dimanche 7 novembre 2010

stigma

L’image – le distinct

L’image est toujours sacrée, si l’on tient à employer ce terme qui prête à confusion (mais que j’emploierai tout d’abord, provisoirement, comme un terme régulateur pour mettre la pensée en marche). Le sens de « sacré » ne cesse en effet d’être confondu avec celui de « religieux ». Mais la religion est l’observance d’un rite qui forme et qui maintient un lien (avec les autres ou avec soi-même, avec la nature ou avec une surnature). La religion n’est pas, de soi, ordonnée au sacré. (Elle ne l’est pas non plus à la foi, qui est encore une autre catégorie.)

Le sacré, quant à lui, signifie le séparé, le mis à l’écart, le retranché. En un sens, religion et sacré s’opposent donc comme le lien s’oppose à la coupure. En un autre sens, sans doute, la religion peut être représentée comme faisant lien avec le sacré séparé. Mais en un autre sens encore, le sacré n’est ce qu’il est que par sa séparation, et il n’y a pas de lien avec lui. Il n’y a donc pas, strictement, de religion du sacré. Il est ce qui de soi, reste à l’écart, dans l’éloignement, et avec quoi on ne fait pas de lien (ou seulement un lien très paradoxal). Il est ce qu’on ne peut pas toucher (ou seulement d’un toucher sans contact). Pour sortir des confusions, je le nommerai le distinct.

[…]

Le distinct, selon l’étymologie, c’est cela qui est séparé par des marques (le mot renvoie à stigma, marqué au fer, piqûre, incision, tatouage): cela qu’un trait retire et tient à l’écart en le marquant aussi de ce retrait. On ne peut pas le toucher […] Mais cet impalpable se donne sous le trait et par le trait de son écart, par cette distraction qui l’écarte.

[…]

[où l’on voit que la pulsion trouve sa source dans la marque. et que le pulsionnel est lié au « sacré ».]

L’image est une chose qui n’est pas la chose: essentiellement, elle s’en distingue. Mais ce qui se distingue essentiellement de la chose, c’est aussi bien la force ou l’énergie, la poussée, l’intensité. Toujours le « sacré » fut une force, voire une violence. Ce qui est à saisir, c’est comment la force et l’image appartiennent l’un à l’autre dans la même distinction. Comment l’image se donne par un trait distinctif (toute image se déclare ou s’indique « image » de quelque façon), et comment ce qu’elle donne ainsi est d’abord une force, une intensité, la force même de sa distinction.

[…]

[ et qu’une certaine marque, signifiante, mais sans sens, S1, constitue du sujet sa singularité – sa distinction.]

C’est ce qui ne se montre pas mais qui se rassemble en soi, la force bandée en deçà ou au-delà des formes, mais non pas comme une autre forme obscure : comme l’autre des formes. C’est l’intime et sa passion, distinct de toute représentation. Il s’agit de saisir la passion de l’image, la puissance de son stigmate ou bien celle de sa distraction…

 

Jean-Luc Nancy, Au fond des images, « L’image – le distinct », Galillée, p. 10 -13

 

mardi 9 novembre 2010

un objet de l’art

La religion de l’art pour l’art qui est au cœur du modernisme fut une tentative ultime pour sauver l’aura en sacralisant les œuvres et en les autonomisant. Mais comme Benjamin le voyait dès 1936, le combat était perdu d’avance dès lors que le culte se trouvait condamné à se prendre lui-même pour objet.
Michaud Yves, L’art à l’état gazeux, p. 121

samedi 27 avril 2013

Sans titre

Je ne suis ni de droite ni de gauche. Mes parents étaient catholiques,  ma rencontre de la psychanalyse m’a permis de m’éloigner du sacrifice de moi-même que leur catholicisme exigeait de moi.  C’est ce qui me reste de catholique qui me situe aujourd’hui politiquement à gauche. À certains égards viscéralement, passionnément. Quand cela n’a rien de politique, mais répond de ce qui reste de la façon dont j’ai été dressée au sacrifice.  Lequel fabrique encore aujourd’hui,  par en dessous,  le levain de ma  jouissance. Pour moi cela ne relève pas de la politique mais de l’inconscient. La psychanalyse lacanienne m’a appris à me défier du sacrifice. Du sacrifice, du don de soi, de l’oblativité, de la bonté, de l’amour.

dimanche 28 avril 2013

Sans titre

Le monde n’a jamais beaucoup existé pour moi,  le monde au sens de Lagandré, celle dont la conscience aiguë fait la passion politique, autrui bien davantage. L’humain. J’y tiens encore beaucoup. Et de cette façon, séparée de son environnement,  de l’organisation de son environnement. Cet attachement, cet intérêt primordial me viennent-ils également de la religion,  du catholicisme ? Pour partie,  oui. L’intérêt pour l’amour,  la passion,  le lien. Cela tient-il au fait que je sois une femme,  tient-il à mon hystérie (que je ne souhaite pas du tout renier,  mais vers laquelle bien plutôt retourner)?
C’est une chose que je dois encore préciser ici,  la façon dont le monde existe,  pour Cédric Lagandré. Pour peut-être m’en rapprocher. Toujours dans ce souci d’éclaircir mon rapport au politique. Quand bien même il ne s’agirait jamais que de chercher à justifier mon désintérêt,  mon égoïsme.
Mais, nous avons en commun, Lagandré et moi, que nous croyons au lien, à sa fragilité, à sa mise en danger,  sa perte, aujourd’hui.
La lecture de Lagandré a refait exister le monde pour moi,  voire même m’a ouverte,  initiée à son concept,  du fait de sa propre précision conceptuelle.

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