NOUVELLES HISTOIRES DE FANTÔMES traite de la vie fantomatique des images dont notre présent, autant que notre mémoire – historique ou artistique –, est constitué. Arno Gisinger présente notamment Atlas, suite, (2011-2014) un essai photographique, un montage à la fois sensible et conceptuel d’images, une suite de « fantômes d’une exposition » se déplaçant en continu sur les cimaises du Palais de Tokyo. Georges Didi-Huberman rend un hommage à l’oeuvre d’Aby Warburg dont le grand atlas d’images – intitulé Mnémosyne, nom grec de la déesse de la mémoire et mère des Muses – réunissait un millier d’exemples figuratifs où toute l’histoire des images se disposait de façon à nous faire entrevoir les problèmes les plus fondamentaux de la culture occidentale.
Projections :
Dominique Abel, Aube à Grenade, 1999,« Aube à Grenade (En Nombre del Padre). Tourné en 1999, il traite la transmission familiale de l’art de du flamenco à travers deux « couples » père-fille : l’un est Manuel Santiago Maya, dit Manolete, le grand danseur de Grenade, et sa fille Judea, danseuse à son tour; l’autre est le cantaor Jaime Heredia, dit El Parron, et sa fille la cantaora Marina«
Bas Jan Ader, I Am too Sad to Tell You, 1971, http://www.basjanader.com
enchantée donc l’autre jour par soirée passée avec Dominique au Palais de Tokyo, une conférence avec Didi-Huberman (par ailleurs annoncée entrée libre sur papier et sur le site, sans qu’il soit fait mention qu’elle était conditionnée par l’achat d’une entrée pour l’exposition (10 euros (qui deviendraient zéro si je m’inscrivais comme demandeuse d’emploi)).) Arrivées tard, nous n’avons pas eu le temps de voir l’expo avant la conf, tandis qu’après, comme j’eus l’idée qu’il fallait que nous nous posions d’abord un petit peu, rapidement, avec une petite bière, pour pouvoir la visiter ensuite – avant la fermeture des lieux, à minuit, la petite bière est rapidement devenue 4 ou 5 – moyennant quoi nous sommes évidemment sorties sans avoir vu l’expo, mais à l’heure prévue, de la fermeture, après minuit, où je me suis alors engouffrée, j’ose le dire: voracement, dans un taxi qui passait, après de trop courtes mais chaleureuses dans leurs intentions, embrassades avec Dominique dans la nuit, sous une fine pluie, directement en bas des marches du Palais. J’y étais, il faut le dire, également arrivée en taxi, dans un état d’angoisse assez remarquablement avancé, mais qui depuis a totalement disparu. Le désir, dirais-je, m’en est revenu, de par cette conférence, ainsi que la joyeuse alcoolisation qui s’ensuivit. Ce que la visite du lendemain à l’exposition de Thomas Hirshhorn, gratuite elle, mais où je suis allée – accompagnée cette fois de Frédéric et de Jules – après que nous ayons vu l’exposition Didi-Huberman, pour laquelle j’aurai donc repayé une entrée, n’a fait qu’amplifier, à un très haut point, au point que je puis craindre maintenant sa perte, du désir la perte, car il est parti dans des hauteurs, dont je sais me connaissant, qu’il me sera préoccupant d’avoir à dévaler forcément la pente dans l’autre sens, ma faible constitution dés(l)irante peu à même d’entretenir les feux de sa fièvre, rapidement que je suis rattrapée par mon coutumier sentiment d’impuissance à transformer en l’acte qu’il contient tout désir qui y tend.
Didi-Huberman, ses Histoires de fantômes lors de la conférence :
que m’y a-t-il plu ? (en vérité, le travail, le travail et sa lenteur, le travail et sa démesure) la question de la méthode, l’Atlas Mnemosyme comme méthode, instrument de pensée. de par sa matérialité, la place qu’il prend dans le monde; son existence matérielle ( vs l’immatérialité de mes « matériaux » sur l’internet). cette existence appréhendable directement par les sens, dans leur multiplicité – les yeux, bien sûr, la vue, mais le toucher aussi, la main, l’odorat peut-être, etc. matérialité qui aura la vertu d’imposer la coupure, la découpe (de limiter l’infinitude…).
parmi les milliards d’images accumulées par aby warburg pendant des années, n’en avoir élu, choisi que quelques-unes. quelques-unes, qui tiennent dans les pages d’un livre, l’Atlas Mnemosyme, dans cet espace-là (qu’a-t-il de particulier cet espace ? de ne s’offrir pas comme infini, comme partout plein. mais au contraire comme fini, et donc appréhendable par la pensée de l’autre, du fait qu’il l’est par le corps de façon directe : l’oeil et les mains qui tiennent le livre (ou qui embrassent les cut-ups que Didi-Hu présente de ses films « préférés »). ça n’est pas démesuré.
Le corps à affaire avec l’infini bien sûr, a affaire et sait y faire. mais pour passer à l’autre, de l’un la jouissance doit renoncer à un peu d’elle-même, consentir à un moment de mesure. Car dans sa démesure, la jouissance de l’autre n’est pas accessible, voire me menace.
l’œuvre est ce qui permet le passage de l’ un à l’autre. de l’un et de l’autre, les infinis s’opposent, se rejettent. c’est l’extraction, le choix qui permettent le don d’un peu. et ce peu peut alors s’épanouir, grossir de la jouissance de l’autre, de celui qui reçoit.
je ne peux pas-tout te donner. car tout n’est jamais que le lieu de ma jouissance, qui, en que telle, toute, n’est pas partageable. seulement un peu, un bout (lequel pourra bien risquer devenir tout pour toi).
J’aime que se confrontent matérialité et pensée. Cette matérialité qui vient rendre pas-tout possible à la pensée, la confronte à son impossible. (à la pensée, en effet, tout est possible. c’est à se réaliser, à affronter sa réalisation dans le monde, hors de la cabeza, qu’elle se confronte à son impossible et s’accomplit, pas-toute. A la pensée, tout est possible = ça ne cesse pas de s’écrire…. en pensées / c’est l’incessance, sa jouissance, son flot, flux des pensées qui s’oppose à ce qu’elle s’arrête. (à la pensée tout est possible, ce qu’il faut c’est que ce tout possible, cette incessance, reste l’inépuisable source, cause, de mon désir jusques au moment où je passe à sa réalisation, et même lorsque je me trouve confrontée à l’horreur de son impossible, que je rencontre alors, et qu’il me faut apprendre à honorer) l’arrêt ne s’impose que du moment où je prends en main sa transmission à un autre qui n’est plus seulement imaginaire, soit que je lui parle, soit que je cherche à lui écrire. la parole aussi bien que l’écriture seuls ont la vers-tu d’actualiser l’impossible, le réel (de ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire. / C’est la question à laquelle je n’ai pas cessé de me confronter depuis que j’écris dans un blog ou les choses peuvent pourraient ne pas cesser de s’écrire. or l’incessance, la jouissance, est au monde ce qui se partage le moins bien, sinon dans celle de la consommation (pourquoi ?) d’où mon blog est raté, immangeable, imbuvable. )
Matérialité aussi de la parole et présences des corps et des voix dans le cabinet du psychanalyste. La coupure du psychanalyste, de son interprétation ( peut-elle s’exercer n’importe où ??? quoi qu’il en soit fonctionnera-t-elle comme interprétation par celui qui l’est, coupé, l’analysant)
Me revient ce terme que Jules a utilisé à plusieurs reprises en sortant de l’exposition Flamme : « C’était du Grand N’importe quoi » – et la jubilation avec laquelle il disait ça. N’importe quoi…. Mes vieilles amours, préoccupations. quelques livres, tout de même, de Thierry de Duve, à Flamme éternelle; mais curieusement mis à l’écart, dans une bibliothèque presque vide. j’aurais dû les déplacer…
(moi ça me brûle de partout et j’ai des brûlures d’estomac)
(pourtant la nostalgie du papier (se justifie-t-elle?) est-ce nécessairement la bonne voie?)
Le plus intéressant de l’œuvre de Didi-hub, Nouvelles histoires de fantômes, exposée au Palais de Tokyo, c’était la rencontre qui a eu lieu le vendredi 9 (voir description ici), avec les films suivis de la discussion. Cela même justement que Hirschhorn offre lui comme œuvre, avec sa Flamme éternelle. Un dispositif qui offre à chacun de vivre un moment de « tout possible »
(un moment de « tout possible » et que ça ne soit ni péché ni interdit – ce qui pour certains revient à penser l’impensable,
et d’ailleurs l’expo de hirschhorn n’était pas moins conceptuelle que celle de didi-huberman,
du conceptuel en acte.
(d’où l’impression possible de tout possible. et qu’un enfant d’aujourd’hui, 2013, 2014, ne s’y voie pas arrêté, interdit par les idéaux surmoïques d’hier. et qu’un enfant y soit celui qui enseigne à ses parents. et que ça passe, parce qu’ils l’aiment.)
ces idéaux du beau et du bien qui parfois nous contraignirent aux passage à l’acte, quand ils ne nous acculaient pas, le plus souvent, à l’impuissance.
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le « tout est possible » de l’enfant Jules interprète l’impuissance de sa mère, lui dit : il y a de quoi jouir, tout petit. une révolution en effet.)