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les frontières de l’intime par Gérad Wajcman

[ 7 mars 2008 / 12 décembre 2008 ]

Les hasards de l’internet m’amènent à cet article, de Gérard Wajcman, psychanalyste, membre de l’ECF, Intime exposé, intime extorqué. J’en reproduis ici quelques extraits. L’intime est  une notion qui m’intéresse beaucoup. Ce qu’il en advient aujourd’hui, la façon effectivement dont il est, et peut-être plus souvent qu’à son tour, exposé; les limites, à tracer pour chacun, qu’imposerait son dévoilement. Habituée de la psychanalyse, où ce dévoilement, mais confiné à l’intérieur des  4 murs du cabinet de l’analyste, est convoqué,

Intime exposé, intime extorqué • Gérard Wajcman


l’espace où le sujet peut se tenir et s’éprouver hors du regard de l’Autre. Un espace en exclusion interne, une île, ce qu’on nomme à l’occasion le chez-soi, où le sujet échappe à la supposition même d’être regardé. C’est la possibilité du caché.

Je dirais qu’il n’y a de sujet que s’il peut ne pas être vu. Entendons ici le sujet moderne, qui pense, et donc qui est – autant dire que le sujet regardé ne pense pas. Donc, au temps moderne, l’intime, le territoire secret, de l’ombre ou de l’opaque, est le lieu même du sujet.

L’intime se découpe sur le fond d’un Autre benthamien, au regard importun, intrus ou envahissant – qui veut tout voir et tout savoir tout le temps. Il s’agit alors de dire ce qui peut faire limite à ce désir sans limite. On peut invoquer la loi. Mais la loi préserve le privé ; ou, plutôt, le privé c’est cette part qui peut être protégée par la loi.

Là encore, il faut entendre qu’on parle de liberté réelle, de liberté matérielle. Parce que, comme le soutient Jean-Claude Milner, la véritable question de la liberté, c’est de dire comment obtenir que le plus faible puisse être effectivement libre en face du plus fort. Si les garanties juridiques et institutionnelles sont précieuses, elles restent assez illusoires. C’est-à-dire que, comme l’intime, la doctrine des libertés, ne se fonde pas sur le droit, mais sur la force. En vérité, dit Milner, nous sommes tous convaincus d’une chose: mis à part les contes de fées où le faible devient fort (c’est-à-dire le rêve révolutionnaire), il n’y a pour les libertés réelles qu’un seul garant: c’est le droit au secret, unique limite matérielle au pouvoir de l’Autre – qu’on nomme là l’état, les institutions ou la société.

Il ne saurait y avoir de sujet sans secret, autant dire de sujet entièrement transparent. Tout rêve de transparence emporte avec la dissolution de toute opacité celle du sujet lui-même. La démocratie est bien sûr animée d’un idéal de transparence, mais elle concerne en principe le pouvoir, non les sujets.

C’est que dans les faits, notre démocratie paraît animée d’une volonté parfaitement opposée: d’un côté, l’Autre tend à s’opacifier toujours plus et, de l’autre, les sujets sont rendus toujours plus transparents.

la défense de l’intime et du secret est proprement une cause de la psychanalyse.

Considérons en premier lieu l’acte du pouvoir. Soit le fait que l’Autre vient mettre son nez, son œil dans l’intimité. C’est une tendance lourde.

Dans le sens de cette criminalisation rampante généralisée de la société, on peut mettre en lumière certaines procédures actuelles au service d’une politique dite préventive de la criminalité. La prévention est devenue un maître mot de l’époque.

Je peux parler en particulier du rapport de l’Inserm sur la prévention de la délinquance, « Troubles des conduites chez l’enfant et l’adolescent », une « expertise collective »…

C’est qu’il y a donc une autre façon de passer la frontière de l’intime: dans l’autre sens. Cela concerne ceux qui, hors de toute contrainte, ouvrent leur intimité, qui l’avouent ou l’exposent. En fait, c’est là le sens le plus immédiat des « images honteuses », qui ne sont pas des images volées mais délibérément exhibées. Il faut entendre qu’il ne s’agit pas pour le sujet d’une renonciation au droit au secret, mais, au contraire, d’un acte libre, d’un certain exercice de ce droit.

Ce qui caractérise notre temps, c’est que, en plus de se dire dans le secret du cabinet de l’analyste, l’intime aujourd’hui se publie, s’étale sur les écrans et s’expose sur les murs des musées. J’ajoute: sans honte.

après avoir lu Daniel Arasse, il y aurait quelque crédit à tenir La Venus d’Urbin de Titien pour le paradigme des « images honteuses ». Cette femme nue couchée qui se caresse en nous souriant est une image honteuse à certains égards sans honte. Sauf que, et c’est là le point, cette image intime n’était alors destinée qu’à l’intimité d’un seul regard, celui de Guidobaldo della Rovere qui avait commandé cette pin up à Titien pour son usage exclusif – ce qui pose d’ailleurs un réel problème non pas quant à l’exposition d’une telle peinture aujourd’hui, mais à son effet de sens dans un lieu public d’art. L’intime allait alors à l’intime. Aujourd’hui il va au musée, ce grand lieu de la démocratie du regard,

Mon hypothèse est que l’actualité de l’ostension des images de l’intime ne relève pas seulement de l’exercice moderne d’une liberté, mais constitue, paradoxalement, une réponse à la menace sur l’intime. Bien sûr, à la menace hypermoderne d’un regard illimité sur l’intime, on pourrait tenir que le voile est une réponse. Or on assiste dans l’art à un mouvement aussi de dévoilement, ce qui pourraît être après tout parfaitement en phase avec le désir d’omnivoyance du maître moderne. Or les images de l’art y font en vérité arrêt. Il faut donc dire en quoi, et pourquoi.

On est tenté de penser que ce qui était jadis un attribut divin, l’omnivoyance de Dieu, son pouvoir de tout voir sans être vu, est devenu aujourd’hui un attribut du pouvoir séculaire armé par la science et la technique.

je suis supposé représenter un discours (de la psyschanalyse) dont on a pu dire que allait lui aussi dans le sens de l’extorsion de l’intime. Foucault l’a dit. Le tout-dire irait droit à la confession – l’église et le communisme ont pratiqué ça.

Tout le problème se circonscrit alors dans deux questions qui impliquent deux barrières. La première est éthique: si l’analyste dispose de l’omnivoyance, cela donne toute sa valeur au fait qu’il n’en use pas. Ce qui ne repose que sur un choix éthique à quoi l’analyse est suspendue : dans sa fonction d’écoute, l’analyste est non-voyant (c’est peut-être ce qui lui confère le pouvoir, comme Tirésias, de voir loin). La seconde barrière serait réelle: est-ce que du pouvoir de voir tout il suit que tout peut se voir? En vérité, le problème se joue là, parce que cela appelle la question d’une limite au regard, fondée non sur l’interdit, sur un choix ou sur une quelconque contingence, mais sur un impossible, sur le réel.

Tout cela ne prend sens que si on met la psychanalyse en perspective dans le siècle. Jacques-Alain Miller s’y est employé brillamment dans une émission de radio récente. Il faut en effet dire que le premier effet de la psychanalyse dans notre monde, c’est qu’elle a modifié le sens commun en clamant haut sa réclame: tout dire fait du bien. C’est en tout cas comme ça que la société l’a interprétée. Aujourd’hui, on peut considérer que l’idée des bienfaits du tout dire est entrée dans le sens commun. Avant, jadis, il y avait des choses qui ne fallait pas dire. Le sacré pouvait être offensé par un dire. Il faut mesurer que cela donnait du coup au fait de dire toute sa valeur. L’instance de la censure a eu du coup au cours des âges un rôle important, et Freud n’a pas manqué de reconnaître cette importance, en donnant à la notion de censure une place dans sa théorie. Les écrivains connaissaient le problème, du temps où le fait de dire comptait. Le partenaire de l’écrivain, c’était la censure. C’est Léo Strauss qui a mis en évidence le rôle de la persécution dans l’art d’écrire, qui obligeait à une écriture de la dissimulation, un « art d’écrire entre les lignes », de sorte que tous les écrits devaient être des messages chiffrés. Même le Rousseau des Confessions, à qui j’ai fait plus haut allusion, et qui professait une franchise sans limite, avoue qu’il emploie un certain art d’écrire afin de ne pas dévoiler aux méchants ce qu’il pense vraiment. Reste qu’aujourd’hui on doit constater que le tout dire a triomphé. Nous somme à l’âge d’Internet qui va à l’évidence vers le tout dire.

On peut photographier le fonctionnement intime des organes sexuels, mobiliser pour cela la science et les techniques les plus sophistiquées, cela ne ne risque pas de livrer le secret du sexe, de comment marche le human desire et l’étonnante machine des sexes dont nul n’a les plans. Contrairement à la machine à caca que, comme par hasard, Wim Delvoye lui-même s’est attaché à construire, avec une réussite totale. En sorte que la Cloaca-Turbo (qui donne aussi la vision d’un mécanisme de l’intérieur du corps) et l’image X-Rays d’un acte sexuel seraient les pendants inverses l’une de l’autre: image d’une machine qui marche d’un côté, image d’une machine qui marche pas de l’autre. Plus exactement, je dirais que ces images X-Rays, qui rencontrent le célèbre dessin anatomique de Léonard figurant un coït en coupe, montrent surtout qu’il y a quelque chose qu’on ne peut pas voir: comment ça marche, l’amour, ce qui serait le secret de la sexualité. C’est leur dimension critique: elles s’adressent aussi aux médecins et à tous pour dire: la recherche de la transparence du corps est un fantasme, parce qu’il y a quelque chose qu’on ne pourra jamais voir, jamais savoir, et donc jamais maitriser: le rapport sexuel. Vous pouvez radiographier le corps, autopsier le corps, le rendre aussi transparent que vous voudrez, vous ne verrez jamais le secret du rapport sexuel. Voilà ce qui au bout du compte résiste définitivement à la volonté du maître que « ça marche ». Le savoir expert se cassant les dents sur le rapport sexuel, ce pourrait être le titre de la série des images de Wim Delvoye.

Il est du coup assez amusant de relever que la première image aux rayons X faite par Röntgen, inventeur de la radiographie en 1895 – même année de naissance que la psychanalyse et le cinéma -, fut celle de la main de sa femme, et que ce qu’on y voit d’abord, c’est l’ombre noire de son alliance. Comme quoi, ce que la première image de l’intérieur du corps d’une femme révèle d’abord, c’est la présence d’un homme, plus exactement d’un mari – pour qui elle ne saurait avoir aucun secret. ça explique sans doute cette image. On se demande en effet ce que Röntgen avait en tête quand il a décidé de réalisé comme première image une radiographie du corps de sa femme? On pourrait se dire que Wim Delvoye montre ce que Röntgen avait en tête. Faut pas rêver.

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au matin, invasions de pensées

[ 15 mars 2008 / 24 novembre 2008 ]

d’abord un rêve, qui a curieusement trait à un texte écrit il y a quelques temps et que je viens de rendre public sur disparates.

intitulé enfermée dans la chambre (venue aux faits), la publication de ce texte m’avait parue impossible et, bloquée, j’avais fermé le blog. récemment, au moment de créer ce blog-ci, j’ai rouvert disparates au public et j’ai laissé le texte, sans trop réfléchir et sans même le relire, sans vouloir le relire.

le rêve de cette nuit touchait directement à ce que j’y  » révélais », des trucs dont je vois mal qu’ils puissent se dire ailleurs que dans l’intimité d’un cabinet d’analyste, quand seulement ils y arrivent.

il se trouve également que les faits que j’y raconte, je doute qu’ils puissent influer encore sur ma vie aujourd’hui, je ne peux pas le croire, je ne comprends seulement pas qu’ils continuent de me poursuivre. c’est pourquoi j’avais fermé disparates. je racontais là quelque chose qui en devient une histoire, qui est devenu une histoire, une histoire à laquelle semblent me ramener certains de mes symptômes actuels, sans que j’accepte de reconnaître le lien qui les lie, pour la raison que ce lien me parait trop facile. traumatisme conséquences. petite histoire conséquences. ( la question devient donc: puisqu’un lien persiste, ne fût-ce qu’au travers de mes rêves, quelle est la nature de ce lien?)

( actuellement, je peux (il est dans mes possibilités de) croire que l’enjeu du rêve tourne autour :

  • du sexe tout de même quand même bien sûr et d’abord, comme si ça n’était pas d’ailleurs toujours ça,
  • de ce qui supporte de s’écrire (et dont il semble que l’inconscient aime à s’emparer) : les petites histoires, ce qui supporte de devenir une petite histoire, avec des personnages, des protagonistes, des méchants, des bons, un bourreau, sa victime – le fantasme ou son « horreur du vide« ,
  • du quoi faire de ce qu’on dit, a dit, dirait à un psychanalyste,
  • du trop grand prix que j’accorde à mes pensées, que je n’arrive pas à dévaluer. ce serait elle qui les aime, les petites histoires.)*

( je refuse de me faire enculer, l’homme prend une autre femme alors. ils le font. je suis à l’extérieur du bâtiment ( c’est un bâtiment d’école, les dames de marie, à bruxelles, école qu’aurait fondée mon arrière-grand oncle, raison pour laquelle on m’y avait inscrite, j’avais déjà re-rêvé de ce bâtiment dans le rêve également repris dans le texte susmentionné), où ils sont, le font, je vois un professeur arriver, je les préviens, attention, attention. ils sortent, mais : drame, il y a drame, grand drame, très grand drame, le professeur s’en occupe, de la femme ( la tout juste enculée) en grand danger, que s’est-il passé : elle, la femme, est atteinte d’une maladie qui l’empêche absolument d’être enculée, sous peine d’en mourir. elle me dit que si elle s’est laissée faire, c’est qu’elle l’aimait (!) j’essaye de convaincre l’homme qu’il ne doit plus jamais le faire, mais ce n’est pas sûr que j’y arrive.)

* il m’apparaît que je n’ai pas grand chose vraiment à faire avec l’écriture : je suis seulement trop encombrée de pensées, pensées qui « NE CESSENT PAS DE S’ECRIRE » – ainsi que j’ai essayé de le traiter par le passé dans to be or (dont on aura quelques traces dans ce texte : l’a-pensée, que ma paresse m’a poussé à rechercher, histoire de n’avoir pas une fois de plus à réinventer la roue.)

c’est pourquoi il faut que je trouve le moyen de pouvoir renoncer à mes pensées, dont il faut bien dire, aussi encombrantes soient-elles, qu’elles me passionnent, que je les trouve passionnantes, que je ne trouve pas grand chose qui puisse leur faire concurrence, mais dont le motif est HONTEUX, donc, puisqu’il y s’agit de croire et de faire croire que TOUT pourrait s’écrire, alors qu’on sait bien, tous autant qu’on est, que le rapport sexuel ne s’écrit pas. d’où il découle que l’effort que je fais, que je ferais, d’écrire dans ce blog, est un HONNETETE, puisque j’y mets à l’épreuve une CROYANCE, laquelle ne devrait en sortir que VAINCUE ( terrassée)**- moi de même par la même occasion. j’ajoute : de croyance ne voulons pas, nous conviennent seules les certitudes. ( je suis à peu près persuadée qu’autour de tout cela, j’avais déjà tourné aussi bien dans disparates que dans to be or, ça ne servit donc à rien, puisque je ne peux m’empêcher d’y revenir. sommes-nous donc condamnés à tourner en rond, condamnés?)

autre autre autre question annexe : mais que faire de tout cet or ces pépites qui s’accumulent dans l’intimité d’un cabinet d’analyste quand d’analyste on ne se destine pas (plus?) à embrasser la profession? question CRUCIALE s’il en est.

** je ne dis pas qu’ils ne soient pas nombreux de-par-l’internet, à y arriver, à écrire, sans en sortir, de cette illusion qu’on-pourrait-tout-écrire et sans s’en sortir très bien, et même très très bien; quant à moi : non, je ne veux pas, m’en sortir, non, c’est vaincue que je me veux, c’est vaincue que je dois être (et même incessamment sous peu, car je commence à en avoir un peu marre).

( la suite du rêve, vous la voulez? non, eh bien vous devriez, la voilà : je trouve en fait que cet homme, qui a été coucher avec cette autre femme, aurait mieux fait de rester avec moi, j’avais pensé qu’éventuellement ça me donnerait plus de prix, à ses tendres yeux, si je refusais de me faire enculer, mais on dirait bien que non. je pense que s’il apprenait que j’ai un enfant, son intérêt pour moi augmenterait, je cherche mon enfant, mais je ne le trouve plus, d’ailleurs en fait, ce n’est pas mon enfant que je cherche, mais mon chat, ma chatte, Mélusine, mais je ne la trouve plus, je la cherche partout dans l’énorme grenier ( grand-maternel), il y a d’autres chats, mais d’elle, il n’y a pas. je m’inquiète pour sa vie.) je cause encore un coup avec celle donc qui d’être enculée mourrerait, qui me dit que ce n’est peut-être pas de cette maladie-là qu’elle est malade, mais d’une autre, comment vérifier. je cause, prends par le bras un homme encore autre, grand, massif, on s’embrasse, il m’entraîne à sa suite vers un autre grenier, plus petit, où se niche un nid d’amour, il veut faire l’amour avec moi, je lui explique que ce n’est pas possible parce que j’ai déjà fait l’amour avec un autre ce jour-là, et que ça me ferait une mauvaise réputation, laquelle d’ailleurs déjà me poursuit, il me dit que ça n’a pas d’importance. je pense qu’il sera secrètement triste de coucher avec moi, moi couchant avec lui comme s’il était n’importe qui. il essaye de m’entraîner donc dans un lit qui est le mien, qui se trouve en haut d’une échelle, échelle de laquelle je faille tomber dans le vide, mais non. c’est la fin du rêve, l’homme est dans le lit, m’attend, résolu, moi, je suis en haut de l’échelle, non-tombée.)

éventuellement, j’ajoute, petit passage par Kertész : ce qui m’aura époustouflée, renversée, le pas qu’il entonne et dans lequel j’aurai voulu m’insinuer : sa réponse, via l’écriture, à l’impératif que comporte, à mes yeux, le réel, d’en rendre compte.

il fut un temps où j’imaginai cette image, probablement scandaleuse, impossible : les grilles façon camp de la mort, dans lesquelles il y aurait ces mots, non pas « Arbeit macht frei » ou « Jedem das Seine » mais « Il n’y a pas de rapport sexuel ».

je veux donc dire que je peux pas croire au « traumatisme » que rapporte ces rêves, mais que je crois à celui qui implique que le rapport sexuel ne pourrait s’écrire (ne cesse pas de ne pas s’écrire). raison ici raisonnante, à laquelle mes rêves ne semblent pas vouloir plier.

(vie privée et politique)

[ 23 mars 2008 / 6 mars 2009 ]

( La «vie privée» n’est rien d’autre que cette zone d’espace, de temps, où je ne suis pas une image, un objet. C’est mon droit politique d’être un sujet qu’il me faut défendre.)

Parenthèse de Roland Barthes dans La chambre claire, p. 32

où roland barthes parle d’une façon très très proche de celle de gérard wajcman, qui lui il est vrai parlait de l’intime :

… l’espace où le sujet peut se tenir et s’éprouver hors du regard de l’Autre. Un espace en exclusion interne, une île, ce qu’on nomme à l’occasion le chez-soi, où le sujet échappe à la supposition même d’être regardé. C’est la possibilité du caché. […] Je dirais qu’il n’y a de sujet que s’il peut ne pas être vu.

les frontières de la publication

[ 24 mars 2008 / 3 février 2009 ]

les frontières de la publication sont pour moi difficiles à dresser.

longtemps, je me suis intéressée, passionnée, pour toutes ces auteurs-femmes qui racontent leur vie, celles dont on dit également qu’elles font de l’auto-fiction. d’abord, et surtout, parce que j’étais avide de ce qu’elles auraient eu à me dire de LEUR vie sexuelle, ensuite parce qu’elles « cédaient » à cela, simplement parler d’elles-mêmes, un point c’est tout, et publier. leur vie devenait livre.

la voie dont j’aurais aimé qu’elle la traçât pour moi, de VIRGINIE DESPENTES, et que je ne sus pas suivre, tant il est vrai, qu’elle écrit, selon moi, quant à elle, de la FICTION : c’est-à-dire qu’elle, elle sait le faire. mettre une distance entre sa vie et le livre qu’elle écrit. pourquoi dès lors la citai-je ici ? le sexe, son genre (féminin), qu’elle soit femme et auteur. et contemporaine.

je ne dis pas que VIRGINIE DESPENTES ne m’ait pas fait du mal, ce n’est pas ce que je dis, je dis même le contraire, je vous dirai le mal qu’elle me fit.

(très sincèrement, j’aurais aimé que des livres, que des femmes, en disent quelque chose de comment ça fonctionne la jouissance féminine, le désir au féminin.)

j’ai espéré, voulu, prendre leurs livres A LA LETTRE. mais, que je ne m’y retrouve pas, que je ne me retrouve pas dans LEURS lettres quand MOI je faisais l’amour, ou dans ce que MOI, je pouvais vivre du désir, n’a eu de cesse de me PERTURBER, BLESSER, TORTURER.

(quelle donc pouvait être cette confiance que la mienne, que je plaçai en leurs écrits.)

elles y allaient tout de go, franco de port, et ça n’avait rien à voir avec ce que par exemple une DURAS, MARGUERITE, avait pu écrire. rien de ce que MARGUERITE écrivit jamais ne me fit de tort. (et si de MARGUERITE le style un moment me marqua au point que je pus croire écrire dans sa voix, je compris vite et facilement et sans encombre, sans dommage, qu’elle était inimitable. elle, c’est un roc. éternel, unique. )

mais leur franco de port, leur tout de go, et sans fards, à elles, DESPENTES VIRGINIE, ANGOT CHRISTINE, et qui donc encore, je crois qu’il m’en manque une, je parle de celles qui furent importantes pour moi, c’est-à-dire qui me perturbèrent, il me semblait que je pourrais l’imiter, rentrer dans leur imitation  (imitation à ma portée).

d’abord, donc, et cela va presque sans dire, je les aimai femmes. en tant que femmes (oui, va sans dire). (je ne mentionnerai pas ici, la je-ne-sais-plus-comment-elle-s-appelle que d’emblée je considérai comme une traîtresse, menteuse, conne.)

or, après m’être laissé travaillée ainsi par elles des années durant, à leur écrire des lettres, des lettres en pensée, bien sûr, venant de moi, à quoi s’attendre d’autre, des lettres rêvées, où on aurait discuté, elles et moi, de ces choses, du sexe, de l’amour et de la mort, et à comparer mes émois (sexuels, amoureux) aux leurs, je finis par comprendre, mais réellement, comprendre, c’est-à-dire que ça ne devait pas être qu’intellectuel, puisque dans les faits elles cessèrent de me perturber, je finis par comprendre, que ce que j’avais espéré, que s’écrivît quelque chose qui fût de l’ordre de l’UNIVERSEL, à propos de la sexualité féminine, ne s’écrirait pas – moi, cela, je l’avais VOULU. et je ne sais si j’y ai vraiment renoncé.

or donc, et au vu et à cause de la façon dont j’avais souffert, de leurs écrits, je décidai qu’il devenait pour moi dès lors impératif, s’il m’arrivait jamais d’écrire à propos de la/ma sexualité, que je fasse entendre qu’il ne s’agirait jamais que de la mienne. de sorte qu’aucune (femme) ne pût en souffrir, de ne pas se reconnaître, dans ma loi à moi – si d’aventure j’en venais à en transcrire un brin. je m’établissais donc là, quant à moi, une première frontière à la publication/cité de mon intime. (un pas- que je mettais, de moi-même, à mon tout. (et non pas le pas- qui s’imposait de lui même, non pas le pas- de réel, extérieur/intérieur à moi, je me comprends, la nuance est probablement importante.)

(c’est MARGUERITE DURAS qui me donna l’envie d’écrire. tout de suite alors, la découvrant, je sus, il m’apparut, que je ne voudrais ne saurais écrire rien d’autre qu’autour de l’amour. (c’était pas très malin, mais c’était avant que vraiment je ne connaisse des garçons, je ne savais pas encore alors que l’amour ne m’irait pas de soi. je n’ai pas l’amour fort facile, c’est le moins que l’on puisse dire.))

(MARGUERITE elle, c’était une voix, et elle a le grand sens du drame, et de la folie, de la folie des femmes. j’aimais ça. et toujours, et c’est ce que je veux. et encore. et encore.)

première frontière donc, admise et appelée. la deuxième, vraiment difficile. la deuxième. c’est ANGOT qui m’y amena. au plus ça allait, au plus, elle, et d’ailleurs également une autre de ses consœurs, au plus elle donnait les noms des personnes dont elle parlait. jusqu’à ce qu’un jour je l’entendis à la radio « révéler » un truc à propos de son ex-mari, où il me sembla que vraiment, elle dépassait les limites (ce qui mit fin à ma propre tentation, de dépassement). les limites en tout cas du respect de l’autre, de votre prochain. qu’on en fasse ce qu’on veut de son propre intime, c’est une chose, de là à dévoiler la vie privée des autres, c’est un pas que je ne peux pas faire. que je décidai de ne pas faire.

la deuxième frontière donc, c’était ça, et c’était très compliqué, comment parler du rapport amoureux, sexuel, de l’amour, sans parler de celui avec lequel on s’y exerce. j’avais été véritablement fascinée à lire les noms que ces auteurs donnaient de leurs proches, et à me demander comment, d’où, de quel point elles s’y autorisaient. la science ? l’écriture ? leur « travail sur elles-mêmes » ? on a beau me dire que tout cela n’est jamais que de la fiction, je veux bien, mais y a un moment où.

advint donc, la deuxième frontière.

en séance, je veux dire sur le divan de psychanalyse, no problemo, on balance. on donne les noms, on dénonce. or moi, dont la nature, la structure, me porte à dénoncer, comment, dans ce cas, écrire un TRAITRE mot (le moindre) (l’impossible livraison de mon tonton, voir le petit billet jean livre sterling sur ce même site ) ?

j’en étais réduite, et je le suis toujours, soit à ne rêver que d’écrire, soit de mes proches à attendre la mort (que je ne suis pourtant pas sûre de réellement désirer.)

(et c’est comme ça que je me suis vue réduite au secret. kertesz, lui dit que c’est de la nature de l’écriture, le secret, de la nature de l’écriture, il dit de très belles choses, là dessus, qui pourraient presque vous, me réconcilier, avec le secret.)

et si je me donne des allures parfois pontifiantes, c’est aussi parce que j’essaie d’en dire quelque chose, de mes secrets, qui prît une allure scientifique, où l’on parlât de petits a et de petits b et aussi d’inconnue x. sans que de noms aucun soit cité, sauf ceux bien sûr tombés dans le domaine public. allures pontifiantes et airs d’universel.

ça n’est pas la meilleure des voies, il lui manque le rire, il lui manque le style. ( j’en avais pris, pourtant, au départ, me semble-t-il une meilleure de voie, c’était au moment où j’ai rencontré frédéric, et que j’ai commencé à écrire dans 2balles, là, nous y arrivions, à ne parler que par allusions ( pour reprendre le terme utilisé par Jacques-Alain Miller : «c’est un récit qui doit comporter essentiellement le caractère de l’allusion, de ce qui n’est pas dit en plein, ni en direct, mais un récit qui traduit le contournement de ce qui, au gré du sens, apparaît comme un vide…» enfin, je n’ai pas tenu le coup longtemps, j’ai déraillé vite. ) je dis nous, parce qu’il y s’agissait d’un dialogue.)

bon, j’ai été suffisamment longue, je m’arrête là. pour aujourd’hui.

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lettres du vent

[ 20 janvier 2009 / 27 janvier 2009 ]

Ceci n’est pas une nouvelle note.

Wacjzman s’est trompé. 1

L’intime, le privé qui passe au public, ce n’est pas le droit d’avoir une vie privée qu’un artiste exerce : c’est la fin de l’intime.  La fin du privé. L’annulation. C’est aller loger l’Autre, celui qui n’existe pas, et parce que cette inexistence est intenable, quelque part dans le public. Quelque part au-delà. Au-delà de la réalité immédiate, au delà du partenaire amoureux – puisque l’intime concerne le moment du sujet où il est sexué.

Trop de voiles levés sur la vie privée, pour élever une scène publique,  en constitue un déni  ( et que cette scène à l’occasion révèle quelque fantasme ne fait qu’apporter de l’eau au moulin. Lequel n’a qu’une envie :  tourner, pas faire du pain).

Spectacle.

Pendant ce temps la belle meunière dort. (Dort,  rêve de mordre). Et son moulin va trop vite.

Notes:
  1. Si je me souviens bien de l’article que j’ai quelque par cité, et largement, dans ce blog, « Les frontières de l’intime ». Et si je me souviens mal, c’est pas grave. Tant il est vrai qu’il me plaît d’affirmer que Wajczman, Gérard, a tort. []