Surfaces de l’Intérieur de Thomas Clerc, livre

C’est un intérieur tout en surface que nous invite à visiter Tomas Clerc. Le choix qu’il a fait (de méthodiquement décrire son appartement) lui permet de glisser sur quantités de choses (qui le concernent de près)  sans s’y s’appesantir  – exemple : incidemment apprend-on la date de la ruine de son père et donc sa ruine, au détour de je ne sais plus quel objet, de je ne sais plus quelle pièce.

Les cinquante mètres carrés de son appartement, dont il déplore par ailleurs l’étroitesse, dès lors qu’ils doivent être décrits objet après objet et avec un talent  indéniable de manipulateur de mots, manipulateur et connoisseur, prennent des allures d’infini, au moins ont-ils dû le prendre pour lui,  c’est ce que je suppute, un infini qui ne tiendra finalement jamais que dans 400 (386) pages et qu’il aura fallu 3 ans à notre Ulysse pour l’épuiser.

Un infini borné donc – puisque l’infini a des propriétés si étranges qu’il lui suffit de bornes pour s’ouvrir. Borné, autant que son arpenteur, qu’ici je n’injurie pas, car il  y fallait des qualités d’âne à son exercice, d’âne bâté et décidé, bâté de son désir, aventurier aussi bien, car que peut-on savoir du désir, sinon justement en surface ;  surface qui pourrait s’avérer trouée, comme la mer l’est par l’iceberg, qu’il troue autant qu’il bouche ;  ses objets donc bouchant autant qu’ils trouent. Sur la mer dans son appartement nous l’accompagnons, et nous amusons d’en apprendre tant sur lui, l’air de rien.

(Ne me me reviennent que deux trous dans sa description : celui de son rapport à l’argent et celui de sa bibliothèque, dont il nous met l’eau à la bouche puisqu’il se promet d’y consacrer chacun un ouvrage entier. J’attendrai pour ma part, avec impatience patiemment) .

Cet auteur,  cet écrivain, Thomas Clerc, en âne bâté mais  en un fourmi aussi bien, qui du monde sait ce que ses courageuses petites pattes lui auront laissé éprouver, elle ignorant les bornes,  s’avançant dans l’ombre seulement de son fardeau plus gros qu’elle, les mots qu’elle se paie, qui s’ils lui pèsent au dos la protègent de la vue d’un horizon que sa petite taille, dont elle n’est pas dupe, l’inclinerait à admettre inatteignable ; c’est en aveugle qu’il lui faut avancer, à l’image d’ailleurs des mots dont elle se charge et qui ne le sont pas moins que les objets qu’ils ont à décrire. Et pas moins aveugle que la pulsion (freudienne) dont elle emprunte le cours, quand elle ne le crée pas, de ses petites pattes. Et,  si on la sait pas prêteuse, cette fourmi-ci, Clerc,  est danseuse, danseuse et parfois nue dans son appartement.

Tout ça pour dire qu’il y aura désormais à compter avec ce livre quand il s’agira  d’en apprendre sur le destin possible de la névrose (obsessionnelle) chez un écrivain. Une perle. Et bien plus encore.

Écrit dans le noir, au lit non relu, sur mon téléphone

une caresse, des fleurs, une phrase – l’effleurement

Je m’étais mal réveillée. Je le dis à F. Écœurée de cette vie,  de mon enfermement. De l’absence de perspective,  du seul ménage à faire, du manque de sens de ça. D’un désir de fuir, m’en aller, partir. De l’incompréhension. De ma vie en forme d’oubli. J’écrivis une phrase, j’allai mieux. Mais donnez-moi seulement une phrase et je serai guérie. Plus tard,  F rentra dans la chambre m’offrit des fleurs, effleura mon sexe de sa main,  effleura mon sexe de sa main (le fit deux fois), me dit qu’il m’aimait, sortit de la chambre. Je voulus l’écrire, l’effleurement, songeant que c’était là seulement ce qu’il y avait à écrire et qui ne s’écrivait pas, cela seulement que j’avais à tenter, ce pourquoi j’oubliais tout / rien à retenir sauf cette tentation /, que j’oubliais tout le temps. L’effleurement, ce mot suffirait-il à contenir la sensation que j’avais éprouvée, que j’éprouvais encore ? Gonflée peut-être de la reconnaissance qu’il ne fût pas plus appuyé, ce geste, ce que je n’aurais pas (malheureusement) pas supporté (quand ce simple attouchement me troublerait, m’accompagnerait, des heures).

image

fleurs : sont petites roses roses

je déteste m’habiller

Thomas Clerc, sa garde-robe,
Moi je déteste m’habiller

Jean-Philippe Toussaint, sa Marie styliste,
Moi je déteste m’habiller

C’est tous les jours, les mêmes difficultés, que je ne surmonte le plus souvent pas le week-end (ou alors pas avant 16h….)  Je déteste prendre le temps de me laver, me coiffer, m’habiller…

En ce moment, me semble-t-il, plus difficile encore que d’habitude.

je ne me remets pas de mon analyse,

je ne me remets pas de mon analyse, je n’arrive pas à me remettre de ma rencontre avec la psychanalyse. je n’arrive pas à tourner la page.  à passer à autre chose, à quitter mon passé. à sortir de ma rancœur pour ce que j’éprouve comme un échec dont j’attribue la faute aux autres, à ceux qui furent mes analystes, puisqu’il finit même par y en avoir plusieurs. je n’arrive pas non plus à cesser vouloir écrire.

c’est très grave, puisque très régulièrement, comme cela s’est passé récemment, je veux mourir. je ne suis plus que pleine du désir de mourir et de la peine qu’il en soit ainsi et que mon fils ait une telle mère, pleine du désir de mort.  c’est toujours quelque chose dont il est difficile de parler, ça a toujours été comme ça. ce désir est là depuis très longtemps et le suicide reste, aujourd’hui, mon issue de secours.  je voudrais que cela ne soit plus, que ce désir de mort disparaisse. j’ai compté sur la psychanalyse pour ça, mais ça n’a pas vraiment marché, puisque cela réapparaît. qu’est-ce qui a causé cette réapparition, cette fois. peut-être la conversation eue avec F, où j’ai senti qu’il devait avoir raison, qu’il n’y avait plus rien à attendre d’une psychanalyse, que je l’avais essayé, que c’était fini, au moment où, ne m’en sortant plus, je recommençais de penser à voir un psychanalyste.

ou, s’agit-il, ainsi que le docteur G semblait avoir envie de le croire, de l’anniversaire du crime de mon oncle, le 13 septembre …. non, j’ai oublié la date (j’oublie toutes les dates). le docteur G, lui, c’est ce qu’il croyait. je lui disais que cet oncle fou, alcoolique, était probablement ce dont la psychanalyse était arrivée à me « guérir », là où ça avait « marché ». puisque effectivement je ne tombe plus amoureuse d’alcoolique.

de mon côté, je ne m’extasie/passionne plus des coïncidences, trouvailles pleine de sens, qui ont fait le sel de mon analyse pendant …. quinze ans (? – je ne sais même plus à quelle date j’ai commencé / 1990? quelle âge avais-je en 1990? 1990-1963 = 27? et quand ai-je quitté bruxelles? 2001? 2001 – 1990 ? 11 ans d’analyse à bruxelles. ) comment cerner ce désir de mort, lui faire un sort? si je n’y suis pas arrivée au niveau du sens? dois-je poursuivre (poursuivre ou entamer) mes recherches du côté du ravage? y suis-je revenue, m’y vois-je ramenée à cause de ce que j’ai voulu célébrer ici-même, sans bien sûr y parvenir, du désir de rien, du vide, de la jouissance de ça?

 

où vont les mots que j’oublie et qu’y font-ils ?

Je me dois de prévenir le  lecteur que je connais mal la langue française. Mon vocabulaire  est très limité, pour le peu que j’en ai, je n’ai de cesse de chercher et de perdre mes mots. Dans l’écriture, je me laisse bien plutôt guider par un rythme et des rencontres de sonorités que par le sens. Écrire souvent s’apparentant pour moi à une promenade en forêt, une forêt toujours inconnue puisque je suis citadine, avec les mots comme des arbres parmi lesquels je circule et dont j’ignore les noms. Je vise probablement le sens mais dans sa fuite. Fugacité d’une biche, suspensions momentanées de la lumière prise dans la poussière qu’un rayon un instant déjà oublié révèle. De la littérature, je ne sais pas plus. Quand la lecture d’un livre me submerge, j’en oublie  presque aussitôt tout dès que je le referme. Alors même que je suis mordue,  marquée à vie, la cicatrice déjà se referme,  s’ efface. J’habite l’oubli, c’est mon handicap, ma séparation d’avec le monde. Raison possible de ma réclusion.
C’est pourquoi j’essaie ces jours-ci d’imaginer ce qui d’autre que les mots possiblement circulerait entre les êtres humains.
Mais peut-être ne s’agit- il que de ce qui se lie aux mots, là où ce n’est pas le sens; ces lieux où ils nous enchantent,  nous tuent, nous minent, nous ensorcellent.  Nous marquent physiquement où nous ne savons plus rien de notre corps non plus, quand il s’agit peut-être de lui, du corps, plus qu’en aucun autre lieu.
Je connais en secret, et je  ne suis pas la seule, des lieux du corps palpables et invisibles. Ces lieux avec les mots ont-ils encore le moindre lien ?

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muguet

toute la famille (le père, la mère, les frères). nous devons faire nos bagages, peu de temps avant le  départ de l’avion ou du train que nous devons prendre. nous sommes probablement sur un lieu de villégiature ( mer ou/et Ardennes). c’est moi qui prépare les bagages, inquiète et désireuse de prendre de l’avance. les autres ne sont pas là. Il y a deux valises à remplir (la grande noire, la petite blanche).

ex-analyste (celui de Brux.) assis/enfoncé dans un fauteuil, raconte quelque chose, en fait c’est à la radio qu’il parle. il parle de lui, raconte sa vie. à la fin de l’émission, il annonce l’émission suivante, et parle d’une chose qu’il ne racontera pas  avec un sourire malicieux.

l’émission terminée, il reçoit un bouquet de fleurs, blanches. le bouquet comprend deux sortes de fleurs : une sorte de muguet ainsi qu’une autre sorte que je n’en connais pas, qui ressemble plutôt à une longue herbe. les muguets ont cette particularité que leurs clochettes longent toute la tige, depuis la base.

toutes les plantes sont rassemblées, car elles ne seront pas emportées dans le voyage. analyste retire une paire de fleurs de son bouquet, je lui dis que j’en veux bien moi aussi. il me donne celle qu’il tient.

aucune possibilité d’interpréter ce rêve, me semble-t-il. lié certainement à ce que j’ai écrit récemment, et il m’en a coûté, à propos de ma première séance d’analyse.

il n’y a que le muguet auquel je pourrais m’arrêter. muguet, qui résonne un peu avec mon nom. muguet aussi de la fête du travail. muguet  qui évoquerait le lys, fleur préférée de mon père. ou encore muguet que Gabriel tend à Marie quand il lui annonce qu’elle va porter un fils. ou encore cette maladie de la bouche dont j’ai déjà dû souffrir? 

mardi 15 octobre

6h réveillée, mal au dos
7h30 levée, petit déjeuner avec jules
8h20 conduit Jules à l’école
au retour, lu le journal (vieux libé, mort patrice chéreau) dans canapé
retournée au lit, allumé ordinateur portable et trié photos sur téléphone (séparé les photos Donnery) 10:10 écrit ici, checké mails
10h15 fermé les yeux
11h15 rouvert yeux, réveillée par coup de sonnette, dormi une heure donc
11h25 fais des mots fléchés
11h56 ne sais pas quoi faire, mets de l’ordre dans la salle, allume la radio
12:12 allume l’ordinateur, ouvre dropbox, ouvre dreamweaver, répare le blog correspondances d’escapades
15:45 voilà, encore une journée de passée !!!
ensuite, surfe jusqu’au moment d’aller chercher Jules à l’école.
puis, je ne sais pas. aurai cherché quoi faire à manger, aurai rangé la cuisine. fait ces devoirs avec jules. etc

chère madame,

j’ai 50 ans aujourd’hui et ne peux rien faire par moi même. suis ultra dépendante, ne gagne pas d’argent,  suis donc entretenue. ai un enfant de huit ans et demi. ne pense qu’à mourir, ne voudrais que fuir. en me réveillant ce matin, j’ai pensé que c’était une forme de ravage et que je pourrais vous l’écrire. mais je ne sais déjà plus ce qui m’a permis de penser ça. je crains surtout pour mon fils. je crains ce que je lui lègue. c’est la psychanalyse, je dirais, mon partenaire symptôme: je suis malade de la psychanalyse. pourquoi alors me tourner vers vous? c’est que c’est ça, ma maladie, je n’ai rien d’autre vers quoi me tourner quand ça n’a cessé de me tuer et transformée en quelqu’un que je n’aime pas, qui ne s’aime pas. je suis devenue un légume. je n’ai plus la moindre séduction. je voudrais juste guérir. je voudrais gagner de l’argent. je voudrais pouvoir m’accrocher à un travail. je voudrais retrouver, ré-entamer un travail qui m’accroche.  je voudrais me réconcilier avec la psychanalyse ou la quitter en paix, tourner la page sans que ça soit une déchirure. je voudrais faire des choses. être joyeuse. je voudrais avoir confiance en vous. je ne sais pas ce qui cloche, ce qui continue de clocher, je voudrais vous le dire, vous mettre l’eau à la bouche comme ça, mais je ne sais pas, ce qui cloche, je ne sais pas. je n’ai plus le goût à rien, plus la moindre confiance. c’est pitoyable. véronique m.

Sans titre

enfin,  j’allais si mal un jour où je voyais le docteur G qu’il a changé la médication (rajouté de l’anafranil). le voir m’a fait du bien. je lui ai raconté que l’autre jour, l’autre matin, comme l’un d’entre-nous demandait ce que nous allions faire, jules a répondu : On va tous se tuer. il a trouvé que ça n’allait pas. il m’a dit, comme je lui expliquais mon inquiétude à ce propos,  qu’il fallait que je le rassure. que je pouvais aller mal, mais que surtout il sache que ce n’était pas de sa faute, qu’il ne prenne pas ça sur lui. ça m’a fait du bien d’entendre ça. ça m’a décidé de faire tout mon possible pour que jules soit bien pendant ces vacances, pour le protéger de moi.

catégorie : Autre

Où vont les mots que j’oublie

Je me dois de prévenir le  lecteur que je connais mal la langue française. Mon vocabulaire est très limité. Pour le peu que j’en ai, je n’ai de cesse de chercher et de perdre mes mots, quand la grammaire, censée les assembler, également semble vouloir me narguer.  Dans l’écriture, un certain rythme,  une voix presque, des rencontres de sonorités me sont de plus sûrs guides que le sens. Écrire souvent s’apparentant à une promenade en forêt, une forêt toujours inconnue puisque je suis citadine, avec les mots comme des arbres parmi lesquels je circule et dont j’ignore les noms. Si je vise le sens, je n’atteins que sa fuite. Fugacité d’une biche, suspensions momentanées de la lumière prise dans la poussière qu’un rayon un instant déjà oublié révèle. De la littérature, je ne sais pas plus.  Et ce non-savoir que je ne peux justifier me paraît juste. Même s’ils me plaisent, je ne me reconnais pas chez les lecteurs savants, critiques, connaisseurs, eux, de la littérature. La lecture d’un livre me submerge-t-elle,  j’en oublie  presque aussitôt tout – le titre, l’auteur, l’intrigue – dès que je le referme. Alors même que je suis mordue, que je me crois – avec mon goût du drame – marquée à vie, la cicatrice déjà se referme, s’efface. J’habite l’oubli, c’est mon handicap, ma séparation d’avec le monde. Raison possible de ma réclusion.

C’est pourquoi j’essaie ces jours-ci d’imaginer ce qui d’autre que les mots possiblement circulerait entre les êtres humains. Se pourrait-il que ce soit quelque chose d’absolument indépendant des mots. Ou ne s’agit- il que de ce qui se lie aux mots, là où ce n’est pas le sens. Là où les mots  nous enchantent,  nous tuent, nous minent, nous ensorcellent.  Nous marquent physiquement où nous ne savons plus rien de notre corps, quand il s’agit peut-être du corps, plus qu’en aucun autre lieu. Un corps oublié par l’image, abandonné, rendu à lui seul même.

 

 

Je connais secrètement, et je  ne suis pas la seule, des lieux du corps palpables et invisibles. Ces lieux avec les mots ont-ils le moindre lien ?

 

 

Que des femmes vivent là, confinées parfois, où les mots n’ont pas de sens .

 

 

         Chairs déprises dans le tourbillon lent de sa fuite.  Quelle autre vie s’en ouvre ?

 

 

                  Que se retient de la chute du sens.  suspension  mouvement  ressac,  vertige.

 

 

Je passe de l’ombre à la lumière, je sors du métro avenue Fragran, il y a toute cette lumière quand le jour est gris, les bâtiments hauts. Je descends l’avenue, cherche la rue, cherche la porte. Aurai sonné, grimpé deux étages d’un escalier en colimaçon, pousserai une  porte, un court et sombre couloir pénétré, comme face à moi s’ouvre, l’éclairant, une porte sur la silhouette d’un homme qui de la main gauche m’en ouvre une autre, sur le côté, m’introduisant dans une pièce où je l’attendrai dans un canapé Chesterton, si je le veuille bien. Je m’assieds. Il reviendra me chercher,  me fera pénétrer dans son cabinet, me désigne un fauteuil, s’assoit dans le sien, dit : « Qu’est-ce qui vous amène ? »  Je dirai la phrase que j’ai préparée, qui n’est pas de moi, et puis beaucoup d’autres, que j’ai oubliées.  La lumière est maintenant derrière moi, face à moi son visage.

La phrase préparée : « J’ai fait table rase ». Elle est de Pierre Rey quand il arrive chez Lacan. C’est son  livre « Une saison chez Lacan » qui m’a décidée. Je veux que les choses se passent pour moi comme pour lui : soit que mon analyste m’autorise à devenir analyste, soit que je mette à écrire et publier des livres. Sinon, que je réussisse mon suicide, comme « le gros », ami de Pierre Rey, dont Lacan lui lui dit, au moment de sa mort : « Qu’auriez-vous voulu qu’il fît d’autre? »

 

 

[…]

Bruxelles

Mardi 29 octobre

Revenons de Bruxelles où passé excellent séjour.  Vu JF, Ak et enfin JP.  Al aussi bien sûr, qui vit maintenant chez ma mère. Et ma mère. Douce, brutale et angoissée, souvent mécontente.

Moi-même, pas eu d’angoisses, même si me réveillais la nuit. Et le matin, ce sentiment que l’Anafranil faisait son effet, que j’étais moins fatiguée. Mais, peut-être juste heureuse d’être là,  peut-être juste passé de bonnes soirées.

Pris des photos de vieilles photos de la famille de ma mère. Lu quelques pages d’un journal de mon père.

Je songe à écrire à ma mère pour la soulager de ce qu’il lui semble perdre, la mémoire, les mots.  Bien sûr des lumières qui s’éteignent, mais celles qui restent allumées n’en sont-elles pas d’autant plus chères, chéries, à chérir. Ces lumières qui restent,  maintenant mises en lumière, ayant à faire des choses qu’elles n’ont jamais eu à faire auparavant,  devant inventer.  Je parle de la vieillesse, du vieillissement, de l’oubli qui l’accompagne. Pas que de la vieillesse, de la difficulté aussi, de l’angoisse.

Comment lui communiquer ce que je découvre en ce moment. La vérité qu’il y a à chérir ce qui échappe au symbolique – qu’une part de sa cause, inconnue, est là, qu’elle n’est pas méprisable, noble au contraire. Malgré qu’elle doive lui donner ce désagréable sentiment de perte constant. Comment lui apprendre à aimer – consciemment – ce désêtre. Qu’elle à inventer, à trouver, à formaliser ce qui lui permette de l’appréhender, de l’aimer, en ne lui trouvant, inventant seulement que quelques coordonnées symboliques et imaginaires.

Mais si elle te le dit, tu l’entends encore, « Ah, ce n’est pas drôle ce qui m’arrive, je t’assure… », pourquoi ne pas l’écouter, la croire, ce n’est pas drôle, te dit-elle, alors? C’est qu’il te semble que tu pourrais la soulager, c’est que tu cherches à la soulager, c’est que tu aimerais. C’est que tu aimerais utiliser faire usage de ce qu’il te semble avoir récemment appris : d’avoir connaissance des choses où elles n’ont pas de mots n’est pas sans valeur, peut-être par soi-même accepté,

A la condition peut-être d’avoir saisi en soi ce double mouvement : l’attachement à ce qui manque de mot aussi bien que le désir de l’univers où les choses ont un sens, trouvent discours.

non terminée, non envoyée

chère maman, 
je réfléchissais à ton inquiétude à propos du fait que tu oublies beaucoup de choses, et de plus en plus. 
peut-être est-ce un phénomène que tu pourrais admettre et accueillir. 
je  ne 
peut-être que le nom des choses n’est-il pas tout ce qu’il y a à connaître. 
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