Surfaces de l’Intérieur de Thomas Clerc, livre

Publié le Catégorisé comme en lisant
thomas clerc 9-9-2013, photo Renaud Monfourny

C’est un intérieur tout en surface que nous invite à visiter Tomas Clerc. Le choix qu’il a fait (de méthodiquement décrire son appartement) lui permet de glisser sur quantités de choses (qui le concernent de près)  sans s’y s’appesantir  – exemple : incidemment apprend-on la date de la ruine de son père et donc sa ruine, au détour de je ne sais plus quel objet, de je ne sais plus quelle pièce.

Les cinquante mètres carrés de son appartement, dont il déplore par ailleurs l’étroitesse, dès lors qu’ils doivent être décrits objet après objet et avec un talent  indéniable de manipulateur de mots, manipulateur et connoisseur, prennent des allures d’infini, au moins ont-ils dû le prendre pour lui,  c’est ce que je suppute, un infini qui ne tiendra finalement jamais que dans 400 (386) pages et qu’il aura fallu 3 ans à notre Ulysse pour l’épuiser.

Un infini borné donc – puisque l’infini a des propriétés si étranges qu’il lui suffit de bornes pour s’ouvrir. Borné, autant que son arpenteur, qu’ici je n’injurie pas, car il  y fallait des qualités d’âne à son exercice, d’âne bâté et décidé, bâté de son désir, aventurier aussi bien, car que peut-on savoir du désir, sinon justement en surface ;  surface qui pourrait s’avérer trouée, comme la mer l’est par l’iceberg, qu’il troue autant qu’il bouche ;  ses objets donc bouchant autant qu’ils trouent. Sur la mer dans son appartement nous l’accompagnons, et nous amusons d’en apprendre tant sur lui, l’air de rien.

(Ne me me reviennent que deux trous dans sa description : celui de son rapport à l’argent et celui de sa bibliothèque, dont il nous met l’eau à la bouche puisqu’il se promet d’y consacrer chacun un ouvrage entier. J’attendrai pour ma part, avec impatience patiemment) .

Cet auteur,  cet écrivain, Thomas Clerc, en âne bâté mais  en un fourmi aussi bien, qui du monde sait ce que ses courageuses petites pattes lui auront laissé éprouver, elle ignorant les bornes,  s’avançant dans l’ombre seulement de son fardeau plus gros qu’elle, les mots qu’elle se paie, qui s’ils lui pèsent au dos la protègent de la vue d’un horizon que sa petite taille, dont elle n’est pas dupe, l’inclinerait à admettre inatteignable ; c’est en aveugle qu’il lui faut avancer, à l’image d’ailleurs des mots dont elle se charge et qui ne le sont pas moins que les objets qu’ils ont à décrire. Et pas moins aveugle que la pulsion (freudienne) dont elle emprunte le cours, quand elle ne le crée pas, de ses petites pattes. Et,  si on la sait pas prêteuse, cette fourmi-ci, Clerc,  est danseuse, danseuse et parfois nue dans son appartement.

Tout ça pour dire qu’il y aura désormais à compter avec ce livre quand il s’agira  d’en apprendre sur le destin possible de la névrose (obsessionnelle) chez un écrivain. Une perle. Et bien plus encore.

Écrit dans le noir, au lit non relu, sur mon téléphone

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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