“La sensation”
— à la place de ma mère

Publié le Catégorisé comme un treillis sur la mer Étiqueté , , , , , ,

La sensation. Souvenir m’en est revenu dimanche soir. J’avais passé le week-end à la retranscription du cours de Jacques-Alain Miller. J’étais un peu vidée. Contente, mais dans le doute, comme je peux l’être à chaque fois que j’ai passé « trop » de temps à quelque chose. Je voulais me remettre à la séance psy du lendemain, retourner, réinvestir ça, l’analyse.

Comme je pensais aux derniers mots du dernier cours de Miller, sur la jouissance féminine, je me suis souvenue de la sensation que j’avais décrite à G (l’analyste rencontré au moment de mon arrivée à Paris). Il  m’avait répondu :  « C’est un très bel exemple, une très belle description de jouissance féminine, ce dont vous me parlez là ». Je n’avais pas été vraiment convaincue, pensant que la jouissance féminine, c’était ce dont, justement,  on ne pouvait pas parler.

Ce dont il s’agit.

Enfant, j’ai beaucoup manqué l’école. Je simulais la maladie en faisant augmenter artificiellement la température du thermomètre. Des otites m’étaient à chaque fois diagnostiquées et, maintenant que j’y pense, des angines (blanches). Je devais alors rester à la maison – en général une semaine. J’étais autorisée à m’installer, à m’aliter,  dans le lit de mes parents, à la place de ma mère.

Parfois, tout d’un coup, ça venait. Ça s’annonçait par une sorte de sensation de ralentissement du temps. Il me semblait que j’entendais le temps ralentir. Tout me semblait aller plus lentement. Rien ne bougeait dans la chambre, mais le temps -même des objets inertes- m’apparaissait. Je l’entendais, ralenti. Le son de la présence des choses m’apparaissait, lent. Alors, couchée sur le dos, les yeux fermés ou ouverts, des parties de mon corps s’allongeaient, s’éloignaient de moi, allaient loin, très loin, et gonflaient. La sensation était si curieuse que je me suis souvent risquée à la vérifier, à la tester – me disant qu’elle disparaîtrait alors, mais non, je pouvais, presque à volonté, en faire l’épreuve, sur une partie au choix de mon corps. Mes pensées se poursuivaient, au ralenti, j’observais, j’étais dans l’infini, calme, dans un espace noir et infini.

J’avais demandé à ma mère si elle connaissait ça, elle m’avait répondu que c’était probablement dû à la fièvre. Comme je savais que je n’en n’avais pas, j’en avais conclu qu’elle ne connaissait pas.

Lors de la dernière séance, lundi, quand je raconte ça, je me souviens, je me rends compte, que j’étais alors dans la chambre de mes parents  chambre sous les combles, au même niveau donc que celui de la chambre blanche dont il était question dans un précédent rêve – la chambre vidée et devant être maintenue vide… 

Comme je racontais cette sensation au docteur G, le psychiatre qui me fait mes prescriptions d’antidépresseurs et que je vois une fois par mois, il me lança :  « C’est ça, vous êtes une usurpatrice ». Oui, cela fait partie du rapport à ma mère, ce sentiment d’avoir été trop aimée par mon père. Mais, dis-je à l’analyste, ce n’est pas de ça dont je voulais parler. Ce dont je voulais parler c’est de cette identification, ce collage, cette répétition d’elle. Par ailleurs, le mot du docteur G était juste. Je ne trouve pas ma place, de penser que je l’usurpe. C’est l’histoire de ma vie. Mais ça n’explique pas l’angoisse qui m’étreint aujourd’hui dès que je suis en sa présence.

Une autre chose m’est revenue – mon père était toujours en vie -, je parlais avec ma mère en voiture, j’étais seule avec elle, elle conduisait, j’étais à ladite place du mort et j’ai pensé  « ça devrait toujours être comme ça » (seule avec ma mère).

 

Par Iota

- travailleuse de l'ombre

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