légende du lendemain (matin de la veille bouleversée)

Me réveillant je sus que l’air et le gaz, c’était la même chose. Que si j’avais été chambre à air j’étais aussi bien chambre à gaz. L’air, mon être peut-être, dont je n’avais jusqu’alors considéré que la neutralité, le rien, se révélait tant délétère que vital. L’air est le gaz, le risque d’explosion. Si j’en souris, j’en tremblai. Or l’air n’est rien d’autre que ce qui  bouge. Ce qui ne se sait pas assez (ni de moi).
(Lettre X du bel âne Mü)

Les mots seuls sont drôles. Et les petits chats. Les petits pois
sont rouges.

cela fait des années que je ne sors plus

cela fait des années que je ne sors plus.

c’est un symptôme
qui s’aperçoit à peine.
je veux dire moi-même,
à peine
je m’en rends compte,
les jours seulement passent
sans que je mette le nez dehors.

les autres, habitués à ce que je n’y sois pas,
dehors,
dans le monde,
ne paraissent pas s’en apercevoir.
de loin en loin
– j’imagine -,
j’apparais
et je disparais.

a priori, je n’ai rien contre,
le fait de sortir,
simplement
cela ne se fait pas.

à vrai dire, je ne sais pas trop
ce qui me retient dedans.
c’est ma façon de vivre,
je vais
de proche en proche,
comme une boule de billard, je cogne
les parois de l’appartement, les meubles,
les murs
et je rebondis.
c’est comme ça, que je vais.

rare, que la porte de l’appartement soit ouverte au moment où je roule sur elle,
rare que je m’échappe.

non, plus sérieusement, sortir, demande quelque chose
que le rebondissement n’attend pas,
le rebondissement sur les murs.

demande à se projeter
dehors, dans le futur,
demande un corps
habillé, vu.
entraîne
le choc de l’air

on s’attendrait  presque à
un pas hors de la gangue du présent, de l’ici et maintenant.
on croirait presque un pas dans le temps.

alors qu’alors,
dehors,
toujours me reprennent,
bien plus encore qu’au dedans,
l’ici et le maintenant,

me tressaillent, me vident,
je suis air dans les airs
(et dans ce nom : mû l’air)
et dans un corps

qui s’actionne et voit

et voit, comme on boit beaucoup.
et voit, comme on boit beaucoup.

(voit comme on prie)

qui s’actionne avec enthousiasme.
ô cuisses ô bras ô cou.
et pieds bien sûr, ces sains saints.
et le reste, tout le reste, la chair,
sous la peau du visage, frémie par le vent, par un rien, etc.

je sors pour les courses. et comme je sors peu, l’exotisme se perpétue, un rien m’enchante. parfois il faut aller plus loin, en transports. les rendez-vous. ça distrait. sauf si je me perds, affolement (c’est qu’on se sent alors du dedans régie par des forces obscures, maléfiques). il faut combattre un sentiment qui s’apparente au désespoir. ça s’apprend, ça passe. un peu comme tout.

cela dit,
donc,
l’un dans l’autre, je sors peu.
je reste au dedans.

(ceci dit sans plainte, dans un constat qui s’étonne.)

dans la rue, je voudrais, et que personne ne sache rien de toi
— mardi 29 nov. 2022, 9:42

je voudrais que tu marches dans la rue seule, vite, qu’il fasse presque froid, que ta bouche s’ouvre un peu, que tu souries malgré toi. un sourire qui ne cesse, qui se perpétue. c’est la rue qui lève ce sourire, c’est ta marche. acquiescement. je voudrais qu’à l’endroit de ton sexe ce soit un peu chaud, un peu douloureux et  que personne ne sache rien de toi. il y a une musique dans ta tête, qui pourrait te tirer des larmes. une musique ancienne. une musique des anges. tu penses soudain à ta mère. tu t’arrêtes. maman. tu te rends compte que tu es essoufflée. le cœur bat la chamade.
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