de la vérité à la satisfaction
Extraits du dernier cours de Jacques-Alain Miller (mercredi 26 mars)
… la fin de la psychanalyse … beaucoup plus fuyante
… tout dernier enseignement de Lacan, met en cause l’interprétation de la psychanalyse comme expérience de vérité et qu’il semble introduire la psychanalyse comme expérience de satisfaction. La satisfaction n’apparaît pas, n’apparaît plus comme un obstacle à la découverte de la vérité. En particulier, la satisfaction du symptôme n’apparaît plus comme un obstacle à la découverte de la vérité. Mais c’est la satisfaction elle-même qui apparaît comme une fin.
… « L’Esp d’un laps » … Le texte commence par une récusation de la fonction de l’attention : il commence par dire qu’il suffit qu’on fasse attention à ce qui est dans l’inconscient pour qu’on sorte de l’inconscient. … Et j’isole cette maxime qu’y formule Lacan en disant : Il n’y a pas de vérité qui – virgule – à passer par l’attention, ne mente.
… Et donc Lacan nous prévient de garder l’accent de vérité à sa place, c’est-à-dire à la place où la vérité surprend l’attention, où elle passe, où elle fuse comme un lapsus, que dire la vérité c’est toujours un acte manqué.
… Le déchiffrage c’est une pratique, la pulsion c’est une élucubration – d’ailleurs Freud l’amène comme ça, comme un mythe.
… La sublimation ne repousse pas la pulsion, la sublimation procure une voie artificielle à la satisfaction de la pulsion. C’est-à-dire, elle consiste essentiellement dans l’investissement libidinal d’un substitut au but naturel de la pulsion…
Comment est-ce que, à la fin de l’analyse, le sujet supposé savoir est marqué d’un désêtre, pour permettre l’émergence de l’objet petit a ? Lacan, dans sa « Proposition », dit : C’est un virage. C’est un virage de l’être inessentiel du sujet supposé savoir au réel.
…. Avant le virage de son tout dernier enseignement on peut dire que Lacan formulait : Il n’y a de réel que par la logique. On n’isole le réel que par l’impossible, et l’impossible ne peut être déterminé que par la trame d’une logique. Et donc, la parole du patient, même si elle paraît liquide, cette parole est habitée par un algorithme invariable, qui doit conduire à l’émergence de l’objet petit a.
Cette conviction on peut dire est celle qui est mise en question dans le tout dernier enseignement de Lacan. La notion même de cet algorithme est ébranlée par la notion, mise au premier plan, qu’on ne peut que mentir sur le réel, qu’il y a une inadéquation du signifiant au réel.
… incompatibilité du désir avec la parole / l’incompatibilité de la jouissance avec le sens.
… L’analyse est donc moins l’attente de l’émergence d’une vérité que l’attente d’une satisfaction qui convienne. Et, d’une certaine façon, c’est par après que l’obtention de cette satisfaction donne lieu à l’élaboration d’une vérité.
… il me semble que l’analysant que nous présente Lacan – c’est comme ça qu’il a interprété l’analysant, et spécialement l’analysant à la fin de l’analyse -, il a à construire, et il n’y a de fin de l’analyse qu’à la condition que l’analysant construise.
… à l’époque de la psychanalyse liquide, la fin de l’analyse dépend d’une décision de l’analysant, c’est-à-dire, elle dépend de sa capacité à assumer cette fin comme une feinte cause – je ne dis pas sainte cause -, comme une feinte cause, où il ne s’agit pas tant de la dire, ou de ne pas la dire, mais – je reviens à ce mot – d’y faire allusion.