’avait dit un mot au sujet de son propre grand-père et aucune question jamais ne lui avait été posée.  Son père était d’une noble profession et elle se disait d’une grande famille, d’une noble lignée qu’il fallait préserver.  Il s’avère aujourd’hui qu’il s’agissait d’une longue génération de cafetiers et d’ouvriers.  Génération comme une damnation si l’on en croit le silence qui l’a entourée, et que le père de ma grand-mère a su, à force de grandeur, force courage et obstination, détourner, faire mentir.  Le secret découvert, ma mère s’en sent soulagée.  Elle dit je comprends mieux maman.

Oh! Gaby

            Du côté du grand-père maternel, un autre secret, un autre mythe.  Celui de Gabrielle, tante Gaby, metje Gaby.  Sœur de mon grand-père, de Opa.  Elle est belle, on dit la plus belle.  Elle se fiance.  Le futur se désiste.  Elle tombe amoureuse d’un soldat français pendant 14-18, lui montre où est caché l’argent et les titres de la famille.  Le Français se sert et disparaît.  C’est la ruine, la ruine totale.  Gabrielle est battue comme plâtre par son père et chassée de la maison.  Elle devient alcoolique.  A la mort de son père, son frère, Albert, mon grand-père, l’accueille parfois; elle fait la vaisselle, reçoit quelques sous, jamais trop de peur qu’elle ne les boive.  Les enfants ne savent pas d’où elle vient.  Elle les fascine.  Elle est souvent gaie, parle fort, est ironique, moqueuse.  Elle vient à la maison avec des bonbons dans les poches de son tablier.  Ma mère est sa préférée.  L’histoire du soldat et de la ruine de la famille, la raison pour laquelle metje Gaby fut chassée de la maison vient elle aussi d’être récemment découverte.  Ma mère en pleure. 

            Moi-même depuis si longtemps, je trouve que le prénom de Gabrielle est le plus beau qui soit, trop beau pour être vrai, si beau que je me dis un jour que je ne le donnerais pas à ma fille si j’en avais jamais une, tellement je lui donnerais là ce que je n’oserais rêver pour moi-même.  Je me fais appeler Gaby pendant quelques mois, par un amant, un ami, un amoureux, qui boit pas mal.  C’est le premier de la série des buveurs.  Veux-je dire de mes amants-zamoureux buveurs.  Et parfois je m’amourache de femmes.  Elles se ressemblent.  Traits communs.  Cheveux noirs, teint mat, pommettes larges hautes, yeux noirs à cils longs sourcils épais, force, bouche la belle.  Un jour, alors que je suis plongée dans la fascination de l’un de ces visages, interloquée, je le reconnais.  Gaby.  Je me souviens, reconnais, les deux visages se superposent.  C’est Gaby, la femme de l’homme, André, Taylor, qu’on appelait « tante Gaby », pourquoi ? l’épouse de l’homme pour lequel ma mère a travaillé pendant des années, il y a des années, j’étais enfant, j’étais bébé.  Puis, je peux voir, sur une photo que metje Gaby et « tante Gaby » ont des traits semblables.  Ceux de l’originale sont seulement plus doux, beaucoup plus doux.  Elle est plus belle Gabrielle.

L’une des plus grandes craintes d’Oma : qu’Opa devienne alcoolique.  Cela n’arrivera pas, risque pas. 

Ma mère : « On ne guérit jamais un alcoolique. »  On l’aime.  Elle, elle aime le vin, mais ne boira jamais.  Sa mère c’était pareil.  Mais moi aussi.  C’est l’autre qui boit. Trop. L’autre.  Vincent.

Perdu jamais retrouvé.  Vincent que je perds alors qu’il a tout ce qu’il me faut.  Qui ne vint pas du tout sans, bien qu’il ne fût pas tout pour moi.  Pour qui j’étais tout.  Mais pas tant que le vin.  La bière.

En séance je dis, c’est comme si l’alcool était la cause, faisait que j’aime, désire.

Jean

            Oncle Jean.  C’est encore un secret de famille.  Oncle Jean, c’est le vrai nom d’oncle Jean-Pierre.  Jean.  C’est le nom par lequel sa famille l’appelait, mère père frère soeur belle-soeur, depuis toujours.  Pour nous seulement, les trois enfants, il a été oncle Jean-Pierre; l’Oncle, signait-il les missives qu’il nous adressait – ou Le loup.

Ce secret, je l’ai découvert récemment.

L’oncle Jean, c’est le frère de mon père.

Jean.

Sa mère est Jeanne.

Jeanne Jumpertz.

 

            Jusqu’il y a peu, c’était l’oncle alcoolique, encore que je ne l’ai jamais vu saoul.  Je savais, nous savions, les enfants savions, qu’il avait fait de la prison. Un hold-up qui avait mal tourné nous avait-on dit. Mon père, ou ma mère.

            Au moment où j’ai commencé à écrire ceci, dans les premières pages, alors que je me décidais en tremblant à écrire sur cet oncle Jean, j’ai eu un coup de fil de ma mère pour me dire qu’il avait eu une rupture d’anévrisme et était à l’hôpital, dans le coma.  Plus tard, ça a été mon père.

            Alors que mon oncle était aux soins intensifs, et après qu’il a reçu l’extrême onction, il y a eu une réunion de famille chez ma tante, Rose, Rose-Marie, la femme de Vincent, l’autre oncle – Il y avait le salon, les fauteuils, le miroir, le champagne – Il y avait une photo d’oncle Jean, proue d’un bateau océan 17 ans, beau, ensoleillé, mon père dit j’en avais assez il n’y en avait que pour lui, ma tante oh mais qu’il était beau, elle dit il n’était pas toujours drôle il m’a poursuivie un jour avec une hache, j’ai dû me réfugier dans les cabinets; on raconte, la maison de correction, comment ils sont venus le chercher, sa mère, qui l’avait livré, rien d’autre à faire, traîtresse, ses mots à lui, il s’est enfui, les routes, plus tard le bateau, l’Amérique, mutin, réfugié dans la cale, des petites aventures, je commence à me demander s’il n’était pas un peu fou, je commence.  On dit qu’il était terrible mais qu’il était beau.

            Les choses que je savais, de toujours – qu’il avait été bandit, que le butin des hold-up était caché sous le sac des pommes de terre, que mon père aussi s’y allait servir pour s’acheter de la peinture, aussi sa mère, les choses que je savais, le Borsalino, l’élégance, la grande vie, le cinéma, quels films, l’argent distribué aux putes, le grand-père qui ignorait tout, qui ne savait rien, qui reproche à mon père de ne pas faire comme son frère réussir, plutôt que de faire ses petits dessins, on ne dit rien, on ne lui dit rien, personne n’a cafté.  Pas de mouchard. 

Ce que je savais, qu’il était un jour sorti de prison, qu’il était venu à la maison, rue Tiberghien.  De ce jour, je crois me souvenir, qu’est-ce qui arrivait.

Ce que je savais.  Qu’il venait la nuit, qu’il était soûl, qu’il voulait de l’argent, que mon père avait peur.  Que nous dormions.  Trois étages entre ces heures-là et notre sommeil.

Que le jour, il était l’oncle au loup, ce qu’il racontait.  Est-ce qu’il aimait les enfants?  Notre dispute.  Un dessert à lui que je refuse d’avaler jeunette cris je claque la porte.

 

            Puis.  Mon père est à l’hôpital est-ce qu’il va mourir, ma mère, sort, ressort une valisette noire contenant des articles de journaux, les articles du procès, en Assises.  La Cour d’Assises du Brabant.  Ce qu’alors j’apprends.

Il a tué deux hommes. Marc De Bruyn et Florimond Tranchez.  Tiré dedans à bout portant.

Un café, Le Venise.

Une femme en cause, jeune fille, Rosa, Rosalie, présente lors du meurtre, aussi son père, elle nettoie le sang, après.  Quelle histoire.

Les articles La une Un des individus les plus dangereux que je connaisse Fou Fou dangereux je suis sûr que les retrouverai au ciel parce que eux soldat du temps de paix des salopards traîtres la salir la revendre mon petit mimosa ma fleur des champs la pureté dansé avec elle proprement eux des hommes lui le roi moi, leur montrer qui, quoi encore peu importe quelle histoire tout écrit dans les journaux, il parle si tant bien comme il parle comme il est que met toute la salle dans sa poche, journalistes itou[2] vous étiez journaliste ? il dit romancier monsieur le président, romancier.  Je suis romancier.

Moi non plus.

Tout écrit.

L’avocat : Jean-Pierre pour moi tu n’es pas coupable.

Hypomane.  Psychopathe avéré avec tendance schizoïde.

Condamné, il dit  » Je remercie les jurés.  Cette fois, j’opte pour la justice.  C’est mieux comme ça ! »

10 ans, d’asile.  Renouvelables, à perpet.

Sort en 68.

J’ai 5 ans, Jean-François 3, Jean-Pierre 1.  Mes frères.

Ils ne voulaient pas le laisser sortir, pas guéri encore fou, mon père s’est battu, lui a trouvé du travail, sest porté garant.

 

            C’est comme ça que j’ai pu commencer à savoir que mon oncle était fou.  Que mon oncle est fou.  Et que je l’ai su un peu trop tard.

 

            Aujourd’hui, par la maladie de mon père, ses délires, ses hallucinations, les voix qu’il entend, l’horreur dans ses yeux, dans son corps, j’apprends combien il a souffert de mon oncle, comment il l’a couvert, comment pour échapper à ce qu’il vivait il s’est plongé à 10 ans dans la peinture.  Il dit ça m’a sauvé.  Comment il y a été seul.  Encore aujourd’hui il a peur, encore aujourd’hui il se tait dit à peine que Jean voulait être nazi.

Et il est dur douloureux de le rencontrer, ce malheur de mon père.

Il ne pouvait pas juger ni accuser ni même penser que son frère était fou, ne pouvait rien penser de son frère, l’aimait, seulement cela de possible, et la peur.  Si grande la terreur, qu’accuser juger devenaient impossible, des noms de l’infernal – l’amour, le pardon rendaient supportable, viable.  Une vie de pardon.  Aussi la peinture.  Pour dire – la face au-delà du malheur.  Pour dire le possible.

ange gardien

            Et quand il croit qu’il va mourir dans les heures qui suivent il sourit, et raconte son enfance, sa mère, son oncle Jésuite qui seul l’a soutenu dans son désir de peindre, il parle de la mort de son père, de l’incompréhension entre eux, il ne parle pas de son frère, il raconte les rues de Bruxelles, les appartements où ils ont vécu, le cimetière où sa mère l’a perdu, comment il est rentré seul, il dit à ses parents c’est mon ange qui m’a ramené, un ange, il en est sûr, gardien, qui protège aussi les enfants martyrisés – de mon père, l’ange est gardien, des gens dangereux.  Papa continue à parler, il raconte il nous découvre avec le grand sourire la clarté folle dingue le bonheur de l’enfance – quand nous partons, ma mère et moi, rentrons, quittons la chambre, il nous fait un signe de la main, il est calme, heureux, il nous a donné son bonheur. Le lendemain, il est encore en vie.  Il est aux soins intensifs.

            Et quand dans le grand sérieux, il demande – Mais pourquoi est-ce que ma compagne, Lutje,  n’a pas eu peur ? Je dis – Elle n’était pas là, n’était pas là quand tu avais 5 ans, elle n’a pas connu l’enfance avec Jean, elle est venue après, elle n’a pas eu peur, et c’est heureux.

 

            Pour maman, oncle Jean était alcoolique.  C’est tout.  Et maman n’avait pas peur, elle savait qu’il ne lui arriverait jamais rien que Jean ne lui ferait jamais de mal, elle l’a toujours su, toujours fait confiance, aussi était-ce elle à la fin qui seule le recevait lui ouvre la porte la nuit, le fait monter à la salle à manger, lui donne à manger à boire de l’argent écoute ses saloperies, ses chienneries de conneries de paroles d’alcoolisé.

ange Gabriel

Ma mère dont la mère était terrorisée à l’idée que son mari devienne alcoolique, dont les deux frères, je parle de mes grands-oncles l’étaient, ma mère qui avait si besoin de pardonner tout tout n’importe quoi à celui qui buvait pour avoir fauté quel que fût le péché – la ruine d’une famille, un ange – le meurtre de deux hommes l’un en passe de devenir souteneur l’autre roi du midi roi du midi, un ange.  De pardonner d’aimer encore malgré, l’infamie.  D’aimer, à cause, de l’infamie.  L’ange de ma mère était archange, même chu, il s’appellerait Gabriel, même chu, il serait encore de la parole folle, d’un soûl, annonce de l’à-venir, l’enfant à naître de l’esprit et d’une femme vierge, enfant Christ, fils.  Et Jean qui à peu de choses près est anagramme d’ange, quand soûl il livre l’annonce, est assez beau-frère.

            Mais qu’est-ce que j’en sais de ma mère, qu’est-ce que Jean sait, sinon que mes hommes s’appelaient Jean, s’appelaient Marc, s’appelaient Jean-Marc, le tueur et le tué, sinon qu’ils furent alcooliques et de plus en plus violents, sinon que je me fis appeler Gaby par le premier d’entre eux et que Gabrielle est le plus beau nom du monde et que des nouvelles jusqu’à ce jour, je n’en annonce que des mauvaises, malheur à celui par qui.  Scandale, scandale, scandale.

 

            Et ma mère qui chasse mon oncle, 1981, le jour la nuit où il lui dit son amour lui saute dessus j’étais comme toutes les femmes il me traitait comme toutes les femmes comme toutes les autres elle dit elle le chasse il ne remettra plus les pieds après avoir brisé la vitre de la fenêtre derrière laquelle je dormais dit ma mère, peut-être je ne sais plus il ne remettra plus les pieds dans la maison.

3.4.      L’ivre

            Alors, l’ivre.  Il est divisé en deux.  Celui d’avant l’annonce, celui d’après.  L’ancien, et le nouveau.  Nous sommes d’accord.  L’ancien.  Et le nouveau. 2 en champagne 3 testament l’ancien et le nouvö-ô-ô-ô-ô-ô – y a qu’1 cheveux sur la tête à.  Y a jamais qu’un je veux sur la tête à l’évan-géliste.  Mad’yeux, mad-dieu.  Deux testaments mais un je-veux.  L’ancien est celui du Dieu jaloux, le nouveau celui du Dieu doux.  Mon père avait peur du premier respirait dans le second.  Mais le visage du Christ, le vis-ange restait aussi interdit avant qu’après, avant qu’après la tripartite, Père-fils-saintesprit.  Aussi vis-ange avant la mort qu’après.  L’ancien livre est celui des Juifs, le nouveau, celui des Gentils. 

            Mon rêve de l’N.  N peut se lire Haine.  Le sang N.  Le sang des noirs, des génocidés.  Mon père et les Juifs.  Papa raconte, pendant sa maladie.  Raconte Monsieur Sterling, juif, qui l’initie à la peinture pendant la guerre, qui lui ouvre un monde, les yeux.  Mon oncle qui veut passer nazi.  Sterling et sa famille, effrayés, quittent la maison.  Mon père pendant sa maladie qui voit des juifs  partout, qui se demande si nous ne sommes pas juifs, est-ce que les  enfants ne sont pas juifs, est-ce que maman n’est pas juive, on l’accuse d’être juif.  N est aussi la lettre de la persécution.  Après ma mort, dans le rêve, « on » découvre le scandale, les restes de N, des chambres à airs vides, trouées, fagotées, charniers.  Après ma mort, l’horreur, est découverte.  Tombée N dans l’N, on découvre, dessus l’art-moire, le scandale.  Comme s’il fallait mourir, pour que cela soit dit.

Mon père est mort.

Papa est mort, et je sais.  Malgré qu’il emporte son secret dans la tombe.  Non papa, non. 

 

 

« Malheur à celui par qui le scandale arrive. »  Je me suis toujours tue.  Je me suis toujours tue, pensant n’avoir que du scandale à dire, et n’osant pas.  Ne pensant aucune autre parole possible que celle de la dénonciation et me bâillonnant la bouche.  L’analyse est un procès.  Mon père voulait pardonner, au nom de Dieu, au nom du Christ; j’ai voulu comprendre.  La semaine dernière, oncle Jean disait que son frère lui avait dit qu’il avait les meilleures cartes, qu’il lui en manquait seulement une.  Nom-du-Père.  La carte manquante.  Le matin de sa mort, mon père a dit à son frère : Je t’aime, Jean.  Ca fait quand même quelque chose, dit l’oncle, c’est quand même quelque chose.  Au nom du Père, mon père a pardonné.

Je pardonne.  En son nom, de mon père.

 

            Alors, le don de mon père, celui dont l’hystérique fait un objet qu’elle n’a pas reçu.  Je l’ai appris, le don de mon père.  Sa parole, son désir de dire, sa peinture.  Bien reçu, papa, 7 sur 7.

3.5.      Passion livresque

            L’ange, l’ivre, l’écrit-vin, visage, vins-ange, autant de noms de l’impossible.  Autant de mots pour l’objet a.

L’annonce impossible, la parole interdite, le livre du secret, l’immange, mage, sage, vraie.  La vérité soeur de l’impuissance.

Autant de réels hérités. 

Un héritage : le réel.  Un mise en mots de ce réel : le fantasme.  Un héritage à maintenir : l’impuissance. 

Il est des réels qu’il s’agit de maintenir.  Des impossibles, des figures féroces, des terreurs.  Des Autres non-manquants, des Autres tout-puissants, des Autres où ça s’explique.

Par le fantasme, des faces du réel qui ont trouvé à se fixer dans des mots, deviennent possibles, par le fantasme, la valise le bagage manquant des mots de l’Autre, se referme sur elle-même, et par le trou du manque de mot, une phrase peut circuler.  Cette phrase n’est pas ouverte.  Si ses variantes sont infinies, ou paraissent telles, la phrase tourne sur elle-même, se mord la queue.  Mais elle est belle, très.  Être dans la phrase c’est comme être dans le serpent, c’est tortueux, chaloupant, passionnant, mais inhibant.

Sortir de la phrase, sortir du cadre, sortir du livre, c’est défaillir.

L’impossible qui s’est réfugié dans le mot est à maintenir. Un visage comme nom de l’impossible, fait que le visage doit rester impossible, garder cette valeur de jouissance, rester manquant, faire l’image non-vue. Un écrit, des mes-cris, sont-ils des noms donnés à l’impossible, le livre doit manquer à l’écriture, rester non-lu.  Le livre non-lu est le livre de l’Autre où c’est tout-écrit partout. 

J’ai pourtant lu.

[1]          Opa : bon-papa en néerlandais; oma : bonne-maman.

[2]          « Je n’étais pas furieux.  Je ne l’ai même jamais été.  Même pas contre Florimond !  Mais que voulez-vous ?  Il a défié le sort.  Le soir, dans le café, il a foncé sur moi, il a été courageux.  Je lui avais pourtant donné sa chance, un quart d’heure avant ! Je lui avais dit : Fous le camp ! Il n’était pas parti.  Il a foncé.  Recule ! Il a fait un pas en avant.  J’ai tiré.  C’était la guerre ! J’étais comme quand les parachutistes tombent de tous les côtés ! A ce moment on ne regarde pas dans un petit carnet les instructions à suivre ! On tire, on défend sa peau ! C’était la guerre ! J’étais un soldat … Il mime le guerrier de cinéma qui arrose à la ronde, de sa mitraillette !  … Un soldat du temps de paix ! Pauvre Florimond, pauvre Marc ! Même maintenant je ne parviens ni à les détester, ni à regretter ce que j’ai fait.  J’ai dormi tranquille dès le premier soir.  Ils savent bien là-haut, que je ne pouvais faire autrement.  Je donnerais bien ma vie pour les ressusciter, mais c’est impossible.  Et si un jour je les revois quelque part là-haut, je suis sûr qu’il ne seront pas fâchés.  On dira : « Viens mon pote, on va prendre un verre. » Et on discutera le coup, bien gentiment… »  Il s’arrête, haletant, les yeux pleins de larmes.  Un lourd silence pèse sur la salle.  Les femmes ont la gorge serrée.  M. Le Président Maréchal met fin à la scène. – Arrêtez-vous. Vous avez montré comment vous vous représentez les faits… – Si je comprends bien, ça veut dire que j’ai assez parlé ?  Et il se rassied.  M. Le Président, par pitié secrète, n’entreprend pas de le contredire. »  Extrait du Soir du 28 octobre 59.

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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