Lors de mes nombreuses conversations avec moi-même, je me plains de mes cinquante ans, et hier, je me dis soudainement que mère ne m’a pas appris à faire tout ce qu’elle faisait, ne me l’a pas communiqué. Elle a dû croire qu’elle serait toujours là.
Je ne fais toujours pas ce qu’elle faisait. Je ne suis pas une bonne mère. C’est ce qu’elle disait toujours. Moi aussi, je commence à le dire. Je me le dis quand je pense que je devrais faire tout ce qu’elle faisait. Quand je compare ce que nous faisons. Mais, je ne dois pas. Comment je suis comme mère ne devrait pas être lié à ce qu’elle a été comme mère. D’ailleurs, ça ne l’est pas. Les temps ont trop changé. Son rôle et ses devoirs de mère lui suffisaient, l’accomplissaient. Au moins donnait-elle cette impression. Et d’ailleurs l’affirmait-elle: Mais non, je me sacrifie pas. Mais oui, je fais ce que je veux faire. Elle se faisait une haute idée du service. Et moi, pas du tout. Ça ne me suffirait pas du tout. Ma mère ne s’est pas vraiment rendu compte des changements. De ces changements qui arrivaient sans qu’on s’en rende compte. Qui faisaient qu’une femme ne se satisfaisait plus, ne se contentait plus d’être mère. Ma mère ne m’a pas enseigné ça, aussi parce que déjà ça changeait. Déjà ça changeait, déjà ça n’était plus ce qu’il fallait, pour les femmes, d’être mère. Les femmes avaient de nouvelles ambitions.