Point de vue
Freud, Heidegger, notre histoire, par Jean-Luc NancyLE MONDE | 03.11.05 | 12h57 • Mis à jour le 03.11.05 | 12h57 |
Point de vue
Je lis le journalTO BE OR | 04.11.05 | 12h57 • Mis à jour le 06.11.05 | 13h09 |
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Lorsque les houles médiatiques se calment, le temps vient de poser les questions sérieuses. Heidegger et Freud : pourquoi l’un et l’autre subissent-ils régulièrement le retour d’opérations de dénonciation et de démolition ? Que les pensées de notre héritage soient soumises à relecture, à discussion, à critique et à transformation, c’est la moindre des choses. C’est la vie et le travail de l’esprit, c’est sa praxis. |
On peut supposer que JL Nancy se réfère, entre autres, au bouquin, torchon, récemment publié sur Freud, mais vaut-il la peine de le mentionner ici.
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Mais, avec Heidegger et Freud, il s’agit d’autre chose, comme on le voit bien. On ne les discute pas, on les voue aux gémonies. On veut nous exorciser de leur présence pernicieuse. Le rectorat nazi de l’un et l’extraterritorialité de l’autre (ni proprement médecin, ni |
« on les voue aux gémonies« , « on s’acharne sur eux« , oui, pas seulement sur Freud, sur Lacan aussi, et la sur psychanalyse dans son ensemble.
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Qu’y a-t-il donc de commun entre Heidegger et Freud qui pourrait expliquer l’analogie de ces acharnements compulsifs ? Les deux cas sont entièrement différents, cela va de soi. Ils sont même aux antipodes l’un de l’autre si l’on Ce point consiste dans une perception qu’on ne peut dire commune, mais concomitante de l’interruption des visions ou des significations du monde. La question dite « de l’être » d’un côté, celle nommée de « l’inconscient » de l’autre ont une espèce d’asymptote commune : le « sens » n’est plus disponible, ni donné, ni constructible ou projetable, ni par déchiffrement ni par encodage du monde, ni par lutte ni par partage. Le « sens »– de l’homme, de l’histoire, de la culture – n’est plus en acte ni en puissance. Lorsque cette perception s’est Notre tradition a vu s’ouvrir ou a ouvert elle-même un fossé entre elle et son passé, même le plus récent, tout autant qu’entre elle et son avenir. Autour de la première guerre mondiale, et à travers, s’est jouée une déposition générale des représentations et des significations. S’est alors ouvert un suspens de sens ou de monde tel |
Ca, c’est la partie qui éveille mon intérêt. Ce dont Lacan parle en termes de « disparition, dissolution du Nom-du-Père« . Ce qu’il m’a semblé rencontrer, entre autres, quand j’ai commencé d’écrire ici. Ce pourquoi j’en appelais à la coupure, la coupure alors comme Nom-du-Père, coupure, interruption dans le flot des significations, le flot, le flux, le flou métonymique ai-je pu dire des significations, l’une ne venant plus que s’ajouter à l’autre, s’enfiler derrière l’autre, dans la présence toujours, est-ce que vous le sentez que je vous parle des blogs, de cette façon dont tous les jours on vient ajouter une petite pierre, et que malgré ces ajouts quotidiens, quelque chose de l’ordre de « l’étincelle du sens » n’apparaît pas. Dans la mesure où, comme le montre Lacan dans le Séminaire V, il n’y a que la métaphore qui opère ce qu’il appelle le « pas-de-sens », qui fasse le saut du sens, soit à l’origine d’un sens nouveau, qui fût à proprement parler créative. Déjà, qu’il choisisse de parler de « pas-de-sens » pour dire le sens justement, on a le sentiment de rejoindre ce dont nous parle Jean-Luc Nancy ici, quelque chose qu’il m’est difficile de concevoir. Je le sens bien, que je m’essouffle à courir après le sens. Ce sens qu’il n’y aurait pas qu’il n’y aurait plus. Après lequel il n’y aurait plus de sens de courir? (Ce sens qui ne prend son sens que du non-sens même, mais c’est insupportable ce genre de phrase, à force. Ce non-sens auquel on voudrait échapper à tout prix.).
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Si donc dans un premier temps Lacan aura délinéé la fonction du Nom-du-Père, il sera ensuite revenu sur elle pour promouvoir sa seule fonction d’usage : le Nom-du-Père : s’en passer, s’en servir. Il fait retour sur le sens également, en dénonce la vacuité la vanité la « jouï-sens ». La chose se ramenant finalement à ça: rien n’échappe à la jouissance, rien qu’elle ne récupère. Et l’avancée de Miller, Jacques-Alain, selon moi, ça sera: si l’on n’y échappe pas, à cette jouissance, comment faire pour en pâtir moins, voire n’en pâtir plus, voire en jouir plus, puisqu’aussi bien elle reste le plus réel. L’éthique selon Lacan : connais ton désir, passe alors à : et penche-toi sur tes « modes de jouissance » (auxquels de toute façon tu ne saurais déroger : apprivoise-les). Donc, la métaphore, elle qui arrête le sens : s’en servir, à la condition de pouvoir s’en passer. S’en servir, l’utiliser, en connaissance de cause, c’est-à-dire, sachant sa valence de « comme si », de semblant. Sans y croire. Mais elle reste nécessaire si l’on veut faire le moindre « pas », le moindre retour en arrière, retour sur l’arrière, retour sur l’écoulement. Si l’on veut faire autre chose qu’avancer (je pense : avancer à l’aveugle, avancer sourd et muet, avancer, à l’instar de la pulsion, sans queue ni tête, dans la seule propulsion). |
Nous sommes toujours dans ce suspens. Pour le pire et pour le meilleur. Le meilleur est que nous sommes avertis des impasses ou des mensonges du « sens », de toute espèce d’accomplissement ou de promesse de sens. Le pire est que notre monde devient capable de n’importe quoi dans la |
Cette question de l’équivalence générale, équivalence généralisée, tout vaut tout, rien ne vaut rien, depuis longtemps me rappelle le mathème de l’obsessionnel, où les objets ne sont justement ramenés considérés que dans cette équivalence, l’un pouvant sans problème remplacer l’autre. Toujours dans le Séminaire V, Lacan développe l’idée, la montre sur le graphe, que l’obsessonniel, au fond, ce à quoi il n’a pas accès, ce qui le fait tourner en rond dans la partie inférieure du graphe, au niveau des besoins, ceux-là qui peuvent être satisfaits, ne supporte pas la confrontation à l’Autre barré, à grand S de grand A barré. C’est parce qu’il ne supporte pas que le sens soit troué, et c’est ce que notre époque non plus ne supporte, – où il s’avère que c’est justement le trou dans l’Autre qui fera la valeur, la valeur autre, non-équivalente, ce trou de pas de sens -, que l’obsessionnel s’en tient obstinément à des objets interchangeables entre eux, des objets, dont la valeur sera accordée par leur prix, ces fameuses marchandises. |
A l’obsessionnel donc la pute, c’est bien connu. Et à l’horizon, intouchable intouchée irréelle la dame, la mère vierge, la toute puissante, à laquelle il ne manque rien. Je dis ici que l’époque s’obsessionnalise. A quoi les machines également contribuent, qui nous mènent à penser le monde, – ces écrits qui ont lieu ici, dont on nous bassine les oreilles, dont on s’esbaudit -, en termes que par facilité je me contenterai de qualifier de binaires : les machines, je parle de l’ordinateur, nous donne à nous penser comme elles : doués d’une mémoire où tout s’écrit en 0 et en 1. Où les choses se deletent les bins se trashent et les mots de passe des programmes se crackent. Ordonnancement à tout crin tout va, où moi aussi je trouve à m’appareiller. |
Freud et Heidegger ont eu de cette métamorphose une perception aiguë, bouleversée, sans concession. |
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Les limites et les fourvoiements de l’un et de |
Rien ne nous est plus donné… Peut-être. Je suis souvent dans un incroyable sentiment de recevoir. Un recevoir dans le voir, oui, dans l’entendre, oui, un voir un entendre ce qui au voir et à l’entendre justement manque, et qui n’est pas monnayable. |
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Ils n’ont en vérité qu’un souci : ignorer notre condition présente et renouer avec le temps où conceptions, représentations et valeurs étaient disponibles. Le sachant ou non, ils se comportent comme s’ils étaient en mesure de savoir à quoi Heidegger et Freud ont dérogé et qu’ils n’auraient jamais dû méconnaître. |
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Sans doute eût-il été préférable que la pensée de l’être et celle de l’inconscient se gardent plus pures et plus assurées, plus décentes et plus secourables aussi. Mais penser ainsi revient à croire que l’histoire aurait pu s’arranger autrement. De même certains Français du XIXe siècle auraient voulu que le gaulois fût reconnu comme langue première de l’homme. C’est de la même inspiration : celle d’un déni de l’histoire et de la vérité. |
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Jean-Luc Nancy est philosophe. |
Véronique M. |
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par Jean-Luc Nancy
Article paru dans l’édition du 04.11.05
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par Véronique M.
Blog mis en ligne le 06.11.05
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Étiquette : machine
l’abondance du machinique et le peu de la main
traiter l’abondance / traiter a mano le machinique.
que faire face à l’abondance?* y aller au hasard?** / au hasard, faute de mieux . évidemment ça manque totalement d’efficacité / évidemment ça n’a rien de / parce que nous sommes
confrontés à des machines nous pensons que / aux productions des machines nous aimerions
/ leur efficacité est-elle pour autant – ENVIABLE? // alors au hasard si le hasard existe, au hasard / alors au hasard et tant que le hasard convient peut faire méthode / a de quoi faire concurrence / à celle des machines
laisser le choix au hasard
/ je l’espère. j’espère le hasard, sa possibilité. (la possibilité de ce qui viendrait faire rupture.)
ne peux qu’y aller au hasard les yeux fermés BLIND un objet prendre convient-il à l’instant oui OKAY!
* exemple: l’abondance de photos que vous auriez prises, que faire, face à cette abondance, qu’en faire?
** vous en prendriez une au hasard, par exemple, de photo, de ces abondantes photos, une au hasard, lui appliqueriez un traitement, ce serait la part de travail vrai (voudrions-nous du travail qu’il soit vrai? récemment je lisais dans lacan, que le vrai est une catégorie du symbolique. directement je vérifie, dans le livre, le sinthome, page 116: « N’est vrai que ce qui y a un sens ». Alors vouloir du travail vrai ça serait vouloir du vrai qui fasse grain de sable dans l’océan du réel que produit le machinique. le réel, parce qu’on ne s’y retrouve pas. une chatte n’y retrouverait pas ses petits, c’est dire. les choses y sont toujours à leur place, dans le réel, parce que dans le réel tout a toujours sa place, soi, on n’y retrouverait pas sa place, parce que soi n’est pas tout réel, pas tout réel ni plus que symbolique. pas tout réel ni plus que symbolique.)
RE: Le fonctionnement des machines
Monde réduit à son fonctionnement. Jouissance de ce fonctionnement.
Réflexion que je me fais probablement en suite à ce que nous nous disions hier soir, F. et moi, en rapport avec le fonctionnement d’internet et de ses applications. Qu’il s’agit essentiellement de faire tourner. Que ça circule. Ainsi me parlait-il d’une interface à son travail censée fonctionner comme Facebook dont les utilisateurs ne s’occupent que de chercher comment la faire fonctionner.
Ce pourquoi j’aime les problèmes informatiques : on en vient toujours à bout.
J’ai essayé de mettre ça en rapport avec ce que j’avais lu chez Lagandré, que je n’avais pas bien capté, à cause de quoi je l’ai mal retenu quand il parle du monde réduit à son usage, cet usage lui-même réduit à l’un, à l’unicité (la dosette, la lingette). Exemple qu’il donne de l’autoroute : une fois parcourue, sa consommation est achevée. Son parcours est sa consommation. À l’opposé de la route de campagne dont les usages possibles sont beaucoup plus nombreux, qui ne se laisse donc pas consommer (on peut faire des détours, s’arrêter, etc.)
Le fonctionnement de la machine. L’usage de la machine. La consommation de la machine.
Et ceci qui, je le crois bien, se rapproche de ce que j’avançais plus tôt ce matin (je suis toujours au lit, j’ai attelé Jules à Minecraft).
Lagandré souligne la caractéristique de l’usage unique, souligne ce qui se perd de l’équivocité du signifiant, le propre même de sa nature, quand à un signifiant ne se rattache plus qu’une seule et unique signification, qu’il y perd la perte (de sens) et le sens lui-même . Comme dans le langage informatique.
// il faut que je vérifie, tout de même, dans Lagandré, si c’est bien l’usage et la perte de l’équivoque qu’il cherche à rapprocher. //
// + comment nomme-t-on un signifiant qui n’a plus qu’une seule signification; s’agit-il encore d’un signifiant? ou plutôt d’un signe? //
Hypothèse : cette seule et unique signification est toujours la même : vide, et ne vaut que par sa marque (entendre : schlague, entendre coup, comme un coup de fouet), sa brand.
Ce qui est recherché : se mettre sous le coup, dans la marque, être marqué. Retrouver le moment du coup. Délire. Est-on ici encore dans le fonctionnement de la machine ? On est dans le fonctionnement de la machine, dans son langage, son écriture, ou +, ou -. Le suspens de ça.
La machine n’est pas humaine, en ceci que c’est de par l’univocité de son langage qu’elle fonctionne. Ce qui n’est plus supporté, c’est l’équivoque. C’est l’équivoque qui fait le trumain. Je veux te dire ça, et ce n’est jamais ça. Le repos de la machine, c’est qu’elle ne veut rien dire, elle fonctionne selon un langage qui ne veut rien dire. L’insupportable, c’est le vouloir. C’est le ratage.
Je prétends moi, que c’est nous qui cherchons à devenir des machines non-humaines, célibataires. Cela est, selon moi, politique.
Le gratuit qui devrait l’être et qui se voit pris en otage par le marché, par ce qui marche, ce qui fonctionne, c’est l’homme qui reconnaît son prix à ce qui y échappe absolument et qui cherche à l’intégrer dans ce qui marche, le marché, le commerce des hommes, là où ce commerce n’est plus celui des hommes mais des machines (à calculer).
Le monde réduit à une image et un chiffre.
Ne pas relire. Vous saluer. Prendre un bain. Rejoindre Jules.
(mercredi matin)
Usages du corps, corps usagés par Damien Botté
Aujourd’hui, l’Organisation Mondiale de la Santé préconise de manière hygiéniste trente minutes de marche rapide par jour, comme si faire du sport tous les jours devenait un devoir voire un droit. L’OMS serait-elle influencée par la lecture d’un ouvrage d’anticipation de Georges Perec1 , où dans une île imaginaire dénommée W, la population vit toute unie pour le sport ? Toujours est-il que certains êtres parlants confondent désir et devoir, désir et contrainte, désir et jouissance, et font du sport pendant des heures chaque jour. Pourquoi tant de personnes, notamment depuis les années 1970 et l’apparition du signifiant jogging, courent-elles autant et longtemps, parfois tous les jours ? Les psychanalystes sont rarement de grands passionnés de sport, trop occupés à recevoir leurs patients ou à lire et écrire. Pourtant, semble-t -il, Lacan lui-même aimait partir aux sports d’hiver, bien qu’il en parlait en terme de « camp de concentration pour la vieillesse aisée »2 … Faire du sport à outrance est un mode de jouir singulier. Lors de ses Entretiens à Sainte-Anne en 1971, Lacan s’interroge : « Où est-ce que ça gite, la jouissance ? Qu’est-ce qu’il y faut ? Un corps. Pour jouir il faut un corps. »3 L’usage jouissif du corps peut entraîner certains sportifs dans une réitération à l’extrême, quitte à transformer ce corps en corps usagé, torturé par la souffrance.
Au-delà des écrits de certains sportifs de haut-niveau, le romancier Haruki Murakami4 nous a livré il y a quelques années un essai fort intéressant sur la course à pied. Il n’est qu’amateur, néanmoins très assidu,5 mais cela l’aide à écrire, dit-il, ce dont témoigne fort bien sa dernière trilogie6 . Dans son livre, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, il décrit justement « la jubilation qu’éprouve [son] corps »7 dans la souffrance issue de la course à pied, ce qui lui permet d’atteindre « le désir d’être seul» 8 , formulation de son exil dans sa jouissance autistique. Il précise ce qu’il recherche : « Je cours dans le vide. Ou peut-être devrais- je le dire autrement : je cours pour obtenir le vide»9 . Courir pour obtenir le vide et se retrouver seul, seul avec son corps qui se jouit à travers la souffrance. Le corps, entraîné par des dizaines d’heures de répétition de travail, devient alors extérieur, quasi indépendant et réagissant tel un automate : il se transforme en corps-machine. Nous pourrions référer cela à ce que Marie-Hélène Brousse caractérise comme « la rencontre avec le réel dans le traumatisme répétée de la compétition »10 .
Alors que l’ auteur décrit son expérience dans l’exercice d’un cent kilomètres en course à pied, la jouissance apparait à nouveau : « Cette fois, je voudrais jouir, jusqu’à un certain point, des derniers kilomètres »11. Il ne parle pas de libération d’enképhalines ou d’endorphines, mais plutôt de la « sensation d’être semblable à un morceau de bœuf en train de passer à vitesse réduite au hachoir à viande »12 . Ce mode de jouir si singulier permet de repérer à nouveau que la jouissance n’est pas que plaisir mais aussi déplaisir pour reprendre les principes freudiens, qu’elle est plaisir combiné à une « sorte de torture très raffinée»13 . Souffrance et déplaisir extrêmes, au point dit-il, que son « corps était comme dispersé et sentait que sous peu il serait hors d’usage »14 . Hors d’usage, confirmant l’énonciation de Lacan : « Il n’y a de jouissance que de mourir »15 , c’est-à-dire celle de retourner à l’état inanimé. Ou comme le dit l’écrivain japonais, le corps devient pendant l’effort « juste un rouage d’une machine» 16 , en se faisant « entrer de force dans un lieu inorganique, […] seul moyen de survivre»17 et d’atteindre le nirvana au sens freudien.
« La jouissance, c’est ce qui ne sert à rien »18 , nous dit Lacan, au sens où Bentham définissait ce qu’il en est de l’utilitarisme moral, qui a pour principe, comme l’eudémonisme, le plus grand bien pour le plus grand nombre dans une visée totalisante. L’utile serait donc dans l’agréable, le plaisir et l’absence de douleur. Ce mode de jouir de Murakami ne sert donc à rien, au sens de Bentham, sauf à l’aider à écrire, ce qui lui est utile, au sens lacanien, pour se nommer et exister.
Notes:
- Perec G., W ou le souvenir d’enfance, Paris, Gallimard, 1993. [↩]
- Lacan J., Le Séminaire, livre X, L’angoisse, Paris, Seuil, 2004, p. 173. [↩]
- Lacan J., « Savoir, ignorance, vérité et jouissance », Je parle aux murs, Paris, Seuil, 2011, p. 28. [↩]
- Murakami H., Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, Belfond, 10/18, 2009. [↩]
- Il court en compétition depuis 1982 et s’entraine 6 à 7 jours par semaine, une heure pour 10 km par jour. En 2007, Murakami avait tout de même parcouru 33 marathons, 1 cent kilomètres et 6 triathlons Distance Olympique ! [↩]
- Murakami H., 1Q84, Livres 1, 2 et 3, Paris, Belfond, 2011 – 2012. [↩]
- Murakami H., Autoportrait…, op. cit., p. 13. [↩]
- Ibid., p. 27. [↩]
- Ibid., p. 27. [↩]
- Ibid., p. 28. 10 Brousse M. – H., « Sport et psychanalyse », La Lettre Mensuelle, n° 78, Paris, avril 1989, p. 14. [↩]
- Murakamu H., Autoportrait…, op. cit., p. 91. [↩]
- Ibid., p. 137. [↩]
- Ibid., p. 176. [↩]
- Ibid. [↩]
- Lacan J., « Savoir, ignorance, vérité et jouissance», op. cit., p. 36. [↩]
- Murakami H., Autoportrait…, op. cit., p. 138. [↩]
- Ibid., p. 139. [↩]
- Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 10. [↩]
mardi 17 janvier 23 – 5h
— Balle dans la tête.
« Balle dans la tête. » Je suis dans le noir, dans la chambre. Je prends mon téléphone pour le noter. Ça fait un moment que ça dure, j’interromps, je décide de noter ça : « Balle dans la tête ». Le petit bout de phrase qui se répète dans ma tête, avec l’infime sursaut physique qui l’accompagne à chaque fois, d’en recevoir l’impact. Une parmi tant et tant d’autres variations, toutes dues à l’extraordinaire imagination de l’inconscient. Petites phrases qui se répètent dans ma tête, avec parfois le choc d’un impact imaginaire. D’où le nom de Fracassemeur. Les premières fois, ça a été d’une violence incroyable. Des coups de poing, dans la figure, la mâchoire. Des balles dans la tête de tailles variables, la trouant variablement. Des explosions plus ou moins grosses. A répétition. Ça s’arrête. Ça reprend dans une nouvelle variation. Ils se sont assagis, avec le temps. La sensation de coup, d’impact physique à souvent disparu ou s’est atténuée. Ne restaient que les mots. C’est pour ça que je n’aimais plus le nom de Fracassemeurs. Je pourrais dire les FM. Ou les FrM…. Seigneur c’est comme les initiales de F. Il a longtemps signé comme ça. Alala.
Il est 5 h. Je me suis levée pour écrire ça. Pour arrêter les FrM….
J’ai fumé, hier. C’est pour ça. Il y a toute cette tension du boulot pour F. La difficulté, c’est d’en sortir, la difficulté, c’est l’état de tension physique où ça me met. Tension extrême.
Il faut que j’en parle à la psy tout à l’heure.
Mais je veux aussi parler du « projet » de « mise sur papier », de l’envie. Faire venir dans le monde physique. Sortir de la virtualité de l’internet, de l’ordinateur.
Hier, j’ai publié plusieurs notes récemment écrites dans One Note sur le blog.
Puisqu’apparement il n’y a que ces petites notes que j’arrive à faire.
5h54 Dire que j’ai encore envie de fumer
La tension du boulot sur le site de F.
Je ne trouve pas les mots pour en parler.
Redire les mots, le mot, unique, d’addiction.
Mais, j’ai déjà écrit sur ce travail. Qui n’est pas exactement un travail de programmation, puisque je ne travaille plus qu’avec WordPress et des plugins. J’ai un peu de répugnance à en parler. « Faire tourner la machine. » Être dans l’interface du site, dans le moteur. Passer d’une chose à l’autre. Là, j’ai fait toutes les redirections de la partie en français sur l’anglais, de chacune des pages, puisqu’il a voulu supprimer le français (j’ai pu automatiser une partie (RegEx), mais il y avait toute une série de fichiers dont le nom en français était différent et donc il fallait faire une redirections simple, une à une) . A-t-il eu raison, a-t-il eu tort, de supprimer la perte française ? (Je me suis lancée, comme à mon habitude, là dedans, à corps perdu…) Et je travaille au SEO. Là aussi, méticulosité. Ingéniosité. Comment faire en sorte de vendre son travail quand il est si peu commercial, voire réfractaire. Mais, il y a moyen d’améliorer les pages… Je suis forte à ça. Ça me passionne malgré moi.
Je pourrais me plaindre de ce qu’il ne m’écoute pas, F. Mais comment moi-même je ne l’écoute pas! Comment j’ignore ce qu’il fait! Pourquoi suis-je comme ça ? Avec lui ? Il fait des choses bien. Et… Est-ce parce que c’est bien ? Suis-je aussi (mots qui disparaissent, qui s’évanouissent, qui partent en fumée à l’instant où) avec lui qu’avec moi ? Est-ce que c’est ça ? Comment puis-je lui montrer si peu de reconnaissance (phrase boiteuse)? C’est toujours cette idée : suis-je aussi (salope) avec lui qu’avec moi. Et comment le supporte-t-il ?
Je ne témoigne d’ailleurs pas plus de reconnaissance au travail de mon frère, que j’aime pourtant tellement.
Comment est-ce possible?
Je fais le site pour F, oui. Mais, c’est parce que ça me plaît, trop d’ailleurs.
Hier, pour arrêter de travailler au site et essayer d’avancer dans quelque chose qui aurait du sens, je suis sortie, allée à la bibliothèque, avec 2 vieux carnets et l’ordinateur portable. C’était fermé ! En rentrant, reporté donc série de notes sur le site. C’était d’ailleurs ce que j’avais « décidé » de faire au matin. Après, vaisselle et chansons. F était parti à son cours. Et des tas de chansons de mon enfance remontées. Ah oui, à la boulangerie avais entendu… Qui, mais qui… J’ai mis du temps hier aussi à retrouver. C’était quoi ? Il ne me restait que l’air. C’était pas Dave. Une chanson que j’entendais a la radio. Qui m’avait fait… Joe Dassin ! À toi… Quand je les retrouvée, hier ! Quel bonheur… Je devais avoir dans les 13 ans. Comment ces chansons à la radio venaient à la rencontre d’un désir encore inarticulé, intime, accompagnait sa naissance.
Il faut que je retourne dormir !
dimanche 29 janvier 23
7h45 Réveillée vers 7h, je crois. Assise dans la salle, 2 fenêtres aux rideaux tirés dont l’un que je dois réparer, Chester sur mes genoux ronronne.
Que dire ? Hier CBD 3 gouttes. Je passe trop de temps sur le blog, c’est l’impression que j’ai. Je n’arrive pas à m’en détacher. Ça avance, pourtant. Je veux dire que je devrais être contente. Mais, c’est le fait de ne pas sortir que je me reproche. De ne pas sortir et de ne voir personne….
Jules a eu ses portes ouvertes, hier. Il est de plus en plus décidé pour les Beaux Arts. Ce serait magnifique qu’il soit pris à Via Ferrata.
J’ai envie de retourner me coucher.
Je me suis inscrite à un cours de tai chi online, mais je n’y vais pas… C’est déjà le 3ème vendredi je crois.
Hier soir, Samuel Fuller, The Naked Kiss. Étonnant. Tout commence bien, tout finit bien, et pourtant entre-temps, quel malaise, quel gâchis. Première scène, magnifique. Mais l’arrivée en bus aussi. Étrange récit d’une rédemption dans un monde corrompu. Le tout est tiré à gros traits, avec sans doute des raccourcis. Mais très efficace et très beau. Quoiqu’un peu raté.
10:29
Retourne me coucher.
J’ai par hasard eu une visite hier, sur le site, et la personne a visité une page où il n’y avait qu’une image laquelle manquait. Je me suis aperçue qu’elle était censée venir d’un vieux blog dont j’avais oublié de terminer le déménagement au moment du changement d’hébergeur…
Trouvé le moyen de travailler sur les requêtes. Je pourrai faire une page qui affiche les derniers posts modifiés.
Je pourrai peut-être aussi afficher leur date de modif dans les posts même. Date création-date modification. Comme je faisais avant.
Je fais tout ça, et je suis gênée de faire tout ça, pour rien, au fond, personne. Pour moi seule.
C’est pour ça que je vais me coucher.
16h45
Suis arrivée à me fâcher. N’aime pas la façon dont F me parle. Cette façon qu’il a de dire non à tout ce que je dis. Suis partie. Marché jusqu’aux Halles. Me retrouve dans un bistrot à devoir attendre 40 minutes le début d’une séance de cinéma. Retour à Séoul. Qu’est-ce qui m’a fragilisée comme ça? Le blog. Le temps que j’y prends, j’y consacre, aux aspects techniques, la honte liée à ça, cette jouissance. A ce travail autiste.
Faire et défaire, c’est toujours travailler (comme disait ma grand-mère)
— jeudi 9 février 2023
jeudi 9 février 2023
05:16
Réveillée depuis 4 heures.
Je crois que je suis très découragée par le blog. Mais, c’est un mal de tête qui m’a réveillée.
Comment continuer ?
C’est un monstre, ce blog.
Publier un journal une fois par semaine ? Une fois par mois ?
Un pas de plus dans l’organisation ?
Mais, comment mettre ça en place ?
Le publier en privé au fur et à mesure. Et puis, le passer public ?
Je voudrais que moins de choses soient publiées. Tout dépublier ? Tout passer en privé ? Comment ? Créer une catégorie spécifique pour ce qui est publié et rendre toutes les autres invisibles?
Je publie trop vite. Mais, j’ai aimé publier au fur et à mesure. Donner à voir les avancées. J’ai aussi aimé témoigner du non-savoir, de l’erreur, du doute. Est-ce que j’en ai trop fait?
J’ai aimé me montrer au travail. C’est de ça qu’il s’agit ?
Peut-être commencer par une semaine? Ne publier le journal qu’une fois par semaine? Et ne republier que les séries terminées ? Or, je n’arrive à rien terminer.
C’est une piste. Mais, je ne vois pas comment je pourrais m’y tenir.
Et qu’est-ce que j’aime dans le code, dans l’aspect technique de tout ça ? Est-ce qu’il s’agit, comme je l’ai dit hier, simplement, seulement, de travailler dans un truc qui marche ? Qu’est-ce que j’avais développé autrefois, sur la machine ? Faire tourner la machine. Le moulin.
Qu’est-ce que j’aime dans le code au point de ne pouvoir m’empêcher d’y retourner ?
C’est ça, j’aime que ça marche que ça fonctionne que ça n’ait aucun sens. Que ça se passe dans le moteur, invisiblement. Tout ce travail invisible, que je ne cesse de faire et défaire. Que je défais aussitôt fait. Est-ce que je suis heureuse quand je défais ? Non, je ne crois pas. Je suis un peu malheureuse. Comme maintenant, comme je suis tentée maintenant de défaire, le travail des deux dernières semaines…. Défaire, effacer, passer à autre chose, dans la même précipitation renouvelée. Oublier, recommencer.
Châteaux de sable.