au prétexte que
j’ai
trop de poils
aux jambes,
au bikini,
je ne vais pas
à la
PISCINE
et les façons sont nombreuses,
de les enlever les poils – aussi le temps peut-il être long d’y penser.
le monde à distance d'une lettre
j’ai l’amour et le désir inconscients.
(aussi ai-je intérêt de prêter attention aux petites chansons qui me passent à l’esprit.
je t’aime tu vois mais tu ne le sais pas je t’aime tu vois mais je ne le dis pas je t’aime tu vois plus fort de jour en jour je t’aime tu vois mais je ne le dis pas / je ne sais pas t’offrir des fleurs, je ne sais pas parler d’amour, c’est que peut-être j’ai dans le cœur plus de tendresse que de discours / je t’aime tu vois mais tu ne le sais pas je t’aime tu vois mais je ne le dis pas je t’aime tu vois plus fort de jour en jour je t’aime tu vois mais je ne le dis pas /
à ce compte, chansonnettes à ajouter aux autres formations de l’inconscient, oubli, lapsus, actes manqués, rêves, symptômes).
je doute qu’il n’y ait que les poils pour m’empêcher d’y aller
à la
piscine
(si ce n’est que les poils sont comment dirais-je font forment un obstacle consistant, insistant et consistant, pensable et solutionnable. alors qu’il y a fort à parier que la raison vraie soit, elle, sans solution.)
– à delphes, je dis « je m’aime prisonnière », elle rit. –
il y a deux ou trois jours, pensées, pensées au saut du lit, qu’est-ce que je fais, mais qu’est-ce que je fais de mon corps? (il ne peut y avoir de grandes ni de petites certitudes, même le silence ne peut rien contre cela qui nous environne). je vais là dedans, dans la perte du corps, le reste est illusion – est-ce triste ? cela n’est pas sûr. il y a deux ou trois jours, je me réveille, et je repense à freud, je me réveille, je pense, à sa petite servante, sa cuisinière (je réinvente, l’histoire) qui une fois qu’elle eût goûté au lit du maître, ne voulut plus cuisiner.
il y aurait quelque chose de saint à n’aller pas à la cuisine piscine. (une poursuivie de la sainteté, folle de l’amour et folle de rien.)
ce soir, enfin, l’enfant s’est endormi tout seul. et ce n’était pas le neuf, que j’avais rendez-vous avec un psychanalyste, mais le huit. eh oui.
(et s’il n’y avait de symptôme qui ne l’était, saint.)
(la sainteté, la poursuite du désir.)
évidemment, des cuisses en acier. hm, est-ce que ça ne serait pas plutôt des cuisses en béton? (elle est pensive.)
« L’amour-propre est le principe de l’imagination. Le parlêtre adore son corps, parce qu’il croit qu’il l’a. En réalité, il ne l’a pas, mais son corps est sa seule consistance – consistance mentale, bien entendu, car son corps fout le camp à tout instant. […]
Certes, le corps ne s’évapore pas, et, en ce sens, il est consistant, le fait est constaté même chez les animaux. C’est bien ce qui est antipathique à la mentalité, parce qu’elle y croit, d’avoir un corps à adorer. C’est la racine de l’imaginaire. Je le panse, c’est-à-dire je le fais panse, donc je l’essuie. C’est à ça que ça se résume. C’est le sexuel qui ment là-dedans, de trop s’en raconter.»
Lacan Jacques, Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, p. 66.
la semaine dernière, séance 1 :
– Vous trouvez que j’ai l’air soûl?
je reprends la dessus hier, séance 2.
être l’alcool de l’autre. et c’est comme si c’était reparti pour un tour. que je revienne sur ces histoires m’étonne. reparti pour un tour, des accents différents, des échos différents, mais dans ce que je raconte j’entends toute une série de signifiants qui sont toujours présents dans ma vie, délestés aujourd’hui d’une bonne part de leur poids dramatique. il y a rue, fille de rue, mon nom; travail, travail de rue, fille de joie. cette rue où je n’arrive toujours pas à aller aujourd’hui – mais qui encore m’enchante exalte dès que j’y descends. il y a gangster, bandit, mon oncle – cet oncle même, encore, qui régulièrement, ici, aussi, dans les blogs veut revenir -ma « méchanceté »? mon « goût pour la mort »?
je parle de l’inhibition, l’inhibition étendue à toutes choses, tant qu’il ne s’agit pas de l’amour, c’est le mot que j’utilise, qui n’est pas le bon, le bon, c’est celui qui désignerait le « faire l’amour » (voir l’article ici sur la petite cuisinière de freud).
je parle des rendez-vous que je ne sais pas prendre (mais bon sang, tout de même, pourquoi faut-il qu’à tout prix je me maintienne ici, à l’intérieur, qui veux-je incarner à rester enfermée?)
je parle du rêve que je viens de faire, de la présence de ma mère, elle est là, elle vient à ma deuxième séance, tout tourne autour d’elle, la séance tourne à la réunion de travail pour elle. je déclare alors à l’analyste qui reste muet, bienveillant mais muet, que l’analyse ne peut pas reprendre dans ces conditions. je lui en veux qu’il ne la chasse pas (et le chasse lui – qui est une femme, en fait, dans le rêve – une de celles avec qui je travaille).
(il y avait un numéro de quarto très bien sur la solitude des femmes, faudrait que je le retrouve.)
– Vous trouvez que j’ai l’air soûl ?
Reprend là-dessus. Resserre un peu les cuisses, saisit les doigts de la main droite dans la main gauche, les yeux baissent. Être l’alcool de l’autre, lui manquer. C’est donc reparti pour un tour ( s’étonne). Des mots qui lui viennent, n’entend que ceux qui reviennent. Rue, fille de rue, son nom. Travail, travail de rue, fille de joie. Rue où elle tarde encore à aller aujourd’hui, qui l’enchante dès qu’elle y descend. La lu. La lu. Grande lumière, foison. Redresser la tête, pénombre. Est-ce qu’elle récite, quel crédit lui sera-t-il accordé ? L’histoire maintenant : le bandit ( il fait une remarque sur ce mot, le corrige[1]), le gangster, son oncle, « fou » ( sa « méchanceté » ? son « goût pour la mort » ?) Pour finir sur l’inhibition, l’inhibition étendue à toutes choses tant qu’il ne s’agit pas de l’amour, le mot qu’elle utilise, qui n’est pas le bon, le bon serait celui qui désignerait le « faire l’amour » (sans mot dire d’ailleurs de l’amour qu’elle ne fait pas). Oh Freud et ta cuisinière. Combien vers toi monteraient de prières ménagères.
En ayant fini, s’éloignant d’une flaque de silence, elle parle du rêve fait la veille, trop plein de la présence de sa mère. Qui vient à cette deuxième séance, l’accapare, la transforme en réunion de travail pour elle, la mère. Virginie déclare alors à l’analyste, resté muet, bienveillant mais muet, que l’analyse ne peut reprendre en ces conditions. Qu’elle lui en veut qu’il ne la chasse pas, ne chasse pas sa mère, le chasse alors lui – qui est une femme en fait, dans le rêve, une des femmes avec qui elle travaille, psychanalyste également.
À Louise, elle avait dit : « Je m’aime prisonnière », ainsi qu’elle se l’était formulé le jour où elle s’était aperçue qu’elle ressortait régulièrement ce volume de la bibliothèque, « La prisonnière » de Proust. Elle lui avait ajouté : « Et Guy est un excellent gardien. Un excellent protecteur. » « Protecteur », le mot pouvait bien être un peu dérangeant.
( L’homme que son oncle avait tué était un « proxénète », un ami à lui qu’il s’était mis à soupçonner de vouloir « mettre à la rue » (« protéger », « soutenir »), une femme, « sa petite rose des champs », dont il était platoniquement amoureux.)
Quels sont les mots mis entre guillemets.
( Théorie : Fantasmatiquement, dans la relation proxénète/prostituée quelque chose s’arrange pour les femmes. Quelque chose se voit fixé, rentre dans le commerce des hommes. Le rapport sexuel, cet impossible, cesse de ne plus s’écrire, il a un prix, il passe à la marchandise. Ce qui manquait à la valeur ( l’inestimable secret) la retrouve, s’en soulage, tandis qu’à sa vérité d’objet, d’objet perdu, vient se substituer la valeur de déchet, d’être-pour-le-déchet, de toute marchandise. )
[1] De quoi s’agit-il quand il fait cela, que fait-il ? qu’il écoute ? qu’il connaît le sens des mots, que les mots ont un sens, que du dictionnaire le sens des mots ne feraient pas de tort aux histoires qu’elle raconte ?
à delphes, j’avais dit « je m’aime prisonnière » – je me l’étais formulé ainsi le jour où je m’étais aperçue que je ressortais régulièrement « la prisonnière » de proust. j’avais ajouté : « et f. est un excellent gardien. un excellent protecteur. » du moins est-ce ainsi que je me le concocte, ainsi qu’il me le faut imaginer.
« protecteur », le mot m’avait quelque peu dérangée.
(l’homme que mon oncle a tué était un « proxénète », un ami à lui, mais qu’il s’est mis à soupçonner de vouloir mettre à la rue, « protéger », « soutenir », une femme, « sa petite rose des champs », dont il était platoniquement amoureux.)
(fantasmatiquement, dans la relation proxénète/prostituée quelque chose s’arrange pour les femmes. quelque chose se voit fixé, retourne au commerce_des_hommes. le rapport sexuel, cet impossible cesse de ne plus s’écrire, il a un prix, il passe à la marchandise. ce qui manquait à la valeur (l’inestimable secret) la retrouve, s’en soulage, tandis qu’à sa vérité d’objet, d’objet perdu, vient se substituer la valeur de déchet, d’être-pour-le-déchet, de toute marchandise. )
irène.
nous étions sur des chaises, dehors, assises devant la nuit, côte à côte. elle était à ma droite, nous fumions, nos pieds posés dans les barreaux de la balustrade. après, je me lèverais pour nous servir dans la clarté de la cuisine, un campari, orange. mais là, elle pose sa main gauche sur sa cuisse gauche. elle la serre, elle l’enserre, me dit : « ça, c’est du béton ». et de ses doigts repliés elle cogne sa cuisse comme on cogne à une porte. il faisait noir.
est-ce cette fois-là, une autre, qu’elle m’aura ajouté : « mais c’est du travail, ça, c’est rien que du travail ». probablement cette fois-là.
il y a les femmes qui savent faire ce qu’il faut. dans son cas, d’ailleurs, elle n’aurait pu faire autrement : « très tôt, enfant déjà, m’avait-elle dit, je n’aurais pas pu sortir sans une couche de maquillage ». elle ne pouvait pas ne pas.