mercredi 28 juillet 2021 · 15h55

timidité, rien à dire, rien à mettre

( préalable: on a été invité.e.s. j’espère qu’on répondra oui. bien sûr, j’y suis pour quelque chose, dans cette réponse. je puis y être pour quelque chose. or je ne sais ce qui de moi n’ira pas dans le sens de cette invitation, voire travaillera contre.)

ces derniers temps, je contemple ça, je suis fascinée par ça, j’interroge muettement ça, comment je suis seule et comment je suis seule depuis longtemps et sans que je m’en sois même nécessairement rendu compte. 

comment ça a commencé, je me suis dit, comment ça s’est fait. comment une petite fille jolie, gentille, qui réussit bien à l’école, ne se fait pas vraiment d’ami, surtout n’appartient à aucun groupe d’ami.e.s, grandit, et reste dans ce constat : pas d’ami, ou même, de moins en moins. quand il y en a, c’est l’une ou l’autre meilleure amie. qui disparaissent. changement d’école. changement de boulot. changement de pays. dispute stupide, incompréhensible. alors, la cause ?

timidité. alors d’accord, mettons ça sur le dos de la timidité. testons ça un instant.   

ce serait quoi cette timidité. un autre nom de la maladie ? un mot trop vite mis sur certain comportement, qui empêche de voir ce qu’il en est. 

elle est timide.  je suis timide. combien au monde sommes-nous à être timides? 

comment as-tu été timide, chérie, raconte. 

ça commence peut-être à cette idée de ne pas te sentir bien dans les groupes, de ne supporter de relations que duelles. un à un. et dès que 2 + un, en fait, ça va plus trop. tu n’aimes pas les groupes. tu n’appartiens à aucun club, de sport ou de loisir, à moins que tu ne sois accompagnée/protégée par une meilleure ami ou un ami/petit ami/amant protecteur. ton double ou plutôt ta doublure. (tant et si bien que) tu ne poursuis pas tes études. tu ne poursuis pas tes études. tu t’enfermes dans des invitations déclinées, des évitements. tu fuis ces situations où tu n’arrives pas à faire face. ces situations où  tu ne parviens pas à répondre de ce que tu fais, où tu as honte de ce que tu es, de ce que tu n’es pas, où tu n’as soudainement plus rien à dire. où une chape de silence fond sur toi. où tu ne peux absolument pas être au même titre que les autres. où ta différence est malêtre de tous les instants. où ta seule issue, ça aura été la séduction, non pas celle que tu agis, mais celle que tu constates agir sur les autres, sur certains autres, celle que tu connais depuis longtemps, celle qui te donne une identité, celle de femme, plutôt que rien, où ça te dit femme, elle seule qui te soutient, devient dès lors impérative, pas d’autre être (para être). ce qui te met tout à fait à la merci du regard (de l’autre : tu es vue femme).

tu t’isoles.  

cet isolement passe relativement inaperçu. tu as du travail (le même travail que ta mère). tu as toujours l’une ou l’autre amie que tu vois de temps en temps. qui de temps en temps te convoques, pardon, t’invites. souvent, ce sera un homme plutôt, presque toujours un homme que tu accompagnes, à l’ombre de qui tu choisis de marcher, où tu t’abrites. tu t’en sors à être la femme de, comme beaucoup plus tard tu t’en sortiras à être la mère de. tu iras t’abriter là. 

tu auras beau avoir été informée du féminisme. 

et qu’y a-t-il encore qui tienne la main de la timidité et de son rien à dire : le rien à mettre. 

de tout temps le rien à mettre tient la main du rien à dire, se cache derrière ses jupes, ses longues jupes.  

le rien à dire a des jupes: nul doute à cela. 

*

mais qu’est-ce qu’il y a dans le groupe qui. 

ce n’est pas tant le groupe que toi, fille.

pas tant le groupe que toi incomplète, faite à demi. 

pas une sans l’autre, pas une sans autre.

ta dépendance accroît la haine où tu es de toi. tu lis les livres de psychanalyse, tu te forces, tu t’efforces, tu tends vers ça : sortir de l’aliénation, opérer la séparation. à quoi tu t’acharnes. d’une façon qui te bouffe

*

en as-tu souffert plus qu’aujourd’hui? tu t’y es faite. tu as eu à faire face à de tels monstres, aujourd’hui assagis, voire disparus, que tu regardes maintenant les choses depuis cet angle, jusque là délaissé, de ton isolement. de ton être à demi. tu n’es qu’à moitié. que tu regardes en arrière.  

depuis qu’on a donné un nouveau nom à ta maladie, tu regardes partout, tu regardes autour, tu regardes en arrière, bientôt tu regarderas en avant et toutes les questions te paraissent posées différemment. 

avoir été seule, avoir été timide, de toujours, aurait été déjà un symptôme de la maladie. toi, tu pensais jusque là que c’était un symptôme de femme, l’a.moitié. eh bien pas tout à fait, il semblerait. la frontière est trouble.

donc, tu voudrais en savoir plus sur la maladie, tu as envie de ce qui se sait de la maladie, dans les livres, déjà, et tu as envie de ce que tu pourrais en dire de plus, de ce que tu pourrais y ajouter. ça te motive. dire quelque chose de la maladie, dire de toi.  à la fois tu voudrais dire la grandeur de la maladie, à la fois tu voudrais n’en plus pâtir ni faire pâtir les autres. tu voudrais faire aimer la maladie. la maladie plus que toi-même. et tu veux la nouer à ton être de femme, auquel tu as toujours tenu. haï tenu. qu’il faut maintenant, vu l’âge, maintenir en vie hors la séduction, la séduction perdue et sans pleurer dessus. il faut lui donner mot, prendre voix.

que sont ces riens à dire, riens à mettre de ton isolement,quels sont ces facteurs de la maladie. que tu n’ignorais pas, ces riens, tu les savais au cœur de ton fonctionnement, de tes dysfonctionnements, sans arriver à t’en soustraire, à en tirer ton épingle du jeu.  

du rien, tu voyais le lien à la mystique, à la jouissance, sans trouver le moyen de l’approfondir –  

pourtant tu seras bientôt seule avec le rien. année après année, tu le vois faire le vide autour de toi, sans que tu y puisses rien, manigancer, motus sur ces secrètes fins : bientôt il n y a plus rien entre le rien et toi, rien qui vous sépare, on pourrait presque vous confondre,  n’était-ce peut-être chez toi le désir perpétué, rené, d’analyse, d’écriture de ce rien.  

tu n’as plus de travail, plus d’astreinte, plus aucune contrainte, l’angoisse et celle liée à la vie de ta petite famille, s’en sont atténuées largement, tu as recommencé à dormir. une forme d’équilibre est atteint.  

tu te sais mue par l’amour du réel.  

le réel du symptôme.  

et tu entrevois qu’il ne s’éteindra pas, que sa source ne s’épuisera pas, que tu trouveras à t’y abreuver sans fin. il y aura toujours quelque chose à écrire.  

tu penses que tu es privilégiée. tu penses que tu as fait de ta condamnation un privilège. tu sais que c’est une question de vie ou de mort. qu’il y a d’autres questions. comme celle du temps, que l’on n’arrête pas. mais que celle-là, quoi qu’il en soit, tu ne peux pas y renoncer. ce sera toujours dans la balance. ça n’est pas nécessairement confortable. c’est un choix que tu dis malgré toi. que tu n’as pas élucidé. dont la maladie est un nom. tu as avancé jusque là entre les murs formés des vagues relevées de l’ angoisse, toujours prêtes à t’engloutir. avancé dans la mer morte.  

du rien, tu voyais le lien à la mort, au suicide, à l’échec, au ratage, à l’anonymat obligés. du rien tu craignais les ravages sur ton fils.  

du rien, tu voyais l’oubli perpétuellement avançant, grignotant, la perte inéluctable de la langue, de la raison.  

tu as considéré les mots qu’il te restait, et l’estime où tu tiens ce qui avance ne s’ignorant pas seulement mu par la jouissance du parler en dépit du moindre sens. 

du rien tu as vu les bouchées qu’il fait de la vie des uns, de la vie des autres. et du peu de poids qu’il accorde jamais à l’opinion où il n’en pèse d’ailleurs aucun, sinon celui-ci : par l’opinion tu trahis ton intelligence, non pas celle de l’Autre, celle de l’Un qui ne s’y laissera pas réduire. aucune opinion ne détermine, ne résout une identité, toutes te mèneront à te trahir, à trahir le flot, le non-identifié. je me dis alors : parle pour toi, c’est bien assez.

du rien donc, et ça en sera assez pour aujourd’hui, il te reste à trouver le moyen d’entrer dans la grande joie, et si ce n’est pas la grande porte, ce sera par la petite, l’étroite, et trouveras à l’enseigner de sorte qu’à ceux dont il est comme à toi le mot de damnation, tu

… rien

est-ce que j’ai seulement dit quelque chose?

*  *

Paris, 28 juillet 2021 / 28 juillet 2025

vendredi 17 septembre 2021 · 11h07

jeudi 16 sept. – rêve :: 2 + 1 chiens

…rêve du jeudi 16

j’ai deux chiens identiques, je les reçois. deux jeunes chiens noirs et maigres, au poil ras. ils courent dans tous les sens.
.
j’ai un grand chien, plutôt grand et blanc, au poil long. je le promène, je fais des activités avec lui.
.
à un moment, des laisses sont mises.
.
je me souviens avec effroi des jeunes chiens noirs, oubliés, disparus. ils doivent être attachés quelque part. je les retrouve, debout, immobiles, côte à côte dans un  carton que j’ouvre, ils sont liés, j’ôte leur laisse, leurs liens, qui sont des sortes de bandages sur les yeux,  fermés, que je détache. ils gardent les yeux fermés, collés. c’est affreux en fait, ils sont dans un sale état. je suis très triste.
.
le gros chien blanc est toujours là. ils sont trois chiens. je crois que j’ai le sentiment que je ne dois plus l’oublier.

associations…

quel chien?

#dependance
Il y avait eu la veille du rêve une pensée aux chiens et aux chats, à ce qui les sépare. J’avais pensé à cette sorte de malchance des chiens, à leur ultra-dépendance aux humains. J’avoue me trouver moi-même extrêmement dépendante….

#masochisme (et place vide du sujet)
Avant ça, peut-être y a-t-il eu cet extrait du livre d’Eric Laurent, L’envers de la biopolitique1, publié ici le 7 septembre, où il est question du fantasme du masochisme d’être traité comme une chose qui « à la limite, se marchande, se vend, se maltraite, est annulé dans toute espèce ce possibilité votive (au sens de vœu) de se saisir comme autonome. Il est traité comme un chien, dirons-nous, et non pas pas n’importe quel chien – un chien qu’on maltraite, et, précisément, comme un chien déjà maltraité.2 » Dans le Séminaire VI, ajoute Eric Laurent, Lacan élabore « le masochisme en tant qu’il est articulé à la place vide du sujet qui, réduit à un chien maltraité n’ayant rien à dire sur son sort, n’ayant plus droit à la parole – c’est la donnée essentielle – est voué à disparaître.« 

« La mélancolie, sacrifice suicide, s’identifie à cette mort du sujet qui se nomme dans le même temps où il s’éternise. »

Eric Laurent, Ornicar? 47, « Mélancolie, douleur d’exister, lâcheté morale », p. 10.

le lien a-a’ de la relation imaginaire

Le lendemain du rêve, ce matin me réveillant, m’est venue cette idée pour une interprétation en 3 points:

  1. Etre partie de a – a’, l’identification imaginaire au double, au petit autre.
  2. Avoir rencontré le chien blanc, le grand chien blanc. Celui aussi du semblant. Je pense à Lacan.
  3. Et puis… me souvenir qu’ils sont là, qu’ils sont là aussi, les petits autres de l’identification, toujours.

Je ne vois pas trop bien ce qu’il y a de satisfaisant dans cette interprétation, mais je l’ai tout de suite trouvée grosse d’une signification que je n’aperçois pas encore.

A propos du lien a-a’, de la relation imaginaire au petit autre, je commencerai par évoquer une sorte de souvenir-écran où je me vois debout dans un bus, ou un tram, me tenant du bras droit à une barre en hauteur, très près de la fenêtre, soudainement rappelée à une phrase de Lacan dans le séminaire que je lis alors, l’un des premiers, le premier peut-être, où il élaborait le schéma L et où, citant une jeune femme qui le lui avait commenté, il répliquait, en substance, « la pauvre, elle ne sait pas encore… que sa vie ne fera jamais rien d’autre qu’osciller entre a et a' ». Cela m’aura marquée. Est-ce que c’est à cause de cette remarque que j’ai toujours eu l’impression de quelque chose d’obscur quand il était question de cette relation imaginaire, a-a’, au petit autre?

Concernant cette relation, dont j’ai récemment entrepris la traque après l’avoir copieusement ignorée, j’ai récemment été frappée par une lecture sur l’immixtion des sujets dans la psychose par L. Fainsilber, que j’avais d’ailleurs également republiée ici.

Tandis qu’après avoir fait ce rêve, je relisais hier l’article de Jean-Claude Encalado sur la mélancolie d’Althusser. J’y ai trouvé des choses très simples, très clairement articulées sur l’identification imaginaire dans la psychose qui m’ont frappée et qui certainement auront entraîné cette interprétation du rêve.

Jean-Claude Encalado décrit la relation imaginaire d’Althusser à son grand-père, à son ami Paul, à d’autres encore, des professeurs, et finalement à Hélène Rytmann. Il en parle comme de la relation qui vient suppléer au défaut phallique :

Avec le grand père : « Et pendant toutes ces activités qu’il accomplit avec son grand père, il se sent là dans un corps d’homme.« 
Avec l’ami Paul : « Il trouve en Paul un appui imaginaire : « Il a ce que je n’ai pas : le courage. » Il est costaud, il est courageux, et dans leur détresse, dans leur solitude, ils vont trouver refuge dans leur association.« 
Avec Monsieur Richard : « professeur de français, un pur esprit, un être détaché de la chair. « Je m’identifiai complètement à lui (tout y prêtait), j’imitai aussitôt son écriture, […] adoptai ses goûts, ses jugements, imitai même sa voix et ses inflexions tendres. […] Manière de régler mon rapport à un père absent en me donnant un père imaginaire. » Comme il le dit clairement, à la forclusion paternelle, répond une figure imaginaire : un professeur de lettres. »
Ce qui se passera avec Hélène Rytman est plus subtil. Elle deviendra sa femme. Il ira d’abord vers elle tout à l’élan de la sauver – elle est dans un état lamentable -, puis il passera par un moment d’angoisse extrême provoqué par leur premier rapport sexuel, qui le conduit en hôpital psychiatrique, à Sainte Anne, où il est soigné pour démence précoce et dont il n’est pas sûr de pouvoir jamais sortir. Hélène le sauvera, parvenant à introduire un autre médecin à l’hôpital qui infirme le diagnostic, qui parle parle de mélancolie grave plutôt que de démence, il pourra sortir de l’hôpital, non sans être passé par les électrochocs. L’hospitalisation aura duré plusieurs mois. Au sortir de là, il va vers la femme qui l’a sauvée, la femme au courage et à l’intelligence d’exception, qui dit-il, fait de lui un homme. Il peut la sauver (comme il faut qu’il sauve sa mère), mais elle aussi, le sauve. Quelques années plus tard, il la tuera… dans un moment d’égarement.

Je ne suis pas sûre que cela éclaire vraiment ce qu’il en est dans ce rêve. Pour moi, ces deux petits chiens noirs, bâtards, m’évoquent cette relation imaginaire.

Une autre chose m’avait frappée : ils sont l’un et l’autre atteints de maniaco-dépression, et c’est comme s’il s’agissait d’une tout autre maladie. Ce qu’Althusser décrit des terribles difficultés d’Hélène est certainement plus proche de ce que je connais que de ses épisodes hypomaniaques à lui.

Althusser, L'avenir dure longtemps suivi de les faits
…la terreur fantasmatique d’Hélène de n’être qu’une mauvaise mère, une mère affreuse, une mégère à faire du mal et mal, et avant tout à qui l’aimait ou voulait l’aimer. A la volonté impuissante d’aimer, ne répondait alors que le refus (désir) farouche, obstiné et violent de ne pas être aimée parce qu’elle ne le méritait pas, parce qu’au font elle n’était qu’un affreux petit animal plein de griffes et de sang, d’épines de fureur.

le chien blanc

Pour ce qui est du chien blanc, ce chien unique, qui a toutes les qualités inverses de celles des deux chiens : il est Un, il est blanc, il est grand, il a le poil long (un peu chien de berger, quand les deux autres sont de très jolis petits bâtards noirs)…. Pourquoi me fait-il penser à Lacan ? Je parlais hier de ce que ça avait été pour moi, d’avoir pu croire en Lacan. Pendant des années, je me suis suis bâtie sur sa lecture, je me suis formée à son enseignement, il m’a apporté des choses que je n’ai trouvées nulle part ailleurs. Il est véritablement le seul qui ait donné du sens à ce qui jusque là n’en avait aucun, et qui m’ait apporté l’envie de savoir, de découvrir. Le goût de Lacan pour le réel, les instruments qu’il offre pour l’aborder… C’est un virus dont on ne veut pas être guéri… Tout dans son enseignement est ouvert au plus mystérieux, au plus étrange, au plus extime… Si j’ai appris à m’aimer, si je ne suis pas confondue de haine pour moi-même comme ce que je lisais sous la plume d’Althusser parlant de sa femme, c’est par lui, c’est grâce à lui… Même m’étant durant toutes ces années, plus de vingt, trompée quant à mon diagnostic: ce qui ne trompe pas c’est la jouissance, la jouissance dans son acception lacanienne, c’est d’elle j’apprenais quelque chose.

Cet amour Un pour Lacan, sans faille, dont j’ai cru qu’il finirait par m’apporter métier et communauté, ce qui n’a nullement été le cas, que je deviendrais analyste, que je travaillerais au sein de l’Ecole de la Cause freudienne, cet amour a fait de moi une névrosée modèle pendant des années. C’est le discours même de Lacan, son goût du réel, qui a suppléé au dit défaut phallique. La démarche analytique conduit à toujours chercher à traquer le réel, en développe le goût, la volonté. Et ce goût, ce respect même je dirais du réel, respect je crois natif chez moi, amplifié certainement par la jouissance intellectuelle qu’il y a à le traquer, à le débusquer, à toujours vouloir aller vers ce qui vous dépasse, ce dont on se sent à la fois le plus séparé et le plus proche, permet au moins de pointer certaines subtilités de la vie, dont in fine aucune loi déjà écrite ne répond. C’est un défi.

[ ici parler du rêve du N, du sang N, et du semblant + lien]

Il n’y a pas de relation entre l’amour de moi-même et la haine de moi-même. Ce n’est que récemment, avec le diagnostic, que j’ai pu commencer à composer avec quelque chose que je pourrais appeler haine, haine de soi. Que je ressens parfois comme une force venant du dedans, venant de moi, mais toujours totalement inconnue, absolument étrangère. M’agissant de l’intérieur. Je l’ai reconnue comme réelle. Un réel auquel je peux, de façon même fabriquée, opposer l’amour, l’amour de moi-même. Il se trouve qu’une bonne part de cet amour s’est vu augmenté au travers de la figure de Lacan, de l’action lacanienne, de la démarche analytique, qui conduit à accorder de la valeur au moindre déchet. De la valeur au déchet même.

Enfin, tout ceci est extrêmement difficile à écrire et très mal écrit.

Toute la maladie n’est pas la haine de soi. La haine de soi c’est le chien des enfers. Si je l’ai peu dite en analyse, si elle a manqué à apparaître, si elle ne s’est exprimée que dans une haine adressée à autrui (ce que j’ai tenté de cerner avec mon histoire d’immixtion des sujets), c’est que je savais ce qu’elle comporte de jouissance et que je me gardais d’en faire étalage. Cette jouissance, je ne voulais pas qu’elle soit repérée en tant que telle par un analyste. Elle s’est manifestée autrement. (C’est une chose, je me dis parfois, qu’on devrait apprendre à l’école, la part qu’on prend à son propre malheur, ça n’est plus très à la mode, et ça l’a parfois été trop, je me suis certes accusée de trop de torts, mais enfin, se défier davantage de soi ne ferait de tort à personne.) Je disais donc : la haine où je suis de moi, je suis arrivée à la faire payer cher aux autres, aux autres aussi (Freud le dit très bien), mais elle n’est pas tout. Mais, je ne sais plus ce que je voulais dire.

Alors, est-ce que tout ça nous mène loin du rêve aux chiens, du rêve aux 3 chiens. Dans ce rêve, ce qui compte, c’est l’oubli des petits chiens. Et l’état lamentable dans lequel je les retrouve, enfermés dans des cartons, les yeux tout collés. Ils sont un peu comme des chiens empaillés, mais toujours en vie. Ils ont cette sorte de raideur de certain jouet que j’aurais eu, de chien noir, petit chien noir à bascule : exactement, les voilà, le voilà. C’est un jouet qui ne m’a pas appartenu, mais qui se trouvait au château d’A, et qui avait bien pour moi quelque chose de dégoutant, tant il était réaliste (peut-on s’asseoir sur un chien empaillé, ce qu’il n’était pas, pas vraiment).

Je ne sais ce qui dans les jours précédents m’a conduite à repenser à ce qu’a été Lacan pour moi. Quel père il a été.

Enfin, il faudra que j’y revienne… Il reste quand même quelques choses possibles à en dire.


  1. Cela fait quelques temps que je tente d’éclaircir pour moi la part d’énigme du texte d’Eric Laurent sur la mélancolie où il situe ce qui se joue pour le mélancolique au moment du Fort/Da, lequel depuis oriente certaines de mes recherches et m’a amenée à retrouver et à publier ici une page de son Envers de la biopolitique, où il est question du fantasme masochiste d’être traité comme un chien. Eric Laurent écrit : « La mélancolie, sacrifice suicide, s’identifie à cette mort du sujet qui se nomme dans le même temps où il s’éternise. »
    Eric Laurent, Ornicar? 47, « Mélancolie, douleur d’exister, lâcheté morale », p. 10.
     . ↩︎
  2. Lacan J, Le Séminaire, livre VI, Le désir et son interprétation, p. 152-153. ↩︎
samedi 14 décembre 2024 · 12h44

réfléchir avec la beauté

je me suis levée je suis au salon il fait sombre j’entends le bruit d’un réveil les 4 rideaux sont tirés.

éveillée dans pensées diverses et mauvaises. à propos du grand ratage de me vie . du manque de métier, de travail. d’Annick aussi. et du texte que je n’arrive pas à rattraper, sur les 3 chiens. ou pas suffisamment vite à mon goût.  ce qui  me fait craindre qu’une fois encore je l’abandonne. s’agissant du  texte d’Éric Laurent, sur lequel je retravaillais également hier, il faut que je renonce à y comprendre quelque chose. c’est très étrange, ce texte. il comporte pour moi les plus grandes promesses (de compréhension) et entraîne les plus terribles perplexités.

(par rapport au rêve des chiens. comment se rapprocher du pathétique de ces 2 chiens noirs que je retrouve liés l’un à l’autre et que je détache. le grand chien blanc.)

je suis sidérée par ma façon d’oublier les dates. (en même temps que je réfléchis à la façon d’en faire quelque chose. la façon dont je travaille ici, déjà, c’est en faire quelque chose. mais ça ne suffit pas. la façon dont d’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, je travaille à des textes qui ont des années de distance. aussi bien à du nouveau qu’à des textes d’il y a 20 ans. je pourrais trouver le moyen de le « montrer » dans le blog. (je songe des couleurs différentes selon les époques. une couleur et son dégradé par année. quelque chose à travailler en CSS. pour la page MOD, qui devrait oser devenir page d’index. page MOD ou Atelier ou La pelote. les fils, c’est les années.). )

le rêve des 3 chiens, c’était quand ? c’est pour ça que j’essaie parfois d’ajouter dans le blog des photos. pour situer dans le temps. quand ? 09? 21? je crois que c’est 2021. je m’en suis aperçue hier en écrivant 2 + 1 chiens et ça m’avait fait penser à 2021. c’est peut-être septembre. vérification faite, c’est septembre, le 16. 

et c’est en octobre, en octobre 2020 je m’en rends compte, un an auparavant… que j’envoyais cette lettre à l’analyste à propos de ma tentative renouvelée de lecture du texte d’Éric Laurent sur la mélancolie. à relire ma lettre hier, je retournais à la profonde perplexité où j’avais été à ma première lecture. est-ce que nous étions à Donn? je cherchais des photos et j’en trouvais du chevreuil. que faire de cette perplexité? il y a de si belles choses dans le texte. et des points d’énigme je n’arrive pas à m’approprier. alors ?

/ / /  je me souviens de l’état dans lequel je rentrais – je me souviens de la profondeur du fauteuil de velours ocre – à force d’essayer de pénétrer ce texte . rentrée en état de bêtise . la chose au fond est dite, la chose que je lisais , que je tentais de pénétrer, la chose est dite , elle l’est et ne peut l’être que delafaçon dont elle l’est . une chose est dite . non pas la chose est dite, mais une chose est dite qui se rapproche d’une vérité . qui ne peut être pénétrée plus avant .  il faut se contenter de et habillage, ce voile qui donne seulement à deviner une forme . je me souviens que j’en étais devenue tris t e . c’est au fond que j’avais espéré pouvoir en tirer quelque chose, pour moi , à mon usage . me soigner … ///

et je me dis qu’il s’agisse du rêve ou texte de psychanalyse,  peut-être chercher à en rendre l’image, de ce que je trouve beau , à défaut de parvenir à en d ir e quelque chose.  restituer ou inventer une image du texte du rêve (auquel je ne fais pas justice) et puis aussi des passages  de ce  texte d’EL qui me parviennent et qui sont des énigmes. restituer l’énigme sans sa résolution. faire de l’énigme la beauté . renoncer au sens.

Sin titulo, 2014, Broderie , Amparo de la Sota , née à Madrid en 1963

mais je ne suis pas capable de créer de la beauté.
non, ce n’est pas vraiment ça. c’est réfléchir avec une image que je ne sais pas. c’est mon lien aux images, créer avec des images qui n’est pas un enjeu pour moi. la beauté d’ailleurs est bien moins un enjeu que le sens, fondamentalement. le sens et la parole. quelle spectatrice suis-je dès lors. oh, je peux l’être, je le suis. mais, c’est probablement toujours de sens que je suis affamée et frustrée. un sens fait de mots et de raisonnements. un sens qui fasse lien aux autres. pourquoi est-ce que je veux de ce dont je suis le plus privée ? la parole. la parole comme lien aux autres.

pourquoi faut-il que les mots toujours me manquent ? se détachent de moi.

je ne fais rien d’autre qu’essayer de les rattraper, de les empêcher de disparaître.

réfléchir avec la beauté. s’agit-il de réfléchir, ou de résoudre. résoudre. la beauté résout quelque chose au travers de son énigme. au travers de l’énigme qu’elle continue de poser et qui se résout dans son exposition. bah, je n’ai rien résolu avec le texte d’EL. non, rien. il dit pourtant quelque chose de la beauté de la maladie, est-ce lui ou lacan, peu importe. il y a tout à fait moyen de lire de la psychanalyse à cause de la beauté. il vaut mieux penser très bas à tout ça. penser tout bas. 

le rapport imaginaire (a-a’ du rêve des 2 + 1 chiens). je me sens bien surtout dans un rapport à 2. c’est peut-être pour ça que je repensais à Annick cette nuit. les liens que j’ai créés avec certaines femmes. les meilleures amies. certains hommes aussi. les amours. mon lien aux autres est toujours passé par une seule personne, une personne à la fois. je pourrais dire (reprenant l’erreur de la phrase précédente)  : mon lien aux autres passe par un double (qui me représente). Frédéric aujourd’hui. dans le monde pas-sans-l’autre est ma formule.

il y a eu une époque pas-sans-Jules, quand il était petit. Jules faisait pour moi lien à l’autre. en tant aussi que fils de F, quand il s’agissait de ses amis. il me protégeait (mer permettait de n’avoir pas à parler de moi, la hantise)

Je le vois ça. et je me dis : est-ce encore possible de le changer, de le modifier ? je ne le crois pas. probablement que j’essaie d’écrire quelque chose qui puisse être lu par plus d’un pour compenser cela. pour me donner une consistance qui me permette de faire face à plus d’un, au monde.

ça existe la timidité. (aujourd’hui, ces si amusants memes d’introverts…)  la timidité, l’introversion ou… la haine de soi, le manque à la représentation, dont il m’est arrivé de dire qu’il était refus de la représentation, ce qui en moi se refuse à la représentation, ou à une représentation courante, à une représentation ayant cours. ou la haine de soi pour cause de manque à la représentation en même temps que ce manque est voulu, en dépit de toutes ces conséquences fatales pour moi (isolement , solitude, etc.)

dernière séance avec l’analyste… je parlais de ça, de la façon dont je suis arrivée à me dégager, au fil des ans, de tout ce qui provoquait trop d’angoisse, et de mon lien à Frédéric. du fait que nous vieillissons et que la mort se rapproche.

cette nuit, les fracassemeurs étaient de nouveau là. mais tout perd de son sens, même eux. je ne sais pas s’ils disparaissent pour de bon, s’ils se dissolvent pour de bon, petit à petit et de plus en plus depuis que je les analyse et confronte. d’abord depuis que je leur ai donné ce petit nom ridicule. avant cela, pendant des années ils ont été là sans que je les relève. ni à moi-même ni encore moins aux autres, sinon à F, il est vrai, certainemetn pas à un analyste. jusqu’à ce que F insiste pour que je le fasse. et s’ils disparaissent, ne me manqueront-ils pas pour me confronter à ma la-haine-de-soi, ne fût-ce que comme thermomètre? ces phrases mauvaises que je m’adresse, que j’entends comme des voix extérieures, c’est une manifestation de l’inconscient, de quelque chose qui normalement est inconscient. de la même façon, que j’avais fini par repérer qu’un certain mal de tête (méninges) annonçait la crise d’angoisse, voire parfois la signalait. et le jour où une psy m’a dit, alors que je pleurais sans discontinuer, que c’était de l’angoisse, elle a mis sur ce qui m’arrivait un mot que je n’aurais jamais pensé mettre moi-même, que j’ai tout de suite adopté et qui m’a par la suite été très utile. alors cette haine-de-soi au coeur du texte d’Eric Laurent sur la mélancolie, celle qui vous réduit à vous « traiter vous-même comme un chien qui n’a pas droit à la parole » et dont les « fracassemeurs » trahissent non seulement la cruauté mais l’existence même… cette haine-de-soi que je voudrais parvenir à déjouer… en vérité, je ne voulais pas ce matin me lever et écrire (ce que j’ai fait malgré tout) mais me lever et boire un café et retourner à eux, les réfléchir. 

je n’ai jamais cessé de perdre la parole. extraordinairement. extraordinairement. c’est un mauvais tour de l’inconscient, de mon inconscient. ça n’a jamais été que ça. mon inconscient ne veut pas de l’intelligence. quelque chose de mon inconscient se refuse à l’intelligence. non, refuse que je me montre intelligente. et  refuse que je raconte quoi que ce soit, à ce que je dise quoi que ce soit. c’est très énigmatique. ce que je cherche à en dire ici n’est qu’hypothèses. j’aligne hypothèse sur hypothèse. il institue la faute, le ratage, de sorte qu’il puisse continuer à me rappeler à l’ordre, à son ordre. que je reste en deçà, que je puisse continuer à me faire le reproche de ne pas arriver à dire ce qui ne se dit pas. si ça ne se dit pas c’est pas parce qu’il n’y a rien à dire mais parce que je n’y arrive pas moi, à porter le péché du monde, ainsi je perpétue le ratage qui est sa réussite. mais quand les enjeux sont si grands, quand les enjeux me dépassent, dépassent ma petite personne. il veut que je puisse continuer à me haïr. me faire être dans la haine. mais pourquoi. ou il veut que je continue à chercher comment le dire, lui, ce manque à soi, ce qu’il veut. faire exister ce qui ne se dit pas. eh bien. eh bien. et donc ce n’est pas qu’il tienne à ce que je dise, mais à ce que j’incarne, quoi, que j’incarne ce qui échappe à la représentation. quel con. 

non apte. 

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