mardi 27 janvier 2009 · 02h10

sa mère l’appelait toujours mon Sigi prodige…

Gaddis, toujours, « Agonie d’agapè » encore :

« Je professe pour ma part un idéal élevé, écrit-il (Sigi prodige) au révérend Oskar Pfister, dont les idéaux qui me sont connus s’écartent en général d’une manière des plus affligeantes. » Et ensuite juste pour bien montrer qu’il a trouvé bien peu de bonnes choses chez ces êtres humains, il dit au révérend Oskar Pfister « D’après ce que j’en sais ils ne sont pour la plupart que de la racaille », ils ont sûrement perdu de vue leurs objectifs n’en ont jamais eu au départ hormis le plaisir et voilà qu’arrive Bentham et son « jouer à la punaise vaut bien lire de la poésie si la quantité de plaisir est la même » vous voyez ce mot de quantité? La quantité de plaisir pas la qualité tout est là et voilà que débarquent ces engins numériques, la machine tout-ou-rien comme disait Norbert Wiener, une machine qui compte et introduit le système binaire et l’ordinateur… p. 13

vendredi 11 septembre 2009 · 10h04

et voilà qu’arrive Bentham et son « jouer à la punaise vaut bien lire de la poésie si la quantité de plaisir est la même

eva hesse contingence
eva hesse : contingence

« et voilà qu’arrive Bentham et son ‘jouer à la punaise vaut bien lire de la poésie si la quantité de plaisir est la même’

qu’est-ce qui dans cette phrase de Bentham choque Freud ?

ce n’est pas qu’il soit question de plaisir, de jouissance qui pose problème, c’est
l’élision de la qualité.

peut-on faire l’économie de la qualité?

qu’est-ce que la qualité?

quel est le rapport de
la jouissance et
de la quantité,
du nombre,
du chiffre.

// dira-t-on
la jouissance est chiffrage
le désir
déchiffrage. //

(quand Jules
fait son
« exposition » dans
mon
bureau.
s’assoit à côté de son « œuvre » qu’il nous a invitées à regarder, contempler.
il nous interroge:
alors, quel est le chiffre
où est le chiffre
vous le voyez? c’est quoi
le chiffre?
(ici, c’est probablement une interprétation qui est demandée. au moins, cette demande, je l’ai entendue.))

à s’en tenir au chiffre, toutes les équivalences
sont permises. toutes comparaisons équivalentes.

(est-ce que quand il demande quel est le chiffre
Jules déjà déchiffre
ou plutôt nous demande
de déchiffrer.
serions-nous ceux-là, celles-là en l’occurrence, puisqu’il s’agissait de ma mère et moi, qui
connaissons le chiffre.

et le chiffre ici, n’est déjà plus n’importe quel chiffre. c’est le chiffre.

et lui, le sait-il le chiffre?
(son chiffre)

chiffre/déchiffrer
défricher.)

et à quoi tient-elle la qualité. elle est en tout cas ce qui fait obstacle à l’équivalence universelle.

1 = 1
1 pomme ≠ 1 poire
1 pomme a le prix d’une poire
1 euro = 1 euro
mais 1 pomme n’est pas 1 poire

la pulsion est acéphale – l’obsession – l’obsessionnalisation du monde contemporain – l’addiction

la différence, la différentiation

qu’apporte la notion de qualité. devenue si difficile à saisir, retenir. par quelle voie? quel moyen?

/ la qualité tient au trauma. /

vendredi 26 avril 2013 · 19h27

Usages du corps, corps usagés par Damien Botté

Aujourd’hui, l’Organisation Mondiale de la Santé préconise de manière hygiéniste trente minutes de marche rapide par jour, comme si faire du sport tous les jours devenait un devoir voire un droit. L’OMS serait-elle influencée par la lecture d’un ouvrage d’anticipation de Georges Perec1 , où dans une île imaginaire dénommée W, la population vit toute unie pour le sport ? Toujours est-il que certains êtres parlants confondent désir et devoir, désir et contrainte, désir et jouissance, et font du sport pendant des heures chaque jour. Pourquoi tant de personnes, notamment depuis les années 1970 et l’apparition du signifiant jogging, courent-elles autant et longtemps, parfois tous les jours ? Les psychanalystes sont rarement de grands passionnés de sport, trop occupés à recevoir leurs patients ou à lire et écrire. Pourtant, semble-t -il, Lacan lui-même aimait partir aux sports d’hiver, bien qu’il en parlait en terme de « camp de concentration pour la vieillesse aisée »2 … Faire du sport à outrance est un mode de jouir singulier. Lors de ses Entretiens à Sainte-Anne en 1971, Lacan s’interroge : « Où est-ce que ça gite, la jouissance ? Qu’est-ce qu’il y faut ? Un corps. Pour jouir il faut un corps. »3  L’usage jouissif du corps peut entraîner certains sportifs dans une réitération à l’extrême, quitte à transformer ce corps en corps usagé, torturé par la souffrance.

Au-delà des écrits de certains sportifs de haut-niveau, le romancier Haruki Murakami4 nous a livré il y a quelques années un essai fort intéressant sur la course à pied. Il n’est qu’amateur, néanmoins très assidu,5 mais cela l’aide à écrire, dit-il, ce dont témoigne fort bien sa dernière trilogie6 . Dans son livre, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, il décrit justement « la jubilation qu’éprouve [son] corps »7 dans la souffrance issue de la course à pied, ce qui lui permet d’atteindre « le désir d’être seul» 8 , formulation de son exil dans sa jouissance autistique. Il précise ce qu’il recherche : « Je cours dans le vide. Ou peut-être devrais- je le dire autrement : je cours pour obtenir le vide»9 . Courir pour obtenir le vide et se retrouver seul, seul avec son corps qui se jouit à travers la souffrance. Le corps, entraîné par des dizaines d’heures de répétition de travail, devient alors extérieur, quasi indépendant et réagissant tel un automate : il se transforme en corps-machine. Nous pourrions référer cela à ce que Marie-Hélène Brousse caractérise comme « la rencontre avec le réel dans le traumatisme répétée de la compétition »10 .

Alors que l’ auteur décrit son expérience dans l’exercice d’un cent kilomètres en course à pied, la jouissance apparait à nouveau : « Cette fois, je voudrais jouir, jusqu’à un certain point, des derniers kilomètres »11. Il ne parle pas de libération d’enképhalines ou d’endorphines, mais plutôt de la « sensation d’être semblable à un morceau de bœuf en train de passer à vitesse réduite au hachoir à viande »12 . Ce mode de jouir si singulier permet de repérer à nouveau que la jouissance n’est pas que plaisir mais aussi déplaisir pour reprendre les principes freudiens, qu’elle est plaisir combiné à une « sorte de torture très raffinée»13 . Souffrance et déplaisir extrêmes, au point dit-il, que son « corps était comme dispersé et sentait que sous peu il serait hors d’usage »14 . Hors d’usage, confirmant l’énonciation de Lacan : « Il n’y a de jouissance que de mourir »15 , c’est-à-dire celle de retourner à l’état inanimé. Ou comme le dit l’écrivain japonais, le corps devient pendant l’effort « juste un rouage d’une machine» 16 , en se faisant « entrer de force dans un lieu inorganique, […] seul moyen de survivre»17 et d’atteindre le nirvana au sens freudien.

« La jouissance, c’est ce qui ne sert à rien »18  , nous dit Lacan, au sens où Bentham définissait ce qu’il en est de l’utilitarisme moral, qui a pour principe, comme l’eudémonisme, le plus grand bien pour le plus grand nombre dans une visée totalisante. L’utile serait donc dans l’agréable, le plaisir et l’absence de douleur. Ce mode de jouir de Murakami ne sert donc à rien, au sens de Bentham, sauf à l’aider à écrire, ce qui lui est utile, au sens lacanien, pour se nommer et exister.

Notes:
  1. Perec G., W ou le souvenir d’enfance, Paris, Gallimard, 1993. []
  2.  Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’angoisse, Paris, Seuil, 2004, p. 173. []
  3.  Lacan J., « Savoir, ignorance, vérité et jouissance », Je parle aux murs, Paris, Seuil, 2011, p. 28. []
  4.  Murakami H., Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Belfond, 10/18, 2009. []
  5.  Il court en compétition depuis 1982 et s’entraine 6 à 7 jours par semaine, une heure pour 10 km par jour. En 2007, Murakami avait tout de même parcouru 33 marathons, 1 cent kilomètres et 6 triathlons Distance Olympique ! []
  6.  Murakami H., 1Q84, Livres 1, 2 et 3, Paris, Belfond, 2011 – 2012. []
  7.  Murakami H., Autoportrait…, op. cit., p. 13. []
  8.  Ibid., p. 27. []
  9.  Ibid., p. 27. []
  10.  Ibid., p. 28. 10 Brousse M. – H., « Sport et psychanalyse », La Lettre Mensuelle, n° 78, Paris, avril 1989, p. 14. []
  11.  Murakamu H., Autoportrait…, op. cit., p. 91. []
  12.  Ibid., p. 137. []
  13.  Ibid., p. 176. []
  14.  Ibid. []
  15.  Lacan J., « Savoir, ignorance, vérité et jouissance», op. cit., p. 36. []
  16.  Murakami H., Autoportrait…, op. cit., p. 138. []
  17. Ibid., p. 139. []
  18.  Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 10. []
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