21:06 décidément excessivement déprimée. 22:43 avoir l’éternité devant moi. et la liberté absolue. pourquoi faudrait-il que je parle toujours à ras-de-terre. ces vacances prises m’ont ramenée à ce terrible désir : être séparée de tout, jusqu’à l’être. et vouloir partir encore, loin, loin, loin de tout, ne rien vouloir d’autre. alors, à 21:06 écrire : décidément excessivement déprimée. qu’est-ce qui veut donc à ce point la séparation et quel accomplissement de cette séparation est possible, en dehors de la mort. quand la plupart du temps ce n’est que strates, superpositions, recouvrements. comment dévoiler le recouvert et dire c’est cela et c’est pourtant des milliards d’autres choses. la relativité s’enseigne-t-elle. l’instant s’enseigne-t-il.
Mois : mars 2012
du trauma d’une conversion à l’envers
depuis donc que l’homme qui me sert d’analyste m’a dit une certaine chose, que j’ai très rapidement oubliée, je n’ai plus cessé d’être malade, en dehors du séjour à donnery où il me semble que j’ai surtout pénétré plus avant un désir de tout quitter rien emporter dont j’ai du mal à revenir.
que m’a dit cet homme? m’a-t-il seulement découragé (interdit!) de demander à être membre de l’acf? ou m’a-t-il également interdit d’être analyste? quels ont été ses mots, sur quoi portaient-ils? – vous avez fait cette démarche malgré mon interdiction? – ah, bon, oui, quoi, vous me l’avez interdit? dites-moi? – mais, je ne vous l’ai pas spécifiquement interdit, enfin cela fait 6 mois (6?) que j’essaie de vous prévenir de (…) – ah, bien, j’aime autant que ça soit plus clair… – il y a d’autres moyens de faire partie de la grande famille… -mais, ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit?
s’agissait-il du terme d’interdiction? bon, c’était au moins aussi fort.
comment ai-je alors réagi? sur quoi ai-je sur le moment même cru que portait cette interdiction? pourquoi ai-je accepté sans frémir ce qu’il me disait? souriante? pourquoi souriais-je?
je lui ai dit que c’était très important pour moi ce qu’il me disait et que je ne souhaitais pas l’empêcher de parler, parce que ça m’intéressait et qu’il me semblait que ça avait pu m’arriver, dans des moments « cruciaux » comme ça d’avoir empêché un analyste de me parler. il essaie de me dire que ce n’est pas important ce qu’il à me dire, que ce qui compte c’est ce que j’ai à dire. nos paroles se chevauchent, tout en lui disant de parler, je parle. car, immédiatement dans la foulée de ce qu’il vient de me dire, disons, « j’entame un nouveau chapitre ». je pars sur autre chose. quelque chose me soulage dans ce qu’il me dit, et je dis « oui, peut-être que tout cela, toutes ces complications, c’est peut-être encore pour m’empêcher de faire autre chose, c’est pour camoufler un autre désir encore. -lequel? – eh bien, celui d’écrire. fin de séance.
au retour j’envoie un texto à f., que je dois retrouver, de cette façon j’aurai les paroles exactes, je lui dit (selon donc mon souvenir) : X m’interdit de devenir membre de l’acf ou X m’interdit d’être analyste. ce qui est sensiblement différent. mais je ne dispose plus de ce texto, je viens de le vérifier.
le soir, quelque chose comme de l’angoisse et de la fureur rampe vers moi, en moi. la fureur d’abord contre mon précédent analyste. et puis le désespoir. la nuit-même, je suis malade. le lendemain, je suis malade. un sorte de grippe gastro avec de la fièvre. je ne peux pas conduire ju. à l’école, je reste au lit. j’envoie des mails désespérés à l’analyste, dont je ne dispose plus parce que je les envoie depuis mon téléphone qui ne garde pas les mails au-delà de 3 jours. ces mails restent sans réponse. mon désespoir s’accroit. il me semble que tout ce que j’ai entrepris récemment est réduit à néant. je sais que je dois résister au fantasme de m’être vue interdite dans mon désir, mais c’est difficile. une image stupide me vient à l’esprit : celle de saint paul rejeté à bas de son cheval sur la route de damas. je sens que c’est idiot, que cette image-là me vienne à l’esprit.
quelques jours plus tard cependant je garde cette image en omettant de préciser qu’il s’agit de saint paul, je ne garde que celle de la chute, du rejet en bas de ma monture, pour annuler le rendez vous pris avec le responsable de l’acf. je lui parle de mon désir qui ne serait pas si décidé que cela puisqu’il suffit d’une intervention venant de presque n’importe qui pour m’abattre.
je suis sur pied pendant un jour. je retombe malade. une grippe avec fièvre. je me rétablis. je fais une crise d’eczéma puis je me choppe une orgelet à l’oeil gauche. nous partons à donnery où je ne suis pas malade. au retour il me semble être très déprimée. et l’angoisse monte comme approche le moment des résultats d’analyse du méningiome de ma mère. c’était hier. c’était une bonne nouvelle, celle à laquelle je ne croyais pas, même si j’avais rejeté toute spéculation. elle ne devra pas se faire opérer. la situation est stationnaire et donc bonne. malgré cela, je constate que l’intense sentiment de dépression ne me quitte pas. ma gorge et mes oreilles s’enflamment. j’en suis donc à soigner ça ainsi qu’un tour de rein que je viens de me faire.
cette nuit je fais un rêve. au réveil, je ne sais ce que je dois écrire, ni à qui. j’écris ceci, ici. dans, oserais-je dire, un sentiment absolu d’incrédulité. l’idiotie de cette image: c’est qu’il me semble plutôt avoir fait une conversion à l’envers.
rêve : Les animaux fantastiques
3 mars 2012, 12h54
les animaux fantastiques, rêve de cette nuit
une pièce qui comporte de très nombreux animaux, dont je me souviens seulement d’un ours brun. de cette pièce, de ces animaux qui vivent là en toute quiétude mais aussi en toute indifférence, je décide de m’occuper.
je les nourris, leur parle, circule entre eux. du coup, ils se réveillent. l’un ou l’autre s’échappe. ils se réveillent, ils se battent, ils se réveillent, l’un ou l’autre m’attaque.
un ours brun, deux loups blancs. l’un ou l’autre chien. un singe.
j’avais laissé des pots accrochés en hauteur, d’oiseaux, se dessécher complètement, je décide de les faire revivre également, or, lorsque je les arrose, ai-je mis trop d’eau, si cela leur permet de retrouver instantanément leur forme première, ils meurent malheureusement immédiatement après, en se dissipant, disparaissant complètement. je ne sais pas s’il s’agit de papillons ou d’oiseaux, de tout petits oiseaux. je fais cela, essayer de les ranimer avec l’aide des autres animaux, les grands. cela nous inquiète, eux et moi.
parallèlement à cela, je fais des courses le matin, je vais à la poste. mon père et ma mère sont également présents, très présents dans ce rêve.
nb: au moment du réveil des animaux, je découvre l’ours brun étreignant, un peu à la façon dont peut le faire Chester, un énorme ours brun en peluche (l’ours de jules)
3 mars 2012, 18h16
les animaux fantastiques, d’où ils viennent, que je lisais hier soir, en m’endormant :
3 mars 20h16
« We are unwilling to spin out our thoughts into the phantasmes of sleep, making tables of cobwebs and wildernesses of handsome groves. Sans compter, ajoute-t-il pensivement, qu’Hippocrate, dans ses remarques sur l’insomnie, a si peu parlé du miracle des plantes que c’est à peine si l’on ose encore rêver du paradis, d’autant que dans notre pratique, nous nous préoccupons surtout des anomalies que la nature produit sans cesse, que ce soit sous forme d’excroissances maladives ou en mettant en œuvre les immenses ressources d’une inventivité à peine moins maladive, pour combler les lacunes de son atlas à l’aide de toutes sortes de figures grotesques. Notre étude actuelle de la nature tend en effet à la description d’un système en parfaite conformité avec un corps de lois ; et pourtant, c’est avec prédilection que notre œil se fixe sur les créatures qui se distinguent par leur forme abstruse ou par leur comportement aberrant. C’est ainsi que Brehm, dans son Thierleben, réserve déjà les places d’honneur au crocodile et au kangourou, au fourmilier, à l’armadille, à l’hippocampe et au pélican tandis que de nos jours, on verra éventuellement apparaître sur l’écran une armée de pingouins qui passent toute la nuit hivernale debout, dans les tempêtes glacées de l’Antarctique, l’œuf pondu pendant la saison plus clémente reposant sur leurs pattes. Dans cette sorte de programmes, dits Nature Watch ou Survival et réputés particulièrement instructifs, ce n’est évidemment pas le merle ordinaire qui se distingue le plus et l’on se retrouvera à observer plutôt quelque créature monstrueuse en période d’accouplement au fond du lac Baikal. Thomas Browne, de son côté, a été constamment détourné de l’étude de la ligne isomorphe du quinconce, invinciblement attiré par l’observation des phénomènes singuliers qui piquaient sa curiosité ou plongé dans la rédaction d’un vaste ouvrage de pathologie. On dit qu’il a longtemps hébergé un butor dans son cabinet de travail parce qu’il cherchait à comprendre comment ce volatile, d’aspect plutôt étrange au demeurant, produisait son cri reconnaissable entre tous, comparable aux sonorités les plus graves d’un basson, et dans son compendium, Pseudodoxia Epidemica, qui tend à faire table rase d’un ensemble de préjugés et de légendes largement répandues, il traite de toutes sortes de créatures, en partie réelles, en partie imaginaires, comme le caméléon, la salamandre, l’autruche, le griffon, le phénix, le basilic, la licorne et le serpent à deux têtes Amphisbaena. Si Browne réfute à juste titre l’existence de la plupart des créatures fabuleuses, il n’en reste pas moins vrai que la nature produit aussi des monstres bien réels dont l’existence avérée nous suggère que les bêtes inventées par nous ne sont peut-être pas uniquement des produits de l’imagination. Les descriptions de Browne prouvent en tout cas que les mutations naturelles, innombrables et défiant toute raison, mais aussi les chimères nées de notre pensée l’ont fasciné au même titre qu’elles fascineront, trois cents ans plus tard, Jorge Luis Borges, l’auteur du Libro de los sertes imaginarios dont la première version intégrale a paru à Buenos Aires, en 1967. Parmi les créatures fabuleuses répertoriées dans cet ouvrage et classées par ordre alphabétique, figure également, ainsi que je m’en suis aperçu il y a seulement peu de temps, le dénommé Baldanders dont Simplicius Simplicissimus fait la rencontre au sixième livre de l’histoire de sa vie. Baldanders se présente comme une statue de pierre gisant dans la forêt, sous l’aspect d’un vieux héros allemand habillé en militaire. Prenant soudain la parole, Baldanders affirme qu’il s’est tenu de tout temps, jour après jour, sans se faire connaître, au côté de Simplicius et qu’il ne le quittera que lorsque Simplicius, de son côté, sera redevenu ce qu’il a été à l’endroit d’où il vient. Puis Baldanders se métamorphose sous les yeux de Simplicius, prenant pour commencer la forme d’un scribe qui écrit les lignes suivantes :
« Je suis le commencement et la fin et j’existe en tout lieu. »
Après quoi
il devient successivement un grand chêne, un cochon, une saucisse à griller, une crotte de paysan, un champ de trèfle, une fleur blanche, un mûrier et un tapis de soie. »
Winfried Georg Maximilian Sebald, Les anneaux de Saturne
5 mars, 2012 // anniversaire
Sans titre
Il m’est difficile de l’affirmer, mais la nécessité d’écrire m’apparaît de plus en plus clairement. Je ne vois plus ce qu’il me reste d’autre à faire. D’autant que je renonce à la psychanalyse, à être analyste, ainsi qu’à insérer mon travail, d’une façon où d’une autre, à celui de l’École de la Cause freudienne. Ce détachement de l’École, résultat d’une suite de circonstances, voire de déboires que j’ai eus avec elles, ainsi que de ma dernière, et ultime, séance d’analyse, se renforce du sentiment de la liberté que ce détachement pourrait me procurer et d’une valeur nouvelle que j’accorde à cette liberté. Parce que leur rencontre est encore très proche, j’ajoute que ma récente découverte de l’oeuvre de Walter Benjamin et celle de l’artiste chinois Ai Weiwei n’ont pas été sans incidences. Ni l’un ni l’autre n’ont opposé de résistance à la nécessité d’écrire.
« laisse tomber l’essentiel » (citation)
Jules a des difficultés avec les jeux et la télé. Enfin pas lui, moi. Moi, je lui fais des problèmes avec ça. Ça m’inquiète qu’il ait tout le temps envie de ça, que ça soit « tout le temps dans sa tête » comme il dit. Je ne sais pas comment réagir.
Quelle serait la meilleure manière d’accueillir cette première manifestation d’addiction?
Je refuse, j’interromps. Nous refusons, nous interrompons. Moi, plus souvent que F. Et nous, moins souvent que nous ne « devrions », crois-je. Et puis aussi, parfois nous disons « OK pour une heure », et nous le laissons plus longtemps que ça, devant son écran (et d’ailleurs, il le sait, bien sûr, qu’il peut compter là-dessus…) Parce qu’au fond ça nous arrange, que pendant ce temps nous avons la paix, nous n’avons pas à nous occuper de lui, et nous pouvons nous-mêmes nous engloutir dans nos écrans.
Donc, moi ce que je veux, c’est arriver à « penser l’addiction », pour trouver le moyen de composer avec elle, parce que je ne pense pas qu’on lui échappe – mais probablement peut-on en remplacer une par une autre, moins abrutissante, ou plus intéressante. Peut-être, n’est-il pas fatal qu’une addiction soit nocive et quelle serait cette nocivité? F. disait qu’on ne pouvait pas interdire complètement la télé et les jeux vidéos, ce qui aurait été ma façon, ma réaction, et qui est celle de nombreux parents de l’école de Jules. Pour lui, ce n’était qu’une façon de reporter le problème. Qu’il valait mieux qu’il y soit confronté dès maintenant, qu’il s’arme.
de la nécessité de faire table rase
Puisque évidemment il y a addiction et addiction. Et que ce serait très intéressant de faire passer à l’addiction tout ce qui pour nous est important. Se servir de l’addiction pour jouer un tour à l’inhibition.
Pressentez-vous, comme moi, qu’il pourrait y avoir un lien entre addiction et « nécessité » – « ce qui ne cesse pas de s’écrire »?
Amener l’addiction ( jouissance de l’un, du one more) au service du désir (absence de l’autre, nevermore)
Le lien entre l’addiction à l’internet, aux ordinateurs, aux écrans, et « ce qui ne cesse pas de s’écrire »:
La prise dans l’écrit, le binaire, le programme, l’image.
« ce qui ne cesse pas de s’écrire » : fantasme du tout écrit (vie=livre)
« y a d’ l’un » opposé à « y a pas de rapport sexuel » (« ce qui ne cesse pas de ne pas s’écrire »)
« y a » opposé à « y a pas »
« Y a ce qui peut ne pas cesser de s’écrire / jouissance hors sens, écriture de l’un, écriture de n’importe quoi, et donc possibilité de l’écriture, et donc question du moment de l’advenue du sens, et donc intérêt de cette écriture, qui est écriture de jouissance, même si jouissance uniquement fantasmatique : tout s’écrirait, obsessionnelle: l’Autre ne manque de rien. »
Là et hors sens, ça s’écrit.
Paradoxe – à quel moment le sens adviendrait-il ? Au moment où ça cesse de s’écrire. Quel est ce moment? C’est le moment où ça se donne à lire, par l’autre. Dans la contingence. Au moment où ce qui ne cesse pas de s’écrire cesse de s’écrire, où le manque apparaît dans la lecture de l’autre, advient la possibilité du sens, pris ici comme moment hors jouissance, pris ici dans sa perte, comme place creusée du désir.
Sans titre
Enfin, toujours est-il que je voulais écrire quelque chose, mais je ne sais plus quoi.