les frontières de la publication

les frontières de la publication sont pour moi difficiles à dresser.

longtemps, je me suis intéressée, passionnée, pour toutes ces auteurs-femmes qui racontent leur vie, celles dont on dit également qu’elles font de l’auto-fiction. d’abord, et surtout, parce que j’étais avide de ce qu’elles auraient eu à me dire de LEUR vie sexuelle, ensuite parce qu’elles « cédaient » à cela, simplement parler d’elles-mêmes, un point c’est tout, et publier. leur vie devenait livre.

la voie dont j’aurais aimé qu’elle la traçât pour moi, de VIRGINIE DESPENTES, et que je ne sus pas suivre, tant il est vrai, qu’elle écrit, selon moi, quant à elle, de la FICTION : c’est-à-dire qu’elle, elle sait le faire. mettre une distance entre sa vie et le livre qu’elle écrit. pourquoi dès lors la citai-je ici ? le sexe, son genre (féminin), qu’elle soit femme et auteur. et contemporaine.

je ne dis pas que VIRGINIE DESPENTES ne m’ait pas fait du mal, ce n’est pas ce que je dis, je dis même le contraire, je vous dirai le mal qu’elle me fit.

(très sincèrement, j’aurais aimé que des livres, que des femmes, en disent quelque chose de comment ça fonctionne la jouissance féminine, le désir au féminin.)

j’ai espéré, voulu, prendre leurs livres A LA LETTRE. mais, que je ne m’y retrouve pas, que je ne me retrouve pas dans LEURS lettres quand MOI je faisais l’amour, ou dans ce que MOI, je pouvais vivre du désir, n’a eu de cesse de me PERTURBER, BLESSER, TORTURER.

(quelle donc pouvait être cette confiance que la mienne, que je plaçai en leurs écrits.)

elles y allaient tout de go, franco de port, et ça n’avait rien à voir avec ce que par exemple une DURAS, MARGUERITE, avait pu écrire. rien de ce que MARGUERITE écrivit jamais ne me fit de tort. (et si de MARGUERITE le style un moment me marqua au point que je pus croire écrire dans sa voix, je compris vite et facilement et sans encombre, sans dommage, qu’elle était inimitable. elle, c’est un roc. éternel, unique. )

mais leur franco de port, leur tout de go, et sans fards, à elles, DESPENTES VIRGINIE, ANGOT CHRISTINE, et qui donc encore, je crois qu’il m’en manque une, je parle de celles qui furent importantes pour moi, c’est-à-dire qui me perturbèrent, il me semblait que je pourrais l’imiter, rentrer dans leur imitation  (imitation à ma portée).

d’abord, donc, et cela va presque sans dire, je les aimai femmes. en tant que femmes (oui, va sans dire). (je ne mentionnerai pas ici, la je-ne-sais-plus-comment-elle-s-appelle que d’emblée je considérai comme une traîtresse, menteuse, conne.)

or, après m’être laissé travaillée ainsi par elles des années durant, à leur écrire des lettres, des lettres en pensée, bien sûr, venant de moi, à quoi s’attendre d’autre, des lettres rêvées, où on aurait discuté, elles et moi, de ces choses, du sexe, de l’amour et de la mort, et à comparer mes émois (sexuels, amoureux) aux leurs, je finis par comprendre, mais réellement, comprendre, c’est-à-dire que ça ne devait pas être qu’intellectuel, puisque dans les faits elles cessèrent de me perturber, je finis par comprendre, que ce que j’avais espéré, que s’écrivît quelque chose qui fût de l’ordre de l’UNIVERSEL, à propos de la sexualité féminine, ne s’écrirait pas – moi, cela, je l’avais VOULU. et je ne sais si j’y ai vraiment renoncé.

or donc, et au vu et à cause de la façon dont j’avais souffert, de leurs écrits, je décidai qu’il devenait pour moi dès lors impératif, s’il m’arrivait jamais d’écrire à propos de la/ma sexualité, que je fasse entendre qu’il ne s’agirait jamais que de la mienne. de sorte qu’aucune (femme) ne pût en souffrir, de ne pas se reconnaître, dans ma loi à moi – si d’aventure j’en venais à en transcrire un brin. je m’établissais donc là, quant à moi, une première frontière à la publication/cité de mon intime. (un pas- que je mettais, de moi-même, à mon tout. (et non pas le pas- qui s’imposait de lui même, non pas le pas- de réel, extérieur/intérieur à moi, je me comprends, la nuance est probablement importante.)

(c’est MARGUERITE DURAS qui me donna l’envie d’écrire. tout de suite alors, la découvrant, je sus, il m’apparut, que je ne voudrais ne saurais écrire rien d’autre qu’autour de l’amour. (c’était pas très malin, mais c’était avant que vraiment je ne connaisse des garçons, je ne savais pas encore alors que l’amour ne m’irait pas de soi. je n’ai pas l’amour fort facile, c’est le moins que l’on puisse dire.))

(MARGUERITE elle, c’était une voix, et elle a le grand sens du drame, et de la folie, de la folie des femmes. j’aimais ça. et toujours, et c’est ce que je veux. et encore. et encore.)

première frontière donc, admise et appelée. la deuxième, vraiment difficile. la deuxième. c’est ANGOT qui m’y amena. au plus ça allait, au plus, elle, et d’ailleurs également une autre de ses consœurs, au plus elle donnait les noms des personnes dont elle parlait. jusqu’à ce qu’un jour je l’entendis à la radio « révéler » un truc à propos de son ex-mari, où il me sembla que vraiment, elle dépassait les limites (ce qui mit fin à ma propre tentation, de dépassement). les limites en tout cas du respect de l’autre, de votre prochain. qu’on en fasse ce qu’on veut de son propre intime, c’est une chose, de là à dévoiler la vie privée des autres, c’est un pas que je ne peux pas faire. que je décidai de ne pas faire.

la deuxième frontière donc, c’était ça, et c’était très compliqué, comment parler du rapport amoureux, sexuel, de l’amour, sans parler de celui avec lequel on s’y exerce. j’avais été véritablement fascinée à lire les noms que ces auteurs donnaient de leurs proches, et à me demander comment, d’où, de quel point elles s’y autorisaient. la science ? l’écriture ? leur « travail sur elles-mêmes » ? on a beau me dire que tout cela n’est jamais que de la fiction, je veux bien, mais y a un moment où.

advint donc, la deuxième frontière.

en séance, je veux dire sur le divan de psychanalyse, no problemo, on balance. on donne les noms, on dénonce. or moi, dont la nature, la structure, me porte à dénoncer, comment, dans ce cas, écrire un TRAITRE mot (le moindre) (l’impossible livraison de mon tonton, voir le petit billet jean livre sterling sur ce même site ) ?

j’en étais réduite, et je le suis toujours, soit à ne rêver que d’écrire, soit de mes proches à attendre la mort (que je ne suis pourtant pas sûre de réellement désirer.)

(et c’est comme ça que je me suis vue réduite au secret. kertesz, lui dit que c’est de la nature de l’écriture, le secret, de la nature de l’écriture, il dit de très belles choses, là dessus, qui pourraient presque vous, me réconcilier, avec le secret.)

et si je me donne des allures parfois pontifiantes, c’est aussi parce que j’essaie d’en dire quelque chose, de mes secrets, qui prît une allure scientifique, où l’on parlât de petits a et de petits b et aussi d’inconnue x. sans que de noms aucun soit cité, sauf ceux bien sûr tombés dans le domaine public. allures pontifiantes et airs d’universel.

ça n’est pas la meilleure des voies, il lui manque le rire, il lui manque le style. ( j’en avais pris, pourtant, au départ, me semble-t-il une meilleure de voie, c’était au moment où j’ai rencontré frédéric, et que j’ai commencé à écrire dans 2balles, là, nous y arrivions, à ne parler que par allusions ( pour reprendre le terme utilisé par Jacques-Alain Miller : «c’est un récit qui doit comporter essentiellement le caractère de l’allusion, de ce qui n’est pas dit en plein, ni en direct, mais un récit qui traduit le contournement de ce qui, au gré du sens, apparaît comme un vide…» enfin, je n’ai pas tenu le coup longtemps, j’ai déraillé vite. ) je dis nous, parce qu’il y s’agissait d’un dialogue.)

bon, j’ai été suffisamment longue, je m’arrête là. pour aujourd’hui.

24 Mar 2008 @ 12:37 | | 2 commentaires | catégorie: les livres ou la vie | mots-clés: , , , ,