12 février 2017

12 février 2017 | février 2017 | brouillonne de vie |

Cher J, Cher F,

Parce que c’est peut-être un peu trop incompréhensible pour J, je vous écris. Hier, je me suis encore beaucoup énervée. Alors oui, j’avais mal dormi. Alors oui, nous avions passé une semaine à B. Alors oui, nous venions juste de rentrer. Alors oui, c’était le matin. Et  il était 11 heures et je n’arrivais plus à sortir du lit où je m’étais renfoncée, alors que j’avais fait cet effort de faire du taï chi au réveil, ensuite suivi par la sympathique idée de vous rejoindre au lit pour boire une tasse de chicorée en votre compagnie, avant que de prendre une douche, ainsi que je le projetais. J’allais donc pour une fois commencer le jour, embrasser la journée comme il se doit, ce qui ne m’arrive jamais. Puis voilà, F est sorti du lit, à déclaré prendre un bain, et j’ai eu beau insisté, pour pouvoir en prendre un avant lui, n’en n’a pas démordu. Alors, je suis restée dans le lit avec J, puis J a pris un bain, tandis que je m’étais résolue à ne plus en prendre, tant le courage de sortir du lit m’avait quittée, que j’étais désemparée, que j’avais froid,  que l’angoisse me rattrapait. Voilà.

Aussi probablement, suis-je surtout très capricieuse, tyrannique. Et aimai-je trop accuser F de toutes sortes de maux. De me spolier.  Il faut « Tout tout de suite ou rien jamais plus ».  Comme l’autre jour avec la télé, quand je regardais Colombo et que F m’a demandé quelque chose…  Tu te souviens J, pour t’expliquer, te calmer, me faire pardonner, je t’avais dit que j’étais manipulatrice…

Et donc, quand je me suis finalement levée. Alors que je ne pense même pas que j’avais ressassé ça dans mon lit, je n’ai pu m’empêcher d’agresser F à cause de ce bain qu’il m’aurait empêchée de prendre. Et je crois que j’y suis allée assez fort, enfin ma voix est-elle sortie assez forte, me surprenant moi-même, et tout s’est emballé. J’étais gênée, honteuse, j’ai dit à J que Oui, j’étais folle et que c’était bien triste pour lui. Je suffoquais, je ne voyais pas d’autre issue que de sortir ou d’exploser encore plus fort. J’ai dit à J que je sortais à cause de lui, parce que ce n’était pas possible, ce que je lui faisais subir. F disait que c’était fini, qu’ils ne m’en voulaient pas. Et je disais que ce n’était pas fini, que ça ne finirait jamais et que rien ne pourrait faire que ça n’aie pas eu lieu. Je suis sortie, j’ai marché, et je ne pensais à rien d’autre qu’à mourir.

Bon, je ne vais pas t’envoyer ça J, ce n’était pas une bonne idée. Je l’ai eue cette nuit, alors que  je ne dormais pas.

J’ai recommencé à penser à mourir depuis cette nuit-là, cette nuit précédant ma colère.  Je ne sais pas pourquoi. Ça m’embête. Je pensais depuis quelques temps  que c’était d’abord  lié à la cigarette. Or, je n’avais pas fumé à Bruxelles, sinon deux tafs, la veille, d’une cigarette de ma mère. 

(lettre non-envoyée)

23 février 2017 – le mauvais choix

23 février 2017 | février 2017 | brouillonne de vie | , , , , , , |

Cela fait une mois (j’ai commencé le 17 janvier, nous sommes le 23.2) que j’essaie de faire un certain travail qui aurait dû être facile et que je rate : tous les jours, éventuellement tous les deux jours, je change de méthode, de chemin, de moyen pour arriver au résultat que je dois atteindre,  il s’agit d’un site internet, persuadée que le choix que j’ai fait n’est pas le bon,  que ce n’est pas ça.

J’ai commencé ce travail dans beaucoup d’angoisse, laquelle est tombée lorsque j’ai avoué ce fantasme (si de ça qu’il s’agit, dans l’idée donc qui me poursuit, d’avoir fait le mauvais choix) à la personne pour qui je dois faire ce travail, personne un peu magicienne, pensant que je serais guérie, puisque de toute façon, il le fallait.

L’angoisse s’est dissipée, la poisseuse, celle qui me prenait au corps, qui m’avait d’ailleurs collé un lumbago. C’est dans un sentiment qui s’évidait, que j’ai continué chaque soir à défaire ce que j’avais fait le jour, pour repartir à zéro le lendemain matin, persuadée d’avoir enfin fait le bon choix. Même si cette  persuasion s’est émoussée au fil du temps, tandis que j’avançais un peu plus hallucinée chaque jour par mes agissements. Cette hallucination me préservant de ressentir quoi que ce soit.

Il y a là  une fatalité et je ne sais pas du tout à quoi je joue. A tel point qu’il m’a semblé un moment que je ferais bien de retourner voir une analyste le temps de résoudre ça, qui ne pouvait rester comme ça. Je ne l’ai pas fait.

Un sentiment de vide non loin de l’effroi, une lassitude croissante m’a soufflé hier que ce qui commandait à cette situation, c’est qu’il fallait que ce ne soit pas ça, songeant en arrière-plan à la « jouissance qui n’est pas ça » de Lacan, la jouissance dont il faut qu’elle ne soit pas ça, qu’elle soit jamais ça, qu’elle soit jamais la jouissance qu’il faut. La jouissance qui toujours fait dire « C’est pas ça ». Et que je sois coincée dans cet impératif-là, de jouissance, sans issue, sans possiblité de mouvement, d’extraction.chacune demes avances/reculades revêtant d’ailleurs tous les dehors de la raison

Je me suis demandée aussi si, moi qui n’écris plus aujourd’hui, je ne regretterais plus de l’écriture que la confession.  L’acte de contrition1, la confession, les regrets, les excuses, les justifications. Révélant in fine la cause secrète, jouissive, qu’elle aurait jamais constitué pour moi. 

A n’écrire pas, il ne me manquerait plus aujourd’hui que d’écrire, minute après minute,  mes excuses. Empruntant le destin de ma mère, d’une vie vécue sous  ce funeste signe. Tout cela n’est pas complètement neuf. (Je me souviens même être arrivée en analyse espérant y rester, en sortir sans pardon. Elle que j’aurai d’abord vécue comme un procès, où j’étais à la fois juge et partie).

Cela  m’a paru complètement vain comme raison d’écrire et de vivre. Dans le désir inextinguible d’étaler une confession  par écrit. La passion d’être fautive.

Il est cependant une autre raison d’écrire qui m’apparaît, par rapport à laquelle d’ailleurs je suis fautive, c’est celle de l’effroi face au temps et à l’oubli.  

Et je me suis réveillée un matin me disant qu’être seule, c’était être seule avec tout ça (pour toujours et à jamais, irrémédiablement). Et que j’aurais beau tâcher de l’écrire, des les écrire, toutes ces saloperies, rien n’en passerait jamais. Il n’y a d’autre solitude que celle-là, elle est insurmontable (comme disait Miller, la jouissance n’est pas dialectique, elle n’est pas communicable). Je m’illusionne à croire que quoi que ce soit puisse s’en écrire, et d’un façon utile, reprenant la guise de ces avertissements d’antant adressés au lecteur, prends garde et écoute mon histoire, sois en édifié, et que te soient évité mon chemin de douleur (s’il ne s’agit que de péché, continuons donc d’utiliser le vocabulaire de l’emploi, catholique).

Tandis que sans l’écrire, je ne résoudrais probablement pas cette situation . 

Notes:
  1.  Dans la religion catholique, selon la théologie thomiste, la contrition est « une douleur voulue de nos péchés jointe à la résolution de nous confesser et de donner satisfaction1 ». Celle-ci implique « une double douleur, une douleur de raison qui est la détestation du péché qu’on a commis, et une douleur de sensibilité qui est la conséquence de la première2 ». Saint Thomas précise « Le pénitent ne peut jamais être certain que sa contrition soit suffisante pour la rémission de la faute et de la peine et, par conséquent, il est tenu de se confesser et de satisfaire. Il y est d’autant plus tenu que la contrition n’est pas vraie, si elle n’inclut pas la résolution de se confesser, résolution qui doit aboutir à une confession effective, à raison aussi du précepte obligeant à la confession3 ».  []

27.2.2017

27 février 2017 | février 2017 | brouillonne de vie |

Merci N. Depuis la journée du Mandala, je suis soulagée des gros effets physiques liés à mon sentiment de ne pas faire ce qu’il faut, l’angoisse est tombée. Il n’empêche que j’ai pu m’observer jour après jour défaire ce que j’avais patiemment mis en place la veille… Je suis maintenant, j’ose espérer, arrivée à quelque chose de stable. Je ne saurai jamais si je me suis arrêtée parce que j’avais enfin trouvé la bonne solution, la bonne méthode, on seulement parce que je n’en pouvais plus, parce que le temps qui me séparait du moment de ton retour de vacances n’était pas élastique à l’infini.

Lettre non-envoyée

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