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l’amour du réel

[ 5 avril 2006 / 5 novembre 2011 ]

« Restait à nommer l’amour du réel lui-même,1 et c’est le pas franchi par deux analystes de l’Ecole, Franceso Hugo-Freda et Virginio Baïo. Cet amour-là est, nous dit Miller, le plus proche de la haine, car celui tient le plus compte de l’objet.
La haine est à entendre ici comme la plus lucide des passions: loin de porter sur les seuls semblants, elle vise, comme l’injure, le noyau de réel qu’indexe l’objet a. »

mon secret
c’est l’envers
de l’amour

l’inavouable pour
moi c’est là où
ça n’aime pas
et
ça me
poursuit

sortie de séance – et comment j’y tiens, tiendrais, à cet envers. comment je cherche à ce qu’il puisse y rester,
au coeur
de mon amour. // que mon amour soit mon guide. et s’il n’y suffit pas, y puisse surseoir sa haine.

Notes:
  1. Ethique et pulsion ou De la psychanalyse comme style de vie, Philippe De Georges, Editions Payot Lausanne, Psyché, p. 85 []
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Interview de Jacques-Alain Miller, Psychologies Magazine, octobre 2008, n° 278

[ 8 octobre 2008 / 10 mars 2010 ]

Interview de Jacques-Alain Miller, Psychologies Magazine, octobre 2008, n° 278
Propos recueillis par Hanna Waar

Psychologies : La psychanalyse enseigne-t-elle quelque chose sur l’amour ?
Jacques-Alain Miller : Beaucoup, car c’est une expérience dont le ressort est l’amour. Il s’agit de cet amour automatique, et le plus souvent inconscient, que l’analysant porte à l’analyste et qui s’appelle le transfert. C’est un amour factice, mais il est de la même étoffe que l’amour vrai. Il met au jour sa mécanique : l’amour s’adresse à celui dont vous pensez qu’il connaît votre vérité vraie. Mais l’amour permet d’imaginer que cette vérité sera aimable, agréable, alors qu’elle est en fait bien difficile à supporter.

P : Alors, c’est quoi aimer vraiment ?
J-A Miller : Aimer vraiment quelqu’un, c’est croire qu’en l’aimant, on accédera à une vérité sur soi. On aime celui ou celle qui recèle la réponse, ou une réponse, à notre question : « Qui suis-je ? »

P : Pourquoi certains savent-ils aimer et d’autres pas ?
J-A Miller : Certains savent provoquer l’amour chez l’autre, les serial lovers, si je puis dire, hommes et femmes. Ils savent sur quels boutons appuyer pour se faire aimer. Mais eux n’aiment pas nécessairement, ils jouent plutôt au chat et à la souris avec leurs proies. Pour aimer, il faut avouer son manque, et reconnaître que l’on a besoin de l’autre, qu’il vous manque. Ceux qui croient être complets touts seuls, ou veulent l’être, ne savent pas aimer. Et parfois, ils le constatent douloureusement. Ils manipulent, tirent des ficelles, mais ne connaissent de l’amour ni le risque, ni les délices.

P : « Être complet tout seul » : seul un homme peut croire ça…
J-A Miller : Bien vu ! « Aimer, disait Lacan, c’est donner ce qu’on n’a pas. ». Ce qui veut dire : aimer, c’est reconnaître son manque et le donner à l’autre, le placer dans l’autre. Ce n’est pas donner ce que l’on possède, des biens, des cadeaux, c’est donner quelque chose que l’on ne possède pas, qui va au-delà de soi-même. Pour ça, il faut assurer son manque, sa « castration », comme disait Freud. Et cela, c’est essentiellement féminin. On n’aime vraiment qu’à partir d’une position féminine. Aimer féminise. C’est pourquoi l’amour est toujours un peu comique chez un homme. Mais s’il se laisse intimider par le ridicule, c’est qu’en réalité, il n’est pas assuré de sa virilité.

P : Aimer serait plus difficile pour les hommes ?
J-A Miller : Oh oui ! Même un homme amoureux a des retours d’orgueil, des sursauts d’agressivité contre l’objet de son amour, parce que cet amour le met dans la position d’incomplétude, de dépendance. C’est pourquoi il peut désirer des femmes qu’il n’aime pas, afin de retrouver la position virile qu’il met en suspens lorsqu’il aime. Ce principe, Freud l’a appelé le « ravalement de la vie amoureuse » chez l’homme : la scission de l’amour et du désir sexuel.

P : Et chez les femmes ?
J-A Miller : C’est moins habituel. Dans le cas le plus fréquent, il y a dédoublement du partenaire masculin. D’un côté, il est l’amant qui les fait jouir et qu’elles désirent, mais il est aussi l’homme de l’amour, qui est féminisé, foncièrement châtré. Seulement, ce n’est pas l’anatomie qui commande : il y a des femmes qui adoptent une position masculine. Il y en a même de plus en plus. Un homme pour l’amour, à la maison ; et des hommes pour la jouissance, rencontrés sur Internet, dans la rue, dans le train…

P : Pourquoi « de plus en plus »
J-A Miller : Les stéréotypes socioculturels de la féminité et de la virilité sont en pleine mutation. Les hommes sont invités à accueillir leurs émotions, à aimer, à se féminiser ; les femmes, elles, connaissent au contraire un certain « pousse-à-l’homme » : au nom de l’égalité juridique, elles sont conduites à répéter « moi aussi ». Dans le même temps, les homosexuels revendiquent les droits et les symboles des hétéros, comme le mariage et la filiation. D’où une grande instabilité des rôles, une fluidité généralisée du théâtre de l’amour, qui constraste avec la fixité de jadis. L’amour devient « liquide », constate le sociologue Zygmunt Bauman1. Chacun est amené à inventer son « style de vie » à soi, et à assumer son mode de jouir et d’aimer. Les scénarios traditionnels tombent en lente désuétude. La pression sociale pour s’y conformer n’a pas disparu, mais elle baisse.

P : « L’amour est toujours réciproque » disait Lacan. Est-ce encore vrai dans le contexte actuel ? Qu’est-ce que ça signifie ?
J-A Miller : On répète cette phrase sans la comprendre, ou en la comprenant de travers. Cela ne veut pas dire qu’il suffit d’aimer quelqu’un pour qu’il vous aime. Ce serait absurde. Cela veut dire : « Si je t’aime, c’est que tu es aimable. C’est moi qui aime, mais toi, tu es aussi dans le coup, puisqu’il y a en toi quelque chose qui me fait t’aimer. C’est réciproque parce qu’il y a un va-et-vient : l’amour que j’ai pour toi est l’effet en retour de la cause d’amour que tu es pour moi. Donc, tu n’y es pas pour rien. Mon amour pour toi n’est pas seulement mon affaire, mais aussi la tienne. Mon amour dit quelque chose de toi que peut-être toi-même ne connais pas. » Cela n’assure pas du tout qu’à l’amour de l’un répondra l’amour de l’autre : ça, quand ça se produit, c’est toujours de l’ordre du miracle, ce n’est pas calculable à l’avance.

P : On ne trouve pas son chacun, sa chacune par hasard. Pourquoi lui ? Pourquoi elle ?
J-A Miller : Il y a ce que Freud a appelé Liebesbedingung, la condition d’amour, la cause du désir. C’est un trait particulier – ou un ensemble de traits – qui a chez quelqu’un une fonction déterminante dans le choix amoureux. Cela échappe totalement aux neurosciences, parce que c’est propre à chacun, ça tient à son histoire singulière et intime. Des traits parfois infimes sont en jeu. Freud, par exemple, avait repéré comme cause du désir chez l’un de ses patients un éclat de lumière sur le nez d’une femme !

P : On a du mal à croire à un amour fondé sur ces broutilles !
J-A Miller : La réalité de l’inconscient dépasse la fiction. Vous n’avez pas idée de tout ce qui est fondé, dans la vie humaine, et spécialement dans l’amour, sur des bagatelles, des têtes d’épingle, des « divins détails ». Il est vrai que c’est surtout chez le mâle que l’on trouve de telles causes du désir, qui sont comme des fétiches dont la présence est indispensable pour déclencher le processus amoureux. Des particularités menues, qui rappellent le père, la mère, le frère, la sœur, tel personnage de l’enfance, jouent aussi leur rôle dans le choix amoureux des femmes. Mais la forme féminine de l’amour est plus volontiers érotomaniaque que fétichiste : elles veulent être aimées, et l’intérêt, l’amour qu’on leur manifeste, ou qu’elles supposent chez l’autre, est souvent une condition sine qua non pour déclencher leur amour, ou au moins leur consentement. Le phénomène est la base de la drague masculine.

P : Vous ne donnez aucun rôle aux fantasmes ?
J-A Miller : Chez les femmes, qu’ils soient conscients ou inconscients, ils sont déterminants pour la position de jouissance plus que pour le choix amoureux. Et c’est l’inverse pour les hommes. Par exemple, il arrive qu’une femme ne puisse obtenir la jouissance – disons, l’orgasme – qu’à la condition de s’imaginer, durant l’acte lui-même, être battue, violée, ou être une autre femme, ou encore être ailleurs, absente.

P : Et le fantasme masculin ?
J-A Miller : Il est très en évidence dans le coup de foudre. L’exemple classique, commenté par Lacan, c’est, dans le roman de Goethe2, la soudaine passion du jeune Werther pour Charlotte, au moment où il la voit pour la première fois, nourrissant la marmaille qui l’entoure. C’est ici la qualité maternante de la femme qui déclenche l’amour. Autre exemple, tiré de ma pratique, celui-là : un patron quiquagénaire reçoit les candidates à un poste de secrétaire : une jeune femme de 20 ans se présente ; il lui déclare aussitôt sa flamme. Il se demande ce qui lui a pris, entre en analyse. Là, il découvre le déclencheur : il avait retrouvé en elle des traits qui lui évoquaient ce qu’il était lui-même à 20 ans, quand il s’était présenté à sa première embauche. Il était, en quelque sorte, tombé amoureux de lui-même. On retrouve dans ces deux exemples les deux versants distingués par Freud : on aime ou bien la personne qui protège, ici la mère, ou bien une image narcissique de soi-même.

P : On a l’impression d’être des marionnettes !
J-A Miller : Non, entre tel homme et telle femme, rien n’est écrit d’avance, il n’y a pas de boussole, pas de rapport préétabli. Leur rencontre n’est pas programmée comme celle du spermatozoïde et de l’ovule ; rien à voir non plus avec les gènes. Les hommes et les femmes parlent, ils vivent dans un monde de discours, c’est cela qui est déterminant. Les modalités de l’amour sont ultrasensibles à la culture ambiante. Chaque civilisation se distingue par la façon dont elle structure le rapport des sexes. Or, il se trouve qu’en Occident, dans nos sociétés à la fois libérales, marchandes et juridiques, le « multiple » est en passe de détrôner le « un ». Le modèle idéal de « grand amour de toute la vie » cède peu à peu du terrain devant le speed dating, le speed loving et toute floraison de scénarios amoureux alternatifs, successifs, voire simultanés.

P : Et l’amour dans la durée ? dans l’éternité ?
J-A Miller : Balzac disait : « Toute passion qui ne se croit pas éternelle est hideuse. »3 Mais le lien peut-il se maintenir pour la vie dans le registre de la passion ? Plus un homme se consacre à une seule femme, plus elle tend à prendre pour lui une signification maternelle : d’autant plus sublime et intouchable que plus aimée. Ce sont les homosexuels mariés qui développent le mieux ce culte de la femme : Aragon chante son amour pour Elsa ; dès qu’elle meurt, bonjour les garçons ! Et quand une femme se cramponne à un seul homme, elle le châtre. Donc, le chemin est étroit. Le meilleur chemin de l’amour conjugal, c’est l’amitié, disait en substance Aristote.

P : Le problème, c’est que les hommes disent ne pas comprendre ce que veulent les femmes ; et les femmes, ce que les hommes attendent d’elles…
J-A Miller : Oui. Ce qui objecte à la solution aristotélicienne, c’est que le dialogue d’un sexe à l’autre est impossible, soupirait Lacan. Les amoureux sont en fait condamnés à apprendre indéfiniment la langue de l’autre, en tâtonnant, en cherchant les clés, toujours révocables. L’amour, c’est un labyrinthe de malentendus dont la sortie n’existe pas.

Propos recueillis par H. W.

Notes:
  1. Zygmunt Bauman, L’amour liquide, de la fragilité des liens entre les hommes (Hachette Littératures, « Pluriel », 2008) []
  2. Les souffrances du jeune Werther de Goethe (LGF, « le livre de poche », 2008). []
  3. Honoré de Balzac in La comédie humaine, vol. VI, « Études de mœurs : scènes de la vie parisienne » (Gallimard, 1978) []
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sans titre (l’amour)

[ 9 décembre 2008 / 1 février 2009 ]

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qu’ai-je à donner – me reste-t-il – si je n’ai rien
/

/

et  à l’enfant aurons-nous donné autre chose que
de l’argent à nous demander / ce
monde dans lequel nous vivons / ce
ce monde ce monde
dans lequel nous

L’enfant est sur mes genoux, je lui lis une histoire. L’homme rentre dans la pièce. Il me dit que nous n’avons plus d’argent. Je demande à l’enfant de nous laisser. L’homme parle. Je réfléchis. Je dis “j’ai trouvé 2 x 500 euros (l’analyste, la femme de ménage, référence à un budget annuel).”

Assis maintenant à l’ordinateur, l’enfant, de trois ans et demi bientôt quatre,  fait mine de dresser, tapant sur le clavier au hasard, une liste de personnes à qui, dit-il, il faut offrir des cadeaux.

d’un sentiment de verdure aggravée

[ 28 décembre 2008 / 27 janvier 2009 ]

25 déc. 2008, citation  ce que je voudrais faire, c’est un livre sur rien,
un livre sans attache extérieure,
qui se tiendrait de lui-même par la forme interne du style,
comme la terre sans être soutenue se tient en l’air,
un livre qui n’aurait presque  pas de sujet,
ou du moins où le sujet serait presque invisible,
si cela se peut;
les œuvres les plus belles  sont celles où il y a le moins de matière;
plus l’expression se rapproche de la pensée,
plus le mot colle dessus
et disparaît,
plus c’est beau.

Flaubert, 1874, Correspondance

/

26 déc., blog : arrêter. de toutes parts. arrêter;

/

27.
semblant de révélation :
je suis une femme exactement où je refuse de l’être.
je médite, je rajoute :
et en plein d’autres endroits.

/

28. paris : moins 1 degré.
de bruxelles, ma mère m’écrit : enfin, un véritable hiver.

– jusqu’au mot disparu –

alors que je ne voudrais rien d’autre que/ lancer des ballons multicolores / mouah qui suis
fille de l’

– ici

– l’espace

– des ballons

air / le crois-tu? oui / oui? non / ah les si sévères juges, les serpents sifflants sur, viens
petite, vaincre

je pars vers la chambre, nul besoin de semer derrière moi de petits cailloux. je pars disais-je vers
la chambre / et les livres. nul besoin
de semer derrière moi
les petits cailloux / nul père nulle mère – forêt consentie, voulue

– ici

– l’espace

– de la chambre et des livres

je t’appelle et tu viens. elle l’appelle, se lève, l’appelle, bout des lè
vres, il sourit, vient.

– l’espace yeux clos

– temps

le mot, son être, et les autres. mots. leurs lettres. les lettres. un arbre. des arbres. des branches.  nues. nues nues et je pense au hibou virgule et je pense au hibou dans le trou de l’arbre. noir et blanc. crochet et demi-lune.
et puis, un instant les fesses dans l’herbe. à l’une à l’autre: dire oui, à l’entre: encore. herbe, je répète. humidités ensolmeillées; surprise seul l’enclos de ma bouche reste sec, tienne fraîche.

retour rapide dans la chaleur de l’hiver sous la couette.
quelques instants téton du sein gauche serré entre les doigts de frédéric. les yeux fermés d’1 femme de l

//

moins deux degrés à paris, mon amour. ce sera se moquer du monde
non?